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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13026/2025

ACPR/564/2025 du 18.07.2025 sur OMP/13902/2025 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : PROFIL D'ADN;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;FRAIS D'EXPERTISE
Normes : CPP.255.al1bis; LStup.19

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13026/2025 ACPR/564/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 18 juillet 2025

 

Entre

A______, représenté par Me Charles ARCHINARD, avocat, BAZARBACHI LAHLOU & ARCHINARD, rue Micheli-du-Crest 4, 1205 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN rendue le 9 juin 2025 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 19 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 juin 2025, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant du Nigéria, célibataire et sans emploi, a été contrôlé par les gardes-frontière suisses, en collaboration avec leurs homologues français, le 8 juin 2025 à 7h15 à la douane de D______[GE], lors de sa sortie de Suisse. L'intéressé était porteur de valises dans lesquelles se trouvaient plusieurs objets signalés volés et/ou de provenance douteuse (tablettes, téléphones portables, ordinateurs portables, montres et montre connectée, boîtes d'écouteurs, bouteilles d'alcool fort, parfums, bijoux et habits).

b. Entendu le jour-même par la police, le prénommé a déclaré avoir acquis tous ces objets dans un marché aux puces à Lausanne. Il ne détenait aucune quittance d'achat.

c. Par ordonnance pénale du lendemain, le Ministère public a déclaré A______ coupable de recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP) et d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEI pour avoir, à Genève, à une date indéterminée en mai 2025, pénétré sur le territoire suisse alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires, d'un document d'identité reconnu et de moyens de subsistance légaux, ainsi que pour avoir été en possession, le 8 juin 2025, de plusieurs objets de provenance douteuse dont des tablettes B______, un téléphone portable, des écouteurs de marque C______, alors qu'il savait ou devait présumer que ces objets avaient été obtenus au moyen d'une infraction contre le patrimoine, étant précisé que la tablette B______ 1______ et le téléphone portable avaient été signalés volés. Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- le jour, sous déduction de deux jours-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement.

d. L'intéressé y a formé opposition.

e. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse (au 9 juin 2025), A______ a été condamné par le Tribunal de police, le 15 octobre 2020, pour délit contre la LStup, à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 20.- le jour, avec sursis pendant 3 ans.

Il faisait en outre l'objet d'une procédure pénale en cours auprès du Ministère public de l'arrondissement de Lausanne pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère qu'il convient d'établir le profil d'ADN du prévenu, celui-ci ayant déjà été soupçonné d'avoir commis une infraction susceptible d'être élucidée au moyen de l'ADN (cf. liste des infractions mentionnées dans la Directive A.5, art. 4), étant précisé qu'il a été condamné le 15 octobre 2020 par le Tribunal de police pour infraction à l'art. 19 al. 1 LStup (art. 255 al. 1bis CPP).

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public de se fonder sur l'art. 4 de la Directive A.5, qui n'était pas une base légale, pour justifier la mesure. Il ignorait quels indices concrets avaient amené cette autorité à ordonner une telle mesure, ce qui constituait une violation grave du devoir de motivation. Le simple fait qu'il ait été soupçonné par le passé d'une infraction énumérée dans cette directive n'était pas suffisant, étant précisé que le juge en charge de la procédure de 2020 n'avait pas jugé utile d'établir son profil d'ADN. L'ordonner aujourd'hui violait l'esprit de la loi. L'automatisme du Ministère public en la matière était préoccupant et entraînait des analyses coûteuses qui pesaient sur les finances de l'État. La mesure était ainsi arbitraire et disproportionnée.

b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu.

2.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., implique notamment, pour l'autorité, l'obligation de motiver sa décision, afin que, d'une part, le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et, d'autre part, que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Le juge doit ainsi mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que la partie intéressée puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3 ; 142 I 135 consid. 2.1).

2.2. En l'espèce, la motivation de l'ordonnance attaquée est certes succincte.

Elle répond néanmoins à l'exigence légale précitée, en tant qu'elle fait référence à la procédure pénale anciennement dirigée contre le prévenu et à l'infraction qui lui était alors reprochée, à savoir une infraction à l'art. 19 al. 1 LStup.

Telle motivation permettait dès lors au recourant de comprendre la décision et de la contester dans la cadre de son recours, ce qu'il a au demeurant fait.

Partant, le grief est infondé.

3.             Le recourant s'oppose à l'établissement de son profil d'ADN.

3.1. Comme toute mesure de contrainte, le prélèvement d'un échantillon d'ADN et l'établissement d'un profil d'ADN sont de nature à porter atteinte au droit à la liberté personnelle (art. 10 al. 2 Cst.) et à la protection contre l'emploi abusif de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH; ATF 147 I 372 consid. 2.2; 145 IV 263 consid. 3.4). Ces mesures doivent ainsi être fondées sur une base légale suffisamment claire et précise, être justifiées par un intérêt public et être proportionnées au but visé (cf. art. 36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 147 I 372 consid. 2.3.3).

L'art. 197 al. 1 CPP rappelle ces principes en précisant que des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si elles sont prévues par la loi (let. a), si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). 

3.2. Selon l'art. 255 CPP, l'établissement d'un tel profil peut être ordonné sur le prévenu pour élucider un crime ou un délit, qu'il s'agisse de celui pour lequel l'instruction est en cours (al. 1) ou d'autres infractions (al. 1bis), passées ou futures, qui sont encore inconnues des autorités (ATF 147 I 372 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_152/2023 du 2 juillet 2024 consid. 2.1.2).

3.3. L'établissement d'un profil d'ADN destiné à élucider des crimes ou délits passés/futurs n'est proportionné que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu pourrait être impliqué dans d'autres infractions, mêmes futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité (ATF 147 I 372 consid. 4.2;
145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_217/2022 du 15 mai 2023 consid. 3.1). Il convient à cet égard également de prendre en considération les éventuels antécédents du prévenu; l'absence d'antécédents n'empêche pas encore de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN de celui-ci, mais il faudra tenir compte de cet élément dans la pesée d'intérêts à réaliser (ATF 145 IV 263 consid. 3.4 et les références citées; arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2022 du 23 juin 2023 consid. 4.3; 1B_230/2022 du 7 septembre 2022 consid. 2.2).  

3.4. En l'espèce, l'établissement du profil d'ADN du recourant a été ordonné pour élucider, non pas les infractions reprochées dans le cadre de la présente procédure, mais d'autres éventuels actes contraires à l'art. 19 al. 1 LStup, dès lors qu'il a déjà été soupçonné pour de tels faits et même condamné pour cela le 15 octobre 2020.

Il existe ainsi des indices sérieux et concrets de la commission, par le recourant, de tels actes punissables.

À cela s'ajoute la situation personnelle précaire de l'intéressé qui laisse craindre un ancrage dans la délinquance liée aux stupéfiants et permet de penser qu'il pourrait être impliqué dans d'autres infractions à la LStup encore inconnues des autorités, lesquelles pourraient lui être attribuées si l'on était en mesure de comparer son profil d'ADN à des traces prélevées sur les lieux de leurs commissions.

Enfin, les infractions à la LStup susceptibles d'être élucidées revêtent une certaine gravité eu égard à la santé publique. Il s'agit d'ailleurs d'un des cas expressément listés par la Directive A.5 du Procureur général (cf. n. 4.3) qui, bien que n'ayant pas force de loi, est fondée sur l'art. 255 al. 1bis CPP, lequel autorise l'établissement d'un profil d'ADN pour les infractions passées.

Partant, la mesure querellée n'apparaît ni arbitraire ni disproportionnée.

Le recourant ne saurait enfin prétexter que le coût de cette mesure, légale et proportionnée, sera mis à la charge de l'État, pour s'y soustraire, puisque précisément, ces frais n'auront pas été mis à sa charge.

En définitive, l'ordonnance querellée ne prête pas le flanc à la critique, les réquisits pour le prononcé de l'établissement du profil d'ADN du recourant étant réunis.

4.  Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée. Le recours, qui s'avère mal fondé, pouvait d'emblée être traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6. Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juge, et Monsieur Pierre BUNGENER, juge suppléant; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/13026/2025

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

Total

CHF

500.00