Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/466/2025 du 23.06.2025 sur SEQMP/1558/2025 ( MP ) , IRRECEVABLE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/19744/2022 ACPR/466/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du lundi 23 juin 2025 |
Entre
A______, représenté par Me Yaël HAYAT, avocate, HAYAT & MEIER, place du Bourg-de-Four 24, Case postale 3504, 1211 Genève 3,
recourant,
contre l'ordonnance de perquisition et de séquestre rendue le 28 mai 2025 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 10 juin 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 mai précédent, notifiée à l'audience du même jour, par laquelle le Ministère public a ordonné une perquisition de son smartphone [de marque] B______ bleu (ch. 1 du dispositif) et ordonné son séquestre, y compris les données qu'il contenait ou qui étaient accessibles à distance, documents ou valeurs pouvant être utilisés comme moyens de preuve (ch. 2).
Le recourant conclut, en tous les frais et dépens, à l'annulation de ladite ordonnance et à la restitution de son smartphone B______ bleu, subsidiairement au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
b. Par ordonnance OCPR/26/2025 du 13 juin 2025, la direction de la procédure a rejeté la demande d'effet suspensif.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. C______ a travaillé au sein de la société D______ SA en tant que collaborateur spécialisé dans le département Assurances ______ et ______ jusqu'au 5 septembre 2022, date de son licenciement immédiat.
b. À la suite de la plainte pénale déposée le 16 septembre 2022 par D______ SA, A______ est prévenu d'escroquerie (art. 146 CP), d'abus de confiance (art. 138 CP), de gestion déloyale (art. 158 CP) et de faux dans les titres (art. 251 CP) et de blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis al. 2 let. b et c CP), pour avoir :
- à tout le moins entre 2019 et août 2022, de concert avec C______ [également prévenu], dans le cadre de son activité d'avocat au sein de E______ Sàrl dont il est gérant unique, surfacturé ou facturé des prestations inexistantes à D______ SA, pour au moins USD 992'466.84, et avoir transmis les factures à C______, lequel, dans le cadre de son emploi chez D______ SA, avait fait appel à lui sans autorisation de son employeur, sans en informer sa hiérarchie, et qui avait, en usant de divers artifices, fait procéder au paiement des factures établies à l'attention de D______ SA ou fait usage de l'autorisation de paiement dont il bénéficiait dans le cadre de sa fonction pour procéder au paiement desdites factures, ceci afin de se procurer, pour lui et C______, un enrichissement illégitime;
- suite à la signature par C______ le 7 février 2022 d'un accord (settlement agreement du 30 décembre 2021) dans le cadre de la gestion du cas relatif à la collision du navire F______ en Corée du Sud, lequel prévoyait le versement d'une indemnisation en faveur de D______ SA d'un montant de USD 1'700'000.- à verser sur le compte de A______ à Genève, de concert avec C______, établi une lettre d'engagement datée du 30 décembre 2021 en sa faveur indiquant un montant d'indemnisation de USD 1'150'000.-, ainsi qu'une seconde version du settlement agreement du 30 décembre 2021 indiquant une indemnisation de USD 1'150'000.-, et d'avoir ainsi, de concert avec C______, reversé à D______ SA la somme de USD 1'150'000.- au lieu des USD 1'700'000.- reçus sur son compte en faveur de D______ SA, tous deux se procurant de la sorte un enrichissement illégitime de USD 550'000.-;
- selon ce même modus operandi, suite à la signature par C______ le 24 janvier 2022 d'un accord (settlement agreement du 24 janvier 2022) dans le cadre de la gestion du cas relatif à la collision du navire G______ en Egypte, prévoyant le versement d'une indemnisation en faveur de D______ SA d'un montant de USD 200'000.-, établi une lettre d'engagement indiquant un montant d'indemnisation de USD 90'000.- pour s'enrichir de la différence, de USD 110'000.-;
- à tout le moins entre 2019 et 2022, de concert avec C______, sous couvert d'une activité fictive de E______ Sàrl, entravé l'identification de l'origine, la découverte et/ou la confiscation des valeurs patrimoniales obtenues frauduleusement au préjudice de la société D______ SA, soit un montant pouvant s'élever à plus de USD 1.6 million, en procédant à des divers transferts bancaires successifs, paiements et retraits en espèces depuis le compte de la société, justifiés notamment par de prétendus frais et charges de E______ Sàrl;
- le 2 avril 2020, à Genève, en sa qualité d'associé gérant de E______ Sàrl, au nom et pour le compte de cette dernière, signé une convention de crédit Covid-19 avec la banque H______ en indiquant, de manière mensongère, une masse salariale estimée de CHF 250'000.- et un chiffre d'affaire de CHF 500'000.-, alors que ces chiffres étaient surévalués, et d'avoir ainsi déterminé astucieusement H______ à accorder un crédit de CHF 50'000.- à E______ Sàrl, les fonds ayant été affectés à d'autres fins que celles autorisées par la convention de crédit.
c. Lors de l'audience du 28 mai 2025, le Ministère public a saisi et perquisitionné le smartphone B______ bleu de A______.
Ce dernier a immédiatement demandé sa mise sous scellés ainsi que des données qu'il contenait.
d. Le Tribunal des mesures de contrainte est saisi par le Ministère public depuis le 30 mai 2025 d'une demande urgente de levée de scellés et de copie de données (art. 248 al. 3 CPP).
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'il y avait lieu de présumer que le téléphone portable de A______ contenait des informations susceptibles d’être séquestrées. I______ [domicilié en Italie, expert maritime, soupçonné selon D______ SA d'être impliqué dans l'un des "stratagèmes" de C______ (cf. plainte, ch. 72, p. 16)] avait en effet été en contact avec lui, à tout le moins via WhatsApp. Au surplus le prévenu avait pu également avoir des échanges avec C______ en particulier. Il se justifiait dès lors de procéder à une perquisition aux fins de mise sous séquestre de tous objets, appareils électroniques, données, documents ou valeurs pouvant être utilisés comme moyens de preuve.
D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir une violation de l'art. 263 CPP cum art. 5 al. 2 Cst., ainsi que 36 al. 3 Cst. et 3 al. 2 let. a et b CPP. Le principe de la proportionnalité était violé. Le Ministère public aurait en effet pu ordonner une mesure moins incisive eu égard à sa pleine collaboration et au fait que cette autorité aurait pu apprécier sur le siège les échanges de messages figurant dans son smartphone, voire requérir de sa part la production de captures d'écran des messages échangés. Il avait de plus déjà subi une perquisition et un séquestre de l'intégralité de ses appareils électroniques en octobre 2022. Il ne faisait par ailleurs l'objet d'aucune interdiction de contact avec I______, avec lequel il continuait de travailler. Le séquestre s'apparentait à une mesure exploratoire, tant la décision querellée ne précisait en rien les "moyens de preuve" qu'elle entendait tirer de l'extraction des données du téléphone portable saisi. Cette décision semblait au contraire avoir été prononcée exclusivement en réaction au déroulement de l'audience du 28 mai 2025. Elle violait enfin l'art. 3 al. 2 let. a et b CPP, dans la mesure où elle retenait qu'il aurait pu avoir des contacts avec C______, alors même que l'interdiction de contact avec ce dernier avait été levée il y avait près de deux ans, ce qui, au-delà de revêtir un caractère illicitement exploratoire, relevait d'une pratique d'apparence à tout le moins déloyale.
b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
2. 2.1. À teneur de l'art. 393 al. 1 let. a CPP, le recours est ouvert contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions.
Cette disposition implique qu'une ordonnance de perquisition et de séquestre – qui constitue une mesure de contrainte au sens de l'art. 196 CPP – est, en principe, sujette à recours auprès de la Chambre de céans (cf. art. 198 al. 1 let. a CPP ; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 33 ad art. 393).
Cela étant, le recours n'est pas ouvert dans le cas où des mesures de contrainte débouchent sur une procédure d'apposition et de levée des scellés, celle-ci permettant à l'ayant droit d'invoquer ses objections, dont l'insuffisance de soupçons laissant présumer une infraction (art. 197 al. 1 let. b CPP), l'absence de pertinence des objets ou documents séquestrés pour la procédure pénale, la violation du principe de proportionnalité (art. 197 al. 1 let. c CPP) ou l'illicéité de l'ordre de perquisition, puisqu'il n'est en principe pas admissible de pouvoir présenter au cours d'une procédure pénale des preuves obtenues de manière illicite (art. 139 et 141 CPP ; ATF 143 IV 270 consid. 6-7; arrêts du Tribunal fédéral 1B_550/2021 du 13 janvier 2022 consid. 3.1.2; 1B_275/2020 du 22 septembre 2020 consid. 3.1.2).
En particulier, la contestation de la licéité d'un mandat de perquisition et de séquestre et les griefs relatifs à la violation du principe de proportionnalité (par exemple en cas de "fishing expedition") ou au comportement de la police dans le cadre de la perquisition (y compris le traitement et l'utilisation de données en violation des scellés) doivent être soulevés dans le cadre de la procédure de levée de scellés, qui "a le pas sur un éventuel recours formé contre ce mandat [de perquisition et de séquestre]" (arrêt du Tribunal fédéral 7B_253/2023 du 31 août 2023 consid. 3.2).
La Chambre de céans a d'ailleurs récemment (ACPR/575/2024 du 6 août 2024 consid. 2.2) déclaré irrecevable le recours d'un prévenu contre une ordonnance de perquisition et de séquestre, au motif que les griefs invoqués, soit la violation du principe de proportionnalité et l'absence de pertinence des données séquestrées, avaient pu être soulevés dans le cadre de la procédure de levée de scellés pendante. Le Tribunal fédéral a récemment confirmé cette motivation (7B_950/2024 - 7B_976/2024 du 15 novembre 2024 consid. 3.5).
2.2. En l'occurrence, le recourant a demandé immédiatement la mise sous scellés de son téléphone portable et des données qui y sont contenues, ce qui a conduit à une procédure de levée de scellés, qui est toujours en cours. Dans ce cadre, il aura pu faire valoir ses griefs tirés de la violation de l'art. 263 CPP, des principes de proportionnalité et de de la bonne foi, ainsi que de l'absence de pertinence des données séquestrées.
Conformément à la jurisprudence susmentionnée, encore rappelée dans l'ACPR/905/2024 du 4 décembre 2024, le recours contre l'ordonnance de perquisition et de séquestre n'est par conséquent pas ouvert.
3. Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable.
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
5. Dès lors que le recourant n'obtient pas gain de cause, il n'y a pas à l'indemniser (art. 429 al. 1 let. a CPP a contrario).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare le recours irrecevable.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil) et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON présidente; Mesdames Valérie LAUBER et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.
La greffière : Séverine CONSTANS |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
P/19744/2022 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 715.00 |
Total | CHF | 800.00 |