Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/464/2025 du 20.06.2025 sur OTDP/2663/2024 ( TDP ) , ADMIS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/1396/2023 ACPR/464/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 20 juin 2025 |
Entre
L'OFFICE FÉDÉRAL DE LA CULTURE, Hallwylstrasse 15, 3003 Berne,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
recourants,
contre l'ordonnance rendue le 20 novembre 2024 par le Tribunal de police,
et
A______, représenté par Me Didier BOTTGE, avocat, BOTTGE & ASSOCIÉS SA, place de la Fusterie 11, case postale, 1211 Genève 3,
LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. a. Par actes expédiés, séparément, les 2 et 5 décembre 2024, le Ministère public, respectivement L'OFFICE FÉDÉRAL DE LA CULTURE (ci-après, OFC), recourent contre l'ordonnance du 20 novembre 2024, notifiée les 22, respectivement 25 suivants, par laquelle le Tribunal de police a classé la procédure dirigée contre A______, en application du principe ne bis in idem, et levé le séquestre sur deux statues "Style B______".
b. Ils concluent, tous deux, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif, et principalement, à l'annulation de la décision attaquée.
b.a. Le Ministère public requiert, en outre, le renvoi de la procédure au Tribunal de police pour reprise des débats de première instance.
b.b. L'OFC conclut, en sus, à ce qu'il soit ordonné au Tribunal de police de poursuivre la procédure pénale contre A______ en vue de rendre un jugement et à ce que le séquestre sur les deux statues précitées soit maintenu.
c. Par ordonnances des 2, respectivement 6, décembre 2024, la Direction de la procédure de la Chambre de céans a accordé l'effet suspensif aux recours, maintenant en conséquence, jusqu’à droit jugé sur ceux-ci, le séquestre sur les deux statues "Style B______" (OCPR/61/2024 et OCPR/62/2024).
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
De l'ouverture de la procédure P/1______/2017
a. À fin 2016, l'Administration fédérale des douanes (ci-après, AFD), devenue depuis le 1er janvier 2022, l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (ci-après, OFDF), a ouvert une enquête pénale douanière, pour infractions à la loi sur les douanes, à la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée et à la loi fédérale sur le droit pénal administratif, notamment à l'encontre de A______, consultant en antiquités, soupçonné d'avoir importé en fraude et recelé divers objets d'art antiques.
b. Sur dénonciation des 7 et 10 février 2017 de l'AFD – portant sur sept objets de provenance ou d'origine suspecte détenus par C______ SA et sur le déménagement soudain et suspect, à fin décembre 2016, par des personnes de l'entourage de C______ SA, de nombreux biens culturels entreposés hors douane dans un dépôt de Genève – le Ministère public a ouvert une procédure P/1______/2017 visant entre autres cette société et A______, des chefs de recel (art. 160 CP) et d'infraction à l'art. 24 de la loi fédérale sur le transfert international des biens culturels (LTBC ; RS 444.1).
Il était notamment reproché à A______ d'avoir, à Genève ou ailleurs en Suisse, "depuis en tous cas 10 ans" et jusqu'à tout récemment, chargé D______ d'aller chercher en France, le 20 décembre 2016, E______, qui devait lui apporter une lampe à huile d'origine probablement byzantine, en franchissant une frontière non surveillée en voiture et d'avoir, le même soir, après l'interpellation des susnommés, organisé le déménagement nocturne de dépôts qu'un tiers détenait pour lui vers d'autres dépôts, également loués pour son compte par un tiers, aux fins de soustraire à la détection des douanes et de la justice des objets archéologiques qui, entretemps interceptés, sont suspectés d'être d'origine illicite. D'autres objets confiés pour restauration et présentant les mêmes signes ont été séquestrés chez F______ et il est apparu, au fil des premières investigations, que A______ détenait, par personnes interposées, des locaux à l'extérieur des Ports-Francs ; il avait aussi chargé à de nombreuses reprises D______ et d'autres, d'organiser des transports d'objets des dépôts dans une galerie d'art ou encore de Suisse vers les États-Unis et dans une moindre mesure à Londres.
c. Par ordonnance de perquisition et de séquestre du 24 février 2017, le Ministère public a ordonné la perquisition de plusieurs lieux, dont les locaux de C______ SA, "afin de mettre sous séquestre tous objets, documents ou valeurs pouvant être restitués aux lésés, confisqués, séquestrés en vue d'une créance compensatrice ou utilisés comme moyens de preuve". À teneur de cet acte, A______ était suspecté de recel (art. 160 CP) et d’infraction à l’art. 24 LTBC, "en relation avec l'achat, la détention respectivement la dissimulation de pièces archéologiques suspectées d'avoir été acquises, transportées respectivement exportées et détenues sans droit". L'instruction portait "d'une part sur des objets désignés par les douanes comme étant entreposés aux Ports-Francs, d'autre part sur des objets déplacés notamment de nuit d'un entrepôt à Genève vers un lieu à ce jour inconnu".
d. Dans ce cadre, plusieurs perquisitions, menées conjointement par l'AFD et le Ministère public, ont été effectuées les 28 février, 1er et 2 mars 2017, en particulier dans les locaux hors douane et sous douane de C______ SA aux Ports-Francs. Selon les procès-verbaux de perquisition établis à cette occasion, le Ministère public a oralement ordonné, le 28 février 2017, "le séquestre entre les mains de la société C______ SA de tout ce qui se trouve dans les locaux de C______ SA" et, le 2 mars 2017, la pose de scellés sur des locaux appartenant à cette société.
e. Ensuite de ces perquisitions, un nombre considérable d'objets a été saisi.
En particulier, deux statues "Style B______", soit une statue d'homme et une statue de femme, figuraient dans une liste [sous "South Arabian Stone Figure" ST.FIG.047 et ST.FIG.048], obtenue par la police auprès de l'AFD, consacrée aux objets "séquestrés" se trouvant dans les locaux sous douane de C______ SA aux Ports-Francs [lettre de transmission de l'AFD à la Brigade financière du 3 avril 2018]. Cette liste, accompagnée d'un rapport de renseignements établi le 6 avril 2018, avait ensuite été transmise par la police au Ministère public. À teneur dudit rapport, plus de dix mille objets étaient listés dans ce document, lesquels n'avaient toutefois jamais été séquestrés par la police genevoise ni sous son contrôle.
f. Par mandat d'actes d'enquête du 3 mai 2018, le Ministère public a prié la police, avec l'assistance des archéologues et historiens de l'art de l'AFD, de sélectionner les objets de provenance suspecte dans les locaux de C______ SA aux Ports-Francs "en vue d'examens futurs plus approfondis (et de levée du séquestre par le Ministère public sur les objets restants)".
g. Les journées du 11 au 15 juin 2018 ont été consacrées au tri des artefacts retenus dans les locaux de C______ SA aux Ports-Francs. Seules deux pièces – qui ne sont pas les deux statues "Style B______" [rapport de renseignements du 19 juin 2018] – avaient été saisies, à l'issue de ce tri, et déplacées dans les locaux sécurisés de l'AFD.
h. À l'issue d'une nouvelle intervention dans les locaux de C______ SA aux Ports-Francs, afin d'inventorier et documenter diverses pièces, 317 objets ont été répertoriés et déplacés dans le local sécurisé de l'AFD. Les deux statues "Style B______" ne sont pas mentionnées sur la liste annexée à ce rapport [rapport de renseignements complémentaires du 28 septembre 2019].
i. En parallèle, l'AFD, dont l'enquête portait principalement sur d'éventuelles infractions à la LTVA, a mandaté plusieurs experts afin d'expertiser des pièces, sélectionnées au préalable. Ces expertises servaient également dans le cadre de la procédure pénale. Aucune expertise n'avait été effectuée sur les deux statues "Style B______", ainsi que sur la majorité des objets saisis dans les différents locaux appartenant au prévenu et à ses sociétés [PP 210'000ss de la P/1______/2017].
j. Le Ministère public a, au cours de la procédure, levé le séquestre portant sur de nombreux objets. À cette occasion, il a relevé qu'il était impossible de procéder à une analyse de chaque objet, notamment en ces termes dans son ordonnance du 8 août 2018 qui précise que "la présente levée partielle de séquestre est motivée par l'impossibilité matérielle prévisible de conduire l'intégralité des contrôles nécessaires pour dissiper les soupçons de provenance illicite de certaines pièces. Elle ne peut être invoquée pour établir l'origine licite des pièces".
Ces levées de séquestre n'ont pas porté sur les deux statues "Style B______".
k. A______ a été auditionné, à plusieurs reprises, tant par le Ministère public que l'AFD. Lors de ces auditions, il n'a jamais été question des deux statues "Style B______".
l. Selon un échange de courriels entre le conseil de A______ et l'AFD, intervenu entre les 3 et 5 mars 2021, les statues en question n'étaient pas mentionnées comme faisant partie de l'investigation de l'AFD portant encore sur 3'573 objets.
m. Par échanges de missives entre A______ et le Ministère public, entre les 5 mars et 19 avril 2021, le premier nommé a sollicité la levée de scellés sur les locaux de C______ SA aux Ports-Francs et pris l'engagement de ne pas sortir desdits locaux les pièces listées et concernées par l'instruction douanière se trouvant en ce lieu.
Le Ministère public a, par pli du 4 mai 2021, prononcé la levée des scellés du 2 mars 2017 sur les locaux sous douane de C______ SA aux Ports-Francs.
n. Le 20 juillet 2022, le Ministère public a transmis un acte d'accusation en procédure simplifiée au Tribunal de police, retenant à l'encontre de A______ des infractions de:
- faux dans les titres (art. 251 CP) pour avoir, en substance, demandé ou obtenu d'experts en art de produire ou fournir de faux documents afin de procurer à des biens culturels un pedigree visant à dissiper des soupçons de provenance illicite et/ou faciliter leur transfert douanier. Plusieurs biens culturels concernés par ces faux étaient listés dans l'acte d'accusation [les deux statues "Style B______" n'en font pas partie];
- délit à la loi sur le transfert de biens culturels (art. 24 al. 1 let. a LTBC) pour avoir "entre quatre à cinq fois par année, entre 2012 et 2016, rémunéré G______ pour que ce dernier importe illégalement en Suisse des biens culturels au sens de l'art. 2 […] LTBC que A______ avait acquis à l'étranger et dont il savait ou devait présumer, qu'ils avaient été acquis illicitement, notamment lors de fouilles illicites dans diverses régions du Moyen-Orient";
et contravention à la LTBC (art. 25 al. 1 let. a LTBC) pour avoir "acquis à Genève des biens culturels sans obtenir de la part des personnes qui les vendaient des déclarations écrites au sujet de leur droit de disposer du bien culturel et sans tenir de registre des acquisitions mentionnant l'origine du bien culturel, le nom et l'adresse du fournisseur ou du vendeur ainsi que la description et le prix d'achat".
o. Par jugement rendu le 10 janvier 2023, désormais définitif et exécutoire, le Tribunal de police a condamné A______ pour les infractions visées dans l'acte d'accusation en procédure simplifiée, à l'exception de la contravention au sens de l'art. 25 al. 1 let. a LTBC laquelle a été classée. Il a également prononcé la confiscation et la restitution d'objets, dont les deux statues "Style B______" ne faisaient pas partie. Pour le "solde des objets saisis, selon les inventaires de l'OFDF (Pièces 300'923 à 301'390)", leur restitution à leurs ayants droit a été ordonnée, les deux statues n'y figuraient pas.
De la présente procédure P/1396/2023
p. Le 5 janvier 2023, l'OFDF a dénoncé au Ministère public une suspicion de provenance illégale d'une statue en pierre représentant une personne en position d'offrande (ST.FIG.048) [correspondant à la statue de femme citée supra sous B.e]. Ce bien était suspecté d'avoir été importé en Suisse après l'entrée en vigueur de la LTBC et d'être un bien culturel pillé, ce qui constituait une infraction à l'art. 24 al. 1 let. a LTBC. Cet objet se trouvait dans les locaux sous douane de C______ SA aux Ports-Francs, à Genève.
L'OFDF, s'appuyant sur une expertise établie le 30 mai 2022, a retenu que cette statue était un bien culturel au sens de l'art. 2 al. 1 LTBC. Il existait, en outre, un fort soupçon que ce bien provienne d'une fouille illicite. De plus, dans le cadre du contrôle opéré lors de l'importation de cette statue, il avait identifié, dans lesdits locaux, une deuxième statue très similaire, soit une statue d'homme "Style B______", laquelle formait probablement un couple avec la statue de femme précitée, ce qui renforçait le soupçon de la provenance problématique des biens.
q. Dans ce contexte, le Ministère public a ouvert une procédure P/1396/2023 d'abord contre inconnu, puis visant A______, des chefs de recel (art. 160 CP) et d'infractions aux art. 24 et 25 LTBC, en lien avec les deux statues "Style B______" susvisées.
r. Les 30 janvier et 2 février 2023, le Ministère public a ordonné le séquestre de ces statues.
s. Entendu par la police, puis par le Ministère public, A______ a contesté les faits reprochés, en particulier la provenance illicite des statues. Il a, par ailleurs, relaté que les statues visées par la présente procédure (P/1396/2023) avaient déjà fait l'objet de la procédure P/1______/2017 précédemment dirigée contre lui, comme tous les biens qui étaient alors entreposés dans les locaux de C______ SA.
t. Par pli du 28 septembre 2023, A______ a, par l'entremise de son conseil, précisé que les statues précitées avaient, à l'occasion, de la procédure P/1______/2017, été séquestrées et examinées avant d'être libérées par les autorités pénales genevoises. La procédure simplifiée avait été acceptée par ses soins, avec la compréhension que celle-ci mettrait un terme aux "tourments judiciaires" en lien avec les objets visés par la procédure P/1______/2017, soit les pièces détenues par C______ SA. Néanmoins, plusieurs nouvelles procédures pénales avaient été ouvertes contre lui par le Ministère public, en lien avec des objets détenus par C______ SA et donc séquestrés dans le cadre de la P/1______/2017.
u. Par ordonnance pénale du 15 mai 2024, le Ministère public a déclaré A______ coupable de recel (art. 160 ch. 1 CP), d'infraction à l'art. 24 al. 1 let. a LTBC, de tentative d'infraction à l'art. 24 al. 1 let. a LTBC ainsi que d'infraction à l'art. 25 al. 1 let. a LTBC, pour avoir, à Genève:
- à une date indéterminée en 2016, acquis deux statues "Style B______" en hydroxycarbonate de magnésium ou brucite, soit une statue d'homme et une statue de femme, datant toutes deux du 1er au 3ème siècle après J.-C. et provenant de H______, alors qu'il savait que ces biens culturels au sens de l'art. 2 LTBC avaient été acquis illicitement lors de fouilles illégales à H______, et pour avoir ensuite entreposé ces statues dans les locaux sous douane de C______ SA au sein des Ports-Francs sans respecter ses obligations de diligence prévues à l'art. 16 LTBC, à savoir l'obligation de tenir un registre des acquisitions mentionnant l'origine du bien culturel, le nom et l'adresse du fournisseur ou du vendeur ainsi que la description et le prix d'achat du bien culturel;
- le 1er mars 2022, tenté d'importer en Suisse depuis les Ports-Francs, la statue de femme "Style B______" précitée afin qu'elle soit présentée à une cliente de la galerie I______, en instruisant J______, employé de C______ SA, d'établir une déclaration d'importation à l'attention du bureau de douane des Ports-Francs.
La confiscation et la dévolution à la Confédération des deux statues "Style B______" a également été ordonnée dans cette décision.
v. Ensuite de l'opposition formée contre cette décision par A______, le Ministère public a, le 23 mai 2024, maintenu son prononcé et transmis la procédure au Tribunal de police.
w. Par lettre du 14 août 2024 adressée au prévenu, et en copie au Tribunal de police, le Ministère public a exposé que depuis le jugement rendu en procédure simplifiée dans le cadre de la P/1______/2017, A______ avait, dans le courant de l'année 2022, importé en Suisse divers biens culturels visés par plusieurs procédures ouvertes devant lui, ayant fait l'objet de dénonciations de l'OFDF. Ces dénonciations devaient être instruites par ses soins afin de déterminer si de nouvelles infractions pénales avaient été commises lors de l'acquisition puis de l'importation desdits objets. En effet, chaque nouvelle importation effectuée en Suisse depuis les faits visés par la P/1______/2017 constituait un fait nouveau, de sorte que le principe ne bis in idem ne s'appliquait pas à ces nouvelles procédures.
x. Le 20 septembre 2024, A______ a soulevé une question préjudicielle par-devant le Tribunal de police visant l'application du principe ne bis in idem et ainsi l'existence d'un empêchement de procéder, dès lors qu'il avait déjà été condamné pour les faits visés dans l'ordonnance querellée par jugement rendu le 10 janvier 2023, en procédure simplifiée, par le Tribunal de police dans le cadre de la P/1______/2017.
Il a, par ailleurs, transmis au Tribunal de police de nombreux documents issus de la procédure P/1______/2017, lesquels ont été évoqués supra sous B.c à B.o.
y. Le 8 octobre 2024, le Tribunal de police a entendu les parties en audience limitée aux questions préjudicielles tenant principalement à la violation du principe ne bis in idem.
C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police retient, en substance, qu'un classement implicite – en lien avec les statues visées par la présente procédure – avait été prononcé par le Ministère public dans le cadre de la P/1______/2017. En effet, à l'ouverture de la procédure précitée, le Ministère public et les autorités fédérales avaient connaissance de l'existence des statues en cause, dès lors que celles-ci se trouvaient déjà dans les locaux de C______ SA aux Ports-Francs. Ces statues apparaissaient, en outre, sur les listes des biens séquestrés et avaient donc fait l'objet – tout comme l'ensemble des biens alors présents dans les locaux de C______ SA – d'un examen, en présence d'experts, afin de déterminer si elles avaient ou non une origine douteuse. Les autorités de poursuite disposaient déjà de tous éléments utiles permettant d'une part, de retenir qu'il s'agissait d'objets remarquables, d'une valeur archéologique et/ou artistique importante voire exceptionnelle et d'autre part, d'identifier des lacunes documentaires relatives aux objets examinés. Néanmoins, après "analyse d'experts", les scellés avaient, en 2021, été levés par le Ministère public sur ces statues, lesquelles avaient été rendues à A______. Une procédure simplifiée avait ensuite été initiée par celui-ci, laquelle avait abouti "à un acte d'accusation ne comportant aucune infraction en lien avec les statues objets de la présente procédure". En parallèle, le Ministère public n'avait pas formellement rendu d'ordonnance de classement en lien avec ces statues et les nombreux autres biens restitués à A______. Il convenait dès lors de considérer qu'un classement implicite était intervenu. Partant, il devait être fait application du principe ne bis in idem.
De surcroît, il n'existait aucun fait nouveau permettant l'ouverture d'une nouvelle procédure, dès lors que le Ministère public avait déjà connaissance de la présence en Suisse des statues, celles-ci se trouvant aux Ports-Francs et ainsi en Suisse au sens de l'art. 19 al. 3 LTBC au moment de la P/1______/2017. La tentative d'"importation au sens strictement douanier du terme", survenue en 2022 et évoquée par le Ministère public, l'OFDF et l'OFC, ne constituait ainsi pas un fait nouveau. Le classement de la procédure devait donc être ordonné et, partant, la levée du séquestre des deux statues "Style B______" prononcée.
D. a. À l'appui de son recours, le Ministère public reproche à l'autorité intimée d'avoir violé l'art. 319 al. 1 let. d cum 11 CPP. Le principe ne bis in idem ne trouvait pas application, en l'espèce. La présente procédure portait sur des faits différents de ceux de 2017. En effet, il s'agissait, d'une part, de faits [ à savoir l'acquisition et l'entreposage illicite des deux statues en 2016] qui n'avaient pas été instruits dans le cadre de celle-ci et, d'autre part, de faits survenus le 1er mars 2022 [soit une tentative d'importation de la statue de femme], mais dénoncés le 5 janvier 2023 au Ministère public, soit après le renvoi de l'accusation dans le cadre de la précédente procédure (P/1______/2017) survenu le 20 juillet 2022, de sorte qu'ils n'avaient pu faire ni l'objet d'un classement, ni d'une condamnation préalable.
L'objet de l'instruction de la P/1______/2017 ressortait tant des dénonciations de l'OFDF que de la mise en prévention de A______ du 14 mars 2017, lesquelles ne visaient pas les statues en cause, dont l'acquisition et l'entreposage n'avaient à aucun moment été évoqués dans la suite de l'instruction de cette procédure. La seule référence à ces statues apparaissait dans un inventaire établi par A______ lui-même, censé récapituler les biens séquestrés par le Ministère public, au vu notamment de l'ordre oral donné le 28 février 2017.
En tout état, même à considérer qu'un classement implicite aurait été prononcé dans le cadre de la procédure antérieure au sujet de ces statues, un fait nouveau, respectivement un moyen de preuve nouveau, commanderait la reprise de la procédure préliminaire sur ces biens.
En effet, il n'y avait pas eu d'analyse d'experts effectuée sur les plus de dix mille objets séquestrés dans le cadre de cette procédure. Seul un contrôle et/ou un tri sommaire avait été effectué, lequel n'équivalait pas à une expertise précise de chaque objet. Ce n'était ainsi qu'au moment de la tentative d'importation de 2022 que l'OFDF avait soumis le cas à l'OFC qui, à son tour, avait sollicité un rapport d'expertise, lequel avait été établi le 30 mai 2022, puis transmis au Ministère public avec la dénonciation, le 5 janvier 2023. Cette expertise, qui concluait à l'existence d'un fort soupçon que le bien culturel provenait d'une fouille illicite, constituait un fait, respectivement, un moyen de preuve nouveau, dont il n'avait et ne pouvait avoir connaissance lors du "supposé" classement implicite, dans la mesure où il était matériellement impossible de mettre en œuvre une telle expertise pour chacun des dix mille objets séquestrés dans le cadre de cette procédure.
Admettre le contraire impliquerait qu'il ne serait plus possible de poursuivre la moindre infraction qui pourrait avoir été commise en lien avec les milliers d'objets détenus par A______ et/ou ses sociétés en cas de découverte d'éléments nouveaux.
Par ailleurs, le Ministère public fait également grief au Tribunal de police d'avoir violé l'art. 24 al. 1 let. a LTBC. Contrairement à ce qui avait été retenu par l'autorité intimée, il considérait qu'une importation formelle en Suisse depuis les Ports-Francs, constituait un acte pouvant être constitutif d'infraction à l'art. 24 LTBC.
b. Le Tribunal de police s'est intégralement référé à sa décision, sans autre observation.
c. Dans ses observations, A______ conclut, sous suite de frais et dépens, chiffrés, au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance entreprise.
Le Ministère public avait, dans le cadre de la P/1______/2017, ordonné le séquestre de tout ce qui se trouvait dans les locaux de C______ SA; locaux qui avaient, de plus, été mis sous scellés. Les statues en cause se trouvant déjà à cette époque dans les locaux de C______ SA, elles avaient effectivement été séquestrées dans le cadre de la P/1______/2017. Les experts mis en œuvre dans ce dossier avaient été chargés de "repérer et d'analyser toutes les pièces suspectes", sur l'intégralité du patrimoine détenu par C______ SA, soit y compris sur les statues "Style B______", faisant aussi l'objet de la présente procédure. Celles-ci étaient donc comprises dans le "champ d'investigation" de la P/1______/2017.
Les éléments suivants versés au dossier confirmaient ses propos quant à la portée des séquestres ordonnés:
- la communication de l'AFD à la police judiciaire du 3 avril 2018, affirmant "Comme convenu lors de l'entretien avec le Procureur Mascotto, voici la liste des pièces que vous avez séquestrées";
- "les plus de septante demandes de levées de séquestre" évoquées par le Ministère public démontraient la portée universelle desdits séquestres sur le patrimoine de C______ SA;
- les deux statues ne figuraient pas sur la liste des pièces encore visées par les enquêtes pénales et douanières établie par l'OFDF en mars 2021. C'était ainsi que les statues en cause avaient été libérées par décision du 4 mai 2021. Le maintien des séquestres sur plusieurs dizaines d'objets entreposés dans les locaux de C______ SA démontrait que l'intégralité des objets en mains de cette dernière avait fait l'objet "d'investigations extensives" des autorités pénales et douanières.
Il en découlait ainsi une identité de fait en lien avec les deux instructions pénales, visant toutes deux les pièces litigieuses, et ce, pour les mêmes infractions, et pour lesquelles – tout comme pour l'ensemble des autres pièces séquestrées et investiguées n'ayant pas fait l'objet d'une confiscation dans le jugement rendu en procédure simplifiée – un classement implicite avait été rendu dans le cadre de la P/1______/2017.
Enfin, il n'existait pas de faits nouveaux justifiant l'ouverture d'une nouvelle procédure. La tentative d'importation du 1er mars 2022 était intervenue alors que la P/1______/2017 était toujours en cours, et que l'acte d'accusation en procédure simplifiée n'avait pas été rédigé. De plus, il n'y avait pas d'"importation" lors de la sortie d'un bien d'un dépôt franc sous douane situé en Suisse pour le déplacer en Suisse. Il ne pouvait, par conséquent, pas y avoir de nouvelle infraction en lien avec les faits esquissés par le Ministère public dans son recours. Il n'y avait pas non plus d'élément nouveau, le rapport commandité par l'OFC étant une expertise fondée sur les mêmes éléments que ceux figurant dans la documentation informatique de C______ SA, laquelle avait été transmise au Ministère public et à l'OFDF dans le cadre de la P/1______/2017.
d. Le Ministère public n'a pas répliqué.
E. a. À l'appui de son recours, l'OFC fait grief au Tribunal de police d'avoir violé le droit fédéral. Les deux statues "Style B______", dont il est question dans la présente procédure, n'étaient pas mentionnées dans les inventaires figurant au ch. 2.2.9 de l'acte d'accusation du 20 juillet 2022 établi dans le cadre de la P/1______/2017, ayant abouti à une procédure simplifiée. Partant, lesdites statues n'avaient pas fait l'objet de la procédure secondement nommée ni de négociations entre le Ministère public et le prévenu dans le cadre de la procédure simplifiée. Le principe ne bis in idem ne s'appliquait donc pas auxdites statues, lesquelles pouvaient faire l'objet d'une nouvelle procédure pénale. De surcroît, les infractions à la LTBC retenues dans l'ordonnance pénale du 15 mai 2024 étaient de nouvelles infractions, qui ne figuraient pas dans l'acte d'accusation et ne pouvaient dès lors se voir appliquer l'effet du principe ne bis in idem, de sorte que leur poursuite ne pouvait pas être "entravée". L'ordonnance entreprise contrevenait ainsi à l'art. 11 CPP.
b. Le Tribunal de police s'est intégralement référé à sa décision, sans autre observation.
c. Dans ses observations, A______ conclut, sous suite de frais et dépens, chiffrés, au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance entreprise. Il reprend, pour le surplus, intégralement les arguments développés dans ses écritures – citées supra sous D.c – déposées ensuite du recours du Ministère public.
d. L'OFC n'a pas répliqué. Il constatait toutefois que le précité ne s'était pas prononcé sur son recours mais sur celui du Ministère public.
e. A______ persiste dans ses conclusions.
EN DROIT :
1. 1.1. Les recours, bien que formés par actes séparés et émanant de parties distinctes, sont dirigés contre la même décision et portent sur la même problématique juridique, dans une même cause.
Il se justifie, en conséquence, de les joindre et de les traiter en un seul et même arrêt.
1.2. Les recours sont recevables pour avoir été interjetés dans les délai et forme utiles (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_336/2018 du 12 décembre 2018 consid. 2.3; Y. JEANNERET/ A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 44 ad art. 393), soit un classement prononcé par le Tribunal de police, non dans le cadre d'un jugement au fond (art. 329 al. 5 CPP) mais lors des débats (art. 329 al. 4 CPP), et émaner, d'une part, du Ministère public, partie au procès à ce stade de la procédure (art. 104 al. 1 let. c CPP) qui a qualité pour agir (art. 381 al. 1 CPP) et d'autre part, de l'OFC qui a également qualité pour agir (art. 381a CPP, cum art. 3 ch. 10 de l'Ordonnance fédérale réglant la communication des décisions pénales prise par les autorités cantonales [RS 312.3]).
1.3. Les pièces nouvelles produites par les recourants sont également recevables, la jurisprudence admettant la production de faits et moyens de preuve nouveaux en deuxième instance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).
2. Les recourants dénoncent une violation de l'art. 11 CPP.
2.1.1. À teneur de l'art. 329 al. 4 CPP, lorsqu'un jugement ne peut définitivement pas être rendu – hypothèse qui est notamment réalisée quand il existe un empêchement définitif de procéder (art. 329 al. 1 let. c CPP), telle que l'exception de chose jugée (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, CPP, Code de procédure pénale, 2ème éd., Bâle 2016, n. 13 ad art. 329) –, le tribunal classe la procédure, après avoir accordé le droit d'être entendu aux parties ainsi qu'aux tiers touchés par la décision de classement. L'art. 320 est applicable par analogie.
2.1.2. L'interdiction de la double poursuite (art. 11 CPP, principe ne bis in idem), qui est un corollaire de l'autorité de la chose jugée, constitue un empêchement de procéder, dont il doit être tenu compte à chaque stade de la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1100/2020 du 16 décembre 2021 consid. 3.1).
Selon ce principe, nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été jugé.
Une ordonnance de classement entrée en force équivaut à un acquittement (art. 320 al. 4 CPP) et acquiert donc l'autorité de chose jugée. Cela exclut, en application du principe ne bis in idem que le bénéficiaire du classement puisse faire l'objet d'une nouvelle poursuite à raison des mêmes faits (ATF 144 IV 362 consid. 1.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_303/2019 du 9 avril 2019 consid. 2.1.1).
L'interdiction de la double poursuite suppose la présence de deux procédures: une première, par laquelle l'intéressé a été condamné ou acquitté par un jugement définitif, doté à ce titre de l'autorité de la chose jugée et non passible de remise en cause selon les voies de recours ordinaires, et une seconde, ultérieure, au cours de laquelle il aura été à nouveau poursuivi ou puni (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., 2ème éd., Bâle 2019, n. 6 ad art. 11). Tel est le cas lorsque l'ancienne et la nouvelle procédure sont dirigées contre la même personne et concernent des faits identiques ou des éléments qui sont en substance les mêmes. La qualification juridique desdits faits n'est, en revanche, pas déterminante (ATF
144 IV 362 consid. 1.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_303/2019 précité).
2.1.3. En matière d'application du principe ne bis in idem dans le cas particulier de la procédure simplifiée, un conflit doctrinal existe : d'une part, certains auteurs considèrent qu'une omission dans les faits et la qualification – qu'elle soit consciente ou non – ne mettra pas le prévenu à l'abri d'une nouvelle poursuite, ne bis in idem ne pouvant déployer des effets dès lors qu'un élément qui ne figurerait pas dans l'acte d'accusation ne serait donc pas considéré comme "jugé" et que les faits que le ministère public ne souhaite plus poursuivre devraient être décrits de manière suffisamment claire (GREINER / JAGGI, BsK-StPO, n. 74 et 113 ad art. 358 CPP ; C. SCHWARZENEGGER / A. DONATSCH, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung (StPO), 3ème éd., Zürich 2020, n° 11 ad art. 358 CPP), d'autre part et à l'inverse, d'autres auteurs considèrent que la règle découlant du principe ne bis in idem devrait valoir aussi à l'égard des éventuelles charges qui, dans le cadre des négociations, auraient été abandonnées dès lors que cet abandon ferait partie de l'accord global (K. VILLARD, L'application du principe ne bis in idem transnational à l'entreprise, Revue suisse de droit pénal 2019, p. 315).
2.2. En l'occurrence, l'autorité intimée considère que les faits dénoncés dans le cadre de la présente procédure, soit l'acquisition et l'entreposage illicite des statues de "Style B______", en 2016, ainsi que la tentative d'importation de la statue de femme intervenue le 1er mars 2022, ont fait l'objet d'un classement implicite du Ministère public dans le cadre de la procédure P/1______/2017, justifiant l'application du principe ne bis in idem.
À bien la comprendre, l'existence d'un classement implicite en lien avec ces faits résulterait du séquestre opéré sur les statues précitées par le Ministère public dans le cadre de la P/1______/2017, puis, après "analyse d'experts", de leur restitution au prévenu, laquelle serait intervenue le 4 mai 2021, lors de la levée des scellés sur les locaux de C______ SA.
Son raisonnement ne saurait être suivi pour les motifs développés ci-après.
Les parties s'accordent à dire que les statues faisant l'objet de la présente procédure se trouvaient dans les locaux sous douane de C______ SA aux Ports-Francs au moment de la perquisition ordonnée dans le cadre de la P/1______/2017. Le Ministère public semble toutefois nier que les statues aient formellement été séquestrées, puis aient été libérées de ce séquestre, dans le cadre de ladite procédure. Cependant, ses considérants relatifs à l'absence de décision de séquestre sont contredits par l'intitulé de l'ordonnance du 24 février 2017 ("Ordonnance de perquisition et de séquestre [art. 263 ss, 241 ss CPP]"), par le troisième tiret de son dispositif ("ordonne la mise sous séquestre"), par les motifs invoqués pour justifier cette mesure qui correspondent sans équivoque à ceux figurant dans la loi (restitution aux lésés [art. 263 al. 1 let. c CPP], confiscation [art. 263 al. 1 let. d CPP], confiscation en vue du prononcé d'une créance compensatrice [art. 71 al. 3 CPP] et conservation de moyens de preuve [art. 263 al. 1 let. a CPP]), ainsi que par le fait qu'il ait ensuite, oralement ordonné, lors des perquisitions menées dans les locaux de C______ SA aux Ports-Francs, "le séquestre entre les mains de la société C______ SA de tout ce qui se trouve dans les locaux de C______ SA" et la pose de scellés sur des locaux appartenant à cette société. Il en résulte que les statues en question semblent avoir été effectivement séquestrées dans le cadre de la P/1______/2017. Elles figuraient, en tout état, dans une liste [sous "South Arabian Stone Figure" ST.FIG.047 et ST.FIG.048] consacrée aux objets "séquestrés" se trouvant dans les locaux sous douane de C______ SA aux Ports-Francs, obtenue par la police auprès de l'AFD.
Cela étant, cela ne signifie pas ipso facto – comme semblent le soutenir les intimés – que l'instruction de la P/1______/2017 ait porté sur l'acquisition et l'entreposage illicite de ces statues, en 2016, ainsi que sur la tentative d'importation de la statue de femme intervenue le 1er mars 2022, soit sur les faits visés par la présente procédure.
En effet, l'objet de l'instruction de la P/1______/2017 ressort tant des dénonciations de l'AFD que de la mise en prévention de A______ du 14 mars 2017. Il portait d'une part, sur sept objets – préalablement désignés par les douanes – de provenance ou d'origine suspectes entreposés par C______ SA aux Ports-Francs, et d'autre part, sur le déménagement soudain et suspect, à fin décembre 2016, par des personnes de l'entourage de C______ SA, de nombreux biens culturels entreposés hors douane dans un dépôt de Genève. Les statues ne faisaient l'objet ni des dénonciations des douanes ni du lot de biens déplacés. L'acquisition et l'entreposage, en 2016, des deux statues n'avaient à aucun moment été évoqués dans la suite de l'instruction de la P/1______/2017, ce qui n'est du reste pas allégué par les intimés.
De surcroît, tant le Tribunal de police que le prévenu ne peuvent être suivis, lorsqu'ils affirment que la provenance de ces statues aurait d'ores et déjà été établie dans le cadre de cette procédure ensuite d'examens effectués par des experts. Le mandat d'actes d'enquête du 3 mai 2018 visait, en effet, uniquement à la sélection d'objets de provenance suspecte dans les locaux de C______ SA aux Ports-Francs "en vue d'examens futurs plus approfondis (et de levée du séquestre par le Ministère public sur les objets restants)", de sorte qu'aucune expertise précise des statues n'avait alors été effectuée. Aucun autre élément du dossier ne permet de soutenir que tel aurait été le cas. Les intimés n'en citent d'ailleurs pas. Au contraire, il ressort du dossier qu'au vu du nombre considérable d'objets détenus dans les locaux de C______ SA [plus de dix mille], seul un contrôle et/ou un tri sommaire avait pu être accompli. Ainsi, il ne peut être retenu que la provenance de ces statues aurait été établie lors de l'instruction de la P/1______/2017 et que, partant leur acquisition et entreposage illicites, en 2016, auraient alors été instruits dans le cadre de celle-ci.
L'intimé n'a pas non plus été condamné pour ces faits lors du prononcé du jugement du 10 janvier 2023, dès lors que l'acte d'accusation du 20 juillet 2022 ne comportait aucune infraction en lien avec les statues objets de la présente procédure, tel que l'autorité intimée l'a elle-même retenu dans son ordonnance querellée. Ces biens n'étaient pas non plus mentionnés dans les inventaires figurant au ch. 2.2.9 dudit acte. Le jugement précité ne se prononçait, en outre, pas sur le sort de ces objets, dans la mesure où le Tribunal de police avait ordonné la levée du séquestre sur les biens mentionnés dans les inventaires de l'OFDF, dans lesquels les statues ne figuraient pas.
De plus, les faits relatifs à la tentative d'importation du 1er mars 2022 n'ont pas pu faire l'objet de l'instruction de la P/1______/2017 et de la condamnation du prévenu du 10 janvier 2023 sus-évoquée, dès lors que ces faits n'avaient été portés à la connaissance du Ministère public que le 5 janvier 2023, date de la dénonciation de l'OFDF ayant conduit à l'ouverture de la présente procédure. Or, à cette date, l'instruction de la P/1______/2017 était déjà clôturée depuis près de six mois, soit depuis le 20 juillet 2022, date de l'envoi de l'acte d'accusation en procédure simplifiée au Tribunal de police, lequel avait rendu son jugement le 10 janvier 2023.
Dans ces circonstances, les éléments au dossier ne permettent pas de considérer que les faits dénoncés dans le cadre de la présente procédure auraient déjà fait l'objet d'un classement implicite du Ministère public dans le cadre de la procédure antérieure.
En effet, pour qu'il y ait un classement partiel, il faut qu'il existe des faits ou comportements distincts de ceux faisant l'objet d'une ordonnance pénale ou d'un acte d'accusation, que le ministère public n'entend pas poursuivre pour l'un des motifs énumérés à l'art. 319 CPP. Dans une telle hypothèse, le ministère public doit rendre une ordonnance formelle, qui peut faire l'objet d'un recours en application des art. 322 al. 2 et 393 ss CPP. En revanche, s'il n'existe pas de faits ou de comportements distincts de ceux objet du renvoi en jugement ou de l'ordonnance pénale, il n'y a pas matière à classement, implicite ou explicite (arrêt du Tribunal fédéral 6B_819/2018 du 25 janvier 2019 consid. 1.3.5).
Or, l'instruction de la P/1______/2017 n'a – comme il l'a été évoqué supra – jamais porté sur l'acquisition et l'entreposage illicite des deux statues litigieuses, en 2016, ni sur la tentative d'importation de la statue de femme du 1er mars 2022. Le séquestre prononcé dans ce cadre – et sur lequel l'autorité intimée semble fonder son raisonnement – ne l'a donc pas été en lien avec ces faits mais avec ceux résultant des dénonciations de l'AFD [cf. ci-dessus B.a à B.c], dont les statues ne faisaient pas partie. Le Tribunal de police n'explique du reste pas quels faits distincts de l'acte d'accusation le Ministère public n'aurait pas entendu poursuivre ni pour quels motifs. Partant, il ne semble pas y avoir eu ici matière à classement implicite.
En conséquence, le principe ne bis in idem, au sens de l'art. 11 al. 1 CPP, ne trouve pas application en l'espèce. Le prononcé d'une ordonnance de classement par le Tribunal de police ne se justifiait donc pas pour ce motif déjà.
3. Il se justifiait d'autant moins que, même à considérer l'existence d'un classement implicite, un moyen de preuve nouveau commanderait la reprise de la procédure préliminaire sur ces biens.
3.1. L'art. 11 al. 2 CPP réserve la reprise de la procédure close par une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière ainsi que la révision. La faculté de se prévaloir du principe ne bis in idem est donc expressément limitée par l'art. 323 al. 1 CPP (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_303/2019 du 9 avril 2019 consid. 2.1.2). À teneur de cette disposition, le ministère public ordonne la reprise après classement d'une procédure préliminaire s'il a connaissance de nouveaux moyens de preuves ou de faits nouveaux, s'ils révèlent une responsabilité pénale du prévenu (let. a) et s'ils ne ressortent pas du dossier antérieur (let. b). Ces deux conditions sont cumulatives (ATF 141 IV 194 consid. 2.3).
Les moyens de preuves sont nouveaux s'ils étaient inconnus au moment de rendre l'ordonnance de classement ou de non-entrée en matière. Ce qui est décisif est de savoir si des informations pertinentes figuraient déjà au dossier ou non. Les moyens de preuve ne sont pas considérés comme nouveaux s'ils ont été cités, voire administrés, lors de la procédure close, sans être toutefois complètement exploités. En revanche, un fait ou un moyen de preuve sera qualifié de nouveau lorsque le ministère public ne pouvait pas en avoir connaissance dans la procédure antérieure, même en ayant fait montre de la plus grande diligence (ATF 141 IV 194 consid. 2.3).
3.2. En l'espèce, tel qu'il l'a été exposé supra au consid. 2.2, il n'a pas été matériellement possible de mettre en œuvre une expertise pour chacun des plus de dix mille objets séquestrés dans le cadre de la P/1______/2017. Ainsi, durant l'instruction de cette procédure, seules certaines pièces avaient été expertisées, dont les statues ne faisaient pas partie. Il ne peut toutefois être reproché au Ministère public un manque de diligence à cet égard, au vu du nombre considérable de biens détenus, à tout le moins, dans les locaux de C______ SA. L'intimé avait d'ailleurs connaissance de l'impossibilité pour le Ministère public de procéder à une analyse de chaque objet, compte tenu de la motivation de l'ordonnance de levée partielle de séquestre du 8 août 2018 relevant cette "impossibilité matérielle".
Ainsi, ce n'était qu'au moment de la tentative d'importation de 2022 que l'OFC avait sollicité un rapport d'expertise en lien avec la statue de femme "Style B______", lequel avait été établi le 30 mai 2022, puis transmis au Ministère public avec la dénonciation du 5 janvier 2023. Cette expertise établit que cette statue est un bien culturel au sens de l'art. 2 al. 1 LTBC et qu'il existe un fort soupçon que ce bien provienne d'une fouille illicite. Une deuxième statue très similaire, soit une statue d'homme "Style B______", laquelle formait probablement un couple avec la statue de femme précitée, avait également été identifiée, de sorte que des soupçons que cette seconde statue provînt d'une fouille illicite existaient également pour celle-ci. Ainsi, bien que le Ministère public ait eu connaissance de l'existence de ces statues durant l'instruction de la P/1______/2017 et que le rapport d'expertise, commandé par l'OFC, ait été établi à l'époque de l'instruction de cette procédure, il n'avait appris qu'elles étaient des biens culturels provenant de fouilles illicites que par le biais dudit rapport dont il avait eu connaissance le 5 janvier 2023. Peu importe à cet égard que le Tribunal de police considère qu'il n'y ait, au sens de l'art. 19 al. 3 LTBC, pas eu de nouvelle importation en Suisse le 1er mars 2022, lors de la tentative d'importation de la statue de femme, dès lors que l'existence d'un fait nouveau ne repose pas sur celle-ci, mais sur la découverte de la provenance illicite des biens, laquelle était intervenue le 5 janvier 2023. Or, à cette date, le Ministère public n'était plus Direction de la procédure P/1______/2017, dès lors qu'il avait, le 20 juillet 2022, transmis son acte d'accusation au Tribunal de police. Il n'avait, par conséquent, pas eu ni ne pouvait avoir connaissance de ce fait, respectivement de ce moyen de preuve, lors de la procédure antérieure, ce d'autant qu'il ne devait pas s'attendre à ce que des investigations complémentaires soient menées par l'OFC sur ces biens lors de la clôture de la P/1______/2017. En effet, à suivre le raisonnement des intimés, les statues avaient été restituées à A______ le 4 mai 2021, lors de la levée des scellés sur les locaux de C______ SA, et ne faisaient donc plus partie des biens saisis dans le cadre de cette procédure depuis cette date. Un manque de diligence ne peut ainsi être retenu pour ce motif également.
Fort des considérations qui précèdent, la Chambre de céans estime – à l'instar du Ministère public – qu'il existerait, en tout état, un moyen de preuve nouveau commandant la reprise de la procédure préliminaire sur ces biens.
Le Tribunal de police ne pouvait dès lors, pour ce motif également, prononcer une ordonnance de classement, les conditions de l'art. 329 al. 1 let. c CPP cum 11 CPP n'étant pas réunies.
4. Fondé, le recours doit être admis ; partant, l'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Tribunal de police pour qu'il reprenne les débats et statue à nouveau (art. 397 al. 2 CPP).
La levée du séquestre sur les deux statues "Style B______" sera également annulée, celle-ci ayant été prononcée pour le seul motif que la procédure était classée. La procédure étant reprise, le séquestre ordonné sera maintenu dans l'intervalle.
5. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 et 4 CPP).
6. L'intimé, prévenu, qui succombe, n'a pas droit à une indemnité pour ses frais de défense (art. 436 al. 2 CPP a contrario).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Joint les recours.
Les admet.
Annule l'ordonnance querellée et renvoie la cause au Tribunal de police pour qu'il procède dans le sens des considérants.
Dit que le séquestre sur les deux statues H______ "Style B______" est maintenu dans l'intervalle.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, au Ministère public, à l'OFC, à A______, soit pour lui son conseil, et au Tribunal de police.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente ; Madame Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges ; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).