Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/398/2025 du 23.05.2025 sur OTDP/670/2025 ( TDP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/1853/2025 ACPR/398/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du vendredi 23 mai 2025 |
Entre
A______, représenté par Me Rémy ASPER, avocat, rue Robert-Céard 13, 1204 Genève,
recourant,
contre l'ordonnance rendue le 20 mars 2025 par le Tribunal de police,
et
LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 31 mars 2025, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 mars 2025, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité de son opposition à l'ordonnance pénale du 22 janvier 2025 pour cause de tardiveté et dit que celle-ci était assimilée à un jugement entré en force.
Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et à ce que son opposition formée le 6 février 2025 contre l'ordonnance pénale du 22 janvier 2025 soit déclarée recevable. Préalablement, il sollicite que son conseil soit nommé d'office pour la procédure de recours et, en cas de refus, qu'une juste indemnité lui soit octroyée.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, ressortissant guinéen, a été interpellé par la police le 21 janvier 2025 au parc B______ à Genève, après avoir été observé par la police au contact d'un toxicomane, lequel a confirmé avoir acheté au prénommé un morceau de haschich pour la somme de CHF 20.-, le jour en question, ainsi qu'à environ cinq autres reprises cette même substance depuis décembre 2024.
b. Auditionné par la police le même jour comme prévenu, en français, A______ a contesté s'adonner au trafic de stupéfiants. Il était lui-même consommateur de cannabis. Le jour des faits, il avait seulement remis un morceau de "shit" à un individu, pour la somme de CHF 20.-. Il a contesté lui avoir vendu de la résine de cannabis à plusieurs autres reprises. Il a admis être démuni de papiers d'identité.
c. À l'audience du 22 janvier 2025, l'intéressé a confirmé ses précédentes déclarations.
d.a. Par ordonnance pénale du même jour, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d LStup et d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI, et l'a condamné à une peine privative de liberté de 150 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement. Il l'a également déclaré coupable d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup et l'a condamné à une amende de CHF 100.-.
Dite ordonnance a été notifiée en mains propres à l'intéressé le jour en question.
d.b. À teneur de celle-ci, A______ avait déjà été condamné le 15 août 2024, par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende avec sursis, pour entrée illégale et séjour illégal; et le 4 janvier 2025, par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, pour séjour illégal et infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup.
e. Par lettre du 6 février 2025, A______, par l'intermédiaire de son conseil, a formé opposition à ladite ordonnance pénale.
f. Par ordonnance sur opposition tardive du 10 février 2025, le Ministère public a transmis la cause au Tribunal de police, concluant à l'irrecevabilité de l'opposition.
g. Invité par le Tribunal de police à se déterminer sur l'apparente irrecevabilité de son opposition, A______ a expliqué que sa langue maternelle était le peul. Bien qu'il eût des connaissances en français, il maîtrisait mal cette langue à l'oral et "pratiquement pas du tout à l'écrit". Partant, il n'avait pas bien compris les tenants et aboutissants de la procédure le concernant lors de ses interrogatoires en français par la police et le Ministère public. L'ordonnance pénale du 22 janvier 2025 lui avait été notifiée en français uniquement. Il n'avait ainsi pas pu comprendre les voies de droit annexées à celle-ci. Dite ordonnance ayant été mal notifiée, le délai d'opposition de 10 jours n'avait pas commencé à courir le 22 janvier 2025. Il a ajouté que le 6 février 2025, le Ministère public lui avait désigné un avocat d'office dans le cadre de la P/1______/2025, laquelle avait été jointe à la procédure P/2______/2025 – toutes deux concernant des faits identiques à la présente procédure –, au motif qu'il ne saisissait pas les enjeux auxquels il était confronté. Ce n'était donc que le 6 février 2025 qu'il avait pu être en mesure de comprendre les enjeux des procédures pénales en cours contre lui et connaître le délai de 10 jours pour former opposition à l'ordonnance pénale du 22 janvier 2025. Subsidiairement, il sollicitait une restitution de délai pour ce faire.
h. Dans ses déterminations au Tribunal de police, le Ministère public a indiqué que le prévenu avait été entendu à trois reprises par trois Procureurs différents le 22 janvier 2025 [dans la présente procédure], le 31 janvier 2025 [dans la P/2______/2025] et le 6 février 2025 [dans la P/1______/2025]. À chacune de ces occasions, le Ministère public lui avait rappelé ses droits, en particulier celui d'être assisté d'un interprète, et s'était assuré de sa maîtrise du français. Si un avocat lui avait été nommé le 6 février 2025, c'était en raison des nombreuses procédures ouvertes à son encontre en l'espace de trois semaines et des peines privatives de liberté prononcées à ces occasions.
i. Parallèlement, A______ a écrit, le 7 mars 2025, au Ministère public pour solliciter une restitution du délai pour former opposition à l'ordonnance pénale du 22 janvier 2025. C'était sans sa faute qu'il n'avait pas pu observer le délai d'opposition de 10 jours, n'ayant pas compris les voies de droit annexées à cette ordonnance, qui lui avait été notifiée en français. L'empêchement ayant cessé le 6 février 2025, date de la nomination d'office de son conseil, le délai de 30 jours de l'art. 94 al. 2 CPP était respecté.
C. Dans sa décision querellée, le Tribunal de police a considéré que l'ordonnance pénale avait été valablement notifiée le 22 janvier 2025, étant précisé que le prévenu n'avait pas sollicité l'assistance d'un interprète au motif qu'il ne maîtrisait pas suffisamment le français. Dans la présente procédure, il avait été entendu par la police le 21 janvier 2025, sans requérir la présence d'un interprète, ce qu'il n'avait pas fait non plus le lendemain devant le Ministère public. Partant, il avait compris de manière suffisante la portée des voies de recours à sa disposition. Le délai pour former opposition à l'ordonnance arrivant à échéance le 3 février 2025, l'opposition du "7 mars 2025" [recte : 6 février 2025], avait été faite après l'expiration du délai de 10 jours et n'était donc pas valable.
D. a. À l'appui de son recours, A______ reprend l'argumentaire qu'il avait présenté devant le Tribunal de police (cf. consid. B.g. supra).
b. À réception, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.
3. Le recourant conteste la validité de la notification de l'ordonnance pénale au motif que les voies de droit ne lui avaient pas été traduites.
3.1. À teneur de l'art. 352 al. 1 CPP, le Ministère public rend une ordonnance pénale si, durant la procédure préliminaire, le prévenu a admis les faits ou s'ils sont établis. Il n'est donc pas nécessaire que le prévenu ait avoué, si le dossier contient des éléments suffisants à établir la culpabilité de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_314/2012 du 18 février 2013 consid. 2.2.1).
Selon l'art. 354 CPP, le prévenu peut former opposition contre l'ordonnance pénale devant le Ministère public, par écrit et dans les 10 jours (al. 1 let. a). Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (al. 3).
Aux termes de l'art. 356 CPP, lorsqu'il décide de maintenir l'ordonnance pénale, le ministère public transmet sans retard le dossier au tribunal de première instance en vue des débats. L'ordonnance pénale tient lieu d'acte d'accusation (al. 1). Le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition (al. 2). Seul ce tribunal est compétent pour statuer sur la validité de l'opposition à l'ordonnance pénale (ATF 140 IV 192 consid. 1.3 p. 195). L'examen de la validité de l'opposition a lieu d'office (arrêts du Tribunal fédéral 6B_910/2017 du 29 décembre 2017 consid. 2.4; 6B_848/2013 du 3 avril 2014 consid. 1.3.2). Lorsque l'opposition n'est pas valable, notamment car elle est tardive (cf. ATF 142 IV 201 consid. 2.2 p. 204), le tribunal de première instance n'entre pas en matière (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2006 1275 ad art. 360).
3.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'ordonnance pénale du 22 janvier 2025 a été notifiée en mains propres au recourant le même jour. Selon lui, dite notification ne serait toutefois pas valable au motif qu'il n'avait pas compris qu'il pouvait y former opposition.
Or, quand bien même le recourant est de langue maternelle peul, selon ses dires et l'indication figurant dans ce sens dans le rapport de son audition du 21 janvier 2025 par la police, il ressort de ses déclarations tant à la police que devant le Ministère public qu'il maîtrise suffisamment la langue française pour comprendre les tenants et aboutissants de la procédure le visant. Il n'aurait pas manqué, sinon, de solliciter la présence d'un interprète lors de ces auditions, ce qu'il n'a pas fait. Partant, on ne voit pas comment le Ministère public aurait pu ou dû supputer qu'il ne comprenait pas l'indication des voies de droit et le délai y attaché, figurant sur l'ordonnance pénale. Le recourant ne prétend du reste pas à cet égard qu'il aurait attiré l'attention de cette autorité sur une méconnaissance de la langue française à l'écrit.
Qu'un défenseur d'office lui ait été désigné dans une procédure connexe au motif, selon l'intéressé, qu'il ne saisissait pas les enjeux auxquels il était confronté est par ailleurs démenti par le Ministère public, qui a motivé la désignation d'un défenseur par le cumul des peines.
Partant, il y a lieu de considérer, à l'instar du Tribunal de police, que le prévenu a compris de manière suffisante la portée des voies de droit à sa disposition et du délai d'opposition de 10 jours, pour agir, le cas échéant.
À cet égard, on relèvera que le recourant a précédemment fait l'objet de deux ordonnances pénales des 15 août 2024 et 4 janvier 2025 et n'est donc pas novice en terme de condamnations sur notre territoire.
En conséquence, la notification de l'ordonnance pénale du 22 janvier 2025 n'apparaît aucunement viciée et est donc valable.
Le recourant ayant formé opposition le 6 février 2025, soit après l'expiration du délai de 10 jours échéant au 3 février 2025 (art. 354 al. 1 let. a cum art. 90 al. 2 CPP), dite opposition était tardive.
4. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours, rejeté.
5. Le recourant sollicite d'être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.
En l'occurrence, indépendamment de la question de l'indigence – qui paraît acquise au vu de la défense d'office ordonnée dans la procédure parallèle (art. 132 al. 1 let. b CPP) –, la cause ne présente pas de difficultés que l'intéressé n'était pas en mesure de surmonter. Le litige était circonscrit à la question de savoir pour quelle(s) raison(s) il avait été empêché de former opposition, ce qu'un justiciable est capable d'expliquer sans l'assistance d'un avocat.
La demande d'octroi de l'assistance juridique pour le recours sera dès lors rejetée.
6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant précisé que la décision sur l'assistance juridique est rendue sans frais (art. 20 RAJ).
7. Corrélativement, aucun dépens n'est dû pour l'activité de son conseil.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Rejette la demande d'assistance juridique.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.
Le greffier : Sandro COLUNI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/1853/2025 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 515.00 |
Total | CHF | 600.00 |