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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9964/2024

ACPR/258/2025 du 02.04.2025 sur OTDP/311/2025 ( TDP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ACTE DE RECOURS;RETARD;ORDONNANCE PÉNALE;OPPOSITION TARDIVE
Normes : CPP.396; CPP.354; CPP.355; CPP.87; CPP.91.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9964/2024 ACPR/258/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 2 avril 2025

 

Entre

A______, domicilié ______, France, agissant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance rendue le 7 février 2025 par le Tribunal de police,

 

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 6 mars 2025 depuis la France – parvenu à la Poste suisse le 7 mars 2025 –, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 février 2025, notifiée le 24 suivant, par laquelle le Tribunal de police a constaté l'irrecevabilité, pour cause de tardiveté, de l'opposition qu'il avait formée à l'ordonnance pénale du Ministère public du 5 novembre 2024, cette dernière étant ainsi assimilée à un jugement entré en force.

Le recourant déclare vouloir former recours contre l'ordonnance pénale du 5 novembre 2024, l'ordonnance sur opposition tardive du 7 janvier 2025 et l'ordonnance du Tribunal de police susmentionnée.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 7 mars 2024, A______ a été impliqué dans un accident de la circulation avec dégâts matériels, à la suite d'une collision entre le motocycle qu'il conduisait et un véhicule, sur la route de Meyrin, à Genève.

b. Par ordonnance pénale du 5 novembre 2024, le Ministère public a déclaré A______ coupable d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR). Il a été condamné à une peine pécuniaire (ferme) ainsi qu'à une amende.

L'ordonnance mentionnait, en page 6, le contenu de l'art. 354 CPP sur la procédure d'opposition, en particulier le délai de dix jours et le fait que "l'opposition doit être motivée, à l'exclusion de celle du prévenu".

c. À teneur du suivi de La Poste suisse, le pli recommandé contenant l'ordonnance pénale a été distribué au destinataire le 18 novembre 2024.

d. A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale par pli posté en France le 14 décembre 2024.

e. Par ordonnance sur opposition tardive, du 7 janvier 2025, le Ministère public a transmis la cause au Tribunal de police.

f. Invité par le Tribunal de police à se prononcer, dans un délai échéant le 28 janvier 2025, sur l'apparente irrecevabilité de son opposition, A______ s'est exprimé par lettre du 5 février 2025 envoyée de manière anticipée, le même jour, par courriel, dont l'original a été reçu par le Tribunal le 20 suivant.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police a retenu que l'ordonnance pénale avait été valablement notifiée le 18 novembre 2024. Le délai pour y former opposition arrivait ainsi à échéance le 28 novembre 2024. Expédiée le 14 décembre 2024, l'opposition avait ainsi été effectuée après l'expiration du délai de 10 jours, de sorte qu'elle n'était pas valable. L'éventuelle restitution de délai était du ressort du Ministère public.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que "l'utilisation déraisonnable de [s]es délais de réponses aux notifications prononcées à [s]on égard" était constitutive d'un "abus de pouvoir d'appréciation" l'ayant privé d'un jugement sur le fond du dossier. Il invoque une constatation erronée des faits dans l'ordonnance pénale, qu'il n'avait à ce jour pu contester au vu de son opposition tardive. La sanction prononcée contre lui était disproportionnée, au regard du préjudice causé par les actions qui lui étaient reprochées.

Il expose que, ayant quitté la Suisse depuis le 1er mai 2024 pour rejoindre sa résidence en France et se lancer dans la création d'entreprise, les délais de récupération de son courrier étaient liés à ses allers-retours trop peu fréquents entre sa résidence de B______ [France] et sa seconde boutique à C______ [France]. Cette dernière avait été inaugurée le 15 novembre 2024. À partir de cette date, il n'avait pu se rendre dans sa résidence principale qu'à quatre reprises, dont trois au cours desquelles il avait pris connaissance des ordonnances des 5 novembre 2024, 7 janvier et 7 février 2025. En son absence, les courriers recommandés étaient récupérés par un tiers de confiance de son voisinage, ayant procuration. C'est pourquoi il avait dupliqué par e-mail sa lettre du 5 février 2025, courriel dont le juge avait tenu compte dans l'ordonnance querellée. Or, malgré son souhait exprimé de recevoir la correspondance à son adresse e-mail, le Tribunal de police lui avait notifié la décision querellée par courrier postal, le privant de facto de son droit de recours dans les délais légaux. C'est pourquoi, ledit tribunal avait commis "un abus du pouvoir d'appréciation […] en matière de respect des délais".

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme prescrite (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émane du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. En revanche, l'acte est tardif.

1.2.1. À teneur de l'art. 396 al. 1 CPP, le recours doit être formé dans les dix jours.

1.2.2. Le délai est réputé observé si l'acte de procédure est accompli auprès de l'autorité compétente au plus tard le dernier jour du délai (art. 91 al. 1 CPP). Les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse ou à une représentation consulaire ou diplomatique suisse (al. 2).

Le dépôt auprès d'un office postal étranger n'a pas d'effet sur le respect du délai. Dans un tel cas, il faut se fonder sur la date à laquelle le courrier est reçu par la Poste suisse pour être acheminé. La partie recourante qui choisit de déposer son recours auprès d'une poste étrangère doit ainsi faire en sorte que celui-ci soit reçu à temps en le postant suffisamment tôt. Une application stricte de cette règle s'impose pour des raisons d'égalité de droit et ne relève pas d'un formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_106/2022 du 31 octobre 2022 consid. 4.2 et les références citées).

1.2.3. En l'espèce, l'ordonnance querellée a été notifiée à l'adresse du domicile du recourant, en France, le 24 février 2025, de sorte que le délai pour recourir venait à échéance le 6 mars suivant (art. 90 al. 2 CPP).

Posté en France le 6 mars 2025, le recours n'est parvenu à la Poste suisse que le lendemain, 7 mars 2025, soit après l'échéance du délai de recours.

Le recourant ne saurait reprocher au premier juge de ne pas lui avoir envoyé la décision par courriel, puisque les autorités notifient leurs prononcés en la forme écrite et par voie postale (art. 85 al. 1 et 2 CPP). Que le Tribunal de police ait accepté une communication du prévenu par courriel, dans le cadre de leurs échanges, ne le dispensait pas de notifier sa décision conformément aux réquisits précités, et l'absence de communication parallèle de ladite décision, par courriel, ne viole ni le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 let. a CPP) ni l'interdiction de l'abus de droit (let. b).

En application des dispositions légales et principes sus-rappelés, le recours est tardif, partant irrecevable.

2.             Le recours eût-il été recevable, qu'il aurait quoi qu'il en soit dû être rejeté, pour les motifs qui suivent.

3.1. À teneur de l'art. 353 al. 3 CPP, l'ordonnance pénale est immédiatement notifiée par écrit aux personnes et aux autorités qui ont qualité pour former opposition.

Le prévenu peut faire opposition à l'ordonnance pénale, par écrit, dans les dix jours (art. 354 al. 1 let. a CPP). Si aucune opposition n'est valablement formée, l'ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force (art. 354 al. 3 CPP).

3.2. Les communications écrites des autorités pénales sont en général notifiées par pli recommandé (art. 85 al. 2 CPP).

3.2.1. En vertu de l'art. 87 CPP, toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (al. 1). Les parties qui ont leur résidence à l'étranger sont tenues de désigner une adresse de notification en Suisse; les instruments internationaux prévoyant la possibilité d'une notification directe sont réservés (al. 2).

3.2.2. Conformément aux art. 16 al. 1 du IIe Protocole additionnel à la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 8 novembre 2001 (RS 0.351.12) et X ch. 1 de l'Accord du 28 octobre 1996 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française en vue de compléter la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (RS 0.351.934.92), les autorités judiciaires compétentes de l'un des États Parties – en l'occurrence la Suisse et la France – peuvent envoyer directement, par voie postale, des actes de procédure et des décisions judiciaires, aux personnes qui se trouvent sur le territoire d'un des États Parties.

3.3. De jurisprudence constante, celui qui se sait partie à une procédure judiciaire et qui doit dès lors s'attendre à recevoir notification d'actes du juge, est tenu de relever son courrier ou, s'il s'absente de son domicile, de prendre des dispositions pour que celui-ci lui parvienne néanmoins. Une telle obligation signifie que le destinataire doit, le cas échéant, désigner un représentant, faire suivre son courrier, informer les autorités de son absence ou leur indiquer une adresse de notification (ATF 146 IV 30 consid. 1.1.2). Il en découle que le destinataire d'actes judiciaires non seulement peut, mais également doit, lorsqu'il estime qu'une notification ne pourra aboutir au lieu connu des autorités, désigner une adresse où il pourra être atteint (ATF 139 IV 228 consid. 1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_96/2021 précité consid. 1.1.2).

3.4. Une application stricte des règles de procédure, notamment en matière de délais, s'impose pour des raisons d'égalité de droit et ne relève pas d'un formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1240/2021 du 23 mai 2022 consid. 4.2 ; 6B_950/2021 du 28 avril 2022 consid. 4.1; 6B_256/2022 du 21 mars 2022 consid. 2.1 et la référence citée).

3.5. En l'espèce, l'ordonnance pénale a été expédiée à l'adresse du domicile du recourant, en France, par pli recommandé. Le recourant, qui avait été impliqué dans un accident de la circulation quelques mois plus tôt, devait s'attendre à recevoir un pli des autorités. En l'occurrence, selon le suivi postal, le pli contenant l'ordonnance pénale a été distribué le 18 novembre 2024, ce que le recourant ne conteste pas puisqu'il explique avoir donné procuration à une personne de confiance pour relever son courrier.

Le recourant devait donc, s'il s'y estimait fondé, former opposition à l'ordonnance pénale dans le délai de dix jours prévu par la loi, soit au plus tard le 28 novembre 2024. Il ne pouvait retarder, à sa guise, l'envoi de l'opposition. Au demeurant, cette démarche ne nécessitait pas de mesure particulière, puisque l'opposition du prévenu n'a pas à être motivée (art. 354 al. 1 let. a CPP), ce que l'ordonnance précisait. L'envoi d'un simple courrier pour signifier l'intention du recourant de former opposition à l'ordonnance pénale aurait ainsi suffi, même depuis le lieu où il se trouvait pour son activité professionnelle.

Par conséquent, formée le 14 décembre 2024, soit 26 jours après la réception de l'ordonnance pénale, l'opposition à cette dernière est tardive, partant irrecevable.

Cette conclusion respecte les dispositions légales et principes sus-rappelés, de sorte qu'elle ne consacre aucun formalisme excessif.

3.             En définitive, le recours s'avère irrecevable, subsidiairement infondé, ce qui pouvait être constaté sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

Cette issue empêche la Chambre de céans d'aborder le fond du litige, de sorte que le "recours" formé contre l'ordonnance pénale n'est pas recevable, étant relevé que l'ordonnance sur opposition tardive n'est quant à elle pas sujette à recours (art. 356 al. 1 in fine cum art. 324 al. 2 CPP).

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 200.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Catherine GAVIN et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).


 

P/9964/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

200.00

Total

CHF

285.00