Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/155/2025 du 25.02.2025 sur OCL/1680/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/22285/2022 ACPR/155/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 25 février 2025 |
Entre
A______ et B______, représentés par Me Alec REYMOND, avocat, @LEX AVOCATS, rue de Contamines 6, 1206 Genève,
recourants,
contre l'ordonnance de classement rendue le 26 novembre 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 9 décembre 2024, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 26 novembre 2024, qui leur a été notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé la procédure ouverte contre C______ et rejeté leur constitution de parties plaignantes et leurs réquisitions de preuve.
Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance, à leur admission en qualité de parties plaignantes et au renvoi de la procédure au Ministère public pour compléter l’instruction.
b. Ils ont versé les sûretés, en CHF 2'000.-, qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Au mois de mai 2017, A______ et B______ ont chacun déposé plainte pénale contre C______, qu’ils accusaient d’avoir détruit des biens, documents et fichiers informatiques et détourné des actifs de la succession de leur père et grand-père « et/ou » de sa veuve, après la mort de celui-ci, en novembre 2016 (procédure pénale P/1______/2017).
b. Dans ce contexte, le Ministère public a, le 12 mai 2017, ordonné la perquisition et le séquestre du contenu du coffre-fort que C______ louait auprès de la banque D______, à Genève, aux fins de rechercher si le coffre abritait des objets, informations ou valeurs patrimoniales susceptibles d’être séquestrés à titre conservatoire ou de servir de moyens de preuve et, cas échéant, de les séquestrer à ces fins.
c. Le Procureur s’est rendu sur place le même jour. Conformément à la convention passée entre la banque et elle, C______ avait laissé la garde de ses clés à D______, de sorte que le coffre a pu être ouvert sans autre. À teneur du procès-verbal qu’a dressé le Procureur, le coffre contenait « 14 objets (cf. photographies jointes), contenant diverses pièces et autres ». Lesdites photos montrent de la joaillerie, des pièces de monnaie, des couverts de table et le rabat d’une enveloppe comportant l’inscription « 23 boules d’émeraude (…) + 1 fermoir ». Le procès-verbal se termine comme suit : « Le Procureur n’a rien emmené. La perquisition s’est terminée sans incident (…) ». Les clés ont été laissées en mains de la banque.
d. Toujours dans le contexte de cette procédure, le Procureur a expressément ordonné à D______, le 12 septembre 2017, de séquestrer, à titre conservatoire, un autre coffre, conjoint au père et grand-père des plaignants et à C______. Le contenu de ce compartiment n’est pas connu.
e. Le 23 avril 2018, le Procureur a levé l’interdiction d’informer les titulaires et ayants droit de toute mesure qu’il avait prise sur les relations D______.
f. Selon un compte rendu d’entretien établi le 9 janvier 2020 par l’Administration fiscale cantonale – signé uniquement par les contrôleurs –, C______, entendue à sa demande par suite de bordereaux qui lui avaient été notifiés, aurait fait état de plusieurs bijoux et de « plus de cent-cinquante » émeraudes « déposés dans un coffre » et qui « auraient été séquestrés » par le Ministère public.
g. Selon le journal des visites tenu par D______, C______ s’est rendue au coffre le 22 mai suivant. Elle y a eu accès sans encombres et a laissé à nouveau ses clés sous la garde de la banque.
h. Le 17 juin 2021, l’Office des poursuites de Lugano (for de la débitrice, à l’époque) a notifié un avis de saisie à D______, lui demandant si C______ entretenait une relation bancaire avec l’établissement. D______ a signalé le 25 janvier 2022 l’existence du coffre-fort, qu’elle bloquait en conséquence.
i. Le 17 février 2022, le Ministère public a classé la poursuite ouverte contre C______, non sans préciser que « la levée du séquestre » du coffre serait ordonnée dès l’entrée en force de sa décision. Ce classement a été vainement contesté par A______ et B______ (ACPR/210/2022 du 25 mars 2022 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_7-8/2022 du 21 août 2023). Il résulte de ces décisions, en particulier, que les prénommés n’avaient pas été lésés directement par les actes patrimoniaux qu’ils reprochaient à C______ sous les préventions de gestion déloyale et d’abus de confiance, voire qu’ils n’avaient pas établi leur dommage, y compris sous l’angle de l’appropriation illégitime et de l’escroquerie.
j. Le 25 avril 2022, le coffre, ouvert sur réquisition de l’Office des poursuites, s’est avéré vide.
k. Interpellé, D______ a répondu au Ministère public, le 14 juillet 2022, que le coffre-fort avait, certes, été perquisitionné par un Procureur, mais que celui-ci n’en avait pas ordonné le blocage. C______ n’y avait effectué qu’une visite, le 22 mai 2020. Le 25 août 2022, D______ précisera avoir mis un blocage en place.
l. Le 18 octobre 2022, A______ et B______ ont déposé plainte pénale contre C______ et D______ des chefs de soustraction d’objets mis sous main de l’autorité, voire de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice.
m. Le Ministère public, sans avoir formellement ouvert d’instruction, a requis des explications écrites de D______ et a entendu ou fait entendre des membres du personnel de la banque, dont aucun n’avait connu du litige, en 2020.
Il est apparu, en bref, que l’ordonnance du 12 mai 2017 n’avait pas été enregistrée, pas plus qu’une restriction d’accès au coffre ou à son contenu. Le journal des visites au coffre loué par C______ comportait deux inscriptions à la date du 22 mai 2020, l’une avec le statut « actif » et l’autre, avec le statut « supprimé » : cette dernière indiquait à tort que les clés n’avaient pas été redéposées à la banque, alors que tel avait été le cas, en réalité, mais il n’était pas possible d’effacer cette erreur du système d’enregistrement.
n. Convoquée, C______ n’a jamais comparu ; elle a fourni des explications épistolaires sur son indigence, voire son insolvabilité, et s’est plainte de l’acharnement des plaignants contre elle.
o. Le 14 juillet 2022, D______ a fait valoir que, si le coffre avait, certes, été perquisitionné par le Ministère public le 12 mai 2017, cette autorité n’en avait toutefois pas ordonné le blocage.
p. Après l’avis de prochaine clôture, par lequel le Ministère public les a avisés qu’il classerait la procédure, A______ et B______ ont sollicité des actes d’instruction (ceux qu’ils reprennent dans les conclusions de leur recours, cf. let. D.a. infra).
C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève que A______ et B______ s’étaient plaints d’un dommage patrimonial que leur aurait causé C______, mais que cet aspect a été définitivement classé. En raison de cette situation « et de la levée du séquestre sur le coffre-fort », ils n’avaient plus de prétentions à faire valoir, ce qui les privait de leur qualité de partie plaignante. Aucune audition supplémentaire, par exemple d’autres employés de D______ encore à identifier, ni la production de directives de la banque n’y changeraient rien. Lorsque C______ avait pu accéder à son coffre, le 22 mai 2020, celui-ci n’était pas saisi au sens de la LP : l’art. 169 CP ne trouvait pas application. Lorsque cette visite lui avait été accordée par la banque, C______ pouvait croire de bonne foi que le séquestre avait été levé, contrairement à ce qu’elle pensait lorsqu’elle s’était exprimée devant le fisc ; elle n’avait donc pas agi intentionnellement au sens de l’art. 289 CP. Par ailleurs, D______ ne pouvait pas être poursuivi sur le fondement de l’art. 102 CP, puisque seule une négligence pourrait être imputée à ses employés.
D. a. Dans leur recours, A______ et B______ estiment que C______ s’est rendue coupable d’infraction aux art. 169 et 289 CP. Leurs créances contre elle résultaient des poursuites infructueuses qu’ils avaient exercées en recouvrement de frais et dépens. Tout comme la banque, C______ n’ignorait pas l’existence du séquestre ordonné le 12 mai 2017 ; preuve en était son entretien avec l’Administration fiscale cantonale, qui précédait de quelques mois sa visite au coffre. Rien ne lui permettait de considérer que la mesure avait été levée dans l’intervalle. Or, elle n’avait jamais été entendue. Quant à la responsabilité de la banque, le Ministère public avait refusé de chercher à identifier quelles étaient, en son sein, les personnes qui avaient « sciemment outrepassé » le séquestre. Le Ministère public aurait pu et dû demander le détail, dans le journal des visites au coffre, de la venue de C______, le 22 mai 2020, tout comme il aurait pu et dû demander la production d’un rapport interne de la banque à ce sujet.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 384 let. b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP).
1.2. Selon la jurisprudence, celui qui allègue avoir subi un préjudice en raison d'une infraction à la base d'un séquestre (cf. art. 263 al. 1 CPP) est directement touché dans ses droits si les objets et valeurs séquestrés sont soustraits. Il revêt donc la qualité de lésé pour se plaindre de l'infraction définie à l'art. 289 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_401/2020 du 13 août 2020 consid. 1.2.1.). Tel est par conséquent le cas des recourants, constitués parties plaignantes (art. 104 al. 1 let. b CPP), qui ont un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP). L’art. 169 CP, parce qu’il protège les créanciers, leur confère le même intérêt (cf. ACPR/207/2018 du 12 avril 2018 consid. 2.2.2. ; ACPR/232/2015 du 22 avril 2015 consid. 1.3.2).
1.3. Par ailleurs, le justiciable qui s’est vu dénier le statut de partie plaignante a qualité pour recourir sur ce point précis (parmi d’autres, ACPR/652/2022 du 26 septembre 2022 consid. 1 ; ACPR/751/2016 du 23 novembre 2016 consid. 1 et la référence).
1.4. Partant, le recours est recevable.
2. Les recourants estiment que l’instruction avait suffisamment mis en évidence des indices d’infractions aux art. 169 et 289 CP. À défaut, ils demandent que l’instruction soit complétée, particulièrement par l’identification et l’audition des personnes qui, au sein de la banque, n’auraient pas respecté ni fait observer la décision du Ministère public du 12 mai 2017. Ils affirment que leurs réquisitions de preuve permettraient d’y concourir.
2.1. Quiconque, de manière à causer un dommage à ses créanciers, dispose arbitrairement d’une valeur patrimoniale saisie ou séquestrée, inventoriée dans une poursuite pour dettes ou une faillite, portée à un inventaire constatant un droit de rétention ou appartenant à l’actif cédé dans un concordat par abandon d’actif ou l’endommage, la détruit, la déprécie ou la met hors d’usage est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 169 CP).
Quiconque soustrait des objets mis sous main de l’autorité est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 289 CP).
Les deux dispositions peuvent entrer en concours idéal, étant précisé que l’art. 169 CP a un champ d’application plus étroit que l’art. 289 CP et comporte l’élément constitutif supplémentaire de l’intention de nuire au créancier ; la seconde disposition est applicable notamment lorsqu’un séquestre a été prononcé par l’autorité pénale sur le fondement des art. 263 ss. CPP (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht II : Art. 137-392 StGB, Jugendstrafgesetz, 4ème éd., Bâle 2019, n 7 à 9 ad art. 289).
2.2. Lorsque le ministère public estime que l'instruction est complète, il rend une ordonnance pénale ou informe par écrit les parties dont le domicile est connu de la clôture prochaine de l'instruction et leur indique s'il entend rendre une ordonnance de mise en accusation ou une ordonnance de classement; en même temps, il fixe aux parties un délai pour présenter leurs réquisitions de preuves (art. 318 al. 1 CPP). Le ministère public ne peut écarter une réquisition de preuves que si celle-ci exige l'administration de preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés en droit (art. 318 al. 2 CPP).
Selon l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité pénale ou déjà suffisamment prouvés. Le magistrat peut renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu que si l'appréciation de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est entachée d'arbitraire (ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 ; en matière de saisie du registre des visites d’un coffre-fort et d’audition d’employés de la salle des coffres, arrêt du Tribunal fédéral 6B_679/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3.1.).
2.3. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b). Le principe in dubio pro duriore découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP). Il signifie qu'en principe, un classement ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3). La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, il n’appartient pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation, mais au juge matériellement compétent de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1).
2.4. En premier lieu, les recourants et, dans une certaine mesure, les procureurs qui se sont succédé dans l’instruction de la cause, partent de l’idée qu’un séquestre a été prononcé sur le coffre-fort de la personne mise en cause, le 12 mai 2017. Ils se prévalent de la décision rendue ce jour-là par le Ministère public, à savoir une ordonnance « de perquisition et de séquestre ».
2.4.1. La perquisition est un acte de procédure (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Strafprozessordnung / Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 3e éd., Bâle 2023, n. 56 Vor Art. 241-254) qui se définit comme la recherche, en tout lieu clos, de moyens de preuve pouvant aider à la manifestation de la vérité (ACPR/139/2022 du 1er mars 2022 consid. 2.1. ; Y. JEANNERET/ A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd. Bâle 2019 n. 8 ad art. 241). Elle vise notamment à découvrir, dans le but de les mettre en sûreté (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale (CPP) du 21 décembre 2005, FF 2006 1218), des objets susceptibles d'être séquestrés (cf. art. 244 al. 2 let. b CPP ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op.cit., n. 3 Vor Art. 241-254). Les cas de séquestre sont ceux de l'art. 263 CPP (cf. M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op.cit., n. 24 ad art. 241 et n. 7 ad art. 246). Le séquestre pénal peut revêtir un caractère probatoire (art. 263 al. 1 let. a CPP) ou conservatoire (art. 263 al. 1 let. b à d CPP). Avant d'appliquer à un séquestre les normes du CPP applicables aux mesures d'instruction, il convient de déterminer à laquelle des deux catégories susévoquées le séquestre appartient in casu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_34/2014 du 15 avril 2014 consid. 2). Le séquestre qui vise à l'établissement de l'état de fait (art. 308 al. 1 CPP) est un séquestre probatoire (ACPR/119/2015 du 25 février 2015 consid. 1.3. et la référence). Ainsi, il n’est pas exclu qu’une valeur patrimoniale séquestrée en vue de confiscation ou de restitution au lésé revête aussi une fonction probatoire (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op. cit., n. 30 ad art. 263).
2.4.2. Par le séquestre, l'autorité pénale retire temporairement à l'ayant droit le pouvoir de disposer d'une chose ou la lui saisit provisoirement (Message précité, p. 1227) ; elle acquiert ainsi provisoirement la maîtrise physique de l'objet ou signifie à son détenteur une restriction au pouvoir d’en disposer (Y. JEANNERET/ A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 1 ad art. 263).
Le ministère public doit non seulement dresser procès-verbal de ses opérations, mais aussi inventorier, aussi précisément que possible, les objets, documents et valeurs séquestrés (Y. JEANNERET/ A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 18 ad art. 245 ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER (éds), op cit., n. 22 ad art. 245). ). La remise à l’autorité pénale des objets et valeurs patrimoniales séquestrés doit être attestée par celle-ci dans l'ordonnance de séquestre ou dans un accusé de réception séparé (art. 266 al. 1 et 2 CPP). Il est ainsi concevable que l'ordre de perquisition ou de séquestre serve en même temps de formulaire attestant de la remise des objets et valeurs patrimoniales séquestrés (ACPR/596/2015 du 4 novembre 2015 consid. 3.1. ; M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, loc. cit.). L'autorité pénale (cf. art. 198 al. 1 CPP) doit ensuite décider du sort des objets qu’elle a enlevés ou fait enlever aux ayants droit (Message précité, p. 1228).
2.5. Appliqués au cas d’espèce, ces principes conduisent à retenir ce qui suit.
Le Procureur chargé de la cause a motivé son ordonnance du 12 mai 2017 par la nécessité de rechercher (art. 241 al. 2 let. a CPP) si le coffre abritait des objets, informations ou valeurs patrimoniales susceptibles d’être séquestrés à titre conservatoire ou de servir de moyens de preuve dans la procédure P/1______/2017 ouverte contre la mise en cause et, cas échéant, de les séquestrer à titre conservatoire ou de moyens de preuve (art. 241 al. 2 let. b CPP). Comme la loi l’y autorisait (art. 241 al. 2 let. c CPP), il a exécuté personnellement sa décision, i.e. sans délégation à la police (art. 312 CPP), et le jour même. Peu importe, à cet égard, l’intitulé de l’ordonnance (« de perquisition et de séquestre »), puisqu’il ne savait pas encore ce qu’il trouverait dans le compartiment loué ni si le contenu découvert serait utile à la manifestation de la vérité et, par conséquent, saisi pénalement. Il a notifié sa décision sur-le-champ aux représentants de la banque détentrice des lieux (art. 245 al. 1 CPP) et s’est fait ouvrir le coffre enregistré au nom de la personne mise en cause, qui avait confié ses clés à la garde de la banque. Il a dressé un procès-verbal non seulement de ses opérations, mais aussi du contenu du coffre-fort.
À cet égard, la description des objets découverts est, certes, des plus succincte [« 14 objets (cf. photographies ci-jointes, contenant diverses pièces et autres) »], mais cette formulation renvoie aux photographies prises à cette occasion. On y reconnaît à peine ce qu’une inscription, sur le rabat d’une enveloppe, semble annoncer comme « 23 boules émeraudes ».
L’essentiel n’est cependant pas là, mais dans la phrase qui conclut le procès-verbal : « Le Procureur n’a rien emmené ». Il ne s’est donc rien fait remettre. Preuve en soit qu’il n’a d’ailleurs pas délivré d’accusé de réception d’objets à la banque détentrice.
Il s’ensuit que, si le Procureur n’a rien inventorié formellement ni rien emporté non plus, mais laissé en l’état le coffre-fort – dont la banque détenait les clés de la cliente, qu’il lui a encore laissées après la perquisition –, l’accès au compartiment et à son contenu n’était pas plus interdit ou empêché au détenteur qu’il ne l’était avant l’exécution de la perquisition. Autrement dit, le Ministère public n’a rien séquestré, i. e. placé sous main de justice, au sens de l’art. 289 CP, le 12 mai 2017. La banque l’a d’ailleurs compris dans le même sens, comme cela ressort de ses lettres des 14 juillet et 25 août 2022. C’est ce qui explique l’absence, dans le registre des visites aux coffres, de toute inscription de blocage ou de restriction d’accès qui aurait frappé le compartiment de la mise en cause.
On ne voit donc pas comment reprocher aux employés de la banque l’inobservation d’une décision de justice qui n’a, en réalité, pas dépassé le stade d’une perquisition, à laquelle personne ne s’est opposé.
Il s’ensuit que la mise en cause, quoi qu’elle ait déclaré au fisc en janvier 2020 au sujet de l’existence d’« un » séquestre – toute interdiction d’informer ayant été levée dès le 23 avril 2018 –, a pu se rendre sans difficulté à son coffre, le 22 mai 2020, et accéder au contenu du compartiment.
Dès lors que, ce jour-là, aucun séquestre n’était en vigueur ni n’avait été enregistré – et n’avait pas à l’être –, on ne voit pas l’intérêt d’identifier et d’interroger d’autres membres du personnel que les collaborateurs déjà entendus de la banque. De même, on ne voit pas quel élément utile apporterait le rapport interne à la banque à ce sujet.
Que, par la suite, les recourants aient cherché à saisir le contenu du coffre-fort sur le fondement de la loi sur la poursuite pour dettes – pour des créances liées non pas à l’éventuelle commission d’infractions pénales, mais à des dépens judiciaires – n’y change rien. Comme il est établi que la mise en cause ne s’est jamais plus rendue à son coffre après le 22 mai 2020, elle n’aurait donc pas, non plus, pu arbitrairement en disposer du contenu (art. 169 CP), si elle s’en était emparée ce jour-là. L’avis de saisie date en effet du 17 juin 2021.
Pour le même motif, la banque doit être mise hors de cause. On observera qu’en répondant à l’Office des poursuites, le 25 janvier 2022, que le coffre-fort était formellement bloqué, la banque n’a pas mentionné qu’une mesure pénale pré-existerait et subsisterait, voire l’emporterait (cf. art. 44 LP). Selon sa lettre du 25 août 2022 au Ministère public, elle n’a mis en place un blocage (pénal) que ce jour-là. C’est la corroboration que la perquisition du 12 mai 2017 n’a pas été suivie d’un séquestre pénal prononcé par le Ministère public, c’est-à-dire d’une mise d’objets sous main de justice – ce qui prive de fondement toute infraction à l’art. 289 CP –.
La mention, dans l’ordonnance de classement de la procédure P/1______/2017, que le séquestre du coffre serait levé à l’entrée en force de la décision est sans portée ; elle ne peut que résulter d’une appréciation juridique erronée des faits pertinents.
Pour le surplus, l’estimation du nombre d’émeraudes fournie au fisc par la mise en cause, le 9 janvier 2020, n’est pas déterminante ; la mise en cause ne s’était jamais rendue au coffre auparavant, à teneur du journal des visites.
3. Faute d’infraction, la question de la constitution de partie plaignante est sans objet (cf. art. 115 al. 1 CPP).
4. Le recours, d’emblée mal fondé, pouvait être traité sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).
5. Les recourants, qui succombent, supporteront, solidairement (art. 418 al. 2 CPP), les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 2’000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ et B______, solidairement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et B______ (soit pour eux leur commun conseil), à C______ et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.
La greffière : Olivia SOBRINO |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse
(art. 48 al. 1 LTF).
| ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 30.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'895.00 |
Total | CHF | 2'000.00 |