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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18272/2024

ACPR/154/2025 du 25.02.2025 sur OTDP/1838/2024 ( TDP ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 08.04.2025, 6B_330/25
Descripteurs : DÉLAI DE RECOURS;CONDITION DE RECEVABILITÉ;DÉPOT(EN GÉNÉRAL);BOÎTE AUX LETTRES;TÉMOIN;PREUVE
Normes : CPP.396; CPP.91.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18272/2024 ACPR/154/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 25 février 2025

 

Entre

A______, représenté par Me F______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 20 août 2024 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


Vu :

- l'ordonnance du 20 août 2024, notifiée le 27 suivant, par laquelle le Tribunal de police a déclaré irrecevable, car tardive, l'opposition de A______ aux ordonnances pénales rendues les 28 septembre et 21 octobre 2021 par le Service des contraventions;

- le courriel adressé par l'avocat de A______ à la Chambre pénale de recours, le 6 septembre 2024 à 20h.12, contenant, en annexe, l'acte de recours [sans signature électronique] et une photographie représentant une main tenant un pli recommandé adressé à la "Cour pénale (CPR)" avec, en arrière-plan, une boîte aux lettres de La Poste Suisse;

- le recours expédié par le conseil de A______, par pli recommandé portant le timbre de la poste du 8 septembre 2024.

Attendu que :

-          l'acte de recours porte la date du 6 septembre 2024, avec la mention "transmis par courriel et déposé à l'office postal ce jour avant minuit";

-          l'enveloppe contenant le recours – portant le timbre de la poste du 8 septembre 2024 – porte, au dos, la mention manuscrite "Déposé à l'office postal de B______ le 6 septembre 2024 à 20h00" et la signature de l'avocat, avec, en dessous, l'annotation manuscrite : "+ témoin : C______ no. ______ rue 1______" et une signature manuscrite où ce nom est lisible;

-          dans son recours, A______ conclut à ce que son recours soit déclaré "bon et recevable", et à l'annulation de l'ordonnance querellée;

-          par pli du 11 octobre 2024, la direction de la procédure a invité l'avocat de A______ à transmettre, dans un délai de cinq jours, les coordonnées complètes – adresse et numéro de téléphone – du témoin ayant signé l'enveloppe du dépôt du recours, ainsi qu'une copie de sa pièce d'identité;

-          par courriel du 21 octobre 2024, l'avocat de A______ a transmis une nouvelle fois l'acte de recours et la photographie déjà envoyés le 6 septembre précédent, ainsi qu'une vidéo où l'on voit l'enveloppe destinée à la Chambre de céans être mise dans une boîte aux lettres de La Poste;

-          à ce courriel était également jointe une lettre de Me F______ adressée à D______, Directeur de la Cour de justice, exposant que le recours avait été déposé dans la boîte aux lettres de l'Office postal de B______ le 6 septembre 2024. Il [Me F______] avait demandé "à un habitant de la commune qui se trouvait là par hasard" de signer au dos de l'enveloppe le constat que celle-ci avait bien été introduite dans la boîte le jour et à l'heure annoncés. Contre toute attente, la direction de la procédure ordonnait la production des coordonnées complètes du témoin, alors que l'accès à la base de données CALVIN démontrerait immédiatement son existence. Il était inadmissible que la Chambre pénale de recours ose supposer qu'il aurait "inventé un témoin et imité une signature", qui plus est dans une situation où il ne faisait aucun doute que le recours avait été déposé le 6 septembre 2024. Un avocat n'était pas légitimé à exiger d'un citoyen qu'il donne son numéro de téléphone, son adresse et la copie de sa carte d'identité pour les produire en justice. La Cour de justice ne pouvait donc pas l'exiger de lui. Pour ces motifs, il sollicitait du "Directeur de la Cour de justice" qu'il confirme que la rédaction et la transmission du recours, le 6 septembre 2024, avaient été établies "avec suffisance". À défaut, qu'une copie recto-verso de l'enveloppe lui soit transmise, et le délai prolongé pour produire les informations "raisonnables et disponibles" relatives au témoin;

-          par courriel du 23 octobre 2024 adressé à la Cour de justice, l'avocat de A______ a requis à tout le moins la prolongation du délai imparti par la direction de la procédure. Il invoquait un "formalisme excessif", "notamment en application de l'obligation de loyauté CPP 3 II a";

-          le 24 octobre 2024, la direction de la procédure a transmis à Me F______ une copie de l'enveloppe et lui a accordé une prolongation au 7 novembre 2024 du délai pour faire parvenir les informations et document demandés le 11 précédent;

-          par lettre du 30 octobre 2024, à nouveau adressée au Directeur de la Cour de justice, Me F______ expose que les demandes de la Cour étaient disproportionnées et illégales. La requête visant la transmission de l'adresse du témoin C______ ne faisait aucun sens, puisque ce dernier avait pris la peine d'indiquer son adresse, laquelle était vérifiable par le Pouvoir judiciaire et était proche de l'office postal de B______. De telles pratiques heurtaient le sentiment de la justice et semblaient "relever de l'entrave à l'action pénale". Une simple "analyse de bonne foi" était sollicitée du Directeur. Une prolongation du délai était sollicitée jusqu'à droit jugé sur les exigences abusives de la Cour de justice. La copie de la carte d'identité du témoin n'éclairerait en rien l'autorité sur le fait que le recours avait bien été déposé aux endroit et heure annoncés, sauf à considérer qu'un avocat assermenté inventait de faux témoins;

-          par lettre du 4 novembre 2024, la présidente de la Chambre de céans a répondu à Me F______ que D______, Directeur de la Cour de justice, exerçait des fonctions administratives et n'intervenait pas dans les procédures. L'avocat était renvoyé, au surplus, à la lettre de la direction de la procédure, du 24 octobre 2024;

-          par courrier du 15 novembre 2024 à nouveau adressé au Directeur de la Cour de justice, l'avocat de A______, faisant référence à la lettre du 4 novembre 2024 susmentionnée, précise que son interpellation "concern[ait] cependant bien une problématique administrative, à clarifier dans l'intérêt manifeste de l'ensemble des Avocats et leurs mandants, s'agissant de la pratique de [la] Chambre [de céans] relative à la notification des courriers". Une telle pratique devait impérativement "transcender les procédures" et être uniforme au sein de la Cour. Il n'était pas admissible qu'une pratique de notification et d'exigence de preuve variât au gré des magistrats chargés de la procédure ou "des avocats visés". Selon l'art. 9 Cst. féd., la loyauté et la proportionnalité s'imposaient;

-          par lettre du 16 janvier 2025, la direction de la procédure a informé A______ que le témoin [C______] dont le nom figurait sur l'enveloppe n'était, selon les informations figurant au registre de l'Office cantonal de la population et des migrations (CALVIN) pas domicilié à l'adresse mentionnée [no. ______ rue 1______] ; un délai lui a été imparti pour ses éventuelles déterminations;

-          par lettres des 23 et 27 janvier 2025, l'avocat de A______ s'est une fois encore adressé au Directeur de la Cour de justice, ainsi qu'à la direction de la procédure, exposant ne pas comprendre les "tracasseries" qui lui étaient imposées, relevant qu'il suffisait à la Chambre de céans d'écrire au témoin pour lui demander copie de sa signature ("pour expertise en écriture") et de son bail à loyer à B______, invoquant une violation des droits fondamentaux de son client (art. 5 ch. 3, 9, 29 ch. 1 et 30 ch. 1 Cst. féd.), et finissant par dire que la Chambre de céans disposait déjà de l'adresse du témoin, "rue 2______ no. ______, [code postal] E______", étant relevé que le témoin en question aurait "dit [à l'avocat] être actuellement et peut-être provisoirement en colocation rue 1______ no. ______, dans notre canton toujours".

-          à réception de ce dernier courrier, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures avec les autorités intimées, ni débats.

Considérant, en droit, que :

-          aux termes de l'art. 396 al. 1 CPP, le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours;

-          selon l'art. 91 al. 1 CPP, le délai est réputé observé si l'acte de procédure est accompli auprès de l'autorité compétente au plus tard le dernier jour du délai. Les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à La Poste Suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP);

-          le délai est sauvegardé si l'acte est remis le dernier jour du délai à minuit. La preuve de l'expédition d'un acte de procédure en temps utile incombe à la partie, respectivement à son avocat. La date du dépôt d'un acte de procédure est présumée coïncider avec celle du sceau postal. La partie qui prétend avoir déposé son acte la veille de la date attestée par le sceau postal a cependant le droit de renverser cette présomption par tous moyens de preuve appropriés. L'avocat qui se contente de déposer son pli dans une boîte postale n'est pas sans savoir le risque qu'il court que ce pli ne soit pas enregistré le jour même de son dépôt, mais à une date ultérieure. S'il souhaite renverser la présomption résultant du sceau postal apposé sur l'enveloppe ayant contenu un acte de procédure, l'avocat doit indiquer spontanément à l'autorité de recours, et avant l'échéance du délai, qu'il a respecté celui-ci, en présentant les moyens qui l'attestent. Pour renverser la présomption, il importe que la partie recourante produise ses preuves dans le délai de recours, ou du moins les désigne dans l'acte de recours, ses annexes ou sur l'enveloppe qui le contient (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 et les références citées);

-          la preuve peut être rapportée par tous moyens appropriés, tel que le témoignage d'une ou de plusieurs personnes (dont les noms et adresses seront inscrits sur l'enveloppe contenant le recours), voire une séquence audiovisuelle filmant le dépôt du pli dans la boîte postale (ATF 142 V 389 consid. 2.2; 124 V 372 consid. 3b ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_180/2024 du 4 octobre 2024 consid. 1.1.3 ; 6B_157/2020 du 7 février 2020 consid. 2.3 = SJ 2020 I 232);

-          il n'est en revanche pas admissible de produire de telles preuves pour la première fois après l'échéance du délai de recours, sans les avoir évoquées auparavant sur l'enveloppe contenant le mémoire de recours par exemple (ATF 147 IV 526 consid. 3.1 et les réf. citées; arrêt du Tribunal fédéral 7B_180/2024 susmentionné, consid. 1.1.3.);

-          dans le cadre d'une procédure de recours ayant donné lieu à l'arrêt ACPR/203/2024 du 18 mars 2024 de la Chambre de céans, Me F______ avait été invité à produire copie du document d'identité du témoin mentionné au dos de l'enveloppe contenant le recours, déposé selon lui le dernier jour du délai dans une boîte aux lettres. La copie de la carte d'identité produite par l'avocat comportait une oblitération par perforation qui la faisait apparaître invalide ou annulée. L'autorité de recours a estimé qu'il était "hautement douteux" que le recours eût été exercé en temps utile. Cela étant, il a été retenu ce qui suit : "dans la mesure, toutefois, où la Chambre de céans n’a récemment pas fait cas de pareilles lacunes de l’avocat de la recourante dans ce domaine (cf. ACPR/97/2024 ; ACPR/507/2023), il y a lieu d’entrer en matière. L’avocat est cependant averti que, si de nouveaux manquements dans le respect exhaustif des prescriptions et exigences de preuve jurisprudentielles susmentionnées devaient être constatés à l’avenir, ils ne seront plus tolérés et conduiront d’emblée à l’irrecevabilité du recours, c’est-à-dire sans autre mesure d’instruction.";

-          en l'espèce, le sceau postal apposé sur l'enveloppe contenant le recours porte la date du 8 septembre 2024, postérieure de deux jours au délai de recours, venu à échéance le 6 septembre 2024;

-          l’avocat du recourant a transmis, le 6 septembre 2024, une copie de son recours par courriel au greffe de l’autorité de recours, mais un tel mode de procéder ne respecte pas les exigences de forme requises pour un recours (cf. ATF 148 IV 445 consid. 1.3.1 ; 142 IV 299 consid. 1.1);

-          la photographie produite par courriel le 6 septembre 2024, censée prouver que le recours a été déposé dans la boîte aux lettre ce jour-là n'est pas probante, à teneur de la jurisprudence sus-rappelée, et la vidéo montrant le dépôt du recours n'est pas recevable, puisqu'elle a été envoyée le 21 octobre 2024, soit bien après l'échéance du délai de recours;

-          le verso de l’enveloppe contenant le recours comporte, avec le nom et la signature d’un témoin, la mention que le recours aurait été déposé le 6 septembre 2024 à 20h.00, dans une boîte aux lettres de l'office postal de B______. Selon la consultation du registre de l'Office cantonal de la population et des migrations, la personne dont le nom figure sur l'enveloppe n'est toutefois pas domiciliée à l'adresse mentionnée, ce qu'admet finalement le recourant dans sa dernière lettre, du 27 janvier 2025;

-          selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la signature du témoin figurant sur l'enveloppe contenant le recours et l'indication d'un code postal ne suffisent pas pour constituer un moyen de preuve du dépôt en temps utile (arrêt du Tribunal fédéral 7B_3/2025 du 17 janvier 2025 consid. 1.3). C'est a fortiori le cas lorsque, comme ici, l'adresse mentionnée ne correspond pas au domicile officiel de la personne annoncée comme témoin. La Chambre de céans a proposé au recourant de produire la carte d'identité du témoin, pour comparer les signatures, en vain. Invité à s'exprimer sur le fait que l'adresse mentionnée ne correspondait pas au domicile officiel de la personne mentionnée, le recourant expose que le témoin habiterait "en colocation" à l'adresse indiquée, mais cela ne permet pas de valider l'attestation – devant valoir témoignage – figurant au dos de l'enveloppe. Il n'appartient en effet pas à l'autorité de recours de rechercher elle-même le témoignage, la preuve devant être immédiatement disponible, ce qui n'est pas le cas ici (cf. ATF 147 IV 526 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_46/2022 du 25 janvier 2022 consid. 2);

-          cela conduit à conclure que le dépôt du recours, le 6 septembre 2024, n'est pas prouvé;

-          contrairement à ce qu'allègue le recourant, ce constat ne viole aucune protection de la bonne foi. Exiger la preuve du respect du délai de recours ne témoigne d’aucun formalisme excessif (cf. ATF 149 IV 97 consid. 2.1). C’est d’autant plus vrai que son avocat a été averti, en mars 2024, de la nécessité de respecter strictement les règles en matière de dépôt de recours dans une boîte aux lettres.

-          faute d'avoir apporté la preuve du dépôt du recours dans le délai légal, le recourant doit se voir opposer l'irrecevabilité de celui-ci;

-          le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Tribunal de police et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Valérie LAUBER, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18272/2024

ÉTAT DE FRAIS

ACPR/

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

Total

CHF

985.00