Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/24/2025 du 09.01.2025 ( PSPECI ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PS/88/2024 ACPR/24/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du jeudi 9 janvier 2025 |
Entre
A______, représenté par Me B______, avocat,
recourant,
contre la décision rendue le 31 octobre 2024 par le Service de l'application des peines et mesures,
et
LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 14 novembre 2024, A______ recourt contre la décision du 31 octobre 2024, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après : SAPEM) a révoqué sa décision de passage en milieu ouvert du
21 mai 2019 et confirmé son placement en milieu fermé.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée et à ce qu'il soit immédiatement placé en milieu ouvert. Préalablement, il conclut à l'octroi de l'assistance judiciaire et à la désignation de son conseil comme défenseur d'office pour la procédure de recours.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, né le ______ 1967, ressortissant suisse, se trouve en exécution de peine, après avoir été condamné, par arrêt du Tribunal criminel du 1er juin 2012, confirmé par la Chambre pénale d'appel et de révision du 8 février 2013, à une peine privative de liberté de seize ans, sous déduction de 1'386 jours de détention préventive, pour assassinat.
b. Il a été incarcéré du 24 avril 2009 au 8 décembre 2014 à la prison de C______, puis du 8 décembre 2014 au 17 février 2021 à D______, dont une partie en milieu ouvert à la suite de la décision du 21 mai 2019 du SAPEM autorisant son transfert à la colonie ouverte de D______. Il a par la suite été détenu dans le secteur ouvert de l'Établissement pénitentiaire E______ jusqu'au 21 mars 2023. Il est ensuite retourné à la prison de C______, puis a été transféré à l'établissement F______ à la suite d'une décision de retour en milieu fermé prise par le SAPEM. Le 26 octobre 2023, il a été transféré à l'Établissement G______, en milieu ouvert, à la suite de l'arrêt rendu par la Chambre de céans le 29 septembre 2023 (ACPR/755/2023), puis à l'établissement H______, jusqu'au 23 octobre 2024, date de son transfert à C______, à nouveau en milieu fermé.
c. Les deux tiers de la peine ont été atteints le 22 décembre 2019, tandis que la fin de peine est fixée au 22 avril 2025.
d. L'évaluation criminologique du Service de probation et d'insertion (ci-après : SPI) du 28 août 2018 avait retenu un faible risque de récidive spécifique. Le risque de récidive violente et le risque de récidive générale avaient, quant à eux, été évalués comme moyens.
e. Par jugements des 19 décembre 2019, 20 mai 2020, 21 mai 2021 (confirmé par arrêt de la Chambre de céans du 16 août 2021 [ACPR/534/2021]), 22 juillet 2022 et 6 novembre 2023 (également confirmé le 5 décembre 2023 [ACPR/936/2023]), le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé d'accorder la libération conditionnelle à A______. Dans son dernier arrêt, la Chambre de céans avait notamment retenu que la situation de l'intéressé n'avait pas évolué depuis le dernier refus de libération conditionnelle en juillet 2022 et s'était même grandement péjorée. A______ avait de la peine à gérer ses frustrations et sa colère ainsi qu'à se conformer aux règles établies.
f. Une nouvelle demande de libération conditionnelle est en cours auprès du TAPEM.
g. Durant sa détention, A______ a été visé par plusieurs sanctions, notamment le 14 mars 2023 (pour menace et insulte envers le personnel), à la suite de laquelle E______ a requis son transfert hors de l'établissement, le 16 mai 2023 pour refus de travailler, le 30 juin 2023 pour violation des dispositions sécuritaires de l'établissement et mise en danger des codétenus et du personnel, le 27 octobre 2023 pour avoir refusé de se rendre au travail, le 29 novembre 2023 pour avoir insulté un collaborateur et avoir refusé de se rendre au travail et les 11 et 22 décembre 2023 pour avoir refusé de se rendre au travail.
h. Il ressort du procès-verbal de la séance de réseau interdisciplinaire de G______ du 23 janvier 2024 que, depuis son arrivée dans l'établissement, A______ a fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires, résultant de tensions avec le personnel médical, dont une mise aux arrêts pour des insultes envers une infirmière. Ses contacts avec les agents de détention étaient polis, mais il se montrait peu ouvert à un avis contraire au sien. La situation s'était apaisée lorsqu'il avait changé de secteur de travail. Lors de l'entretien, A______ s'était montré peu avenant et peu collaborant, allant jusqu'à proférer des menaces à l'encontre de la représentante du SAPEM, lui indiquant de manière explicite ne pas vouloir discuter davantage, "pas ici" et "pas maintenant", mais assurément ailleurs, et avait précisé sortir dans "14 mois et 29 jours". Il avait ajouté être "en mesure d'offrir six mois d'arrêt-maladie à la personne en charge de [s]on dossier". Il s'était enfin opposé à bénéficier de congés ou à une quelconque libération conditionnelle.
i. Par courrier du 29 janvier 2024, le SAPEM a indiqué à A______ avoir déchargé la représentante de son dossier, au vu des graves menaces à son encontre.
j. Par courrier du 12 février 2024, A______ a contesté avoir proféré des menaces.
k. Le 27 février 2024, le SAPEM a mis en place et validé un plan d'exécution de la sanction pénale (ci-après : PES), prévoyant uniquement un maintien en milieu ouvert, sans aucun régime de congés. Aucun élargissement ne pouvait en effet être envisagé à la suite du comportement de A______ lors de la séance du 23 janvier 2024.
l. Par courrier du 9 juillet 2024, A______ a demandé un congé de vingt-quatre heures du 24 au 25 août 2024. Le SAPEM lui a répondu le 12 suivant qu'au vu de la situation, notamment du PES du 27 février 2024 ne prévoyant pas de régime de congé, des conditions à respecter dans ce document et de son absence de collaboration au mois d'avril 2024 à une évaluation criminologique permettant de réactualiser les risques, un congé ne pouvait en l'état être envisagé.
m. Le SAPEM a confirmé sa décision de refus de congé le 19 août 2024, constatant que les conditions du PES n'étaient manifestement pas remplies, notamment au vu du compte rendu du 23 janvier 2024, des préavis défavorables à la libération conditionnelle, de la mauvaise collaboration générale de A______ et de son attitude vindicative et oppositionnelle. Il a également constaté une péjoration importante de son investissement dans sa prise en charge depuis son retour en milieu ouvert, avec une attitude hostile face aux intervenants, à l'autorité d'exécution et, plus largement, au système pénal. Son refus de se soumettre à une évaluation criminologique ne permettait au demeurant pas de réévaluer les risques de récidive, tant au sein de l'établissement pénitencier qu'à l'extérieur. Il n'avait de plus pas bénéficié de congé depuis février 2023.
n. Selon le préavis de la Commission d'évaluation de la dangerosité (ci-après : CED) du 25 septembre 2024, A______ refusait de collaborer dans le cadre de sa prise en charge et présentait une "aversion viscérale envers les autorités pénales, n'hésitant pas à franchir la ligne rouge en proférant des menaces explicites". Il avait en outre expressément refusé de comparaître à son audition et de se soumettre à une nouvelle expertise, au motif qu'il "préfér[ait] attendre, en l'état, sereinement, la fin de l'exécution de sa peine". Il n'hésitait pas à franchir les limites et présentait un danger pour la collectivité.
o. Le 10 octobre 2024, A______ a été transféré, à sa demande, à l'établissement H______ afin qu'il se rapproche de sa famille et prépare sa prochaine libération.
p. Par courriel du 22 octobre 2024, l'établissement H______ a informé le SAPEM que A______ avait tenu des propos faisant état d'un projet d'assassiner sa "conseillère" du SAPEM. Par décision du lendemain, le SAPEM, après avoir entendu l'intéressé qui a contesté les faits, a ordonné sa réintégration, à titre conservatoire, en milieu fermé. La fouille de la cellule du même jour n'avait pas permis de trouver d'élément particulier.
q. Par courrier du 28 octobre 2024, A______ s'est opposé à son placement en milieu fermé et a contesté les faits reprochés, les propos qu'on lui imputait n'étant pas crédibles.
r. Il ressort du rapport de l'établissement H______ du 29 octobre 2024, que, le 21 précédent, une personne, dont l'identité a été caviardée, avait expliqué s'être entretenue avec A______, qui lui avait fait part de son projet d'assassiner ou de faire assassiner, dès sa sortie de prison, sa conseillère du SAPEM dont il avait cité le nom et l'adresse. L'intéressé avait consulté un site de tueurs à gages dont il avait également fourni le nom, qui engageait des jeunes de 14 à 16 ans. Il semblait très déterminé et avait précisé qu'il avait déjà tout perdu et n'avait plus rien à perdre. Il semblait également avoir des idées noires et tenait des propos haineux. Il est mentionné que la personne ayant fourni ces renseignements était un "détenu modèle", dont les propos étaient crédibles.
C. Dans sa décision querellée, le SAPEM relève qu'une absence claire de collaboration avec les intervenants de prise en charge, les criminologues, la CED et l'autorité d'exécution ressortaient du dossier de A______, depuis sa réintégration en milieu ouvert le 24 octobre 2023. Ce dernier se comportait de manière oppositionnelle, vindicative et menaçante. Les éléments rapportés par l'établissement H______ étaient suffisamment réalistes et graves, de par leur teneur détaillée, de par la gravité des faits ayant conduit à la condamnation pénale de l'intéressé et de son mode de fonctionnement. Il existait ainsi un risque hautement probable de récidive violente, précisément létale, à l'encontre de personnes spécifiquement désignées.
Bien que les propos aient été rapportés par une personne détenue, sous couvert de l'anonymat, ils laissaient entendre une prochaine atteinte à la vie d'une collaboratrice du SAPEM, par l'intermédiaire d'un contrat avec un tueur à gages. Ces propos, qui étaient crédibles, détaillés et jugés comme réalistes, présentaient une similitude avec l'infraction ayant conduit à la condamnation de A______, soit l'assassinat d'un inconnu, sous contrat, prémédité pendant plusieurs semaines et par pur appât du gain, son trouble de la personnalité et son mode de fonctionnement durant l'ensemble de son parcours carcéral lors duquel il avait pu faire preuve d'une impulsivité mal contrôlée, d'une absence de remise en question, d'une absence de respect du cadre établi et l'envoi d'écrits insultants, dénigrants et menaçants, notamment contre l'autorité d'exécution.
Le comportement de A______ était demeuré sensiblement le même que lors de son évaluation par le SPI en 2018, avec une aggravation manifeste de son état au regard de son absence de collaboration dans le cadre de son exécution de peine et de la nature des propos tenus lors des échanges avec son codétenu, traduisant une "toute-puissance", n'ayant plus rien à perdre. Il semblait animé par un sentiment d'injustice et un désir de vengeance ayant atteint son paroxysme. Le risque de récidive violente n'était plus moyen, mais hautement concret, puisqu'il ciblait désormais une victime et avait un mode opératoire défini.
Partant, l'intéressé ne remplissait plus les conditions d'un passage en milieu ouvert. Le risque d'atteinte à la vie d'une personne spécifique était suffisant pour justifier le retour en milieu fermé et il apparaissait disproportionné d'exposer toute victime potentielle en le laissant dans un milieu ouvert facilitant davantage la commission d'infractions. La décision du 21 mai 2019 était dès lors révoquée.
D. a. Dans son recours, A______ reproche au SAPEM d'avoir violé son droit d'être entendu, la décision se fondant sur une dénonciation anonyme et concernant une collaboratrice inconnue, retranscrite dans un courriel caviardé. Il n'avait de plus pas eu accès, à ce jour, au dossier complet (dès le 1er janvier 2024) de la cause.
Le SAPEM avait également constaté les faits de manière incomplète et inexacte, se fondant uniquement sur les procédures allant dans son sens. En effet, de nombreux échanges de courriers entre eux datant de 2019 démontraient qu'il n'existait pas de dégradation de son comportement. Il avait subi un retard de 18 mois pour être placé en milieu ouvert, mais s'était néanmoins toujours comporté dans la norme, nonobstant certains "égards de langage", ce qui ressortait notamment de plusieurs décisions d'autorisation de congé du SAPEM.
Il contestait avoir proféré des menaces ou rapporté de tels propos à un codétenu et aucun élément au dossier ne permettait de le démontrer. L'anonymat du dénonciateur rendait la procédure opaque et les déclarations de ce dernier, peu crédibles. Il n'avait aucune connaissance informatique, encore moins du "darknet", pour effectuer des recherches de tueurs à gages et la fouille de sa cellule n'avait pas été concluante. Les reproches formulés n'étaient dès lors pas suffisamment établis et son placement en milieu fermé constituait une atteinte injustifiée à sa liberté personnelle, ainsi qu'un abus de pouvoir.
b. Dans ses observations du 4 décembre 2024, le SAPEM conclut au rejet du recours. Le dossier de la cause avait déjà été transmis au conseil du recourant et il produisait de nouvelles pièces relatives aux périodes citées dans le recours, attestant d'un comportement conflictuel de l'intéressé.
Dans tous les cas, même à retenir que A______ aurait adopté un comportement satisfaisant durant sa détention, il n'en demeurait pas moins qu'il avait fait preuve d'une absence de collaboration durant l'année 2024 et d'un comportement revendicateur, vindicatif et menaçant depuis son passage en milieu ouvert. L'absence d'élargissement dans sa progression depuis son placement en milieu ouvert – notamment l'absence de congés – était exclusivement due à son comportement et aucun manquement ou partialité dans la prise en charge ne pouvaient être imputés à l'autorité, qui avait notamment en ce sens accepté de le transférer à H______, afin qu'il se rapproche de sa famille.
Le choix de mettre en lumière la correspondance passée de A______ avait pour but de souligner l'aggravation et la persistance de son animosité envers le système et plusieurs personnes gravitant autour de sa situation, le prénommé envisageant même désormais d'attenter concrètement à la vie d'une intervenante. Il n'avait ainsi pas constaté les faits de manière incomplète ou inexacte.
Les propos menaçants tenus en janvier 2024 à l'égard de la collaboratrice avaient été confirmés dans un compte rendu de réseau validé tant par la personne ciblée que par les intervenants de l'établissement présents, de sorte qu'ils devaient être tenus pour avérés, malgré la contestation du recourant. Ce dernier, en refusant de collaborer et de se soumettre à une évaluation criminologique, avait volontairement manqué l'opportunité d'exprimer son point de vue sur ces faits. Les propos rapportés par le codétenu étaient quant à eux crédibles, ce qui avait été confirmé par l'intervenant professionnel les ayant recueillis, puis appuyés par la direction de l'établissement. L'anonymat avait été requis pour des raisons sécuritaires. Les menaces étaient dirigées contre un bien juridique essentiel, soit la vie, et le placement en milieu fermé du recourant pour cette raison était proportionné et ne constituait aucunement un abus de pouvoir. Une plainte pénale avait au demeurant été déposée et était en cours d'instruction.
c. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions.
EN DROIT :
1. 1.1. Conformément à l'art. 128 al. 2 let. a et al. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ; RS E 2 05), la Chambre de céans exerce les compétences que le CPP et la loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale du 27 août 2009 (LaCP ; RS E 4 10) lui attribuent.
1.2. En vertu de la délégation figurant à l'art. 439 CPP, le législateur genevois a attribué à la Chambre pénale de recours la compétence de statuer sur les recours dirigés contre les décisions rendues par le Département de l'institution et du numérique (DIN), ses offices et ses services, les art. 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie (art. 42 al. 1 let. a LaCP).
1.3. En l'espèce, le recours est recevable pour être dirigé contre une décision rendue par le SAPEM (art. 5 al. 2 let. e et 40 al. 1 LaCP ; art. 11 al. 1 let. e Règlement sur l'exécution des peines et mesures du 19 mars 2014 [REPM ; RS E 4 55.05]), avoir été déposé dans la forme et le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al 1 CPP) et émaner du condamné visé par la décision déférée et qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant se plaint d'une violation du droit d'être entendu, au motif que le SAPEM ne lui a pas remis son dossier, malgré sa demande, et que la décision se fonde sur une dénonciation anonyme.
2.1. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 3 al. 2 let. c CPP et 29 al. 2 Cst., implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 I 232 consid. 5.1). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause ; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; ATF I 232 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 1.1 et 1B_62/2014 du 4 avril 2014 consid. 2.2).
La violation du droit d'être entendu doit entraîner l'annulation de la décision, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 consid. 2.2; 122 II 464 consid. 4a). Une violation du droit d'être entendu, pour autant qu'elle ne soit pas particulièrement grave, peut être considérée comme réparée lorsque la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet quant aux faits et au droit. Par ailleurs, même si la violation du droit d'être entendu est grave, une réparation du vice procédural devant l'autorité de recours est également envisageable si le renvoi à l'autorité inférieure constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1;
ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 = SJ 2011 I 347; 136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).
2.2. En l'espèce, le dossier complet et à jour à compter du 1er janvier 2024 a été transmis au recourant, selon sa demande, et figure à la procédure. Ainsi, les pièces lui permettant de se déterminer sur la position de l'autorité dans la décision querellée lui ont été transmises et l'intéressé a pu s'exprimer par écrit sur leur contenu après leur réception le 4 décembre 2024. Aucune violation du droit d'être entendu ne saurait dès lors être retenue à cet égard, et elle aurait, dans tous les cas, été réparée.
S'agissant de la dénonciation, le recourant perd de vue qu'elle n'est pas anonyme, mais a été anonymisée et les documents caviardés, sur demande du détenu concerné. Il ne peut être reproché à l'autorité de ne pas avoir dévoilé son identité, dans la mesure où ce dernier l'a expressément demandé et pour des raisons sécuritaires évidentes et afin d'éviter tout risque de représailles. Le dénonciateur a cependant été entendu par un membre du personnel de l'établissement, qui a attesté du caractère fiable et crédible de ses propos. Ainsi, l'identité du détenu a pu être vérifiée par l'établissement et sa connaissance ne permettrait pas d'apporter de nouveaux éléments au dossier, de sorte que la protection de l'anonymat du dénonciateur doit primer sur l'intérêt du recourant à connaître son identité.
Aucune violation du droit d'être entendu ne sera dès lors retenue.
2.3. Le recourant se plaint d'une constatation inexacte des faits. Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du SAPEM auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.
Le SAPEM a de plus indiqué clairement les éléments sur lesquels il s'était fondé pour prendre sa décision et il ne peut être exigé de ce dernier qu'il reprenne l'intégralité des faits survenus durant plus de douze ans de détention.
3. Le recourant conteste la révocation de son placement en milieu ouvert.
3.1. Selon l'art. 75 al. 1 CP, l'exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d'infractions. Elle doit correspondre autant que possible à des conditions de vie ordinaires, assurer au détenu l'assistance nécessaire, combattre les effets nocifs de la privation de liberté et tenir compte de manière adéquate du besoin de protection de la collectivité, du personnel et des codétenus.
Le détenu doit participer activement aux efforts de resocialisation mis en œuvre et à la préparation de sa libération (al. 4).
Le développement du comportement social du détenu, notamment de sa capacité à respecter la loi, est le premier objectif à atteindre lors de l'exécution. Par conséquent, la tâche des autorités d'exécution consiste en premier lieu à mettre en place des processus de socialisation. L'aptitude du condamné à vivre sans commettre d'infractions est particulièrement visée ; il s'agit du but de prévention spéciale, également voulu par l'ancien droit (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 2 ad art. 75).
3.2. Selon l'art. 75a al. 1 CP, la commission visée à l’art. 62d al. 2 CP – soit à Genève la CED (art. 4 LaCP) –, apprécie, lorsqu’il est question d’un placement dans un établissement d’exécution des peines ouvert ou de l’octroi d’allégements dans l’exécution, le caractère dangereux du détenu pour la collectivité si le détenu a commis un crime visé à l’art. 64 al. 1 CP (let. a) – parmi lesquels figure l'infraction à l'art. 112 CP –, et que l’autorité d’exécution ne peut se prononcer d’une manière catégorique sur le caractère dangereux du détenu pour la collectivité (let. b).
Les allégements dans l’exécution sont des adoucissements du régime de privation de liberté, notamment le transfert en établissement ouvert, l’octroi de congés, l’autorisation de travailler ou de loger à l’extérieur ainsi que la libération conditionnelle (al. 2).
L'al. 3 de l'art. 75a CP précise que le caractère dangereux du détenu pour la collectivité est admis s’il y a lieu de craindre que le détenu ne s’enfuie et ne commette une autre infraction par laquelle il porterait gravement atteinte à l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’autrui.
3.3. Les peines privatives de liberté sont exécutées dans un établissement fermé ou ouvert (art. 76 al. 1 CP). Le détenu est placé dans un établissement fermé, ou dans la section fermée d'un établissement ouvert, s'il y a lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions (art. 76 al. 2 CP).
3.4.
3.5.
3.4. Pour déterminer si l'on peut courir le risque de récidive, il faut non seulement prendre en considération le degré de probabilité qu'une nouvelle infraction soit commise, mais également l'importance du bien qui serait alors menacé. Ainsi, le risque de récidive que l'on peut admettre est moindre si l'auteur s'en est pris à la vie ou à l'intégrité corporelle de ses victimes que s'il a commis, par exemple, des infractions contre le patrimoine (ATF 133 IV 201 consid. 2.3).
3.5. Seul compétent pour décider du choix de l’établissement, des différentes phases de l’exécution de la sanction et de l’octroi d’allégements dans l’exécution selon l'art. 17 al. 4 du règlement sur l’exécution des peines et mesures du 19 mars 2014 (REPM ‑ E 4 55.05), le SAPEM (ou l'autorité de placement du canton de jugement ou de la Confédération) dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la tâche de faire procéder à l'exécution des peines privatives de liberté (art. 16 al. 1 du Concordat sur l'exécution des peines privatives de liberté et des mesures concernant les adultes et les jeunes adultes dans les cantons latins ; cf. aussi ACPR/373/2022 consid. 4.4).
3.6. En l'espèce, il ressort du dossier que le recourant a fait l'objet de plusieurs sanctions depuis son passage en milieu ouvert le 3 juin 2019, notamment pour menace et insultes envers le personnel. Selon les constatations de plusieurs intervenants, son comportement s'est détérioré depuis son placement à G______, puis à H______. De plus, le recourant a refusé de collaborer et de se soumettre à une évaluation criminologique qui lui aurait permis de se déterminer de façon précise et de l'entendre sur les faits reprochés, soit la profération de menaces à l'encontre d'une intervenante du SAPEM. Le but de l'exécution de la peine est d'améliorer le comportement social de l'intéressé, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d’infraction, et c'est dans le cadre de cette exécution que sa capacité sera évaluée, sans qu'il n'ait à remettre en cause les modalités d'exécution, ni à choisir celles-ci.
Les contestations du recourant s'agissant des propos tenus lors de l'entretien du 23 janvier 2024 n'emportent pas conviction. En effet, aucun élément ne permet de retenir que l'établissement ainsi que les intervenants du SAPEM auraient fomenté un complot à son encontre, le recourant ayant notamment pu bénéficier de congés par le passé, ayant été déplacé en milieu ouvert et dans l'établissement H______, sur sa demande, afin d'être plus proche de sa famille. Il n'y a dès lors pas lieu de douter des propos retranscrits dans le procès-verbal.
Il en va de même de ceux rapportés par son codétenu le 21 octobre 2024. En effet, l'on voit mal quel intérêt personnel ce dernier aurait à le dénoncer à tort. Les propos rapportés sont de plus similaires et portent sur la même personne que les menaces proférées par le recourant au mois de janvier 2024, constituant un élément supplémentaire à l'appui de leur crédibilité. Le collaborateur les ayant recueillis a indiqué que le codétenu était fiable et que ses propos étaient crédibles. Rien ne permet de remettre en question ces constatations. Les propos rapportés sont précis et, si les menaces se concrétisaient, elles porteraient atteinte au bien juridique fondamental de la vie. L'infraction pour laquelle le recourant a été condamné en 2012, bien qu'il persiste à nier son implication, porte de plus sur des faits similaires aux menaces d'assassinat récemment proférées.
Un tel comportement est alarmant et ne peut rester sans conséquence, particulièrement à la lumière du fait que le recourant refuse de collaborer pour évaluer sa dangerosité et que la CED a conclu le 25 septembre 2024 qu'il n'hésitait pas à franchir les limites et présentait un danger pour la collectivité. Il y a ainsi lieu de retenir que le risque de récidive violente, considéré comme moyen lors de l'évaluation par le SPI en 2018, n'a manifestement pas diminué depuis lors. Le fait qu'aucun élément n'ait été trouvé lors de la fouille de la cellule du recourant ne constitue pas un motif suffisant pour exclure tout risque de passage à l'acte.
Par ailleurs, le comportement de l'intéressé en détention a été jugé inadéquat par plusieurs établissements, menant même à son "expulsion" de E______, à la suppression de congés prévus par le PES et à la renonciation de son élargissement. Il n'a au demeurant plus bénéficié de congés depuis février 2023. Le comportement du recourant est également décrit comme vindicatif et menaçant envers le personnel qui le prend en charge et avec lequel il n'est pas d'accord.
Le SAPEM se voit reconnaître un large pouvoir d'appréciation dans sa tâche d'exécution des peines privatives de liberté dont l'un des buts est de garantir la sécurité de tous et le bon fonctionnement des établissements d'exécution des peines. Ainsi, compte tenu des circonstances décrites dans la décision du 31 octobre 2024, et dans la mesure où le risque de récidive présenté par le recourant ne peut être contenu au sein d'un établissement ouvert, dans lequel l'accès à l'extérieur est facilité, le SAPEM était en droit de décider du placement du recourant en milieu fermé. En effet, une telle décision apparaît proportionnée au vu des graves menaces proférées, qui doivent être tenues pour avérées au vu des éléments au dossier.
4. Le recours sera dès lors rejeté.
5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
6. Le recourant demande l'octroi de l'assistance juridique.
6.1. Le droit à l'assistance d'un défenseur d'office est soumis aux conditions cumulatives que le requérant soit indigent, que sa cause ne paraisse pas dépourvue de toute chance de succès et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance (cf. art. 132 al. 1 let. b et 136 al. 1 et al. 2 let. c CPP; cf. également art. 29 al. 3 Cst.). Selon la jurisprudence, il se justifie en principe de désigner un avocat d'office à l'indigent lorsque la situation juridique de celui-ci est susceptible d'être affectée de manière particulièrement grave. Lorsque, sans être d'une portée aussi capitale, la procédure en question met sérieusement en cause les intérêts de l'indigent, il faut en outre que l'affaire présente des difficultés en fait et en droit que le requérant ou son représentant légal ne peuvent surmonter seuls (arrêt du Tribunal fédéral 1B_180/2018 du 18 juillet 2018 consid. 2.1 et les arrêts cités).
6.2. En l'espèce, la condition de l'indigence est acquise.
Nonobstant l'issue de la cause, la présente affaire présentait des difficultés juridiques propres à justifier l'intervention d'un avocat, compte tenu de l'enjeu et des circonstances particulières.
La requête tendant à la désignation d'un avocat d'office sera, partant, admise.
6.3. La procédure étant ici close (art. 135 al. 2 CPP), des dépens seront alloués à l'avocat d'office.
L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).
Selon l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu. Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).
En l'espèce, le conseil du recourant a requis une indemnité de CHF 2'712.10 correspondant à 9h58 d'activité au tarif horaire de CHF 250.-. Eu égard à l'activité déployée (un recours de 14 pages et un chargé de pièces), l'indemnité due sera fixée à CHF 864.80, correspondant à 4h00 d'activité au tarif horaire de CHF 200.-, plus la TVA (8,1%).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Met A______ au bénéfice de l'assistance juridique pour la procédure de recours et lui désigne Me B______ à titre de défenseur d'office.
Alloue à Me B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 864.80 TTC pour l'activité déployée en faveur de A______ dans la procédure de recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à
CHF 1'000.-.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au SAPEM.
Le communique pour information au Ministère public.
Siégeant :
Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Daniela CHIABUDINI |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
PS/88/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 20.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 905.00 |
Total | CHF | 1'000.00 |