Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/951/2024 du 18.12.2024 ( PSPECI ) , ADMIS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE PS/54/2024 ACPR/951/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 18 décembre 2024 |
Entre
A______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,
recourant,
contre la décision de révocation de l'autorisation d'exécuter des peines privatives de liberté sous surveillance électronique rendue le 8 juillet 2024 par le Service de l'application des peines et mesures,
et
LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 19 juillet 2024, A______ recourt contre la décision du 8 juillet 2024, communiquée par pli simple, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a révoqué l'autorisation d'exécution de ses peines privatives de liberté sous forme de la surveillance électronique.
Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de la décision querellée avec maintien de l'exécution de ses peines sous surveillance électronique.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. A______, né le ______ 1992, ressortissant suisse, a été condamné par ordonnances pénales de conversion du Service des contraventions des 9 octobre 2020, respectivement 13 janvier 2022 à :
- une peine privative de liberté de substitution de 60 jours en conversion d'une peine pécuniaire de 60 jours-amende, prononcée le 18 août 2020 par le Ministère public, pour blanchiment d'argent;
- une peine privative de liberté de substitution de 120 jours en conversion d'une peine pécuniaire de 120 jours-amende prononcée le 19 novembre 2021 par le Ministère public, pour lésions corporelles simples.
b. Le 4 octobre 2023, A______ a demandé à pouvoir bénéficier d'une forme alternative d'exécution de ses peines.
c. Selon l'examen prima facie effectué le lendemain par le SAPEM, l'intéressé a fourni une attestation de stage pour une période d'essai de deux mois à 50 %. Il avait expliqué qu'après ledit stage, "il aurait des possibilités de se faire engager en fixe. Il [avait] été poignardé au niveau du coude avec un couteau et [n'avait] pas encore repris l'utilisation de son bras à 100 %".
d. Convoqué à l'entretien du Servie de probation et d'insertion (ci-après, SPI) du 25 octobre 2023, l'intéressé n'a pas fourni tous les documents nécessaires à l'examen de sa demande.
e. Par avertissement formel du 25 janvier 2024, le SPI lui a accordé un ultime délai au 31 janvier 2024 en vue de remettre lesdits documents. Il l'avertissait que, sans nouvelle de sa part, son dossier serait préavisé négativement, de sorte qu'il risquait de devoir exécuter ses peines privatives de liberté en détention ordinaire.
f. Le 14 février 2024, le SPI a préavisé favorablement l'exécution des peines sous la forme de la surveillance électronique. Il était noté que A______ bénéficiait, dès le 1er février 2024, d'un emploi en tant que manœuvre auprès de la société B______ Sàrl. Même si le taux d'activité n'était pas précisé, l'intéressé avait affirmé qu'il s'agissait d'une activité à temps complet et s'était engagé à présenter les documents complémentaires.
g. Le 27 février 2024, le SAPEM a autorisé A______ à exécuter ses peines sous la forme de la surveillance électronique. L'intéressé devait annoncer toute modification de sa situation personnelle et professionnelle, notamment s'il n'était plus apte à exercer son activité pour des raisons médicales. Son attention était expressément attirée sur le fait que la décision pouvait être révoquée en tout temps s'il n'en remplissait plus les conditions et obligations.
h. Par courriel au SAPEM du 3 juillet 2024, le SPI a indiqué que la surveillance électronique, qui devait débuter le 16 avril 2024, n'avait pas pu être mise en place. A______ avait d'abord [le 2 avril 2024] annoncé la réduction de son taux d'activité, puis [le 16 avril 2024] son licenciement. Il avait donné les informations sur ses recherches d'emploi, notamment celle – restée vaine – pour un poste de bénévole auprès de C______. Malgré plusieurs délais octroyés, il n'avait pas pu attester d'une nouvelle activité et était désormais injoignable.
i. Par lettre du 11 juillet 2024, le SAPEM a convoqué l'intéressé le 25 juillet 2024 afin de fixer les modalités d'exécution de sa peine en régime ordinaire.
C. Dans sa décision querellée, le SAPEM considère que A______ ne remplissait plus les conditions exigées pour exécuter ses peines sous surveillance électronique dès lors qu'il avait perdu son emploi, sans en trouver un nouveau, malgré les délais octroyés par le SPI. Il pouvait toutefois demander à exécuter ses peines sous la forme de la semi-détention en déposant toutes les pièces utiles.
E. a. Dans son recours, A______ considère que la décision querellée mettait en péril ses efforts de réinsertion. Le SAPEM ne l'avait pas, au préalable, contacté et avait omis de s'enquérir de l'évolution de sa situation depuis le mois d'avril 2024. Il avait perdu son emploi en raison de problèmes de santé consécutifs à son agression du 13 juin 2023, l'auteur ayant été condamné, le 7 juin 2024, par le Tribunal de police. Il avait pris contact avec le centre LAVI et déposé une demande auprès de l'assurance invalidité. Par ailleurs, il avait entrepris des démarches en vue de trouver un emploi. La société D______ Sàrl lui avait "confirmé la possibilité de débuter une activité à 50 % dans sa boutique à E______ [GE]". Il avait également contacté l'association F______ pour un poste de bénévole.
À l'appui, il produit, notamment, le jugement [incomplet] du Tribunal de police du 7 juin 2024 (P/1______/2023) ainsi que le compte rendu opératoire établi le 26 juin 2023 par les HUG faisant état de plaies multiples dont deux au niveau du coude gauche, avec bursotomie traumatique, sans trouble sensitivo-moteur ni vasculaire et sans atteinte osseuse. Il remet également l'extrait du Registre du commerce de la société D______ Sàrl, dont le but est l'exploitation de magasins de sport, notamment de vélos neufs et d'occasion. Il annonce la production d'autres documents [l'attestation du centre LAVI, la demande AI et son contrat de travail], sollicitant un délai supplémentaire pour produire lesdites pièces.
b. Dans ses observations, le SAPEM rappelle que la décision d'octroi de la surveillance électronique avait été rendue alors même que le taux d'activité annoncé [à 100 %] n'était pas mentionné dans le contrat de travail. Il s'était fondé sur la bonne foi du recourant qui s'était engagé à attester ses dires.
Le régime de surveillance électronique n'avait pas pu être mis en place dès lors que l'intéressé n'en remplissait plus les conditions. Comme il n'avait pas justifié que son licenciement serait dû à des problèmes de santé, il ne pouvait bénéficier du délai de 21 jours prévu à l'art. 12 al. 2 RSE pour lui permettre de trouver une autre activité. Le régime accordé aurait ainsi pu être révoqué dès le 16 avril 2024, date de l'annonce du licenciement. Le SPI avait toutefois fait preuve d'indulgence en lui accordant des délais supplémentaires pour retrouver une activité. Les démarches alléguées auprès de l'assurance invalidité n'avaient pas non plus été démontrées. Dans ces circonstances, la décision litigieuse ne pouvait qu'être confirmée.
Il ressort des courriels du SPI des 26 avril et 8 août 2024 – annexés aux observations du SAPEM – qu'un délai au 17 mai, prolongé au 7 juin suivant, avait été fixé à A______ pour présenter des documents concernant une nouvelle activité d'un taux minimum de 50 %. Le 3 juin 2024, le prénommé avait mentionné la possibilité d'un engagement en tant que stagiaire dans un magasin de réparation de vélos. À sa demande, l'intervenante socio-judiciaire l'avait autorisé à transmettre ses coordonnées téléphoniques à son employeur potentiel. Il n'avait donné plus aucune nouvelle depuis lors.
c. A______ n'a pas répliqué, ni produit de pièces.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision rendue par le SAPEM, dans une matière pour laquelle il est compétent [art. 40 al. 1 et 5 al. 2 let. e de la Loi d'application du code pénal suisse du 27 août 2009 (LaCP; E 4 10)], sujette à recours auprès de la Chambre de céans [art. 52 al. 2 du Règlement sur les formes alternatives d'exécution des peines du 13 décembre 2017 (RFAEP; E 4 55.13)], les art. 379 à 397 CPP s'appliquant par analogie, et émaner du condamné visé par la décision querellée, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 CPP).
2. Le recourant reproche au SAPEM d'avoir révoqué l'autorisation d'exécuter ses peines sous surveillance électronique.
2.1. Conformément à l'art. 79b al. 1 let. a et al. 2 CP, à la demande du condamné, l'autorité d'exécution peut ordonner l'utilisation d'un appareil électronique fixé au condamné (surveillance électronique), au titre de l'exécution d'une peine privative de liberté de 20 jours à 12 mois : s'il n'y a pas lieu de craindre que le condamné s'enfuie ou commette d'autres infractions; s'il dispose d'un logement; s'il exerce une activité régulière qu'il s'agisse d'un travail, d'une formation ou d'une occupation, pendant au moins 20 heures par semaine, ou s'il est possible de l'y assigner; si les personnes adultes faisant ménage commun avec lui y consentent et s'il approuve le plan d'exécution établi à son intention.
Si les conditions prévues à l'art. 79b al. 2, let. a, b ou c CP, ne sont plus remplies ou si le condamné enfreint les obligations fixées dans le plan d’exécution, l’autorité d’exécution peut mettre fin à l’exécution sous la forme de la surveillance électronique et ordonner l’exécution de la peine privative de liberté sous la forme ordinaire ou sous celle de la semi-détention ou limiter le temps libre accordé au condamné (art. 79b al. 3 CP).
2.2. Pour bénéficier de la surveillance électronique, la personne condamnée doit remplir un certain nombre de conditions personnelles, telle qu'avoir un travail, suivre une formation ou exercer une activité, avec un taux d'occupation d'au moins 20 heures par semaine (art. 4 let. d et f du Règlement sur l'exécution des peines privatives de liberté sous surveillance électronique [RSE; E 4.55.11]).
Selon l'art. 12 al. 2 RSE, si la personne condamnée perd son travail, sa formation ou son activité, entièrement ou en partie, sans faute de sa part, l’autorité compétente peut ne pas interrompre la surveillance électronique à condition que la personne condamnée trouve une autre activité appropriée dans les 21 jours et que son accompagnement soit garanti pendant la période transitoire.
2.3. Selon l'art. 40 RFAEP, si la personne condamnée ne remplit plus les conditions d’octroi, le SAPEM révoque la surveillance électronique (al. 1).
Selon l'al. 4, si, sans sa faute, la personne condamnée perd son travail ou doit mettre fin à son activité rémunérée ou à sa formation, totalement ou en partie, le SAPEM peut surseoir à la révocation de la surveillance électronique, à condition que la personne condamnée recherche une activité appropriée et fournisse au service de probation et d’insertion la preuve de ses démarches (let. a); la personne condamnée maintienne son suivi auprès du service de probation et d’insertion pendant la période transitoire (let. b).
Le SPI informe alors immédiatement le SAPEM de la cessation de l’activité ou de la formation, impartit à la personne condamnée un délai de 21 jours pour apporter la preuve d’une nouvelle activité ou formation et modifie les modalités de l’exécution durant ce délai (al. 5).
Si, après 21 jours, la personne condamnée n’a pas apporté la preuve de la nouvelle activité ou formation, le SPI suspend le régime d’exécution et adresse un préavis au SAPEM, qui révoque la surveillance électronique (al. 6).
2.4. Si les faits le justifient, le SPI peut prononcer un avertissement formel
(art. 41 al. 1 RFAEP). Dans les cas graves, le SAPEM peut révoquer le régime sans avertissement préalable du service de probation et d’insertion (art. 41 al. 2 RFAEP).
Le SPI peut, en cas de motifs graves ou à titre de mesure conservatoire, suspendre la surveillance électronique (art. 42 al. 1 RFAEP). Dans un délai de 10 jours dès la suspension, le SAPEM rend une décision sur la poursuite ou la révocation du régime.
2.5. En l'espèce, le recourant a formulé une demande d'exécution de ses peines sous la forme alternative le 4 octobre 2023. La demande a été acceptée – sans que l'intéressé ait toutefois fourni les pièces justificatives annoncées – le 27 février 2024 par le SAPEM. Après l'annonce de son licenciement, le 16 avril 2024, le SPI lui a accordé, par téléphone et courriel, plusieurs délais, le dernier au 7 juin 2024, pour lui permettre de "régulariser sa situation". Le 3 juillet 2024, le SPI a annoncé au SAPEM que le recourant ne remplissait plus les conditions de la surveillance électronique. Le 8 suivant, le SAPEM a révoqué l'autorisation octroyée, faute pour l'intéressé d'avoir justifié d'une nouvelle activité.
Le SAPEM motive sa décision uniquement par application de l'art. 40 al. 1 RFAEP, excluant, dans ses observations, que l'intéressé ait pu perdre son travail sans sa faute (art. 41 al. 4 RFAEP). Or, il ressort du dossier que l'intimé avait connaissance, au moment du dépôt de la demande, de l'existence de problèmes de santé du recourant [en lien avec une agression à coups de couteau], ce qui l'aurait, à ce stade, empêché de travailler à 100%.
Dans ces circonstances, l'on ne saurait exclure que la perte de l'emploi serait non fautive. Le SPI aurait ainsi dû lui impartir un délai de 21 jours, conformément à l'art. 12 al. 2 RSE, pour apporter la preuve d'une nouvelle activité ou formation et, à défaut, suspendre le régime d'exécution octroyé et informer immédiatement l'intimé. Tel n'a toutefois pas été le cas, étant souligné que l'indulgence dont a bénéficié le recourant – malgré la désinvolture dont il a fait preuve – ne pouvait remplacer l'obligation d'impartir le délai légal.
Il s'ensuit que les réquisits de l’art. 40 al. 5 et 6 RFAEP ne sont pas réunis.
Il en va de même de ceux de l'art. 41 al. 1 RFAEP dès lors que le SPI n'a adressé aucune injonction formelle préalable au recourant. Il n'apparaît pas non plus que le cas soit suffisamment grave pour ne pas avoir été précédé d'un tel avertissement (art. 41 al. 2 RFAEP), l'intimé ne le soutenant au demeurant pas.
Par conséquent, la décision querellée doit être annulée.
3. Fondé, le recours doit être admis.
4. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).
5. Le recourant, qui agit en personne, n'allègue ni n'établit avoir supporté des frais de défense, de sorte qu'il n'en sera pas alloué (art. 429 al. 2 CPP).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet le recours.
Annule la décision querellée.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, et au Service de l'application des peines et mesures.
Le communique, pour information, au Service de probation et d'insertion.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).