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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13382/2024

ACPR/948/2024 du 17.12.2024 sur ONMMP/4197/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ABSENCE;CHOSE CONFIÉE;ASTUCE
Normes : CPP.310.al1.leta; CP.138; CP.146

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13382/2024 ACPR/948/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 17 décembre 2024

 

Entre

 

A______, domiciliée ______ [GE], agissant en personne,

B______, domicilié ______ [GE], agissant en personne,

recourants,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 26 septembre 2024 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 8 octobre 2024, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 26 septembre 2024, notifiée le 30 suivant, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur leur plainte contre la société C______  Sàrl.

Les recourants demandent de "reconsidérer" cette décision.

b. Ils ont versé les sûretés en CHF 1'000.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Les 6 janvier et 15 janvier 2024, A______ et son fils, B______, ont respectivement déposé plainte contre la société C______ Sàrl, suite au non-remboursement de sommes d'argent versées à titre de prêt.

A______, gestionnaire de fortune, et B______, conseiller financier, avaient été mis en contact, par le biais d'une connaissance commune, avec la société C______ Sàrl dans l'optique d'investir de l'argent pour le compte de leurs clients intéressés par l'achat d'or. Entre fin mai et juin 2023, ils avaient rencontré D______, associé gérant, et E______, associé gérant président de ladite société, qui leur avaient expliqué se rendre à l'étranger pour acheter de l'or brut que C______ Sàrl faisait livrer en Europe au sein d'une raffinerie. Quand la "matière financière" sortait de la raffinerie avec un certificat, elle pouvait être achetée par des clients potentiels.

Le 31 octobre 2023, D______ les avait contactés en leur expliquant que sa société avait besoin de USD 50'000.- pour effectuer un achat de "nuggets", soit de l'or brut non financier. Il devait se rendre en Afrique prochainement et la transaction devait s'effectuer rapidement. Le 1er novembre 2023, ils avaient signé et renvoyé via WhatsApp deux contrats de prêt à hauteur de CHF 20'000.- pour B______ et de CHF 28'000.- pour A______, remboursables au plus tard le 6 décembre suivant. D______ les avait par la suite informés que la transaction avait du retard et qu'ils avaient eu [entre autres à lire les échanges WhatsApp] des problèmes de visa. Malgré plusieurs relances, les plaignants n'avaient plus eu de nouvelles de l'entreprise et les sommes précitées ne leur avaient pas été remboursées. Ils s'étaient par la suite rendus compte, en se rendant au no. ______, avenue 1______, à savoir l'adresse figurant sur le site internet de C______ Sàrl, que celle-ci n'y occupait pas de locaux.

Selon les exemplaires de contrats de prêts produits, l'accord avait été conclu entre l'emprunteur et le prêteur "en contrepartie des mutuelles promesses énoncées ci-dessous, la suffisance de ce qui par B______ et C______ Sàrl d'accords sur les points suivants ; L'emprunteur serait d'accord avec le prêteur à respecter les conditions du prêt. C______ Sàrl a droit à une somme de 20'000 CHF soit avec un taux d'intérêt de 0 % pour une durée de 1 mois. Les 20'000 CHF seront remboursés aux plus tard le 06.12.2023 sur le même compte bancaire par lequel le prêt été mis au plus tard le 01.11.2023 […]. Par conséquent, je conviens à la convention précitée […] Ont signés" (sic).

b. Entendu par la police le 5 mai 2024, E______ a déclaré que C______ Sàrl connaissait des difficultés financières et qu'ils n'avaient pas pu tenir leurs engagements en remboursant les sommes prêtées. Ils avaient fait une mauvaise gestion de l'argent emprunté et avaient été confrontés à une escroquerie. Les fonds prêtés par A______ et B______ avaient été investis à des fins professionnelles pour l'achat de cacao et de cryptomonnaie, éventuellement de l'or, ce que tous deux savaient. C______ Sàrl n'avait toutefois pas eu de retour sur ses investissements et avait rencontré des difficultés avec la documentation d'export de la marchandise. Le remboursement de A______ et B______ était la priorité.

En octobre 2023, la société avait dû quitter les petits bureaux qu'elle occupait au sein de la régie F______ & CIE à l'avenue 1______. Elle avait depuis lors une boîte aux lettres au no. ______, rue 2______.

C. Dans la décision litigieuse, le Ministère public considère qu'aucun élément objectif du dossier ne permettait de retenir que les sommes prêtées avaient une affectation clairement prédéfinie – les versions des parties étant contradictoires et les contrats de prêt ne le spécifiant pas –, "ni que les prêts auraient permis de représenter une forme de garantie". Les éléments constitutifs de l'infraction d'abus de confiance n'étaient donc pas réunis, faute de valeurs patrimoniales confiées. Les faits dénoncés s'inscrivant essentiellement dans un contexte de nature purement civile, ayant trait à l'exécution de contrats, une décision de non-entrée en matière s'imposait.

D. a. À l'appui de leur recours, A______ et B______ exposent que E______ avait fait une fausse déclaration en prétendant que leur investissement était lié à de l'achat de cacao et de la cryptomonnaie, et "éventuellement" de l'or. Il s'agissait bien uniquement d'or. Ils avaient le sentiment d'avoir été victimes d'abus de confiance. Durant les discussions, ils avaient à plusieurs reprises abordé la question des locaux de la société, un point central dans l'évaluation de la crédibilité de l'entreprise. Il avait été mentionné à plusieurs reprises que les bureaux de C______ Sàrl étaient en réparation, ce qui avait justifié que tous les rendez-vous aient eu lieu dans leurs propres locaux. Des recherches plus approfondies leur avaient révélé que ladite entreprise n'avait en réalité aucune adresse "licite", ni bureau physique, contrairement aux affirmations faites. Ils avaient été induits en erreur et l'entreprise avait volontairement dissimulé la vérité.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des plaignants qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Les recourants reprochent au Ministère public de ne pas être entré en matière sur leurs plaintes.

3.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Une non-entrée en matière peut ainsi se justifier pour des motifs de faits. Il s'agit des cas où la preuve d'une infraction, soit la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charge soit manifeste (arrêt du Tribunal fédéral 6B_544/2016 du 17 novembre 2016 consid. 3.1; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310).

Une non-entrée en matière s'impose par ailleurs lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3).

3.2. Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

L'escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas ; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 143 IV 302 consid. 1.3 ; 142 IV 153 consid. 2.2.2 ; 135 IV 76 consid. 5.2).

Le juge pénal n'a pas à accorder sa protection à celui qui est tombé dans un piège qu'un peu d'attention et de réflexion lui aurait permis d'éviter. L'astuce n'est ainsi pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il faut prendre en considération les circonstances et la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite, par exemple une faiblesse d'esprit, l'inexpérience, le grand âge ou la maladie, mais aussi un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse faisant que la dupe n'est guère en mesure de se méfier de l'auteur. L'exploitation de semblables situations constitue précisément l'une des caractéristiques de l'astuce. L'hypothèse dans laquelle aucune vérification ne peut être attendue de la dupe vise également les opérations courantes, de faible valeur, pour lesquelles un contrôle entraînerait des frais ou une perte de temps disproportionnés ou ne peut être exigée pour des raisons commerciales. Pour songer à opérer une vérification aussi aisée soit-elle (par exemple : un appel téléphonique), la dupe doit également déjà avoir une raison particulière de se méfier (ATF 143 IV 302 consid. 1.4 ; ATF 142 IV 153 consid. 2.2.2 ; 135 IV 76 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1180/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.2).

3.3. Commet un abus de confiance, au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, la personne qui, sans droit, emploie à son profit des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées.

Cette disposition protège le droit de celui qui a confié de telles valeurs – via le transfert du pouvoir d’en disposer à l’auteur – à ce qu’elles soient utilisées dans le but qu’il a assigné (arrêt du Tribunal fédéral 6B_972/2022 du 12 janvier 2024 consid. 3.1.1).

Le comportement délictueux consiste à employer lesdites valeurs contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ibidem).

3.4. En l'espèce, les recourants échouent à démontrer que les CHF 20'000.- et CHF 28'000.- transférés à la société mise en cause au mois de novembre 2023 l'auraient été dans le but spécifique d'acheter de l'or, ce qui ne ressort pas des contrats produits, ni des échanges via WhatsApp des recourants avec E______. C'est donc à juste titre que le Ministère public a retenu qu'il n'existait pas de soupçons suffisants d'infractions d'abus de confiance, faute pour les valeurs patrimoniales confiées d'avoir été utilisées contrairement aux instructions reçues.

Quant à une infraction d'escroquerie, dans la mesure où les recourants estiment que les acteurs de la société mise en cause les auraient trompés, en particulier s'agissant de l'existence de locaux où elle aurait développé son activité, il leur appartenait, avant de lui confier près de CHF 50'000.-, de procéder à quelques vérifications de base. Cela est d'autant plus vrai qu'il s'est agi selon les recourants de rencontrer les acteurs de la société mise en cause dans leurs propres locaux, et non ceux de celle-ci, au prétexte de leur indisponibilité pour cause de travaux, de signer des contrats des plus laconiques et dont certaines phrases sont dénuées de sens, qu'ils ont renvoyés par messagerie WhatsApp avant de procéder aux transferts litigieux. Autrement dit, la condition de l'astuce n'apparait pas réalisée, dans la mesure où les recourants – professionnels de la finance – pouvaient se protéger avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'eux, avec leur activité de conseiller financier s'agissant du recourant et de gestionnaire de fortune s'agissant de la recourante.

C'est ainsi à juste titre que le Ministre public a considéré que le litige était de nature civile et a rendu l'ordonnance de non-entrée en matière querellée.

4.             Infondé, le recours sera rejeté.

5.             Les recourants, qui succombent, supporteront conjointement et solidairement les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne B______ et A______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Valérie LAUBER, Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/13382/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

Total

CHF

1'000.00