Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/816/2024 du 05.11.2024 sur OMP/18887/2024 ( MP ) , REJETE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/15541/2024 ACPR/816/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mardi 5 novembre 2024 |
Entre
A______, représenté par Me Monica KOHLER, avocate, Etude Kohler & Associés Avocats, rue Marignac 9, case postale 324, 1211 Genève 12,
recourant,
contre le refus de restitution de délai rendu le 11 septembre 2024 par le Ministère public
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 23 septembre 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 11 précédent, par laquelle le Ministère public a refusé de lui restituer le délai pour verser des sûretés en cas de délits contre l’honneur, au sens de l’art. 303a CPP.
Le recourant conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de ladite ordonnance.
b. Il a payé les sûretés, en CHF 1'200.-, qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 27 juin 2024, A______, par avocat, a déposé trois plaintes pénales, qu’il a signées personnellement, pour des atteintes à l’honneur qu’auraient commises contre lui des collègues de travail. Il déclarait être en arrêt de travail depuis le mois de mars 2024.
b. Le 3 juillet 2024, le Ministère public, par pli notifié à son avocat, l’a invité à verser, avant la fin du mois en cours, CHF 500.- à titre de sûreté, sous peine de non-entrée en matière. L’avocat a relayé la demande par message électronique à A______, le 5 juillet 2024, en l’avertissant qu’à défaut de s’exécuter, ses plaintes seraient considérées comme retirées.
c. Faute de paiement reçu au 20 août 2024, le Ministère public a informé A______, ce jour-là, qu’il n’entrait pas en matière sur ses plaintes.
d. Le 29 août 2024, l’avocat de A______ a payé le montant des sûretés, puis, le 3 septembre suivant, a demandé la restitution du délai pour ce faire.
Il excipait de « phobie administrative », sur la base d’un certificat médical daté du 26 août 2024.
Selon ce texte, en raison de sa « maladie mentale », il était incapable de gérer sa correspondance et n’était pas en état d’en déléguer « l’activité » à des tiers ni d’en informer ceux-ci. Il avait toutefois été autorisé [par ledit médecin] à voyager entre le « 1et » (sic) juillet et le 10 août 2024, tout en étant suivi en thérapie « par téléphone ». Il était donc « en vacances » à la date du message électronique de son avocat, le 5 juillet 2024.
A______ produit aussi un courriel du 22 août 2024, à teneur duquel il avait demandé ce jour-là à son avocat des nouvelles de ses plaintes.
C. Dans la décision querellée, le Ministère public relève que A______ avait été en mesure de mandater un avocat et de déposer trois plaintes pénales et que, s’il n’avait pas réagi à la demande de sûretés que lui avait transmise son conseil, celui-ci eût pu demander une prolongation du délai de paiement, voire avancer l’argent, comme cela était advenu le 29 août 2024.
D. a. Dans son recours, A______ expose que son avocat et lui ignoraient « [l]a gravité comme [l]es conséquences » de sa maladie, dont attestait le certificat médical du 26 août 2024. C’était donc sans faute de sa part, ni de son conseil, qu’il n'avait pas pris connaissance du courriel de ce dernier, du 5 juillet 2024, lui transmettant la demande de sûretés. La non-entrée en matière lui causait un préjudice important et irréparable, puisqu’il ne serait pas en mesure de déposer « de nouvelles plaintes » contre ses collègues. Or, il faisait l’objet d’une procédure disciplinaire de son employeur qui reposait sur de faux témoignages de ceux-ci.
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).
2. Le recourant fait grief au Ministère public de ne pas lui avoir restitué le délai pour verser les sûretés qui lui étaient réclamées sur le fondement de l’art. 303a CPP.
2.1. Selon cette disposition, en cas de délit contre l’honneur, le ministère public peut astreindre le plaignant à fournir des sûretés dans un délai déterminé pour couvrir les éventuels frais et indemnités (al. 1) ; si les sûretés ne sont pas fournies dans le délai imparti, la plainte est réputée retirée (al. 2).
2.2. Selon l'art. 94 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (al. 1). La demande de restitution du délai doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la fin de l'empêchement allégué (al. 2).
2.3. La restitution de délai ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (ATF 119 II 86 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_611/2023 du 20 décembre 2023 consid. 2.2.1.). Elle ne doit être accordée qu'en cas d'absence claire de faute. Il est ainsi exigé qu'il ait été absolument impossible à la personne concernée de respecter le délai ou de charger un tiers de faire le nécessaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_125/2011 du 7 juillet 2011 consid. 1). Une restitution de délai n'entre pas en ligne de compte lorsque la partie ou son mandataire a tardé à agir en raison d'un choix délibéré ou d'une erreur, même légère (ATF 143 I 284 consid. 1.3).
2.4. En l'espèce, le Ministère public, bien que statuant par la voie d’une décision de non-entrée en matière, a implicitement fait application de l’art. 303a al. 2 CPP, à savoir que, faute de paiement dans le délai imparti des sûretés qu’il avait réclamées au recourant, les plaintes du 27 juin 2024 étaient réputées retirées.
De leur côté, les développements du recours laissent entendre, mais sans qu’ils ne soient étayés, que le recourant serait au bénéfice d’un arrêt de travail ayant commencé au mois de mars 2024 et perduré en tout cas jusqu’au 31 juillet 2024, date d’expiration du délai imparti par le Ministère public, voire jusqu’au 22 août 2024, date d’un message à son avocat s’enquérant du sort de ses plaintes. Or, un arrêt de travail n’est pas un empêchement non fautif d’agir (ACPR/96/2024 du 12 février 2024 consid. 3.3.).
Les mêmes développements du recours semblent aussi laisser supposer, mais sans qu’ils ne soient étayés sur ce point non plus, que le recourant n’aurait matériellement pu prendre connaissance d’aucuns messages électroniques entre le 1er juillet (« 1et ») et le 10 août 2024, notamment parce qu’à la date du message de son avocat relatif au paiement de sûretés, le 5 juillet 2024, il était en « vacances ». Or, l’attestation médicale se borne à expliquer que son médecin l’avait autorisé à « voyager » entre ces deux dates, sans autre précision, de sorte que l’on ignore si le recourant s’est absenté continument près de six semaines hors de son domicile, tout comme l’on ignore s’il était hors d’atteinte de toute messagerie électronique pendant ce laps de temps.
Certes, le recourant excipe de « phobie administrative ». Si on le comprend bien, cette phobie aurait donc alors pris fin avec son courriel du 22 août 2024, susmentionné. Or, les termes de « phobie administrative », et le sens médical que leur prête le recourant, ne se lisent pas dans l’attestation que son médecin délivrera quatre jours plus tard, le 26 août 2024.
Au demeurant, il y a lieu de considérer que, si le recourant a réellement voyagé ou pris des vacances entre le 1er juillet et le 10 août 2024, c’est que sa « phobie administrative » ne l’a pas mis hors d’état d’accomplir les formalités et démarches nécessaires pendant cette période, notamment sur le plan administratif (réservations, enregistrements, voire franchissement de frontières, p. ex.), et notamment pas de suivre sa thérapie par téléphone, comme l’explique son médecin. L’empêchement allégué n’est ainsi pas rendu vraisemblable.
En outre, il résulte du recours et des pièces du dossier que son conseil ne s’est pas inquiété de savoir si le recourant s’était exécuté à temps après avoir reçu le courriel du 5 juillet 2024 – par exemple en lui demandant de fournir la quittance du versement – et/ou en sollicitant du Ministère public – dans le doute – une prolongation avant l’échéance (art. 92 CPP) du délai imparti. Autrement dit, le défaut de paiement n’est pas survenu sans faute du recourant ni d’une personne qui eût pu agir en son nom, et ce, sans qu’il soit besoin de dire si l’avocat eût pu et dû avancer pour le client l’argent réclamé par l’autorité pénale, comme le suggère le Ministère public, et/ou s’il devait compter avec un état de santé incapacitant de son client, comme le suggère le défenseur.
3. De ce qui précède, il résulte que le recours est rejeté. Comme tel, il pouvait être traité d’emblée, sans échange d’écritures ni débats (art. 390, al. 2 et 5 a contrario, CPP).
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixé en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette le recours.
Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.
Siégeant :
Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.
Le greffier : Julien CASEYS |
| Le président : Christian COQUOZ |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/15541/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 1'115.00 |
Total | CHF | 1'200.00 |