Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/768/2024 du 23.10.2024 sur ONMMP/3485/2024 ( MP ) , IRRECEVABLE
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/11906/2024 ACPR/768/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 23 octobre 2024 |
Entre
A______, domicilié ______ [VD], agissant en personne,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 7 août 2024 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. Par acte expédié le 23 août 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 précédent, notifiée le 15 août 2024, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.
Le recourant, sans prendre de conclusions formelles, conteste la décision prise.
b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 13 mai 2024, A______ a déposé plainte contre inconnu pour gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP) et, subsidiairement, faux témoignage (art. 307 CP).
Employé à la commune de B______ [GE], il avait, à la suite de son licenciement prononcé le 21 septembre 2016, initié une procédure de contestation auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: CACJ). Dans ce contexte, il attendait beaucoup du témoignage d'un ancien collègue, C______, qui devait lui être plutôt favorable. Or, le 23 mai 2019, la veille de son audition par-devant la CACJ, C______ avait signé une convention avec la commune de B______ qui lui interdisait de tenir des propos dénigrants à l'égard de celle-ci, ainsi que des membres actuels ou anciens de ses autorités ou du personnel de l'administration municipale. Il reprochait ainsi au prénommé d'avoir, en raison de cet accord, été évasif lors de son audition en refusant manifestement de répondre honnêtement aux questions posées. Par ailleurs, il existait un risque réel que C______, en proie à des difficultés financières avant l'audience, eût été amené à négocier son témoignage avec la mairie de B______, ce qui porterait atteinte aux intérêts de la commune.
b. Il a produit différents documents, notamment la convention signée le 23 mai 2019, le procès-verbal de l'audition de C______ du 24 mai 2019 par-devant la CACJ et le jugement du Tribunal de police d'arrondissement de D______ [VD] du 16 janvier 2024 dans la cause E______.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a relevé que les éléments constitutifs d'une quelconque infraction n'étaient manifestement pas réunis.
D'une part, les faits dénoncés s'inscrivaient dans le cadre d'un litige de nature purement administrative – la procédure devant la CACJ en contestation de licenciement – et rien dans le dossier ne permettait de retenir que C______ avait fait de fausses déclarations, dans ce cadre.
Par ailleurs, ce dernier était décédé, de sorte qu'il existait un empêchement de procéder le concernant.
D'autre part, les éléments dénoncés ne remplissaient pas non plus les éléments constitutifs de l'art. 314 CP, faute de dessein de se procurer un avantage illicite.
D. a. Dans son recours, A______ entend "faire valoir son droit à requérir l'ouverture d'une instruction après que le Tribunal de police de D______ [eut] rendu un jugement dont les motivations suggèrent que des responsables d'une collectivité publique ont objectivement rémunéré un témoin afin de peser sur le contenu de son témoignage". À ce titre, il évoque "les efforts entrepris par les responsables de ladite collectivité publique pour empêcher d'autres témoins de déposer, notamment sur les faits relatés et documentés (annexes) dans [sa] plainte".
À l'appui de son recours, il produit un document émanant du Préposé cantonal à la protection des données et à la transparence qui "atteste, si nécessaire, d'une claire volonté de dissimulation de la part des responsables concernés en lien précisément avec l'objet de [sa] plainte".
b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.
EN DROIT :
1. 1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) contre une ordonnance de non-entrée en matière, décision sujette à contestation auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).
1.2.1. Seule la personne qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée dispose de la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP).
Cette question doit être examinée d’office par l’autorité pénale, toute partie recourante devant s’attendre à ce que son recours soit examiné sous cet angle, sans qu’il en résulte pour autant de violation de son droit d’être entendue (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1207/2013 du 14 mai 2014 consid. 2.2).
1.2.2. Ainsi, le recourant est tenu d'établir (cf. art. 385 CPP) l'existence d'un tel intérêt, en particulier lorsque celui-ci n'est pas d'emblée évident (arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2020 du 3 décembre 2020 consid. 2.1).
1.2.3. Selon l'art. 115 al. 1 CPP, il faut entendre par lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. Seul doit être considéré comme lésé celui qui est personnellement et immédiatement touché, c'est-à-dire celui qui est titulaire du bien juridique ou du droit protégé par la loi, contre lequel, par définition, se dirige l'infraction (ATF 119 Ia 342 consid. 2; 119 IV 339 consid. 1d/aa). Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les dommages par ricochet (arrêt du Tribunal fédéral 6B_655/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.1). Les personnes subissant un préjudice indirect n'ont donc pas le statut de lésé et sont des tiers n'ayant pas accès au statut de partie à la procédure (arrêt du Tribunal fédéral 1B_191/2014 du 14 août 2014 consid. 3.1).
1.2.4. L'art. 307 al. 1 CP protège en première ligne l'intérêt collectif, en réprimant des infractions contre l'administration de la justice, dont le but est la recherche de la vérité matérielle. Les intérêts privés ne sont défendus que de manière secondaire. Les particuliers ne seront donc considérés comme des lésés que si leurs intérêts privés ont été effectivement touchés par le faux témoignage, ce qu'ils doivent exposer (ATF 123 IV 184 consid. 1c; arrêt du Tribunal fédéral 6B_92/2018 du 17 mai 2018 consid. 2.2).
1.2.5. L'art. 314 CP (gestion déloyale des intérêts publics) tend exclusivement à préserver les intérêts de l'État (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1318/2017 du 9 février 2018 consid. 7.2.4 et 1B_201/2011 du 9 juin 2011 consid. 2.2; ACPR/85/2021 du 9 février 2021 consid. 2.3.1).
1.3. En l'espèce, le recourant s'estime lésé par les déclarations "évasives" proférées par C______, en qualité de témoin, devant la CACJ, dans le cadre de la procédure de contestation de son licenciement.
Le Tribunal fédéral a toutefois rappelé à plusieurs occasions que, lorsque le litige à l'origine de la dénonciation pénale n'est pas encore terminé, on ignore si les prétendues fausses déclarations en justice ont ou non une quelconque influence sur le jugement à rendre. Or, s'agissant, à ce stade, de pures conjectures, il n'y a pas de lien de causalité direct entre les déclarations incriminées et le préjudice allégué, l'intéressé ne subissant aucune conséquence dommageable du fait des déclarations proférées (cf. ATF 123 IV 184 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_649/2012 du 11 septembre 2013 ; ACPR/666/2024 du 13 septembre 2024 consid. 2.4; ACPR/346/2024 du 8 mai 2024 consid. 1.2.3 ; ACPR/850/2023 du 1er novembre 2023 consid. 3.4.2 ; ACPR/891/2019 du 18 novembre 2019 consid. 2.5.1).
Or, le recourant n'explique aucunement l'incidence dommageable qu'aurait eu le témoignage de C______ dans la procédure administrative initiée par ses soins. D'ailleurs, il ne donne aucune précision concernant la procédure en question, a fortiori, son issue. Le jugement du Tribunal de police d'arrondissement de D______ rendu à l'encontre d'un tiers n'est, à cet égard, pas pertinent.
Dans ces circonstances, le recourant échoue à établir que ses intérêts privés ont été touchés par le témoignage dénoncé.
Sa qualité pour recourir ne peut donc lui être reconnue et son recours doit être déclaré irrecevable sur ce point.
À titre superfétatoire, le recours devrait de toute façon être rejeté, le décès de C______ constituant un empêchement de procéder à son endroit (art. 310 al. 1 let. b CPP).
1.4. Concernant l'infraction à l'art. 314 CP, cette disposition protège exclusivement les intérêts de l'État, de sorte que le recourant n'est nullement légitimé à s'en plaindre.
Le recours est donc irrecevable sur ce point également.
2. Enfin, l'infraction de faux témoignage concernant "d'autres témoins", dans le cadre des faits relatés par la plainte pénale du 13 mai 2024, n'est pas l'objet de la décision querellée et, pour cause, le comportement dénoncé n'a pas encore été réalisé, de sorte que la Chambre de céans n'a donc pas à s'en saisir (cf. notamment ACPR/905/2023 du 16 novembre 2023 consid. 2.4.).
3. Au vu de l'issue du recours, la Chambre de céans pouvait statuer d'emblée, sans échange d'écritures (art. 390 al. 2, 1ère phrase, et al. 5 a contrario CPP).
4. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare le recours irrecevable.
Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.
Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.
Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Madame
Françoise SAILLEN AGAD et Monsieur Vincent DELALOYE, juges; Madame
Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).
P/11906/2024 | ÉTAT DE FRAIS |
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COUR DE JUSTICE
Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).
Débours (art. 2) | | |
- frais postaux | CHF | 10.00 |
Émoluments généraux (art. 4) | | |
- délivrance de copies (let. a) | CHF | |
- délivrance de copies (let. b) | CHF | |
- état de frais (let. h) | CHF | 75.00 |
Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13) | | |
- décision sur recours (let. c) | CHF | 815.00 |
Total | CHF | 900.00 |