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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18205/2024

ACPR/752/2024 du 17.10.2024 sur OTMC/2800/2024 ( TMC ) , ADMIS

Descripteurs : MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;RISQUE DE FUITE;RISQUE DE RÉCIDIVE;SÛRETÉS
Normes : CPP.221; CPP.237; CPP.238

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18205/2024 ACPR/752/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 17 octobre 2024

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,


contre l'ordonnance rendue le 18 septembre 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève- case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.

 


Vu :

-          l'arrestation provisoire de A______, le 6 août 2024, et sa mise en détention provisoire autorisée par le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) jusqu'au 6 novembre 2024 ;

-          la demande de mise en liberté formée par le prévenu le 11 septembre 2024 ;

-          l'audience du 18 septembre 2024 par-devant le TMC ;

-          l'ordonnance de refus de mise en liberté, du même jour, rendue et notifiée sur-le-champ par le TMC ;

-          le recours expédié le 30 septembre 2024 ;

-          les observations du Ministère public et du TMC;

-          la réplique de A______.

Attendu que :

-          ressortissant britannique né en 2003, A______ est poursuivi pour avoir, sous l’emprise de cannabis, gravement mis en danger des policiers et d’autres usagers de la route, dans le canton de Genève, dans la nuit du 5 au 6 août 2024, en circulant à très vive allure à bord d’une voiture immatriculée au nom de ses parents, sur une distance importante, tout d’abord par une boucle au centre ville puis fuyant en direction de Vandœuvres, sans observer la signalisation habituelle ni les signaux et obstacles de la police et en terminant son équipée à Choulex, après avoir percuté le véhicule de police qui lui barrait la route ;

-          il affirme avoir eu son pied bloqué sur l’accélérateur, comme si deux personnes conduisaient la voiture ;

-          il aurait également menacé de mort – ce qu’il conteste – la passagère d’une automobile rencontrée sur le début de son parcours (et qui, paniquée, alertera la police) ;

-          les autres infractions ne sont pas contestées, encore qu’il affirme n’en avoir pas de souvenir précis ;

-          il prétend souffrir de troubles mentaux, tels que bi-polarité et stress post-traumatique ; il se prévaut à cet égard d’une « tentative de meurtre » survenue quelques jours auparavant, au Portugal (selon le certificat médical au dossier, du 26 juillet 2024, il souffre d’une fracture du nez, sans mention des circonstances dans lesquelles elle est survenue) ;

-          le Ministère public a ordonné son expertise psychiatrique ;

-          au sujet de sa situation personnelle et financière, il a déclaré être de passage à Genève, chez ses parents, avant de regagner la Grande-Bretagne, où ses études de ______ allaient reprendre, sauf à « tout perdre » s’il restait en Suisse ;

-          son permis de conduire a été saisi, et il se trouve sous interdiction de circuler en Suisse ;

-          dans sa demande de libération, il estime que les risques de fuite, réitération et collusion retenus contre lui lors de son placement en détention provisoire n’étaient pas réalisés : l’automobiliste prétendument menacée, qu’il ne connaissait pas, n’avait pas déposé plainte, et il n’avait aucune raison de vouloir la circonvenir ; il avait demandé (et documentait) le report (« deferral ») à 2025 de son année d’études à D______ [Royaume-Uni] et souhaitait rester à Genève auprès de ses parents (lesquels s’engagent à l’héberger et proposent une caution de CHF 15'000.-, avec justificatifs de leurs comptes bancaires à Genève), pour être pris en charge sur le plan psychologique, conformément à des contacts, attestés, déjà pris avec des praticiens de la place ; privé de permis, il ne reprendrait pas le volant et n’avait d’ailleurs plus accès à aucun véhicule ;

-          à l'audience du 18 septembre 2024 devant le TMC, A______ a déclaré souffrir de dépression et d’anxiété, avec médication fournie à la prison de B______ ; il a produit des pièces montrant que son père avait fait débarrasser la chambre qu’il occupait pour ses études, à D______ ;

-          dans l’ordonnance querellée, le TMC considère que les charges restent suffisantes et graves et que les risques de fuite, collusion et réitération sont inchangés ; le risque de fuite, s’il avait été seul retenu, eût pu être pallié par des mesures de substitution ; en revanche, il fallait éviter que le prévenu ne tente de contacter « les » autres usagers de la route et ne récidive, son état psychique n’étant pas stabilisé et le suivi proposé à Genève ne s’inscrivant que dans le prolongement de celui qu’il prétendait suivre à l’étranger depuis près de deux ans ;

-          dans son recours, A______ reprend, en substance, les faits, arguments et mesures de substitution (astreinte à résider à Genève, chez ses parents ; interdiction de conduire ; traitement « psychiatrique / thérapeutique » supervisé par le Service de probation et d’insertion ci-après SPI ; port d’un bracelet électronique ; dépôt de ses documents d’identité ; présentation hebdomadaire à un poste de police), tels que développés dans sa demande de libération au Ministère public ;

-          au terme de leurs observations respectives, le TMC et le Ministère public maintiennent leurs positions ;

-          en réplique, le recourant déclare persister dans son recours.

Considérant en droit que :

-          le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 1, 384 let. b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 322 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP) ;

-          le recourant ne consacre pas une ligne de son acte de recours aux charges recueillies contre lui, de sorte que ce point n’a pas à être examiné (art. 385 al. 1 let. a et b CPP) ;

-          au chapitre du risque de collusion, on ne voit pas envers quels autres usagers de la route que la passagère prétendument menacée de mort existerait un risque de collusion ; à cet égard, l’intéressée a cependant déclaré à la police (pièce PP B-6) que c’était son ami, conducteur, qui avait tout au plus entendu le mot « kill » dans la bouche du recourant, mais qu’il ne désirait pas déposer plainte ; et il ne ressort pas du dossier que le recourant aurait adopté un comportement routier sciemment dirigé contre la vie ou l’intégrité corporelle de ces deux personnes ;

-          le risque de fuite, qui pouvait être retenu à bon droit dans la mesure où le recourant n’était que de passage en Suisse et disposait d’un logement d’étudiant là où il entendait suivre des études, en Grande-Bretagne, paraît maintenant suffisamment pallié par les mesures de substitution suivantes, qu’il suggère au demeurant :

o   une caution de CHF 15'000.-, montant légèrement supérieur au salaire mensuel net du père et en rapport raisonnable avec les économies de ses parents à Genève ;

o   une assignation à résidence à Genève auprès de ses parents, lesquels se sont déclarés prêts à l’héberger et à l’appuyer à se conformer à toute obligation judiciaire mise à sa charge) ;

o   le dépôt de ses documents d’identité (la Grande-Bretagne ne faisant pas partie de l’espace Schengen) ;

-          le risque de réitération paraît, du moins dans l’attente des conclusions de l’expertise psychiatrique, suffisamment pallié par la consultation suggérée auprès d’un psychiatre de la place, le Dr E______, qui s’est déclaré par écrit en mesure de mettre sur pied une prise en charge psychologique et/ou psychiatrique du recourant en « quelques jours au plus » ;

-          s’y ajouteront une interdiction de conduire tout véhicule à moteur (ACPR/549/2016 du 1er septembre 2016 consid. 4.2.) et de consommer du cannabis, cette obligation-ci, qui paraît en lieu avec l’enchaînement des événements, devant être périodiquement contrôlée par le SPI ;

-          le recours sera dès lors admis ;

-          les frais de l'instance seront laissés à la charge de l'État;

-          le recourant, qui a gain de cause, a demandé une indemnité de CHF 972.90 TTC, qui paraît justifiée par le travail accompli par son défenseur.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et annule l’ordonnance attaquée.

Ordonne la libération immédiate de A______, s’il n'est retenu pour autre cause, sous les mesures de substitution suivantes :

a) dépôt de sûretés en CHF 15'000.-, en mains des Services financiers du Pouvoir judiciaire,

b) interdiction de quitter la Suisse et domiciliation auprès de ses parents (no. ______ rue 1______ à Genève),

c) dépôt de ses documents d’identité en mains du Ministère public,

d) obligation de déférer à toute convocation du Pouvoir judiciaire et/ou de l’expert psychiatre ;

e) prise en charge thérapeutique par le Dr E______, à Genève, avec obligation d’en rendre compte par écrit au SPI, la première fois avant la fin du mois de novembre 2024 ;

f) abstinence au cannabis, avec obligation, soumise à la supervision du SPI, d’en rendre compte par des tests (sang, cheveux et/ou urine), la première fois avant la fin du mois de novembre 2024.

Charge la Direction de la procédure, en l'état le Ministère public, de la supervision et du suivi de ces mesures.

Dit que, à l'exception de celles énoncées aux let. a), c), d) et f) – qui n'ont pas besoin d'être confirmées ou renouvelées périodiquement (ATF 141 IV 190) –, ces mesures sont ordonnées pour 6 mois, soit jusqu'au 18 avril 2025, charge à la Direction de la procédure d'en requérir la prolongation à cette échéance, si elle l'estime nécessaire.

Attire l'attention de A______ sur le fait que, en application de l'art. 237 al. 5 CPP, la Direction de la procédure peut, en tout temps, révoquer les mesures de substitution, en ordonner d'autres ou prononcer sa détention provisoire, si des faits nouveaux l'exigent ou s’il ne respecte pas les obligations à lui imposées dans le présent dispositif.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l’État, une indemnité de CHF 972.90 TTC pour ses frais de défense en instance recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, préalablement par courriel, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Communique le dispositif de l'arrêt, préalablement par courriel, à la prison de B______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).