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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/15512/2024

ACPR/602/2024 du 19.08.2024 sur OMP/13694/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : AUTOPSIE;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR
Normes : CPP.253; CPP.382

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15512/2024 ACPR/602/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 19 août 2024

 

Entre

A______ et B______, domiciliés ______ [JU], agissant en personne,

recourants,

contre l’ordonnance rendue le 27 juin 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


Vu :

-       l'ordonnance du 27 juin 2024 par laquelle le Ministère public a ordonné l'autopsie du corps de C______, né le ______ 2024, décédé le ______ juin 2024;

-       la libération du corps ordonné le 28 juin 2024 par le Ministère public;

-       le recours formé le 8 juillet 2024 contre l'autopsie par les parents de C______, A______ et B______;

-       les observations du Ministère public du 25 juillet 2024, auxquelles était joint un rapport préliminaire du CURML du même jour;

-       la réplique des recourants du 2 août 2024.

Attendu que :

-       les recourants considèrent que leurs droits ont été bafoués. Ils avaient été accusés de mauvais traitement par le commissaire de police. Ils lui avaient signifié vouloir s'opposer à l'autopsie. Malgré cela, l'autopsie avait eu lieu le lendemain matin. Le corps de leur enfant leur avait été rendu en mauvais état, ce qui avait ajouté à leur souffrance occasionnée par la procédure, laquelle s'était avérée inutile puisqu'ils avaient été mis hors de cause;

-       le Ministère public, dans ses observations, complétées par le rapport préliminaire du 25 juillet 2024 qu'il avait demandé au CURML, conclut au rejet du recours. Il explique avoir été informé par le CURML, le 27 juin 2024, du décès de C______, qui était né avec une malformation cardiaque grave. L'enfant avait subi plusieurs interventions chirurgicales, dont une le 25 mars 2024, et avait pu regagner son domicile le 31 mai 2024. Une consultation de cardiologie pédiatrique réalisée le 17 juin 2024 avait rapporté que son évolution était stable et une nouvelle consultation était agendée le 26 juin 2024. Le soir du ______ juin 2024, l'enfant avait fait un arrêt cardio-respiratoire sans symptômes préalables, à domicile. Il aurait préalablement pleuré, ce qui aurait provoqué des difficultés respiratoires et une altération de son état de conscience. Malgré des manœuvres de réanimation entreprises par une voisine, relayées par les médecins secouristes puis par le service des urgences pédiatriques des HUG, où l'enfant avait été acheminé, son décès avait été constaté à 22h55. Le but de l'autopsie médico-légale était de rechercher la cause exacte du décès et également d'exclure une mort violente, d'autant plus que la situation apparemment stable de la pathologie cardiaque de C______ ne laissait pas craindre un décès imminent, étant précisé que la présentation clinique (pleurs du nourrisson, arrêt cardio-respiratoire puis décès) pouvait correspondre à la forme hyper-aiguë du syndrome du bébé secoué. Les causes du décès pouvaient être multiples et compte tenu des interventions médicales récentes subies par l'enfant, une erreur médicale ne pouvait pas non plus être exclue. Si toute forme de maltraitance avait pu être écartée par l'autopsie (sous réserve du résultat des analyses toxicologiques), la cause du décès n'était pas établie à ce jour, des analyses étant encore en cours;

-       dans leur réplique, adressée au Ministère public, les recourants réitèrent en substance avoir été traumatisés par ces évènements et dû entreprendre un suivi psychologique.

Considérant que :

-       le recours est recevable pour avoir été déposé dans le délai prescrit (art. 90 al. 2, 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des parents de l'enfant qui, en leur qualité de proches de la victime (art. 116 al. 2 CPP), sont habilités à contester l'autopsie ordonnée;

-       en vertu de l'art. 382 al. 1 CPP, seule la partie qui a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP). Cet intérêt doit être actuel et pratique. Ainsi, si l'intérêt actuel disparaît en cours de procédure, le recours devient sans objet et la cause est rayée du rôle (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 p. 143 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1336/2018 du 19 février 2019 consid. 1.2 ; ACPR/190/2020 du 11 mars 2020 consid. 3.3);

-       en l'espèce, l'ordre d'autopsie critiqué a été exécuté et le corps du défunt restitué à sa famille;

-       partant, en tant qu’ils s’opposaient à l’autopsie, les recourants ne peuvent plus se prévaloir d’un intérêt juridique actuel à l’annulation de l’ordonnance querellée, au sens de l’art. 382 al. 1 CPP;

-       quand bien même les recourants évoquent avoir souffert des évènements et être suivis psychologiquement, ils ne prennent pas de conclusions en constatation ni en réparation;

-       leur recours n'a par conséquent plus d'objet (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_774/2012 du 12 février 2014 consid. 2.3.);

-       aurait-il eu un objet que le bien-fondé de l'ordre d'autopsie n'apparaît pas contestable;

-       en effet, à teneur de l'art. 253 CPP, si, lors d'un décès, les indices laissent présumer que le décès n'est pas dû à une cause naturelle, et notamment qu'une infraction a été commise, ou que l'identité du cadavre n'est pas connue, le ministère public ordonne un premier examen du corps par un médecin légiste afin de déterminer les causes de la mort ou d'identifier le défunt (al. 1). Si ce premier examen ne révèle aucun indice de la commission d'une infraction et que l'identité de la personne décédée est connue, le ministère public autorise la levée du corps (al. 2). Dans le cas contraire, le ministère public ordonne la mise en sûreté du cadavre et de nouveaux examens par un institut de médecine légale ou, au besoin, une autopsie. Il peut ordonner la rétention du corps ou de certaines de ses parties pour les besoins de l'examen (al. 3);

-       le Tribunal fédéral a ainsi admis que l'autopsie se justifie non seulement en cas d'infraction avérée, mais également chaque fois qu'il est nécessaire de déterminer la cause précise du décès, acceptant ainsi, du point de vue du respect des droits fondamentaux, un recours relativement large à une telle mesure (T. FRACASSO / S. GRODECKI, L'examen du cadavre (art. 253 CPP) face aux droits fondamentaux, au CPP, à la médecine légale et à la pratique latine: la quadrature du cercle, in ZStrR – Band/Tome 135-2017, p. 203ss, p. 206 et les références citées);

-       quant aux recommandations R (99 3) du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe relatives à l'harmonisation des règles en matière d'autopsie médico-légale, qui servent de base à l'interprétation de l'art. 253 CPP, elles prévoient que les autopsies devraient être réalisées dans tous les cas de mort non naturelle évidente ou suspectée, en particulier en cas de suspicion de faute médicale (art. 2 let. e) (cf. à cet égard T. FRACASSO / S. GRODECKI, op. cit., p. 219);

-       en l'occurrence, à teneur du dossier, la ou les causes du décès de C______ n'étaient pas clairement établies, en particulier compte tenu de sa pathologie et des interventions médicales récentes qu'il avait subies, ce qui ne permettait pas d'exclure d'emblée une éventuelle erreur médicale. En outre, compte tenu de son très jeune âge et de son décès inattendu – après des pleurs – dans un contexte de stabilisation de sa pathologie cardiaque, un acte de maltraitance ne pouvait pas non plus être d'emblée écarté;

-       que l'autopsie ait pu exclure toute forme de maltraitance (sous réserve du résultat des analyses toxicologiques en cours) ne rend pas cet acte inutile a posteriori;

-       il en résulte que le Ministère public n'a pas contrevenu à l'art. 253 al. 1 et 3 CPP en ordonnant l'autopsie litigieuse, fût-elle particulièrement difficile à vivre pour les recourants;

-       ces derniers n'obtenant pas gain de cause, ils supporteront conjointement et solidairement les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 300.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours pour autant qu'il conserve encore un objet.

Condamne A______ et B______, conjointement et solidairement, aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, aux recourants et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/15512/2024

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

215.00

Total

CHF

300.00