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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/898/2022

ACPR/586/2024 du 08.08.2024 sur OJMI/1043/2024 ( JMI ) , REJETE

Descripteurs : LIBÉRATION CONDITIONNELLE;TRIBUNAL DES MINEURS
Normes : PPMin.39; DPMin.28

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/898/2022 ACPR/586/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 8 août 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance sur examen de libération conditionnelle rendue le 30 mai 2024 par le Juge des mineurs,

et

LE JUGE DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève, case postale 3686, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

 

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 10 juin 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 mai précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Juge des mineurs a refusé sa libération conditionnelle.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et, cela fait, à sa libération avec effet immédiat.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 28 octobre 2021, dans le cadre de la P/1______/2017, A______, né le ______ 2000, a été reconnu coupable par le Tribunal des mineurs (JTMI/19/2021) de tentative d'assassinat et agressions notamment, pour les faits dits "de D______" du 28 décembre 2016, et condamné à une peine privative de liberté de trente-huit mois.

b. Durant l'instruction de cette procédure, alors que le Juge des mineurs avait mis fin, le 19 janvier 2018, à sa détention provisoire, A______ a été arrêté le 20 janvier 2019 et prévenu de meurtre par la justice pénale des majeurs pour des faits survenus la veille, donnant lieu à l'ouverture de la P/2______/2019.

Dans le cadre de celle-ci, il a été placé en détention provisoire le 8 avril 2019 à la prison de E______, avant de passer sous le régime d'exécution anticipée de peine au début de l'année 2023. L'audience de jugement devant le Tribunal criminel est fixée au 16 septembre prochain.

c. Le 9 mars 2023, le Juge des mineurs a ordonné l'exécution de la peine, prononcée le 28 octobre 2021 contre A______, à l'établissement fermé de B______. L'intéressé y a été transféré le 20 suivant.

d. Le 18 janvier 2024, le Juge des mineurs a ordonné la défense d'office de A______, dans le cadre de l'examen de sa libération conditionnelle.

e.a. Le 30 janvier 2024, B______ a transmis au Juge des mineurs son préavis positif à la libération conditionnelle de A______.

Incarcéré depuis le 20 mars 2023, l'intéressé avait fait l'objet de deux sanctions disciplinaires pour des comportements contraires au but de l'établissement. Il présentait un bilan positif dans les différents ateliers suivis et était décrit comme poli, respectueux et investi. Il remboursait les frais de justice à raison de CHF 15.- par mois et avait commencé, le 9 mars 2023, à verser mensuellement CHF 50.- aux victimes. Il recevait régulièrement la visite de proches et de sa famille et, de manière générale, faisait preuve d'un comportement satisfaisant. Les dernières analyses toxicologiques et éthylométriques s'étaient révélées négatives.

e.b. En annexe à ce préavis figure le rapport socio-judiciaire du Service de probation et d'insertion (ci-après: SPI) du 29 janvier 2024.

Il en ressort que A______ se montrait preneur, intéressé et investi dans son suivi. Il reconnaissait les actes pour lesquels il avait été condamné et se disait conscient de leur gravité, sans les minimiser. Face au manque d'expression pouvant être perçu comme une insensibilité de sa part, il s'était déclaré ouvert à la discussion et participait activement aux réflexions proposées. Même si la longue peine probable l'empêchait de mettre en place un projet concret de sortie, il se formait et réalisait un travail sur lui-même, tant dans le cadre du suivi socio-judiciaire qu'au travers de son suivi psychothérapeutique.

f. Le 27 février 2024, A______ a remis au Juge des mineurs le tirage d'un bordereau de pièces à l'attention de la Commission d'évaluation de la dangerosité (ci-après: CED).

Il ressort notamment des pièces jointes les éléments suivants:

- il a obtenu plusieurs attestations certifiant sa réussite à divers examens de formation professionnelle;

- il est volontairement suivi depuis le 24 septembre 2019 par F______, psychologue, notamment pour le soutenir au fil de la procédure judiciaire et améliorer la gestion de son impulsivité;

- dans ce cadre, il évolue favorablement, tant du point de vue de sa maturé affective qu'au niveau de la gestion de ses émotions;

- lors de son audition du 16 janvier 2023 dans le cadre de la P/2______/2019, F______ a déclaré: "La prise de conscience [de A______] est récente, c'est-à-dire qu'il peut dire « j'ai remarqué que je suis quelqu'un qui peut outrepasser les règlements ou les limites qui me sont imposées ». Je dirais qu'on est au tout début d'une évolution positive sur ce point".

g. Le 12 mars 2024, la CED a transmis au Juge des mineurs son préavis négatif à la libération conditionnelle.

Il ressort de la partie "Parcours carcéral et institutionnel" que A______ a fait l'objet de onze sanctions disciplinaires lors de sa détention provisoire à E______, pour des faits de violences physiques sur des détenus et des menaces envers le personnel notamment.

Pour la partie "Évaluation du condamné", la CED souligne qu'une seule expertise psychiatrique figurait au dossier, soit celle du 30 novembre 2017 et en cite plusieurs passages, parmi lesquels on peut lire: "parfois le discours de Mr A______ donne le sentiment que l'arrestation et la sanction le dégagent de toute responsabilité ultérieure, puisque la dette est, ou sera payée". Sur la base de cette expertise, la CED retient ainsi que A______ fonctionne selon "un mécanisme de dissimulation", présente une empathie "de façade" et ne procède à aucune introspection de ses actes, ni de leurs conséquences. Si l'intéressé affirmait suivre une thérapie depuis plus de quatre ans, il était incapable d'en décrire le contenu et restait "très superficiel à ce sujet". Conformément aux conclusions de l'expertise psychiatrique, il y avait lieu de retenir un risque élevé de récidive. Ainsi, sans projet de réinsertion abouti, une libération conditionnelle – même théorique – paraissait "largement prématurée".

h. Entendu par le Juge des mineurs le 22 mars 2024, A______ s'est dit "surpris et choqué" par les conclusions de la CED. Il estimait avoir avancé depuis 2017 et regrettait que ses efforts ne fussent pas reconnus. Il ne considérait pas être dangereux pour la collectivité, ayant "bossé avec la psy". Son suivi psychologique lui avait apporté beaucoup, notamment au sujet de son impulsivité et de la gestion de ses émotions. Il pouvait comprendre donner l'impression d'une empathie "de façade" car il avait montré un côté froid. Il ne cherchait pas à se déresponsabiliser et admettait être "fautif à 100%". Il regrettait ce qu'il avait fait.

i. Par courrier du 17 mai 2024 au Juge des mineurs, A______, sous la plume de son conseil, a critiqué le contenu du rapport de la CED, estimant que celle-ci s'était placée "presque exclusivement en 2017", ce qui était "juridiquement inadmissible", et n'avait pas tenu compte de toutes ses évolutions positives, pourtant largement documentées.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Juge des mineurs retient que la condition objective pour une éventuelle libération conditionnelle, soit d'avoir atteint la moitié de la peine, était réalisée; mais pas la condition subjective, soit l'absence d'un pronostic défavorable. La CED avait, en effet, préavisé défavorablement une telle libération, jugée "prématurée". Il n'y avait, en outre, aucun motif pour s'écarter de cette appréciation. Au contraire : alors qu'il se trouvait en liberté provisoire, A______ avait été arrêté et prévenu de meurtre, notamment. Sa prise de conscience était récente et ses bilans positifs et formations réussies ne palliaient pas le risque d'une éventuelle récidive.

D. a. Dans son recours, A______ reproche au Juge des mineurs son choix de ne pas s'écarter du préavis négatif de la CED. Celle-ci s'était fondée sur un rapport datant de 2017, qui ne reflétait plus la situation actuelle, et avait même admis avoir statué alors qu'il lui manquait des documents importants. Pourtant, il lui avait transmis un bordereau de pièces contenant les rapports de F______, lesquels confirmaient son investissement, son authenticité, sa culpabilité, ses regrets et son évolution favorable. Le Juge des mineurs ne pouvait pas non plus attendre de lui un projet de réinsertion abouti dès lors qu'il allait se voir infliger "un nombre certain d'années de peine privative de liberté", en relation avec la P/2______/2019. Enfin, sa prise de conscience "récente" selon ce même juge devait être nuancée par les préavis positifs de B______ et du SPI.

b. Dans ses observations, le Ministère public relève que A______ ne serait de toute manière pas libéré, en raison de l'exécution anticipée de sa peine dans le cadre de la P/2______/2019. La CED avait, en outre, conclu, sur la base des documents en sa possession, que le précité représentait un danger pour la collectivité. Le travail initié par le recourant n'était aucunement abouti et le pronostic le concernant restait hautement défavorable.

c. Le Juge des mineurs persiste dans les termes de son ordonnance.

d. A______ réplique pour relever qu'en raison de "l'homicide qu'il a[vait] commis", sa détention pour "quelques années" écartait le risque de récidive.

EN DROIT :

1.             Par renvoi de l'art. 3 al. 1 PPMin, le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP).

Il concerne une ordonnance de l'autorité d'exécution, soit le Juge des mineurs (art. 28 DPMin et 44 al. 1 let. d LaCP), sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 39 al. 3 PPMin et 128 al. 2 let. b LOJ) et émane du condamné qui, partie à la procédure, a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP cum 38 al. 3 PPMin).

Partant, le recours est recevable.

2.             Le recourant sollicite sa libération conditionnelle.

2.1. L’autorité d’exécution peut libérer conditionnellement le mineur qui a subi la moitié de la privation de liberté, mais au moins deux semaines, s’il n’y a pas lieu de craindre qu’il commette d’autres crimes ou délits (art. 28 al. 1 DPMin).

2.1.1. Cette disposition fixe deux conditions cumulatives d'octroi de la libération conditionnelle d'une privation de liberté: une condition objective, soit que le mineur ait exécuté la moitié de sa peine, mais au minimum deux semaines de détention; et une condition subjective, soit l'absence de pronostic d'avenir défavorable (N. QUELOZ (éd.), Commentaire droit pénal et justice des mineurs en Suisse, 2ème éd., Genève 2023, n. 330 ad art. 28).

2.1.2. Pour examiner cette seconde condition, l'autorité d'exécution dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 133 IV 201 consid. 2.3; M. GEIGER / E. REDONDO / L. TIRELLI (éds), Petit commentaire – Droit pénal des mineurs, Bâle 2019, n. 27 ad art. 28). Avec sa formulation potestative, l'art. 28 al. 1 DPMin confère à l'autorité d'exécution une marge de manœuvre plus large que l'autorité compétente des adultes dans le domaine de la libération conditionnelle (art. 86 CP). En particulier, l'autorité d'exécution peut refuser la libération lorsque le pronostic quant au comportement futur reste incertain (M. GEIGER / E. REDONDO / L. TIRELLI (éds), op. cit., n. 27 ad art. 28; N. QUELOZ (éd.), op. cit., n. 331 ad art. 28).

2.1.3. Le pronostic à émettre doit être fondé sur une appréciation globale, prenant en considération les antécédents du détenu, sa personnalité, son comportement en général et dans le cadre des infractions qui sont à l'origine de sa condamnation, son amendement ainsi que les conditions de vie future. Le critère du "comportement durant l'exécution de la peine" défini à l'art. 86 al. 1 CP n'est en revanche pas repris pas le DPMin (M. GEIGER / E. REDONDO / L. TIRELLI (éds), op. cit., n. 24-25 ad art. 28).

2.2. Si la privation de liberté a été prononcée en vertu de l’art. 25 al. 2 DPMin, comme c'est le cas en l'occurrence, l’autorité d’exécution statue après avoir entendu une commission constituée conformément à l’art. 62d, al. 2, CP, soit à Genève, la CED (art. 4 al. 1 let. a LaCP).

L'autorité d'exécution ne devrait pas s'écarter du préavis de la commission sans motif particulièrement étayé (M. GEIGER / E. REDONDO / L. TIRELLI (éds), op. cit., n. 40 ad art. 28).

2.3. La libération conditionnelle est un préalable à la libération définitive et s'inscrit ainsi comme l'étape finale de l'exécution de la peine (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 2 ad art. 86).

2.4. En l'espèce, il n'est pas contesté que le recourant a exécuté la moitié de sa peine prononcée par le Tribunal des mineurs le 28 octobre 2021. La condition objective d'une libération conditionnelle est donc réalisée, ce qui n'est au demeurant pas contesté.

Pour la condition subjective, le Juge des mineurs a, comme requis par la loi, sollicité la CED, laquelle a émis un préavis défavorable. Il est vrai que ce préavis repose en grande partie sur une expertise psychiatrique datant de 2017. L'auteur de celle-ci retenait néanmoins à l'époque un risque élevé de récidive. Or, le recourant fait actuellement l'objet d'une procédure ouverte pour meurtre, pour laquelle il n'a pas encore été jugé et exécute actuellement sa peine de manière anticipée.

Malgré son ancienneté, l'expertise psychiatrique de 2017 n'est ainsi pas dénuée de pertinence.

En outre, si le comportement "satisfaisant" du recourant souligné par B______ doit évidemment être encouragé, il ne s'agit néanmoins pas d'un critère déterminant et, même si tel devait être le cas, ce bilan positif ne saurait occulter entièrement les sanctions prononcées contre le recourant lors de sa détention à E______, lesquelles concernent des faits de violence.

Le suivi – volontaire – psychologique et socio-judiciaire du recourant doit également être mis en avant, tout comme ses efforts pour se former professionnellement. Cela étant, selon les dires de sa psychologue, sa prise de conscience reste récente et le travail thérapeutique ne fait que débuter. Ainsi, même sans négliger les préavis positifs de B______ et du SPI, il apparaît effectivement prématuré d'envisager une libération conditionnelle au regard de la gravité des faits, tant ceux pour lesquels il a été condamné que ceux faisant l'objet de la P/2______/2019.

Quoiqu'il en soit, une telle libération apparaît, en l'état, vaine pour atteindre son but – soit une réinsertion sociale – puisque, de l'aveu même du recourant, il s'expose à purger une peine privative de liberté de "quelques années" pour ladite procédure. Ce constat ne saurait pallier le risque de récidive, qui s'est déjà concrétisé une première fois.

C'est ainsi à raison que le Juge des mineurs a suivi le préavis négatif de la CED et refusé la libération conditionnelle du recourant.

3.             Infondé, le recours sera rejeté.

4.             Les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'État (art. 44 al. 1 PPMin).

5. 5.1. À teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ ; il prévoit une indemnisation sur la base d'un tarif horaire de CHF 200.- pour un chef d'étude et de CHF 110.- pour un avocat-stagiaire (art. 16 al. 1 let. a et c RAJ). Seules les heures nécessaires sont retenues; elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance, et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

5.2. En l'occurrence, l'avocat d'office a chiffré son intervention pour la procédure de recours à cinq heures d'activité pour l'avocat-stagiaire et à une heure pour le chef d'étude, ce qui paraît en adéquation avec l'activité déployée.

L'indemnité allouée sera ainsi arrêtée à CHF 810,75, TVA 8.1% comprise.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 810,75 (TVA à 8.1% comprise) au titre de la défense d'office pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au Juge des mineurs et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Selim AMMANN, greffier.

 

Le greffier :

Selim AMMANN

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).