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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7786/2017

ACPR/243/2024 du 15.04.2024 sur OCL/104/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);FRAIS DE LA PROCÉDURE;CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;FAUTE;LIEN DE CAUSALITÉ
Normes : CPP.426; CPP.429; CP.52

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7786/2017 ACPR/243/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 15 avril 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, représentée par Me Michael RUDERMANN, avocat, Avocats Associés, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 1er février 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 15 février 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 1er février 2024, notifiée le 5 février 2024, par laquelle le Ministère public, après avoir classé la procédure dirigée contre elle, a refusé de lui allouer une indemnité (art. 430 al. 1 let. a CPP; ch. 2 du dispositif) et l'a condamnée à la moitié des frais de la procédure arrêtés à CHF 720.- (art. 426 al. 2 CPP; ch. 3).

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation des chiffres 2 et 3 du dispositif querellé, à ce que les frais de la procédure mis à sa charge soient fixés à CHF 60.- et au renvoi de la procédure au Ministère public pour qu'il fixe l'indemnité due pour ses frais de défense. Subsidiairement, elle conclut à ce que les frais de la procédure préliminaire mis à sa charge s'élèvent à CHF 320.- et que l'indemnité pour ses frais de défense soit fixée à CHF 17'492.90.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Le 10 avril 2017, B______ et l'Association C______ ont porté plainte contre A______, médecin spécialiste en dermatologie et vénéréologie, et D______, médecin au sein du même cabinet, des chefs d'escroquerie (art. 146 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et infraction à la loi sur la concurrence déloyale (art. 3 al. 1 let. b cum 23 al. 1 LCD).

En substance, il leur était reproché d'avoir, entre 2015 et 2017, au sein du E______ SA, facturé des prestations médicales effectuées par A______ au nom de D______, par le biais de fausses factures et de faux justificatifs de remboursement, alors que la première citée n'était pas en droit d'exercer la médecine à la charge de l'assurance obligatoire de soins (ci-après : AOS), ce qu'elle avait omis de dire à ses patients, induisant de ce fait en erreur leurs assurances-maladies et déterminant ces dernières à rembourser des prestations qui ne devaient pas l'être.

a.b. Par la suite, F______, président de l'Association C______, a également déposé plainte en son nom pour les faits précités.

b. Entendue le 31 mai 2017 par la police en qualité de prévenue, A______ a déclaré qu'à l'époque des faits, elle facturait parfois ses consultations au nom de D______. En 2013, elle avait demandé à être inscrite au Registre des codes-créanciers (RCC) mais, ensuite d'un moratoire, son dossier était toujours en examen. Cette attente la mettait dans une position inconfortable, ne pouvant facturer à son propre nom, raison pour laquelle ils avaient procédé de cette manière.

c. Entendu le 6 juin 2017 en qualité de prévenu, D______ a déclaré avoir laissé A______ utiliser partiellement son code créancier. Ils avaient demandé par deux fois un droit de pratique à charge de l'assurance-maladie, qui leur avait été refusé. Une nouvelle demande était en cours mais le processus était bloqué. Après le second refus, le médecin cantonal l'avait averti que ce qu'il faisait était illégal. Il en avait informé sa collègue, lui disant qu'ils ne pouvaient continuer ainsi. Cela avait duré jusqu'à fin janvier 2017. Arrêter d'un coup n'avait pas été évident car les patients LAMal représentaient 80% de la clientèle du E______.

d. Le Ministère public a tenu une première audience le 13 février 2019 lors de laquelle D______ et A______ ont été prévenus d'escroquerie (art. 146 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et concurrence déloyale (art. 23 LCD).

À cette occasion, A______ a, par l'intermédiaire de son conseil, contesté la qualité de partie plaignante de l'Association C______ et de B______.

e.a. Par ordonnances du 4 février 2020, le Ministère public a dénié la qualité de partie plaignante à B______ et F______ – qui n'ont pas contesté ces décisions – et admis celle de l'Association C______ s'agissant d'éventuelles infractions à la LCD.

e.b. Le recours déposé par A______ contre cette dernière décision a été rejeté par la Chambre de céans le 29 avril 2020 (ACPR/265/2020).

f. Précédemment, le 20 mars 2019, G______ SA avait déposé plainte contre D______, A______ et d'autres médecins dermatologues, ainsi que contre le E______ SA et H______ SA en liquidation, pour obtention illicite de prestations d'une assurance sociale (art. 148a CP), escroquerie (art. 146 CP), faux dans les titres (art. 251 CP), et subsidiairement infraction à l'art. 92 lit. b LAMal. La plaignante soupçonnait ces médecins, dont A______, d'avoir, entre 2013 et 2019, exercé et facturé, sans droit, à charge de l'assurance de base, en utilisant notamment le RCC de D______.

Il ressort notamment de la plainte que A______ avait reçu l'autorisation de pratiquer à Genève dès le 29 avril 2015, sans toutefois obtenir celle de facturation LAMal. Or, d'après les contrôles effectués auprès des assurés et l'analyse des factures, au moins 43 assurés avaient été traités par la précitée entre 2013 et 2014.

L'assurance, en vérifiant les factures provenant de D______ et sur lesquelles figuraient son numéro RCC, avait pu identifier certaines prestations fournies par A______ dès lors que son numéro d'individualisation européen uniforme (ci-après: numéro GLN), délivré par la FMH et permettant d'identifier le médecin ayant pratiqué le traitement, y figurait. Cela étant, certaines factures ne mentionnaient pas le numéro GLN de cette dernière mais celui de D______, ce alors que les ordonnances liées aux traitements en question avaient été signées par A______.

G______ SA estimait les montants indument facturés à la LAMal pour des prestations fournies par A______ à, à tout le moins, CHF 43'121.39. D______ avait partiellement admis sa faute et remboursé la somme de CHF 3'451.29 le 6 février 2019.

Enfin, contrairement à leurs obligations découlant de la LAMal, les intéressés ne leur avaient pas fourni les justificatifs et explications requis, prétextant notamment ne pas avoir pu récupérer certains dossiers médicaux ensuite de la faillite de H______ SA fin 2014.

g. La procédure liée à cette plainte a été ouverte sous le numéro P/6224/2019, avant d'être jointe à la présente procédure par ordonnance du 29 juin 2020.

Le recours formé par A______ contre ladite décision a été rejeté par la Chambre de céans le 21 août 2020 (ACPR/553/2020).

h. Par pli du 22 juin 2021, G______ SA a retiré sa plainte.

i. Le Ministère public a interpellé l'Association C______ sur la question du délai de plainte pour les faits pouvant être constitutifs de violation de la LCD.

Le 9 mai 2022 l'Association C______ a retiré sa plainte.

j. Le Ministère public a tenu des audiences les 9 février et 31 mars 2023.

A______ a partiellement confirmé ses déclarations à la police. Elle reconnaissait avoir utilisé le numéro RCC de D______ non pas parce qu'elle attendait son droit de pratique rattaché à la LAMal, mais parce qu'elle devait gérer les absences du prénommé, lequel était en grande souffrance. Elle a reconnu que ses remplacements n'avaient toutefois pas toujours été autorisés par la Direction générale de la santé.

D______ a affirmé que A______ avait utilisé son code RCC pour facturer à charge de l'AOS durant ses absences ponctuelles, qu'il s'agissait d'une période instable pour lui ensuite de son divorce et de l'attribution de la garde de ses enfants à son ex-épouse. Durant cette période, il ne s'était pas renseigné auprès de la Direction générale de la santé, ni n'avait obtenu d'autorisation pour être remplacé.

k. Par lettre du 28 avril 2023, A______ a produit les autorisations obtenues auprès du Département général de la santé pour le remplacement de D______ entre les 22 novembre et 17 décembre 2017, puis entre les 4 février et 8 août 2019.


 

l. Il ressort en outre de la procédure que:

·         A______ a été autorisée à exercer la profession de médecin à titre dépendant le 16 avril 2013. Le 22 juillet 2015, elle a été autorisée à exercer la profession de médecin à titre indépendant ou à titre dépendant. Dite autorisation annulait et remplaçait celle du 16 avril 2013. Le 22 juillet 2015, le Département compétent lui indiquait par arrêté qu'elle n'était toutefois pas admise à prodiguer des soins sous sa responsabilité à la charge de l'AOS;

·         selon la décision rendue le 9 décembre 2019 par la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients – laquelle a été confirmée par la Chambre administrative – A______ était autorisée à exercer la profession de médecin à titre dépendant sous la responsabilité de D______, jusqu’à ce qu’elle soit autorisée à exercer à titre indépendant par décision du 22 juillet 2015;

·         A______ a par ailleurs été autorisée à remplacer la Dresse I______ entre avril 2017 et le 1er octobre 2017;

·         la Direction générale de la santé accepte les remplacements par des médecins non autorisés à pratiquer à charge de la LAMal; et ces derniers empruntent alors le code-créancier du médecin remplacé durant la durée autorisée, laquelle ne peut excéder six mois.

m.a. Par avis de prochaine clôture du 19 janvier 2024, le Ministère public a informé les parties de son intention de classer la procédure et leur a imparti un délai pour faire valoir leurs prétentions en indemnisation.

m.b. A______ et D______ ont sollicité l'octroi d'indemnités pour leurs frais de défense.

C. a. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public retient qu'il était établi que A______ était autorisée à exercer depuis le 16 avril 2013, d'abord à titre dépendant puis, dès le 29 avril 2015, à titre dépendant ou indépendant. Ainsi, les reproches consistant à avoir pratiqué sans autorisation entre 2013 et le 29 avril 2015 étaient infondés (art. 319 al. 1 let. a CPP). De même, dans la mesure où la précitée était autorisée, durant cette période, à exercer à titre dépendant, sous la responsabilité de D______, elle pouvait utiliser le numéro RCC de ce dernier, sans qu'aucune infraction ne puisse lui être reprochée (art. 319 al. 1 let. a CPP).

Aucune infraction ne pouvait non plus être retenue s'agissant des périodes pour lesquelles A______ avait été autorisée à remplacer D______ et I______ (art. 319 al. 1 let. a CPP).

S'agissant de l'utilisation par A______ du numéro RCC de D______ postérieurement au 29 avril 2015 et en dehors des remplacements autorisés, ce qui lui avait permis de facturer des prestations à charge de la LAMal alors qu'elle n'était pas habilitée à le faire, le numéro GLN de A______ figurait, à tout le moins, sur une partie des factures (cf. plainte G______ SA), en sus du numéro RCC de D______, de sorte que les factures n'étaient pas mensongères à cet égard et ne réalisaient pas l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP). En revanche, durant cette période, il était établi et reconnu par A______ que certaines prestations avaient été facturées sous le numéro RCC de D______, alors même qu'elle n'avait pas obtenu l'autorisation de le remplacer et que les factures en question mentionnaient les codes de ce dernier comme fournisseur de prestation.

D______ et A______ avaient agi de cette manière pour contourner le fait que la précitée n'était pas autorisée à pratiquer à la charge de l'AOS, ce qu'ils avaient reconnu lors de leurs premières auditions par la police. Les déclarations subséquentes, selon lesquelles il s'agissait en réalité de pallier, dans l'urgence, les absences de D______ n'emportaient pas conviction. Or, en ne mentionnant pas toujours sur les factures le véritable fournisseur de la prestation, contrairement aux exigences légales, celles-ci pouvaient constituer des titres faux au sens de l'art. 251 CP. Toutefois, compte tenu de la période pénale limitée et du remboursement partiel des montants réclamés par G______ SA – qui avait retiré sa plainte – le Ministère public considérait que les conditions des art. 52 et 53 CP étaient réunies, de sorte que la procédure était classée (art. 319 al. 1 let. e CPP).

S'agissant d'une éventuelle violation de la LCD, en l'absence de plainte, il existait un empêchement de procéder (art. 319 al. 1 let. d CPP).

La moitié des frais de procédure était mise à la charge de A______ car elle avait, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de la procédure ou rendu plus difficile la conduite de celle-ci (art. 426 al. 2 CPP). En émettant des factures ne permettant pas d'identifier le véritable fournisseur de la prestation, ce qui avait déclenché un remboursement par les assureurs de prestations à la charge de la LAMal, alors qu'elle savait ne pas être autorisée à pratiquer à charge de l'AOS, elle avait violé les art. 36, 42 et 59 LAMal.

Pour les mêmes motifs, aucune indemnité ne lui était accordée.

b. Le même jour, le Ministère public a rendu une ordonnance de classement en faveur de D______, dont la teneur est similaire.

D. a. À l'appui de son recours, A______ soutient que si, seule la moitié des frais de procédure préliminaire avait été mise à sa charge, l'indemnité réclamée devait suivre la même répartition.

Quoi qu'il en soit, le refus de toute indemnité était contraire aux art. 429 al. 1 let. a et 430 al. 1 let. a CPP.

En effet, le classement visait six complexes de faits différents. Quatre d'entre eux avaient fait l'objet d'un classement sur le fondement de l'art. 319 al. 1 let. a CPP, le Ministère public ayant retenu que les faits n'étaient pas établis. Cette constatation devait conduire à l'indemnisation de ses frais de défense puisqu'aucune faute ni comportement illicite ne pouvait lui être reproché. Le classement du cinquième complexe de faits avait été ordonné en raison du retrait et de la tardiveté de la plainte de l'Association C______ pour violation de la LCD. Cette plainte aurait dû faire l'objet d'une non-entrée en matière dès sa réception par le Ministère public. Elle avait par ailleurs obtenu gain de cause s'agissant de la qualité de parties plaignantes de B______ et F______. Elle n'avait donc pas fautivement donné lieu à la procédure pénale ayant conduit au classement des faits reprochés dans cette plainte.

Comme le classement fondé sur les art. 52 et 53 CP représentait 1/6e de la décision, seule cette portion des frais de la procédure préliminaire, soit CHF 60.-, devait être mise à sa charge. La cause devait être retournée au Ministère public pour qu'il fixe l'indemnité due en sa faveur, ce afin qu'elle puisse bénéficier d'un double degré de juridiction. Subsidiairement, 5/6e de l'indemnité réclamée devaient lui être accordée (5/6 x CHF 20'991.45 = CHF 17'492.90).

Enfin, bien que le Ministère public ne l'ait condamnée qu'à la moitié des frais de la procédure, le dispositif la condamnait à la totalité desdits frais. Elle concluait donc, à titre subsidiaire, à ce que les frais de la procédure mis à sa charge soient fixés à CHF 360.-.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours, sous suite de frais.

Durant l'instruction, A______ avait reconnu avoir utilisé le code RCC de D______ en dehors de toute autorisation. En outre, il ressortait de l'examen des factures au dossier, étant précisé que l'ensemble des factures n'avait pas été retrouvé, que certaines ne comportaient ni le numéro RCC, ni le numéro GLN de la recourante, de sorte que ces documents ne permettaient pas d'identifier le réel fournisseur des prestations. En ne sollicitant pas une autorisation de pratiquer à charge de la LAMal pour une partie de la période pénale considérée et en émettant des factures ne permettant pas d'identifier le réel fournisseur des soins, elle avait, de concert avec D______, violé les art. 36, 52 et 59 LAMal. Or, ces manquements étaient à l'origine des plaintes déposées successivement par B______, l'Association C______, F______ et G______ SA et de l'instruction qui s'en était suivie.

Enfin, le montant des frais mis à sa charge en CHF 720.- correspondait – déjà – à la moitié des frais de la procédure, ceux-ci ayant été ventilés par moitié entre elle et D______. Cela n'avait donc pas pour conséquence qu'une indemnisation partielle devait lui être accordée.

c. A______ réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner des points du dispositif d’une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante conteste la mise à sa charge de l'intégralité des frais de la procédure et, partant, le refus d'indemnisation conformément à l'art. 429 CPP.

2.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu acquitté totalement ou en partie ou au bénéfice d'un classement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

2.2. La question de l'indemnisation selon l'art. 429 CPP doit être tranchée après celle des frais, selon l'art. 426 CPP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_565/2019 du 12 juin 2019 consid. 5.1; 6B_373/2019 du 4 juin 2019 consid. 1.2). Dans cette mesure, la décision sur ceux-ci préjuge du sort de celle-là (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2 p. 211; 137 IV 352 consid. 2.4.2 p. 357).

Si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue. En revanche, si l'État supporte les frais de la procédure pénale, le prévenu a en principe droit à une indemnité selon l'art. 429 CPP (ATF 137 IV 352 précité, consid. 2.4.2).

Lorsque la condamnation aux frais n'est que partielle, la réduction de l'indemnité devrait s'opérer dans la même mesure. Ainsi, lorsque les frais de la procédure sont mis pour moitié à la charge de l'État en raison de l'acquittement du prévenu, l'octroi d'une demi-indemnité à titre de dépens est appropriée (ATF 137 IV 352 précité, consid. 2.4.2.). Il est donc concevable d'indemniser, dans une mesure réduite, le prévenu qui doit supporter l'ensemble des frais de justice (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 5 ad art. 430 CPP). De la même manière que la condamnation aux frais n'exclut pas automatiquement l'indemnisation du prévenu partiellement acquitté, l'acquittement partiel n'induit pas d'office l'octroi d'une indemnisation. Celle-ci présuppose qu'aucun comportement illicite et fautif ne puisse être reproché au prévenu relativement aux agissements ayant donné lieu au classement ou à l'acquittement partiel (art. 430 CPP a contrario).

2.3. Selon la jurisprudence relative à l'art. 426 al. 2 CPP, mais applicable par analogie à l'art. 430 al. 1 let. a CPP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2013 du 4 mars 2013 consid. 2.3), la condamnation d'un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais, respectivement le refus de lui allouer une indemnisation à raison du préjudice subi par la procédure pénale, doit respecter la présomption d'innocence, consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH. Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais, respectivement un refus d'indemnisation, n'est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l'ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s'il en a entravé le cours. À cet égard, seul un comportement fautif et contraire à une règle juridique, qui soit en relation de causalité avec les frais imputés, entre en ligne de compte (ATF 119 Ia 332 consid. 1b p. 334; ATF 116 Ia 162 consid. 2c p. 168; arrêts 6B_556/2017 du 15 mars 2018 consid. 2.1; 6B_301/2017 du 20 février 2018 consid. 1.1).

Pour déterminer si le comportement en cause est propre à justifier l'imputation des frais, le juge peut prendre en considération toute norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, dans le sens d'une application par analogie des principes découlant de l'art. 41 CO. Le fait reproché doit constituer une violation claire de la norme de comportement (ATF 119 la 332 consid. 1b p. 334; arrêt 6B_301/2017 précité consid. 1.1). Une condamnation aux frais ne peut se justifier que si, en raison du comportement illicite du prévenu, l'autorité était légitimement en droit d'ouvrir une enquête. Elle est en tout cas exclue lorsque l'autorité est intervenue par excès de zèle, ensuite d'une mauvaise analyse de la situation ou par précipitation (ATF 116 Ia 162 consid. 2c p. 170 s.; arrêt 6B_301/2017 précité consid. 1.1; cf. art. 426 al. 3 let. a CPP). La mise des frais à la charge du prévenu en cas d'acquittement ou de classement de la procédure doit en effet rester l'exception (ATF 144 IV 202 consid. 2.2 p. 204 s. et les références citées).

2.4. L'art. 52 CP subordonne notamment la renonciation à poursuivre l'auteur, à renvoyer celui-ci devant le juge ou à lui infliger une peine, au peu d'importance de sa "culpabilité". L'art. 53 CP règle le sort de la procédure pour le cas où l'auteur aura réparé le "dommage" ou compensé le "tort" causé. Chacune de ces dispositions repose donc sur la prémisse selon laquelle l'auteur a commis un acte illicite, pour lequel il porte une part de culpabilité (cf. art. 52 CP), ou par lequel il a causé un "dommage" ou un "tort" (cf. art. 53 CP). À cet égard, la loi prévoit certes que le ministère public et les tribunaux rendent, le cas échéant, une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement (cf. art. 8 al. 4 CPP). Cette décision, en ce qu'elle n'emporte pas condamnation et ne se prononce pas sur la culpabilité, ne porte pas atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficie le prévenu. Néanmoins, compte tenu de l'acte illicite nécessairement commis et en dépit duquel une non-entrée en matière ou un classement est prononcé, une mise à sa charge des frais s'avère en tous les cas justifiée (ATF 144 IV 202 consid. 2.3).

2.5. Selon le principe de la causalité des frais, le comportement du prévenu doit également être à l'origine des frais pour que ceux-ci puissent lui être imputés s'il est acquitté ou mis au bénéfice d'une ordonnance de classement (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op.cit., n. 2 ad art. 426 CPP).

Le lien de causalité entre le comportement reproché et les frais doit être adéquat (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1180/2019 du 17 février 2020 consid. 3 et 6B_453/2019 du 3 octobre 2019 consid. 1.5).

2.6. Selon l'art. 36 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal; RS 832.10), les fournisseurs de prestations visés à l’art. 35, al. 2, let. a à g, m et n, ne peuvent pratiquer à la charge de l’assurance obligatoire des soins que s’ils sont admis par le canton sur le territoire duquel ils exercent leur activité.

Le fournisseur de prestations doit remettre au débiteur de la rémunération une facture détaillée et compréhensible. Il doit aussi lui transmettre toutes les indications nécessaires lui permettant de vérifier le calcul de la rémunération et le caractère économique de la prestation (art. 42 al. 3 LAMal).

Les fournisseurs de prestations qui ne respectent pas les exigences relatives au caractère économique et à la garantie de la qualité des prestations qui sont prévues dans la loi (art. 56, 58a et 58h) ou dans une convention ou qui ne respectent pas les dispositions relatives à la facturation (art. 42) font l’objet de sanctions (art. 59 al. 1 LAMal).

2.7. En l'espèce, la procédure a été ouverte car la recourante était soupçonnée d'avoir perçu des prestations indues de l'assurance-maladie, par le biais de fausses factures, ce alors qu'elle n'était pas en droit d'exercer la médecine à charge de l'AOS.

Au terme de l'instruction, il s'est avéré que seule une partie des faits, admise par la recourante, pouvait être constitutive des infractions reprochées. Cela étant, le Ministère public a fait application des art. 52 et 53 CP pour ce pan de la procédure, ce qui permettait la mise à la charge de la recourante de la totalité des frais y relatifs, sans qu'il ne soit nécessaire de fonder la violation d'une norme générale de comportement sur une norme autre que celle pour laquelle la condamnation pénale a été exclue en raison du peu de gravité de la faute et du remboursement partiel du dommage, ce qu'elle ne conteste ni dans le principe ni dans le résultat.

S'agissant des faits classés pour d'autres motifs par le Ministère public, ceux-ci n'ont pas nécessité d'actes d'instruction distincts de ceux pour lesquels il a fait application des art. 52 et 53 CP et, partant, engendré de frais supplémentaires. À cela s'ajoute que lesdits faits étaient en lien de causalité avec le comportement initialement reproché à la recourante, comportement contraire à ses obligations découlant de la LAMal, qui a conduit à l'ouverture de la procédure. Que la plainte déposée par l'Association C______ ait été jugée tardive ou que la qualité de parties plaignantes de B______ et F______ ait été déniée n'y change rien.

Partant, c'est à juste titre que le Ministère public a mis la totalité des frais de la procédure à la charge de la recourante et de D______, à qui était reprochés des faits similaires. La répartition des frais par moitié entre les coprévenus ne prête dès lors pas le flanc à la critique.

Il découle de ce qui précède que la condamnation des prévenus à la totalité des frais de la procédure préliminaire exclut que la recourante soit indemnisée pour ses frais d'avocat y relatifs.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges ; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7786/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00