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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19513/2018

ACPR/247/2024 du 15.04.2024 sur CTCO/18/2024 ( TCO ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DOSSIER;PROCÉDURE PÉNALE;CONSULTATION DU DOSSIER;TRAITEMENT ÉLECTRONIQUE DES DONNÉES;TARIF(EN GÉNÉRAL);ÉMOLUMENT;INTÉRÊT JURIDIQUEMENT PROTÉGÉ
Normes : CPP.81; CPP.102; RTFMP.4

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19513/2018 ACPR/247/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 15 avril 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], représenté par Me Laurence PIQUEREZ, avocate, IUSTOPIA Law Firm, rue de Chantepoulet 10, 1201 Genève,

recourant,

contre la décision rendue le 15 janvier 2024 par le Président du Tribunal correctionnel,

et

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 26 janvier 2024, A______ recourt contre la décision du Président du Tribunal correctionnel du 15 janvier 2024, notifiée le lendemain, à teneur de laquelle le Tribunal correctionnel a appliqué, pour les copies du dossier sollicitées, un émolument de CHF 1.- par page, plus un forfait de CHF 40.- pour le support électronique, soit un total de CHF 26'039.- (CHF 25'999 + CHF 40.-).

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à la fixation de l'avance de frais à CHF 240.- au maximum.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 5 septembre 2023, le Ministère public a transmis au Tribunal correctionnel un acte d'accusation contre A______ notamment, des chefs de complicité d'abus de confiance, faux dans les titres et représentation de la violence.

b. Durant la phase d'instruction, A______, soit pour lui son conseil, a consulté la procédure au Ministère public un peu moins d'une dizaine de fois, dont la dernière le 8 août 2023. La plupart du temps, il a demandé des copies de pièces, voire parfois, de classeurs entiers.

c. Les 20 octobre et 14 novembre 2023, le conseil de A______ a consulté le dossier de la procédure, en main du Tribunal correctionnel.

d. Par courrier du 9 janvier 2024 au Tribunal correctionnel, A______ a relaté que lors de sa consultation du 20 octobre 2023, il avait sollicité copie de la clé USB transmise à l'autorité par le Ministère public, sur laquelle figuraient les trente-deux classeurs de la procédure préliminaire. Il avait été informé par le greffe que la facture pour ces copies serait de CHF 25'999.-, plus CHF 40.- pour le support informatique. Il avait alors derechef demandé à consulter le dossier, pour pouvoir faire le tri des pièces indispensables à sa défense. Vu l'ampleur de la procédure, il n'avait pas été possible de prendre connaissance de l'intégralité des documents versés au dossier et encore moins d'en lever copie. Il s'était alors résigné à demander une copie de la clé USB, même si l'opération lui avait été, une nouvelle fois, devisée pour plusieurs milliers de francs. Par téléphone, une décision formelle avait alors été requise du Tribunal correctionnel, laquelle n'était toujours pas tombée deux mois plus tard.

C. Dans la décision querellée, la Direction du Tribunal correctionnel retient, se fondant sur l'arrêt de la Chambre constitutionnelle ACST/19/2015, que l'art. 4 al. 1 let. d RTFMP concernait des fichiers informatiques déjà versés au dossier mais pas la demande d'une copie numérisée du dossier. Dans ce deuxième cas, la jurisprudence précitée avait écarté le raisonnement selon lequel l'émolument dû pour une copie à partir de pièces déjà numérisées devait être plus bas. La demande de A______ concernant des pièces numérisées de la procédure préliminaire, laquelle comportait vingt-cinq mille neuf cent nonante-neuf pages, devait donc être facturée CHF 25'999.-, plus le prix de la clé USB.

D. a. Dans son recours, A______ explique que le Ministère public avait séquestré la plupart de ses avoirs bancaires et que ceux encore à sa disposition étaient épuisés, au point que des fonds saisis avaient dû être libérés pour lui permettre de s'acquitter de ses impôts notamment. N'étant dès lors plus en mesure de verser l'avance de frais pour les photocopies sollicitées, il était privé d'une copie du dossier et, par là même, de la possibilité de préparer de manière efficace sa défense en vue de l'audience de jugement. Son droit à un procès équitable était ainsi "bafoué". Il disposait dès lors d'un intérêt juridique à agir et risquait de subir un préjudice irréparable.

Le Ministère public avait procédé à la numérisation intégrale du dossier, enregistrée sur une clé USB remise avec l'acte d'accusation. Le Tribunal correctionnel avait dès lors constaté les faits de manière erronée en retenant que ladite clé USB n'était pas un fichier électronique versé à la procédure et, partant, avait appliqué à tort l'art. 4 al. 3 RTFMP. Les considérations de l'arrêt ACST/19/2015 concernant cette disposition faisaient référence à "une banque de données interne, non versée au dossier", ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP).

1.2.1. Selon l'art. 393 al. 1 let. b CPP, le recours est recevable contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure. Cette disposition doit être lue en corrélation avec l'art. 65 al. 1 CPP, aux termes duquel les ordonnances rendues par les tribunaux ne peuvent être attaquées qu'avec la décision finale.

1.2.2. Les décisions contre lesquelles un recours immédiat est exclu selon les art. 65 al. 1 et 393 al. 1 let. b in fine CPP concernent non pas celles prises par la direction de la procédure, mais celles relatives à la marche de la procédure. Il s'agit en particulier de toutes les décisions qu'exigent l'avancement et le déroulement de la procédure avant ou pendant les débats (ATF 140 IV 202 consid. 2.1; ATF 138 IV 193 consid. 4.3.1).

S'agissant des décisions relatives à la conduite de la procédure prises avant l'ouverture des débats, la jurisprudence a confirmé qu'il convenait de limiter l'exclusion du recours à celles qui n'étaient pas susceptibles de causer un préjudice irréparable. De telles décisions ne peuvent ainsi faire l'objet ni d'un recours au sens du CPP, ni d'un recours immédiat auprès du Tribunal fédéral (cf. art. 93 al. 1 let. a LTF). A l'inverse, si la décision peut causer un préjudice irréparable, elle est en principe attaquable par la voie du recours prévu par l'art. 393 CPP, puis par le recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral (ATF 140 IV 202 consid. 2.1; arrêts 1B_324/2016 du 12 septembre 2016 consid. 3.1; 1B_199/2013 du 12 novembre 2013 consid. 2). 

1.2.3. En matière pénale, le préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, respectivement au sens du CPP (cf. art. 394 let. b CPP; arrêts 1B_50/2016 du 22 février 2016 consid. 2.1; 1B_73/2014 du 21 mai 2014 consid. 1.4; 1B_189/2012 du 17 août 2012 consid. 2.1 publié in SJ 2013 I 89), se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 141 IV 289 consid. 1.2). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considéré comme irréparable
(ATF 133 IV 139 consid. 3).

1.3.1. Selon l'art. 107 al. 1 let. a CPP, le droit de consulter le dossier fait partie du droit d'être entendu. L'accès au dossier comprend notamment le droit de consulter les pièces au siège de l'autorité et de prendre des notes. Toute personne autorisée à consulter le dossier peut également demander une copie contre émolument (art. 102 al. 3 CPP), pour autant qu'il n'en résulte pas un surcroît de travail excessif pour l'autorité (ATF 122 I 109 consid. 2b; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 13 ad art. 107).

1.3.2. Lorsqu’un dossier existe sous forme électronique, les parties peuvent également en demander une copie, mais n’ont pas un droit absolu à l’obtenir. Il n’existe encore aucune réelle pratique concernant l’émolument y relatif (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 3 ad art. 102).

1.4. Tout comme le prévenu se voit reconnaître l'existence d'un préjudice irréparable lorsque l'accès au dossier lui est refusé, il doit en aller de même pour le droit de lever des copies (arrêt du Tribunal fédéral 1B_144/2016 du 20 juin 2016 consid. 1).

1.5. En l'espèce, saisi de la cause par la transmission de l'acte d'accusation, le Tribunal correctionnel a préavisé à CHF 25'999.-, plus CHF 40.-, l'émolument dû par le recourant pour sa demande, formulée le 14 novembre 2023, de copie de la clé USB contenant une version électronique de la procédure.

Il s'agit d'une décision qui n'est pas sujette à un recours immédiat, relative à la marche de la procédure, prise avant l'ouverture des débats. En cela, le recourant doit démontrer l'existence d'un préjudice irréparable.

À ce propos, il allègue qu'en raison de sa situation financière précaire – due principalement aux séquestres de ses avoirs bancaires – il serait dans l'incapacité de s'acquitter de l'avance de frais fixée à CHF 25'999.-, plus CHF 40.-, par l'autorité intimée pour lui fournir une copie du dossier. Dès lors, il serait privé de la possibilité d'organiser de manière efficace sa défense, et son droit à un procès équitable serait "bafoué".

Cela étant, le recourant ne conteste pas devoir s'acquitter d'un émolument pour l'obtention, sur une clé USB, d'une copie numérique du dossier. Son opinion diffère simplement de celle du Tribunal correctionnel au sujet de la norme du RTFMP applicable et du montant du devis pour l'opération sollicitée.

Ainsi, il convient de souligner, à titre liminaire, que ni l'accès au dossier, ni le droit d'en lever des copies n'ont été refusés au recourant. Ce dernier ne saurait dès lors prétendre à un préjudice irréparable sur cette base.

L'impossibilité d'obtenir la copie informatique de l'intégralité de la procédure impliquerait, pour le recourant (ou son conseil), de devoir se déplacer au siège de l'autorité (art. 102 al. 2 1ère phrase CPP) et de ne pas avoir les pièces disponibles à son gré et rendrait, sans doute, l'examen de celles-ci moins aisé. Toutefois, avec ses précédentes consultations auprès du Ministère public, le recourant a déjà pu se constituer son propre dossier avec les pièces qu'il jugeait utiles, étant précisé que sa dernière consultation précède d'un mois seulement la saisine du Tribunal correctionnel.

En tout état, l'autorité précédente est tenue de percevoir un émolument pour les copies sollicitées par le recourant. Que celui-ci ne puisse pas s'en acquitter n'entraine, en l'occurrence, que des désagréments pratiques pour lui. Il n'en demeure pas moins que l'intéressé conserve son droit de consulter le dossier au siège de l'autorité – ce qu'il a d'ailleurs fait à deux reprises depuis la saisine du Tribunal correctionnel –, droit qui inclut désormais l'accès à la clé USB en cause. Dans cette mesure, son droit d'être entendu est pleinement respecté.

Compte tenu de ce qui précède, le recourant échoue à démontrer l'existence d'un préjudice irréparable, ou même difficilement réparable.

2.             Le recours est irrecevable. Il pouvait dès lors être d'emblée traité sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

3.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 700.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 700.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Tribunal correctionnel.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19513/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

615.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

700.00