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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/27921/2023

ACPR/238/2024 du 11.04.2024 sur OTMC/810/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE FUITE;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ;PROPORTIONNALITÉ
Normes : CPP.221; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/27921/2023 ACPR/238/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 11 avril 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 18 mars 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


Vu :

-          l'ordonnance du 22 décembre 2023 par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prononcé la mise en détention provisoire de A______ jusqu'au 20 février 2024;

-          le recours formé le 8 janvier 2024 par le précité contre cette ordonnance;

-          l'arrêt de la Chambre de céans du 26 janvier 2024 rejetant ledit recours (ACPR/65/2024), confirmé par le Tribunal fédéral le 14 mars 2024 (arrêt 7B_234/2024);

-          la demande de mise en liberté formée préalablement par A______, le 18 janvier 2024;

-          l'ordonnance du TMC du 23 janvier 2024 refusant sa mise en liberté;

-          le recours interjeté le 5 février 2024 par A______ contre cette décision;

-          l'arrêt de la Chambre de céans du 16 février 2024 rejetant ledit recours (ACPR/120/2024);

-          le recours au Tribunal fédéral interjeté contre cet arrêt par l'intéressé;

-          l'ordonnance du TMC du 19 février 2024 prolongeant la détention provisoire de A______ jusqu'au 20 mars 2024;

-          le recours formé le 4 mars 2024 par le précité contre cette décision;

-          l'arrêt de la Chambre de céans du 18 mars 2024 rejetant ledit recours (ACPR/199/2024);

-          l'ordonnance du TMC du 18 mars 2024, notifiée le lendemain, prolongeant la détention provisoire de A______ jusqu'au 1er mai 2024;

-          le recours formé par le précité le 2 avril 2024 contre cette décision;

-          les observations du TMC et du Ministère public du 4 avril 2024;

-          la réplique du recourant du 8 avril 2024.

Attendu que :

-          le 21 décembre 2023, A______ a été prévenu de vol, (art. 139 CP), violence et menace à l'encontre des autorités et des fonctionnaires (art. 285 CP) et rupture de ban (art. 291 CP) pour avoir, à Genève, le 20 décembre 2023 :

·         dérobé deux parfums pour un montant total de CHF 360.- au préjudice du commerce D______, dans le but de se les approprier et de s'enrichir illégitimement à concurrence de cette valeur, étant précisé que la marchandise a pu être restituée au magasin;

·         à la suite de son interpellation, refusé d'entrer en cellule, contraignant un agent de police à faire usage de la force pour l'y conduire, et lui avoir dit : "je vais te tuer", l'effrayant de la sorte;

·         pénétré sur le territoire genevois au mépris de trois mesures d'expulsion judiciaire de Suisse, entrées en force et ayant été prononcées à son encontre les 9 juin et 30 novembre 2022 par le Tribunal de police de Genève, valables pour une durée de 5 ans, ainsi que le 27 juin 2023 par le Tribunal de police de Genève, valable pour une durée de 20 ans;

-          à l'audience du 2 février 2024 devant le Ministère public, il a été prévenu complémentairement d'injure (art. 177 CP), de discrimination raciale (art. 261bis CP), de lésions corporelles simples commises avec un objet dangereux (art. 123 ch. 1 et 2 CP) et de tentative de cette infraction (art. 22 cum 123 ch. 1 et 2 CP) pour avoir, à Genève, à l'établissement fermé de E______ (ci-après : E______) :

·         le 12 septembre 2023, à l'atelier poterie, insulté et tenu publiquement des propos discriminatoires en traitant F______ de "nègre" et de "sale esclave";

·         cela fait, effrayé le prénommé en lui montrant le couteau qu'il avait dans sa poche et menaçant d'en faire usage contre lui;

·         le 14 septembre 2023, dans l'atelier poterie, lancé à deux reprises en direction du précité, dans le but de le blesser, des objets contondants et dangereux se trouvant dans l'atelier, étant précisé que l'un d'eux avait atteint la victime à la tête et lui avait causé une plaie lacéro-contuse temporale gauche d'environ 1,5 x 2 cm;

-          à cette occasion, F______ a confirmé sa plainte pénale du 3 novembre 2023. A______ a contesté l'avoir insulté mais admettait lui avoir lancé des tasses encore non cuites au four, en réponse à ses provocations, ce que corroboraient au demeurant les images de vidéosurveillance de la prison (cf. rapport de renseignements du 6 décembre 2023, pp C-8, et rapport d'incident de E______ du 9 février 2024, pp C-37ss);

-          le 12 février 2024, le Ministère public a rendu un avis de prochaine clôture, annonçant la rédaction d'un acte d'accusation contre le prévenu et impartissant aux parties un délai pour leurs éventuelles réquisitions de preuve;

-          par pli du 23 février 2024, A______ a sollicité plusieurs actes d'instruction, dont l'audition du policier G______, en lien avec les faits survenus au poste de police le 20 décembre 2023;

-          dans son ordonnance querellée, le TMC considère que les charges sont toujours suffisantes, se référant à sa précédente ordonnance ainsi qu'aux deux arrêts rendus par la Chambre de céans les 26 janvier et 18 mars 2024. L'instruction se poursuivait, avec notamment l'audition des policiers G______ et H______ en lien avec les faits du 20 décembre 2023. Les risques de fuite et de récidive demeuraient élevés et aucune mesure de substitution n'était apte à les réduire. Le principe de la proportionnalité était respecté;

-          dans son recours, A______ conclut, sous suite de taxation des honoraires de son conseil d'office par le juge du fond, principalement à l'annulation de l'ordonnance querellée et à sa mise en liberté immédiate, le cas échéant sous toutes mesures de substitution utiles;

-          il reproche au TMC d'avoir prolongé sa détention provisoire de six semaines supplémentaires alors que, précédemment, il avait réduit la durée de sa détention provisoire à deux mois, ce qui revenait concrètement à prolonger sa détention précédente de trois mois. Ce procédé, déloyal, était constitutif d'un abus de droit. L'audition des policiers G______ et H______ – seul acte d'instruction documenté par le Ministère public –, plus de quatre mois après son arrestation, violait le principe de la célérité en tant qu'elle aurait dû être effectuée avant la prolongation de détention litigieuse. La durée à ce jour de sa détention provisoire était disproportionnée, vu les charges et les peines encourues (soit, selon lui, amende et peine pécuniaire). Les risques de fuite et de réitération faisaient défaut. L'obligation de rester en contact avec son avocat, d'annoncer son adresse en France voisine et d'honorer toute convocation judiciaire était suffisante;

-          le Ministère public, dans ses observations, conclut au rejet du recours, sous suite de frais, se référant à la motivation des arrêts de la Chambre de céans des 26 janvier, 16 février et 18 mars 2024, ainsi qu'à l'arrêt du Tribunal fédéral du 14 mars 2024, qui conservaient toute leur pertinence. Il ajoute avoir saisi le Tribunal de police d'un acte d'accusation;

-          le TMC maintient les termes de son ordonnance;

-          dans sa réplique, le recourant persiste dans son recours. L'acte d'accusation avait été adressé au Tribunal de police le 4 avril 2024, ce qui démontrait que deux semaines de prolongation de la détention étaient suffisantes.

Considérant en droit que :

-          le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP);

-          en tant que le recourant reprend ici les mêmes arguments et griefs que ceux soulevés dans ses précédents recours, il peut être intégralement renvoyé à la motivation des arrêts des 26 janvier, 16 février et 18 mars 2024, ainsi qu'à l'arrêt du Tribunal fédéral du 14 mars 2024, s'agissant des charges suffisantes et du risque de fuite – aucun élément nouveau pertinent y relatif n'étant survenu depuis lors;

-          les mesures de substitution proposées par le recourant – obligation de rester en contact avec son avocat ou d'honorer toute convocation en justice – ne sauraient constituer un palliatif suffisant au risque de fuite, pour les mêmes raisons que celles retenues dans l'arrêt du 26 janvier 2024, confirmé par le Tribunal fédéral le 14 mars 2024 (cf. consid. 4.3.1 et 4.3.2). Il en va de même de l'obligation d'annoncer son adresse en France voisine, qui ne saurait empêcher toute fuite ou disparition;

-          le recourant invoque une violation du principe de la célérité;

-          à teneur de l'art. 5 al. 1 CPP, les autorités pénales engagent les procédures pénales sans délai et les mènent à terme sans retard injustifié. Lorsque le prévenu est détenu, la procédure est conduite en priorité (art. 5 al. 2 CPP). Le grief de violation du principe de la célérité ne doit être examiné, lors du contrôle judiciaire de la détention, que pour autant que le retard dans la procédure soit propre à mettre en cause la légalité de la détention provisoire et donc à justifier un élargissement. N'importe quel retard n'est cependant pas suffisant. Il doit s'agir d'un manquement particulièrement grave, faisant au surplus apparaître que l'autorité de poursuite n'est plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable
(ATF 140 IV 74 consid. 3.2; 137 IV 118 consid. 2.1; 137 IV 92 consid. 3.1 et les arrêts cités). La violation éventuelle du principe de la célérité n'entraîne pas la libération immédiate du détenu lorsque la détention demeure matériellement justifiée (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1B_150/2012 du 30 mars 2012 consid. 3.3; 1B_44/2012 consid. 4 et 5);

-          en l'espèce, l'audition du policier G______ a été requise par le recourant dans le délai fixé par l'avis de prochaine clôture du 12 février 2024. En sus, selon la note du 13 mars 2024 figurant au dossier, le Procureur a proposé au conseil du recourant la date du 19 mars 2024 pour l'audition dudit policier et du gendarme H______ (témoin des faits) mais l'avocat a indiqué qu'il ne pourrait pas être présent. Une nouvelle date au 4 avril 2024 lui a été proposée mais l'avocat a répondu qu'il était indisponible pendant les vacances de Pâques jusqu'au 15 avril 2024. Le Procureur a indiqué que l'audition était maintenue le 4 avril 2024;

-          partant, on ne voit pas que le Ministère public aurait tardé à procéder à cet acte d'instruction, sollicité par le recourant lui-même deux mois après son interpellation. Le grief, spécieux, est infondé;

-          le recourant critique encore la durée de la détention provisoire ordonnée;

-          à teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible;

-          en l'espèce, comme relevé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 14 mars 2024 (consid. 4.3.3), le recourant "part de la prémisse erronée" que les infractions poursuivies ne seraient punies que de l'amende ou d'une peine pécuniaire. Or, "il n'est de loin pas d'emblée évident" que l'art. 172ter CP s'applique en l'occurrence. Ne sauraient non plus être ignorées les peines menaces pouvant entrer en considération ici (art. 139 ch. 1, 285 et 291 CP), les règles en matière de concours d'infractions ainsi que les antécédents du prévenu;

-          la durée de la détention provisoire ordonnée jusqu'à l'échéance fixée respecte ainsi le principe de la proportionnalité, étant rappelé que le TMC, lors de chaque nouvel examen du dossier, n'est aucunement lié par les durées de prolongation précédemment ordonnées – au même titre qu'il n'est pas lié par les motifs qu'il a précédemment retenus (cf. ACPR/627/2016 du 29 septembre 2016 consid. 2.2.3) –, son appréciation étant fonction de l'évolution du dossier. Il n'y a ainsi ni déloyauté ni abus de droit du premier juge;

-          que le recourant ait été renvoyé en jugement dans l'intervalle ne saurait enfin faire apparaître la durée de prolongation ordonnée comme excessive a posteriori;

-          le recours, infondé, sera donc rejeté;

-          le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), étant rappelé que l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4);

-          le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office;

-          selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1);

-          en l'occurrence, le recourant reprend en partie les mêmes arguments qu'il avait déjà soulevés dans ses précédents recours et qui ont été écartés la dernière fois dans l'arrêt de la Chambre de céans du 18 mars 2024 ainsi que par le Tribunal fédéral le 14 mars 2024. Il ne pouvait ainsi ignorer que son présent recours serait une nouvelle fois voué à l'échec devant la Chambre de céans, sous ces aspects. Qu'il ait interjeté un autre recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 16 février 2024 n'y change rien. Le grief en lien avec la violation du principe de la célérité est clairement infondé pour ne pas dire téméraire, tout comme celui en lien avec la nouvelle prolongation de six semaines ordonnée, compte tenu de la jurisprudence ci-dessus rappelée à ce sujet;

-          dès lors, la prise en charge des honoraires de son défenseur d'office sera refusée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_31/2022 du 11 février 2022 consid. 4.2).

* * * * *


-           

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette l'assistance judiciaire pour le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/27921/2023

ÉTAT DE FRAIS

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'000.00

 

-

CHF

 

 

Total

CHF

1'105.00