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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5662/2022

ACPR/614/2022 du 06.09.2022 sur OTMC/2508/2022 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE COLLUSION
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5662/2022 ACPR/614/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 6 septembre 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire rendue le 8 août 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 19 août 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 8 août 2022, notifiée le 10 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a prolongé sa détention provisoire jusqu'au 11 novembre 2022.

Le recourant conclut à l'annulation de ladite ordonnance et à sa mise en liberté immédiate, moyennant les mesures de substitution qu'il propose.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. À teneur du rapport d'arrestation du 11 mars 2022, la police a reçu la dénonciation du Service santé de l'Enfance et de la Jeunesse, à la suite des propos rapportés par une éducatrice de la crèche D______ sur une suspicion d'abus sexuel sur E______, né le ______ 2018.

a.b. Entendue par la police, la directrice de la crèche a déclaré qu'alors qu'elle avait demandé à E______ d'arrêter de se toucher le "zizi", l'enfant lui avait répondu: "je n'ai pas un zizi, j'ai un prince et H______ a un zizi". À son retour de vacances, le 10 mars 2022, elle avait demandé à l'enfant, en présence de sa collègue: "alors comment appelles-tu ton zizi ? Il lui avait répondu "j'ai un prince, H______ un zizi et papa un grand prince"; "il le met dans la bouche de H______ et dans ma bouche et des fois il le met dans mon bidon"; il avait ensuite changé de sujet.

Auditionné, le même jour, selon le protocole NICHD, E______ a déclaré que "quand [son papa] lui a montré son "prince", son papa y a mis dans ma bouche et dans mon œil et moi j'ai bien aimé ça; c'était arrivé plusieurs fois; mais H______ elle a pas aimé et après il a mis sur le bidon; quand il a mis le prince dans ma bouche en fait il était sale et quand il avait des microbes et il a mis dans ma bouche j'étais malade; quand il a mis le prince dans la bouche de H______, "il" a tapé sur la figure de papa; cela se passe à la cave et sa maman est dans la chambre quand ça arrive". À la psychologue, E______ avait déclaré qu'il allait se faire taper à la maison à son retour parce qu'il avait tout dit à la dame.

Egalement auditionnée selon le même protocole, H______, née le ______ 2016, a déclaré: " je peux pas dire le secret; c'est mon papa qui me l'a dit et si je le dis à quelqu'un, vraiment il allait s'énerver surtout c'est un grand, grand, grand secret qui se fait qu'avec moi, pas avec mon frère avec quelqu'un d'autre; qui se fait qu'avec moi quand ma maman est pas là; parce c'est le truc c'est que maman y faut pas qu'elle voit qu'est-ce qu'on fait c'est le secret; je suis la seule à savoir ce que fait papa; je suis la seule à garder son secret parce que j'ai pas envie qu'il se fasse gronder par maman; si je dis le secret, elle va papa va se faire gronder à cause de moi; c'est un secret que normalement il a pas le droit de faire avec moi; normalement il devait attendre que je suis plus grande, mais il le fait quand même même si je suis petite; il était pas question que je parle encore de mon papa et du secret. " Elle ne savait pas si E______ avait un secret avec son papa. Elle a ajouté que c'était un secret "sans mot" et qu'elle ne voulait pas en parler; qu'à la maison, il y a "un bordel, bordel, bordel."

a.c. Lors de l'interpellation de A______ à son domicile, la police a constaté que l'appartement se trouvait dans un état insalubre et présentait probablement des risques pour la santé de la famille.

a.d. Devant la police, A______ a admis l'état d'insalubrité de l'appartement mais contesté les déclarations de ses enfants, précisant avoir parlé avec eux de "prince" et "princesse" pour expliquer la différence de sexe entre garçon et fille. Il visionnait de temps à autre des films pornographiques légaux et, à une reprise, avait regardé un film contenant de la zoophilie. Ses enfants l'avaient surpris entre quinze et vingt fois en train de visionner de la pornographie et il avait répondu naturellement à leurs questions; sa fille l'avait vu en train de se masturber.

a.e. G______, épouse du prévenu et mère des deux enfants, a expliqué, à la police, l'état d'insalubrité de l'appartement par le fait qu'elle n'avait pas pu tout gérer depuis leur déménagement deux ans auparavant, sa fracture du pied et la maladie de son mari. Son fils était allergique aux acariens. Pour le surplus, elle ne croyait pas ce que ses enfants avaient déclaré; elle était choquée; elle ne comprenait pas à quoi sa fille faisait référence en parlant du secret; si son mari avait fait ce que les enfants expliquaient, elle ne resterait pas avec lui.

b. Par décision du 11 mars 2022, confirmée le 5 avril suivant, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a retiré la garde des enfants aux parents ainsi que le droit de déterminer leur lieu de résidence et instauré plusieurs curatelles (d'assistance éducative et d'organisation et de surveillance des relations personnelles).

H______ et E______ ont été placés à la pédiatrie des HUG et, dès 11 avril 2022, au foyer D______ à F______ [GE]; la mère bénéficie d'un droit de visite au sein du foyer.

c. Le 12 mars 2022, le Procureur a prévenu A______ d'actes d'ordre sexuel sur un enfant (art. 187 CP), contrainte sexuelle (art. 189 CP) voire viol (art. 190 CP), actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP), inceste (art. 213 CP), pornographie (art. 197 CP) et violation du devoir d'assistance ou d'éducation (art. 217 CP) pour avoir, à Genève, au domicile familial:

- à des dates indéterminées que l'instruction visera à établir, à tout le moins en 2021 et 2022, à réitérées reprises, commis des actes sexuels et/ou des actes d'ordre sexuel sur son fils E______, né le ______ 2018 et sa fille H______, née le ______ 2016, à tout le moins en introduisant son sexe dans sa ou leur bouche;

- à des dates indéterminées que l'instruction visera à établir, à tout le moins en 2021 et 2022, à réitérées reprises, rendu accessible à ses enfants E______ et H______, alors âgés de 4 et 5 ans, de la pornographie qu'il visionnait à son domicile en se masturbant et sans prendre les précautions nécessaires pour qu'ils ne le surprennent plus dans ces activités;

- à une date indéterminée, visionné, à tout le moins à une reprise, un film pornographique à contenu zoophile;

- depuis une date indéterminée, de concert avec son épouse G______, fait vivre ses enfants E______ et H______, dans un appartement insalubre, mettant en danger leur développement physique, violant ainsi leurs devoirs d'assister et d'élever leurs enfants mineurs.

A______ a admis que l'appartement était dans un état insalubre, la situation s'étant aggravée depuis le milieu de 2021. Ses enfants l'avaient surpris une quinzaine de fois, la première en 2021 en train, de regarder des films pornographiques; il leur avait expliqué les scènes tout en laissant le film continuer devant eux le temps de ses explications, soit au maximum deux minutes. Seule sa fille l'avait surpris en train de se masturber. Il a contesté les actes que ses enfants avaient décrits.

d. Le 29 mars 2022, le Ministère public a prévenu G______ de violation du devoir d'assistance et d'éduction pour avoir fait vivre ses enfants dans un appartement insalubre.

Elle n'avait pas d'explications concernant les déclarations de son fils mais voulait connaître la vérité. Elle ne voyait pas de quel secret pouvait parler sa fille. Son mari et elle avaient regardé quatre à cinq fois des films pornographiques sur l'écran de la télévision dans leur chambre. Elle ignorait qu'il en regardait sur son bureau; et que ses enfants l'avaient surpris; elle ne l'aurait jamais accepté.

e. Le 22 avril 2022, le SPMi a adressé une dénonciation au Ministère public. Le 13 avril 2022, une intervenante au foyer D______ lui avait adressé un email au sujet des confidences de H______, qu'elle avait relatées comme suit: "elle avait un secret à me confier [ ] mais pas devant son frère. [ ] son papa est son amoureux et que très souvent tous les deux font des jeux avec son prince et sa vulve (elle me montre ses parties intimes). Je lui demande qui est le prince, H______ me répond très clairement que c'est le pénis de son papa. Elle me dit que le prince joue souvent avec sa vulve et qu'il aime bien se rapprocher d'elle (sa vulve). Elle me dit également qu'il est arrivé que son papa mette une protection sur son lit et que tous les deux s'amusaient à faire à pipi, en rigolant; elle dit "mais c'était dégueulasse". Elle insiste sur le fait que c'est un secret et qu'il est très important que je ne le dise à personne car elle doit protéger son père. Et son père lui aurait dit qu'il ne fallait surtout pas qu'elle le dise à sa maman car si celle-ci le sait elle va être très en colère et "péter un câble".

Le 21 avril suivant, l'intervenante lui avait adressé un second email dans lequel elle faisait part de ce qui suit: "H______ me dit qu'on peut aussi manger son zizi car elle l'a souvent fait avec son papa. [ ] tu sais moi j'ai souvent mangé le prince à mon papa et même plusieurs fois (elle fait les gestes avec sa main et sa bouche qui montre les pratique d'une fellation). Et l'autre jour, j'ai eu le courage de le dire à maman, j'ai eu le courage de parler du secret. Parce que tu sais quand j'habitais avec papa et maman une fois j'ai dit le secret à maman et elle s'est fâchée très fort contre moi et elle m'a dit que je devais pas dire des choses comme ça. Mais l'autre jour au lac j'ai osé. [ ] elle me dit ne plus s'en souvenir [de la réaction de sa mère] mais qu'elle-même est très fière d'elle. H______ dit également "Papa m'a dit que s'il rentrait son prince tout entier dans mon truc (elle me montre son vagin avec sa main) que ça allait piquer et que j'allais en redemander tout le temps.

H______ m'a dit qu'à l'hôpital elle en a eu marre car tous les jours les adultes venaient lui poser des questions et que c'était trop de questions pour elle et que c'est pour cela qu'elle s'était mise à crier. Au moment du coucher, H______ a reparlé des éléments de la fellation à l'une de mes collègues et qu'elle pensait que sa dernière gastro devrait être due à cela. Ma collègue était présente le jour où H______ a eu cette fameuse gastro".

f. À teneur du rapport du 29 avril 2022 des médecins chargés d'établir un constat de lésions traumatiques et d'agression sexuelle, H______ avait refusé l'examen médico-légal et l'examen gynécologique. Questionnée sur le type de jeux qu'elle faisait avec son père, l'enfant leur avait déclaré qu'il s'agissait d'un secret; ce secret comprenait beaucoup de chose et notamment ce qu'elle aimait le plus; elle n'avait parlé de ce secret à personne et seul son père savait; son frère E______ venait souvent l'embêter quand elle jouait avec son père mais il n'était pas au courant du secret car c'est une chose entre garçon et fille, un peu comme "ici"; "c'est comme ici, avec les femmes enceintes". Il ne fallait pas parler du secret à sa mère, car ce serait le pire.

g. À teneur du rapport du même jour des mêmes médecins, E______ présentait un érythème péri-annal associé à des croûtes punctiformes au pourtour de la marge anale. Il s'agissait de constatations trop peu spécifiques pour pouvoir se prononcer quant à une origine précise.

h. Le 4 mai 2022, le Procureur a confronté A______ aux déclarations de sa fille. Le prévenu a confirmé que cette dernière parlait de lui comme de "son amoureux"; ils avaient une relation fusionnelle. Il a contesté les autres déclarations, affirmant que ses enfants mentaient.

G______ a déclaré que lors de l'arrestation de son mari, elle avait dit aux enfants qu'il était parti en voyage, avant de leur expliquer, sur recommandation du psychiatre, qu'il avait été arrêté car il avait touché une place chez les enfants qu'il ne devait pas toucher et qu'il était en train de se soigner. Lorsqu'elle était allée se promener avec H______ au bord du lac, celle-ci lui avait spontanément dit savoir pourquoi son père était en prison et avait répété exactement les termes qu'elle-même avait utilisés, sans rien ajouter de plus. Elle n'avait rien dit à ce moment-là; les intervenants du foyer et du SPMi lui avaient dit que la prochaine fois, il fallait laisser H______ s'exprimer. Ses enfants ne lui avaient rien dit au sujet de ce qu'ils décrivaient au sujet de leur père; H______ ne lui avait jamais rien dit avant l'incident au lac. Depuis que sa fille était petite, elle parlait de son père comme de son amoureux. Elle-même et son mari s'appelaient par des mots affectueux; sa fille répliquait cela.

i. Lors de l'audience du 9 mai 2022, l'intervenante du foyer a confirmé la teneur des déclarations de H______ des 13 et 21 avril 2022 et fait état d'un troisième épisode survenu le mercredi précédent. Lors d'un trajet en voiture, H______ avait déclaré notamment en avoir marre d'être au foyer; et "je suis fâchée avec papa car s'il ne m'avait pas fait des choses avec son prince, je ne serais pas au foyer, mais je ne comprends pas pourquoi je ne peux pas être avec tata ou maman car maman ne savait rien". Elle a ajouté que ce qui lui faisait plaisir, c'était de faire plaisir à son papa.

A______ a déclaré qu'il ne répondrait plus à aucune question, et qu'il allait contre-attaquer.

j. Selon le rapport du 9 mai 2022, la Brigade de criminalité informatique n'a mis en évidence aucun multimédia à caractère pédopornographique ou indiquant des préférences sexuelles pour des enfants ou des morphologies prépubères. Elle avait relevé un faible nombre de fichiers pornographiques légaux sur le matériel saisi lors de la perquisition, ce qui était très atypique pour des personnes potentiellement fétichistes et adeptes de l'onanisme devant leur ordinateur. Le prévenu étant informaticien de profession, il était vraisemblable qu'il sache comment ne pas laisser de traces sur un ordinateur en surfant sur Internet, hypothèse corroborée par l'analyse des raccourcis présents sur son ordinateur sur lequel 25 artefacts indiquant que le navigateur Microsoft Edge avait été lancé un mode 'lnPrivate (en privé)', entre le 8 janvier 2022 et le 8 mars 2022. Ce mode privé évitait que les artefacts de navigation (historique, cache et cookies en particulier) ne soient enregistrés par le logiciel. Les indicateurs relevés montraient que le prévenu savait naviguer sur Internet sans laisser de traces.

k. À teneur du rapport d'analyse ADN des prélèvements effectués au domicile du prévenu du 16 mai 2022, un résultat faiblement positif a été obtenu pour le test PSA, sensible à la présence de liquide séminal (sans spermatozoïde), réalisé à partir d'un prélèvement situé sur le bas avant droit du pull. L'analyse ADN des fractions épithéliales (au moins un homme et une femme) des traces luminescentes a mis en évidence des profils ADN de mélange de plus de 2 personnes, disponible pour comparaison locale. Les profils ADN de H2 (lequel partage une allèle en commun avec le profil ADN de A______, de sorte qu'il se pourrait que H2 soit le fils de ce dernier) et de A______ sont compatibles.

l. Par email du 7 juin 2022, le SPMi a complété sa dénonciation. Une collaboratrice du foyer avait transmis la déclaration suivante de H______:

"Elle me dit qu'elle a essayé de trouver des solutions en parlant avec sa maman; qu'elle était obligée de garder le secret de son papa parce que sinon elle était punie et qu'elle avait peur d'être punie. Elle me raconte qu'un jour elle était sur les genoux de sa maman et qu'elle lui a dit, en mimant une masturbation sur un pénis, que son papa lui faisait cela et qu'elle avait été punie. Je lui demande ce que sa maman a répondu ou fait comme tête quand H______ lui a dit cela. Elle me dit qu'elle ne s'en souvient pas. Je lui demande qui l'a punie mais elle ne se souvenait pas. Elle m'a juste dit que papa était fâché. Elle me dit qu'elle a aussi tout raconté à sa maman pendant une sortir à Baby Plage (elle était déjà [au foyer] D______) mais qu'elle avait l'impression que sa maman était fâchée face à ses déclarations.".

m. Lors de l'audience du 22 juin 2022, A______ a été interrogé sur ses recherches internet liées à la pornographie. Il a déclaré ne pas avoir d'explications sur le fait que son ADN ait été retrouvé sur le pull de sa fille. Il a relevé que "jusqu'à maintenant, c'est la seule preuve que vous avez. Vous n'avez aucune preuve sur les déclarations de mes enfants"; "malgré toutes les analyses et les auditions que vous avez effectuées, vous n'avez rien dans le dossier excepté cette histoire d'ADN que vous venez de me dire et que je ne comprends pas." Il ne voyait pas pourquoi il ne pourrait reprendre sa vie de famille dans le cas où il serait remis en liberté. Il aimait sa femme et n'en voudrait pas à ses enfants pour ce qu'ils avaient dit.

G______ a réaffirmé ne pas être au courant de ce que sa fille racontait; la seule fois où elle l'avait punie c'était parce qu'elle se touchait les parties intimes; elle lui avait dit qu'il ne fallait pas faire cela ni montrer ces parties à des personnes.

n.a À teneur du rapport d'expertise de crédibilité du 5 juillet 2022, l'expert a évalué les déclarations de E______ – selon lesquelles son père lui a mis son sexe, désigné comme son prince, dans la bouche, ainsi que dans la bouche de sa sœur, puis sur son ventre ou dans son ventre – comme plutôt crédibles (sur une échelle comprenant non crédible, faiblement crédible, plutôt crédible et totalement crédible).

n.b. À teneur d'un second rapport d'expertise de crédibilité du même jour, l'expert a relevé en synthèse et conclusion que:
"Lors de son audition du 11 mars 2022, H______ rapporte qu'elle a un secret avec son papa et qu'elle ne veut pas le révéler sinon son père pourrait se faire gronder par la mère de l'enfant. Elle dit que le secret concerne ce que son père fait avec elle et pas avec son frère, lorsque sa mère n'est pas là, qu'il ne faudrait pas que celle-ci voit ce qu'elle fait avec son père et son père devrait attendre qu'elle soit plus grande, mais le fait quand même malgré qu'elle soit petite. Lorsque l'inspectrice lui demande si elle connait les parties de son corps, elle répond qu'elle connait les parties intimes et ne parle pas d'autres parties. L'enfant est énervée pendant l'audition et semble anxieuse.

En tant que déclaration d'abus sexuel, cette déclaration ne contient pas de description de faits de nature sexuelle, ni de détails concernant de tels faits, et est donc faiblement crédible.

Cependant, si l'on prend en compte les facteurs de pondération et en particulier les déclarations ultérieures de l'enfant à son éducatrice, les 13 et 21 avril 2022, et le témoignage de son frère E______, considéré comme plutôt crédible, la déclaration de H______ doit être pondérée positivement et donc considérée comme plutôt crédible."

o. Par courrier du 5 août 2022, le Procureur a demandé au CURML de lui proposer la nomination d'un expert en vue du mandat d'expertise psychiatrique de A______.

p. Par courrier du 23 août 2022, la curatrice des enfants a informé le Procureur que H______ et E______ avaient, tout récemment, fait de nouvelles révélations aux assistants sociaux du foyer D______. H______ aurait indiqué que son père lui demandait de se coucher sur le lit, de baisser sa culotte avant de lui faire pipi dessus et E______ avait confirmé que son père procédait de la même manière avec lui. H______ aurait encore indiqué s'être confiée sur ces éléments à sa maman. Elle demandait l'audition desdites assistantes.

q. Le prévenu, né en 1969, est de nationalité suisse, marié depuis 2008 et père de deux enfants prénommés. Il ne travaillait plus depuis dix-huit ans et était au bénéfice de l'aide de l'Hospice général.

C.            Dans son ordonnance querellée, le TMC a considéré que les charges étaient suffisantes pour justifier le maintien du prévenu en détention provisoire au vu des déclarations concordantes des deux enfants, qui paraissaient en l'état crédibles et alarmantes, et les premiers éléments recueillis par la police, soit en particulier les photographies de l'appartement ainsi que les déclarations de l'éducatrice de la crèche de E______ et celles de l'intervenante du foyer D______. Le prévenu reconnaît partiellement les faits qui lui sont reprochés. Les objets trouvés à son domicile ainsi que les éléments retrouvés dans son ordinateur corroboraient les déclarations des victimes mineures non seulement quant aux actes de nature sexuelle mais également quant à la pratique consistant à jouer à faire pipi.

L'instruction se poursuivait, le Ministère public ayant imparti un délai aux parties pour solliciter le cas échéant l'audition de l'expert ayant réalisé l'expertise de crédibilité et prévoyant d'ordonner d'éventuels autres actes d'instruction qui pourraient être sollicités par les parties avant de renvoyer le prévenu en jugement.

Il a retenu l'existence d'un risque de fuite concret nonobstant la nationalité suisse du prévenu au vu de la peine concrètement encourue. Il se justifiait dès lors de maintenir le prévenu en détention avant jugement afin de s'assurer de sa présence au procès et garantir l'exécution de la peine. Les mesures de substitution proposées n'étaient pas suffisantes pour pallier ce risque.

Le risque de collusion demeurait très concret à l'égard de son épouse, en dépit de la confrontation déjà intervenue entre les deux époux, au vu des nouveaux éléments qui pourraient surgir dans le cadre de la procédure selon les résultats des actes d'enquête réalisé (analyse du matériel informatique et des traces prélevées par la BPTS). Ce risque était très important vis-à-vis des enfants, qui se trouvaient dans un conflit de loyauté important - lequel transparaît très nettement des déclarations de H______ qui cherche à protéger son papa - et quand bien même ceux-ci ont été placés dans un foyer, dès lors que des contacts téléphoniques ou par courrier pourraient avoir lieu entre le prévenu et ses enfants hors de tout contrôle du Ministère public. Les mesures de substitution proposées en lien avec ce risque n'étaient pas suffisantes, au vu de son acuité, accrue par les dénégations du prévenu qui pourraient tenter par tous moyens, notamment par le biais de tiers, d'influencer ses enfants.

Le risque de réitération était tangible, nonobstant le placement en foyer des enfants, celui-ci étant provisoire et pour une durée et des modalités qui échappent au contrôle du Ministère public, il convenait d'empêcher que les faits ne se reproduisent. Les mesures de substitution proposées en lien avec ce risque n'étaient pas suffisantes pour le pallier, au vu de son acuité, étant précisé qu'elles ne permettraient pas d'empêcher que le prévenu s'en prenne à l'intégrité sexuelle d'autres enfants que les siens.

Le principe de la proportionnalité était largement respecté.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ prend acte des accusations portées contre lui dont il conteste la majeure partie.

Il conteste le risque de fuite. De nationalité suisse, né à Genève où il a toujours vécu auprès de l'ensemble de ses proches, il n'a aucune autre attache avec un pays étranger, aucune fortune et son état de santé nécessite des soins. Il propose, comme mesure de substitution, de déposer ses papiers d'identité, de s'engager à rester à Genève ainsi que de se présenter à toute convocation judiciaire.

Il n'y avait pas de risque de collusion, car ses enfants étaient pris en charge de manière rapprochée et très surveillée par les éducateurs du foyer. Ces derniers contrôlaient certainement de près les téléphones et les visites de H______ et E______; ceux-ci n'étaient pas non plus capables de lire facilement un texte, de sorte qu'ils ne pourraient être influencés par courrier.

En outre, les enfants avaient déjà été largement entendus en début d'instruction par la police. De même, lui-même et sa femme avaient été entendus à de multiples reprises par le Ministère public et avaient été confrontés aux résultats des actes d'enquête. Il était prêt à prendre l'engagement de ne pas contacter ses enfants ni son épouse de quelque manière que ce soit, y compris par l'entremise de tiers, à ne pas approcher le logement de la famille, la crèche et l'école de ses enfants, ainsi que le foyer. En cas de libération, il pourrait loger chez sa mère, laquelle a d'ores et déjà accepté de l'accueillir.

Le risque de récidive était très abstrait, aucun élément à la procédure n'ayant laissé entrevoir le moindre soupçon qu'il aurait pu s'en prendre à d'autres enfants, et apparaissait limité; il pouvait être pallié par des mesures de substitution, telles que des interdictions de contact avec ses enfants, l'obligation de résider au domicile de sa mère.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours et précise que la curatrice des enfants avait demandé l'audition de trois autres assistantes du foyer D______ au sujet des déclarations des enfants, le risque de collusion existant dès lors également avec ces personnes.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance sans autre remarque.

d. Le recourant ne réplique pas.


 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne conteste pas les charges, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'y attarder.

3.             Il conteste notamment le risque de collusion, lequel pourrait, le cas échéant, être pallié par les mesures de substitution qu'il propose.

3.1.       Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsque le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit et qu'il y a sérieusement lieu de craindre qu'il compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un risque de collusion, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

3.2.       En l'espèce, les charges pesant sur le recourant sont très lourdes. Dans la mesure où les preuves apparaissent, en l'état, reposer avant tout sur les révélations progressivement faites par les enfants du prévenu, leurs déclarations sont essentielles. Cependant, compte tenu de leur âge, celles-ci n'ont pu être obtenues en une seule audition; les enfants révèlent les faits, au fur et à mesure, à l'occasion de contact avec les personnes ayant noué des rapports privilégiés avec eux. C'est ainsi que la fille du prévenu, âgée aujourd'hui de 6 ans, a tout d'abord refusé catégoriquement de dévoiler, à la police, "le secret" qu'elle avait avec son père. Ce n'est que progressivement qu'elle a révélé, les 13 et 29 avril 2022, des faits évoquant des actes d'ordre sexuel et d'urolagie et le 22 suivant, d'autres évoquant des fellations. Encore récemment, en août 2022, elle aurait parlé d'actes d'ordre sexuel et d'urolagie, ce qu'aurait confirmé son frère. En outre, H______ soutient en avoir parlé à sa mère, ce que celle-ci conteste, sauf à une reprise où H______ a dit que sa mère ne savait rien.

On se trouve ainsi face à une situation de dévoilement progressif et de faits de plus en plus graves révélés lors du placement des enfants en foyer et après l'éloignement du père. Ce processus doit pouvoir être mené à terme hors de la moindre intervention du père.

Ainsi, le risque de collusion entre le père et les enfants est très important et celui entre lui et son épouse également, au regard des déclarations de la fille du couple sur ce qu'elle aurait dit à sa mère.

Le Ministère public n'est pas à l'origine du placement des enfants et ne peut interférer sur le mode de fonctionnement du foyer. Il ne peut faire reposer sur les assistants l'obligation de contrôler des mesures de substitution, ni de surveiller toutes les relations des enfants, avec un regard policier. Rien n'empêcherait le recourant de se rendre au foyer – son seul engagement n'étant de loin pas suffisant – ne fusse pour que ses enfants l'aperçoivent ce qui pourrait créer chez eux une réaction de blocage et de mutisme.

Ainsi, c'est à bon droit que le TMC a retenu le risque de collusion et l'absence de mesure de substitution pouvant le pallier, à tout le moins jusqu'à l'échéance fixée.

4.             Le risque de collusion étant réalisé, l'autorité de recours peut se dispenser d'examiner si les risques de fuite et de réitération le sont également (arrêt du Tribunal fédéral 1B_322/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.3 et la jurisprudence citée).

5.             Au vu de la peine menace concrètement encourue si le recourant devait être reconnu coupable des infractions qui lui sont reprochées, la durée de la détention provisoire subie et jusqu'à l'échéance fixée respecte le principe de la proportionnalité.

6.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

8.             Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

8.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

8.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/5662/2022

ÉTAT DE FRAIS

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

-

CHF

 

 

Total

CHF

985.00