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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21865/2017

ACPR/292/2019 du 16.04.2019 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SCELLÉS ; MOYEN DE DROIT ; BREF DÉLAI ; VOIE DE DROIT ADMISSIBLE
Normes : CPP.248; CPP.393

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21865/2017 ACPR/292/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 16 avril 2019

Entre

A______, comparant par Me Marc OEDERLIN, avocat, Nomea Avocats, avenue de la Roseraie 76A, 1205 Genève,

recourant,

contre la décision rendue le 7 août 2018 par le Ministère public

(refus de scellés)

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 9 août 2018, A______ recourt contre la décision du 7 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a refusé d'apposer les scellés sur ses déclarations fiscales.

Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et à l'injonction au Ministère public d'apposer les scellés sur ces documents. Il requiert préalablement l'effet suspensif.

b. La demande d'effet suspensif a été rejetée le 13 août 2018 par la Direction de la procédure (OCPR/27/2018).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        Le 13 avril 2018, A______ a été prévenu, à l'instar d'autres membres de sa famille, notamment de B______ et de C______, d'incitations à entrée et séjour illégaux, d'emploi d'étrangers sans autorisations, d'usure et de traite d'êtres humains pour avoir, à Genève, depuis 1997, fait venir d'Inde du personnel de maison et l'avoir exploité à des conditions en tout cas non conformes au contrat-type de travail de l'économie domestique.

En substance, A______ a contesté les faits.

b.        Le 4 juillet 2018, le Ministère public a demandé à l'Administration fiscale cantonale (ci-après, AFC) de lui faire parvenir les déclarations fiscales des prévenus pour les années 2010 à 2018.

L'AFC s'est exécutée par envoi daté du 19 juillet 2018, précisant que la déclaration 2018 de A______ ne lui avait pas encore été remise.

c.         Le 27 juillet 2018, le Ministère public a avisé toutes les parties, par pli simple, que les déclarations fiscales des prévenus, i.e. notamment de A______, avaient été versées au dossier.

d.        Le 30 juillet 2018, B______ et C______ ont demandé que cette documentation soit placée sous scellés. Le Ministère public y a donné suite.

e.         Le 6 août 2018, A______ a demandé que cette documentation soit placée sous scellés.

C. Dans la décision querellée, le Ministère public considère que la demande est tardive. Le défenseur d'un autre prévenu s'était vu remettre une copie intégrale du dossier le 25 juillet 2018 déjà, sur sa demande présentée au nom de toute la famille visée par la procédure. Le 27 juillet 2018 encore, toutes les parties avaient été avisées que des déclarations fiscales figuraient au dossier.

D. Dans l'intervalle, le Ministère public a ordonné des séquestres dans plusieurs banques, et A______ lui a demandé, par pli du 12 juillet 2018, de placer l'ensemble de la documentation reçue sous scellés. Le Ministère public s'est exécuté.

E. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir que son défenseur avait reçu la missive du 27 juillet 2018 le 30 suivant. On ne pouvait lui imputer la prise de connaissance du dossier à une date antérieure par l'avocat d'un autre prévenu, d'autant moins que le Ministère public avait au contraire écrit à cet avocat, le 3 août 2018, qu'il renonçait à cette présomption. En tout état, le Ministère public eût dû s'assurer que les droits de procédure des autres prévenus fussent garantis, en leur accordant la possibilité de demander les scellés. Encore fallait-il une information suffisamment précise pour que leurs conseils pussent les contacter et se déterminer. Or, le recourant résidait à l'étranger, et l'on était en pleine période de vacances.

b. Le 20 août 2018, A______ a spontanément fait parvenir à la Chambre de céans un "mémoire complémentaire". "Le" document litigieux était "incontestablement assorti d'un secret protégé par la loi". L'apport de déclarations fiscales était impropre à faire progresser la prévention.

c. Dans ses observations, le Ministère public propose de rejeter le recours. La demande de scellés était tardive. La procédure de scellés ne s'appliquait pas à l'entraide administrative. Dans ce domaine, c'était à l'autorité requise de faire valoir un éventuel intérêt privé au maintien du secret, au sens de l'art. 194 al. 2 CPP.

d. A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable, pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; ACPR/754/2018 et les références) et émaner d'un prévenu, qui, concerné par les documents requis de l'AFC, dont l'accès et la production dans le dossier pénal sont susceptibles de porter atteinte à des secrets protégés, a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

La lettre du 20 août 2018 valant "mémoire complémentaire", parce qu'elle est parvenue à la Chambre de céans avant l'expiration du délai de recours, peut être prise en considération.

2.             Se référant à un arrêt du Tribunal fédéral (1B_547/2018), le Ministère public objecte que la documentation fiscale litigieuse n'avait pas été obtenue au moyen d'une mesure de contrainte, mais par la voie de l'entraide entre autorités (art. 194 CPP), et que, par conséquent, l'apposition de scellés ne serait pas possible.

Dans l'arrêt visé, le Tribunal fédéral a examiné si l'entraide administrative devait être qualifiée de mesure de contrainte, car la recevabilité du recours en matière pénale qui lui avait été adressé en dépendait, dès lors que ce recours était exercé contre une décision du Tribunal pénal fédéral (cf. art. 79 LTF). Il n'a donc pas exclu que des scellés puissent être apposés sur des pièces obtenues par la voie de l'entraide entre autorités. Selon la jurisprudence, le droit de requérir des scellés ne dépend pas du fait que la personne concernée détenait ou non les documents saisis par l'autorité; il est bien plutôt indépendant de la façon dont celle-ci se les est procurés (ATF 140 IV 28 consid. 3.4 p. 33 et 4.3.4 p. 36).

Même si l'AFC eût pu refuser de coopérer en invoquant un intérêt privé prépondérant (art. 194 al. 2 CPP), le recourant ne saurait donc être privé de la faculté de requérir des scellés dans le cas contraire, soit lorsque l'autorité requise a produit son dossier.

3.             Reste à savoir si le recourant a agi sans délai.

3.1.       La requête de mise sous scellés, après que l'ayant droit a été informé de cette possibilité, doit être formulée immédiatement, soit en relation temporelle directe avec la mesure coercitive. Elle coïncide donc en principe avec l'exécution de la perquisition (ATF 127 II 151 consid. 4c/aa p. 156). Elle peut encore intervenir immédiatement après cette mesure de contrainte, respectivement après que le détenteur a été informé de ses droits s'il n'était pas présent, soit quelques heures plus tard (arrêt du Tribunal fédéral 1B_322/2013 du 20 décembre 2013 consid. 2.1), voire exceptionnellement quelques jours après dans les causes particulièrement complexes nécessitant une analyse de la part du requérant ou de son mandataire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_24/2019 du 27 février 2019 consid. 2.2; 1B_91/2016 du 4 août 2016 consid. 5.3.). Un laps de temps de 11 jours est anormalement long, et une requête présentée à cette échéance est tardive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_24/2019, précité, consid. 2.3.).

3.2.       En l'espèce, la demande du recourant doit être tenue pour tardive, même si l'avis du Ministère public du 27 juillet 2018 est dépourvu de toute information sur la possibilité pour les ayants droit de demander une mise sous scellés.

En effet, l'avis précité a été adressé à des avocats, dont celui du recourant, censé comme tel connaître les droits procéduraux ouverts à son client. Le recourant ne peut prétendre ignorer la possibilité de scellés, puisque, le 12 juillet 2018, agissant par un autre avocat, il en demandait l'apposition sur la documentation bancaire issue des perquisitions bancaires du 5 juillet 2018, alors même que le Ministère public n'avait pas non plus attiré son attention sur cette faculté.

En outre, la procédure préliminaire en cours, considérée tant globalement que sous l'angle de la seule production du dossier fiscal litigieux, n'est pas particulièrement complexe. À cet égard, la motivation succincte présentée le 6 août 2018, soit le secret fiscal, sans autre précision, notamment de base légale (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B______/2018 du ______ 2018 consid. 3.4.), et l'absence de lien avec les faits à instruire, confirme que la cause n'est pas particulièrement complexe et que la mesure litigieuse ne nécessitait pas d'analyse approfondie.

Il s'ensuit que la phase d'éventuels conseils à prendre auprès de son mandataire ne pouvait pas nécessiter plus de quelques heures au recourant, quand bien même il résiderait à l'étranger. À la rigueur, le défenseur du recourant, qui n'était pas en vacances puisqu'il a signé personnellement la requête, datée du dimanche 6 août 2018, eût pu demander la mise sous scellés à réception de la lettre du Ministère public du 27 juillet 2018 - soit le 30 juillet 2018, comme il l'affirme - tout en sollicitant un délai pour motiver sa requête (arrêt du Tribunal fédéral 1B_24/2019, loc. cit.). Au demeurant, les avocats de B______ et C______ ont réagi sans motivation circonstanciée à réception de la lettre précitée du Ministère public, qui n'a pas fait de difficulté pour apposer les scellés. On ne voit pas en quoi la situation du recourant différerait sur ce point de celle des deux prénommés.

À cet égard, la motivation présentée le 6 août 2018, soit le secret fiscal, sans autre précision, notamment de base légale (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B______/2018 du ______ 2018 consid. 3.4.), et l'absence de lien avec les faits reprochés, confirme que la cause n'est pas particulièrement complexe et que la mesure litigieuse ne nécessitait pas d'analyse approfondie.

En ne se manifestant que le 6 août 2018, le recourant a donc perdu la protection de l'art. 248 CPP.

Par conséquent, le recours est rejeté.

4.             Le recourant, qui succombe, assumera les frais de la procédure, comprenant un émolument de CHF 1'500.- (art. 13 al. 1 let. b. du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur) et au Ministère public.

 

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Sandrine JOURNET, greffière.

 

La greffière :

Sandrine JOURNET

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21865/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'500.00

-

CHF

     

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'595.00