Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/374/2025 du 10.10.2025 sur JTDP/277/2025 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE P/12280/2024 AARP/374/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 10 octobre 2024 | ||
Entre
A______, domicilié chez et comparant par Me B______, avocat,
appelant,
contre le jugement JTDP/277/2025 rendu le 11 mars 2025 par le Tribunal de police,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/277/2025 du 11 mars 2025, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'entrée illégale (ndr : à réitérées reprises) (art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]), l'a condamné à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 30.- le jour, sous déduction de trois jours-amende correspondant à trois jours de détention avant jugement, et a rejeté ses conclusions en indemnisation, les frais de la procédure en CHF 1'061.-, ainsi qu'un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.-, étant mis à sa charge.
A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, avec suite d'indemnité pour ses frais d'avocat et la détention subie à tort (art. 429 al. 1 let. a et c du Code de procédure pénale [CPP]).
b. Selon les ordonnances pénales des 18 mai 2024 et 3 janvier 2025, il est reproché ce qui suit à A______ :
Il a pénétré sans droit sur le territoire suisse, au plus tard le 17 mai 2024, à la place des Volontaires, à l'intersection avec la rue de la Coulouvrenière, alors qu'il était démuni des autorisations d'entrée nécessaires et qu'il ne disposait pas des moyens financiers suffisants permettant d'assurer sa subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour.
Le 2 janvier 2025, à Genève, il en a fait de même.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a.a. Selon rapport d'arrestation du 17 mai 2024, A______, ressortissant nigérian, a été contrôlé par la police le jour-même à la place des Volontaires et emmené au poste, étant suspecté de séjour illégal en Suisse.
Il s'est refusé à toute déclaration et n'a pas souhaité communiquer le numéro de son téléphone portable. Il avait sur lui CHF 33.10 et EUR 2.56.
La police mentionnait qu'il avait déjà été interrogé à moult reprises (13 fois) concernant une infraction à la LEI et était connu d'elle pour trafic de stupéfiants.
a.b. A______ a été remis en liberté le 18 mai 2024, après qu'une ordonnance pénale lui a été notifiée.
a.c. À la suite de son opposition et devant le Ministère public (MP) le 18 juin 2024, A______ a précisé qu'il avait informé la police, lors de son contrôle, de ce que son permis de séjour italien – dont il a remis copie (ndr : émis par la Questura di C______ [Italie], permis n° 1______, date d'expiration au 16 septembre 2023) – était en cours de renouvellement. Sa demande avait été déposée le 16 avril 2024. Il se référait à un document intitulé "ricevuta per convocazione per PSE", qu'il a versé au dossier.
Le jour en question, il était de passage, venu de D______ [France]. Dès lors qu'il était au bénéfice d'un permis de séjour européen, il pensait être en mesure d'entrer en Suisse, étant porteur, de surcroît, de son passeport et d'une carte d'identité italienne. Il avait en outre sur lui une carte de crédit, son compte étant alimenté d'au moins EUR 500.-.
b.a. À teneur du rapport d'arrestation du 2 janvier 2025, A______ a été à nouveau contrôlé à Genève, le jour en question, alors qu'il circulait à vélo à la hauteur du numéro 2______ de la rue de Saint-Jean. Il était en possession de son passeport nigérian et d'un permis de séjour italien, échu depuis le 25 août 2024. Il avait sur lui un téléphone portable, CHF 3.30 et EUR 39.50.
b.b. Entendu par la police, A______ a indiqué être arrivé à Genève le jour même pour rendre visite à un ami et qu'il avait l'intention de repartir aussitôt ; il disposait de moyens pour voyager et retourner en Italie. Il ne savait pas que les documents en sa possession ne lui permettaient pas d'entrer en Suisse, selon la question qui lui était posée. Son permis de séjour était en cours de renouvellement auprès des autorités italiennes.
b.c. Devant le MP, A______ a confirmé ses déclarations. Il était venu en Suisse en provenance de D______, par le tram. Il avait ensuite emprunté un vélo à un ami. Alors qu'il lui était fait observer qu'il avait été précédemment condamné dans des circonstances similaires, puis entendu par le MP et qu'il devait donc être conscient de ce qu'il n'avait pas le droit de pénétrer en Suisse tant qu'il n'avait pas un permis de séjour italien valable, il a répondu qu'il avait fait renouveler ce document.
Il a été mis en liberté le 3 janvier 2025, après qu'une ordonnance pénale lui a été notifiée.
c. Devant le TP, A______ a déclaré que son permis de séjour italien était en cours de renouvellement : selon convocation du 11 juillet 2024, qu'il a produite, il avait rendez-vous le 12 mai 2025 à ces fins et était quasiment certain que ce permis serait renouvelé, comme à chaque fois qu'il l'avait demandé. D'après lui, ce document était suffisant pour lui permettre d'entrer en Suisse mais pas pour y séjourner. Il a également remis copie de son permis de séjour n° 3______, émis le 25 août 2023, avec validité d'une année.
C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.
b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions, qu'il complète, à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où sa culpabilité devait être retenue, dans le sens du prononcé d'une amende selon l'art. 115 al. 3 LEI, plus subsidiairement, à ce que la peine pécuniaire soit assortie du sursis et le montant du jour-amende fixé à CHF 10.-.
Il estime ne pas avoir enfreint les règles en vigueur en Suisse concernant le droit des étrangers. Il disposait d'une carte de crédit ainsi que d'un compte bancaire et avait les moyens de voyager. Il a produit copie de sa carte bancaire [italienne] "E______", mentionnant son numéro IBAN, ainsi que des extraits relatifs aux mouvements sur son compte aux périodes reprochées, afin de le démontrer. Entre janvier et mars 2024, il avait été crédité de EUR 563.49, EUR 710.89, EUR 50.- et EUR 43.99. Entre les 24 septembre 2024 et 7 février 2025, il avait reçu des fonds, dont EUR 580.- le 13 décembre 2024 ; son compte apparaissait comme créditeur de EUR 1'164.88 (ndr : à une date que l'on ne connaît pas, lorsque l'extrait a été édité) et faisait état de dépenses de voyages (F______ [plateforme payante de co-voiturage] Paris EUR 40.19 le 21 septembre 2024, G______ [autocars longue distance] EUR 54.46 le 4 décembre 2024, F______ Paris EUR 56.99 le 18 décembre 2024, F______ Paris EUR 51.78 le 3 janvier 2025 – jour de sa mise en liberté – et G______ "Berl …" EUR 13.98 le 11 janvier 2025). Il n'avait été que de passage à Genève, les jours où il avait été contrôlé, et il ne représentait pas un danger pour l'ordre et la sécurité publics. Le montant journalier de CHF 100.- évoqué par le TP pour l'entrée sur le territoire suisse ne relevait pas de la loi, il s'agissait d'une simple estimation. Le but de la législation était d'éviter que des personnes étrangères sollicitent l'aide sociale et, tant en 2024 qu'en 2025, il disposait de suffisamment de moyens pour ne pas y faire appel.
Il estime en outre que rien n'avait justifié son contrôle le 2 janvier 2025, si ce n'était un délit de faciès. Il avait entamé des démarches en vue de réactualiser son permis de séjour italien au mois d'avril 2024 et il était notoire que celles-ci ne progressaient que lentement, leur délivrance par l'administration italienne pouvant prendre plus d'une année. Il avait obtenu un rendez-vous pour la prise de photos d'identité le 12 mai 2025, ce qui démontrait que la procédure était toujours en cours. De surcroît, il avait payé l'émolument de EUR 80.46 le 1er juillet 2024 en vue du renouvellement de ce permis et un document de l'Office de l'immigration de C______ [Italie] du même jour – qu'il produisait – attestait de ce que ce dernier en prévoyait l'acceptation. Au jour du dépôt de ses écritures, il n'avait pas reçu son titre de séjour, mais le statut de sa demande était toujours en cours (selon printscreen versé au dossier). Dès lors, son permis serait bien renouvelé, avec effet rétroactif à compter de la date d'échéance du précédent permis, dès lors qu'il en avait fait la demande avant son échéance. Il avait donc pensé, de bonne foi, être en droit de voyager et de se rendre en Suisse, le 2 janvier 2025. Tout au plus ne pouvait-on lui reprocher qu'une négligence.
En dépit de l'acquittement plaidé, il ne comprenait pas pourquoi la valeur du jour-amende avait été fixée à CHF 30.-, compte tenu de sa situation personnelle, alors même que les ordonnances pénales qu'il combattait l'avaient déterminé à CHF 10.- ; le TP n'avait en rien motivé son appréciation et une valeur arbitraire avait été retenue.
Quant au refus du sursis, il était tout aussi inexplicable, dans la mesure où son seul antécédent spécifique remontait à huit ans. Il disposait d'un permis de séjour, si bien que le pronostic ne pouvait être que positif.
c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, sous suite de frais.
d. Le TP se réfère au jugement qu'il a rendu.
D. a. A______ est né le ______ 1997 au Nigéria, pays dont il est originaire. Il est célibataire et sans enfant. Il bénéficie d'un permis de séjour italien en cours de renouvellement. Il dit vivre dans la banlieue de H______ [Italie], travailler en Italie en qualité de peintre en bâtiment et percevoir à ce titre un salaire mensuel oscillant entre EUR 1'000.- et EUR 1'400.-. Ses charges s'élèvent à environ EUR 300.- par mois, y compris un loyer de EUR 200.-.
b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné :
- le 30 juin 2017, par le MP, à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 10.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes ainsi que pour entrée et séjour illégaux (art. 115 al. 1 let. a et b LEI [anciennement LEtr]) ;
- le 9 juillet 2020, par le TP, à une peine pécuniaire de dix jours-amende à CHF 10.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, pour infraction à l'art. 286 du Code pénal (CP) (in casu : de l'ancien CP).
E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 5h30 d'activité de chef d'étude.
EN DROIT :
1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).
La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).
2. 2.1. Le principe in dubio pro reo découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP. Il concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).
Ce principe signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence ou encore lorsqu'une condamnation intervient au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve. Le juge ne doit pas non plus se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 38 consid. 2a).
2.2. L'art. 115 al. 1 let. a LEI punit quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse (art. 5).
À teneur de l'art. 5 al. 1 LEI (dans sa teneur au moment des faits reprochés), pour entrer en Suisse, tout étranger doit cumulativement : avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou d'une expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP (let. d).
Conformément à l'art. 3 de l'Ordonnance sur l'entrée et l'octroi de visas (OEV), les conditions d'entrée pour un court séjour sont régies par l'art. 6 du Code frontières Schengen (cf. règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par des personnes [Code frontières Schengen]).
Les ressortissants de pays tiers doivent disposer de moyens de subsistance suffisants tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; ceux-ci sont notamment réputés suffisants s'il est garanti que l'étranger ne fera pas appel à l'aide sociale pendant son séjour dans l'espace Schengen (art. 3 al. 2 OEV et art. 6 par. 1 let. c du Code frontières Schengen).
L'art. 6 par. 4 du Code frontières Schengen prévoit que l'appréciation des moyens de subsistance suffisants peut se fonder sur la possession d'argent liquide, de chèques de voyage et de cartes de crédit par le ressortissant de pays tiers. Selon l'annexe 18 du Manuel des visas, qui définit les montants de référence requis pour le franchissement des frontières extérieures, fixés annuellement par les autorités nationales, le ressortissant étranger qui assume personnellement les frais de son séjour en Suisse doit apporter la preuve qu'il dispose d'environ CHF 100.- par jour (AARP/208/2022 du 12 juillet 2022 consid. 2.3.2 ; AARP/206/2019 consid. 2.2.2.4).
L'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI est réalisée si l'une des prescriptions, cumulatives, sur l'entrée en Suisse, au sens de l'art. 5 LEI est violée (AARP/323/2017 consid. 3.3.2 et 3.3.3).
2.3. Il y a lieu de distinguer les deux entrées illégales reprochées à l'appelant.
2.3.1. Le 17 mai 2024, ce dernier était porteur d'un passeport en cours de validité et, comme le premier juge l'a retenu, il a produit le permis de séjour italien qui lui avait été effectivement renouvelé le 25 août 2023, avec validité d'une année. Il n'en était toutefois pas porteur lors du contrôle. A______ a également déclaré que bénéficiant d'un permis de séjour européen, il pensait être en mesure d'entrer en Suisse.
Si les buts de sa venue à Genève sont peu clairs, reste à déterminer si l'appelant pouvait se prévaloir d'avoir été en possession de moyens financiers suffisants à son séjour.
À cet égard, en l'absence d'autres éléments, il faut partir du principe, selon la version la plus favorable au prévenu, qu'il n'est pas établi qu'il envisageait un séjour de durée dans le canton, où il n'était que de passage. Il avait sur lui quelques espèces et une carte de crédit – dont on ignore la limite, étant toutefois précisé qu'un tel moyen de paiement ne serait pas délivré si le compte lié ne bénéficiait pas de rentrées régulières – et a indiqué qu'il disposait d'environ EUR 500.- sur son compte. En appel, il a rendu vraisemblable ses allégations, ayant engrangé quelques EUR 1'368.- durant le premier trimestre 2024, alors que ses charges mensuelles s'élevaient à EUR 300.-. Comme il l'affirme, malgré l'absence de rentrées financières en avril 2024 et jusqu'à son contrôle, il disposait encore d'un peu d'argent sur son compte à la mi-mai 2024 et n'était pas empêché de quitter le territoire par ses propres moyens.
Dès lors, la prévention d'une infraction intentionnelle n'est pas établie à satisfaction de droit et l'appelant doit être acquitté pour cette occurrence, l'ordonnance pénale, valant acte d'accusation, ne lui reprochant pas de ne pas avoir été porteur de son titre de séjour, mais d'en avoir été démuni.
2.3.2. Il en va différemment de son entrée en Suisse le 2 janvier 2025.
Si certes l'appelant disposait de moyens financiers suffisants pour un bref séjour, dont il a indiqué – sans convaincre – qu'il était destiné à rendre visite à un ami, dont il n'a pas donné l'identité, il ne disposait pas d'un permis de séjour en cours de validité, étant précisé que celui dont il a demandé le renouvellement est échu depuis le 25 août 2024.
Les documents qu'il produit à l'appui de son appel démontrent seulement qu'il a effectué des démarches en vue de ce renouvellement, sans qu'il n'ait obtenu un titre de séjour valide à l'époque de sa venue à Genève. Il n'était, de ce fait, pas autorisé à pénétrer en Suisse.
Sur le plan volitif, il ne peut se réfugier derrière une négligence, soit une imprévoyance coupable au sens de l'art. 12 al. 3 CP, qui permettrait l'application de l'art. 115 al. 3 LEI. En effet, arrêté moins d'une année auparavant pour les mêmes motifs, il savait qu'il devait être muni de documents en cours de validité pour franchir la frontière et entrer en Suisse. À tout le moins, il aurait dû s'entourer des précautions nécessaires. Qui plus est, le fait qu'il a sollicité le renouvellement de son permis de séjour dès le printemps 2024, démontre qu'il en était conscient. Le document de l'administration italienne l'assurant de la prochaine délivrance d'un permis de séjour ne remplace pas ce dernier et ne constitue pas une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière au sens de l'art. 5 al. 1 let. a LEI, quand bien même ce permis serait certainement délivré à terme.
L'appelant a bien pris le risque, en se rendant à Genève sans disposer d'un permis de séjour valable, de ne pas remplir les conditions minimums nécessaires à son entrée sur le territoire de la Confédération, agissant par dol éventuel à tout le moins.
Partant, il s'est rendu coupable d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI) et son appel sera rejeté sur ce point.
3. 3.1. L'infraction à l'art. 115 al. 1 let. a LEI est passible d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.
3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Le juge doit d'abord déterminer le genre de la peine devant sanctionner une infraction, puis en fixer la quotité. Pour déterminer le genre de la peine, il doit tenir compte, à côté de la culpabilité de l'auteur, de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 147 IV 241 consid. 3.2 p. 244 ss).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).
3.3. Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP). En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d'un minimum de CHF 10.-. Il fixe le montant du jour amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
Pour les condamnés qui vivent en-dessous ou au seuil du minimum vital, le jour-amende doit être réduit dans une telle mesure que, d'une part, le caractère sérieux de la sanction soit rendu perceptible par l'atteinte portée au niveau de vie habituel et que, d'autre part, l'atteinte apparaisse supportable au regard de la situation personnelle et économique. Le montant minimal du jour-amende est de CHF 10.-, même pour les condamnés bénéficiant d'un faible revenu (ATF 135 IV 180 consid. 1.4.2).
3.4. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis – ou du sursis partiel –, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5).
3.5. En l'espèce, la faute de l'appelant n'est pas négligeable. Il n'a, par convenance personnelle, pas voulu surseoir à son voyage et attendre l'obtention d'un permis de séjour renouvelé pour venir à Genève, prenant le risque d'être puni en cas de contrôle, ce qui est arrivé. Il ne démontre pas avoir eu d'impératifs de se rendre dans le canton, ce qui, sans l'excuser, aurait été de nature à mieux cerner ses mobiles et minorer sa faute, le cas échéant. Au contraire, ayant déjà été appréhendé dans un cas de figure similaire, il n'a pas hésité à contrevenir à la loi en toute connaissance de cause, sans retenir la leçon, ce qui est révélateur de son intention délictueuse.
Sa situation personnelle paraît difficile sur le plan financier, mais l'appelant dispose d'un travail, d'un toit et n'a pas de charge de famille.
Il a un antécédent spécifique, mais relativement ancien, celui-ci ne faisant pas obstacle au prononcé du sursis.
La collaboration du prévenu doit être considérée comme tout juste adéquate, dans la mesure où il a produit les documents attendus de lui pour appréhender sa situation administrative ; elle s'est cependant cantonnée au strict nécessaire, dans la mesure où il ne s'est pas expliqué de manière crédible sur les raisons de sa venue et a versé tardivement la copie du titre de séjour émis le 25 août 2023. Quant à sa prise de conscience, elle peut être considérée comme entamée puisqu'il devrait dorénavant avoir compris qu'un permis en cours de renouvellement n'est pas suffisant pour entrer en Suisse.
Il s'ensuit qu'une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF 10.- le jour, assortie d'un sursis de trois ans paraît appropriée pour sanctionner son comportement.
La détention subie avant jugement dans le cadre des deux affaires (cf. procédures P/12280/2024 et P/56/2025, avant jonction) – soit trois jours – sera déduite de la peine (art. 51 CP).
L'appel du prévenu sera dès lors admis sur ce point.
4. 4.1. L'appelant, qui succombe partiellement, supportera la moitié des frais de la procédure d'appel envers l'État (art. 428 al. 1 CPP), y compris un émolument d'arrêt de CHF 800.- (art. 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).
4.2. S'agissant des frais de la procédure préliminaire et de première instance, il y lieu de considérer qu'en ne justifiant qu'après qu'une ordonnance pénale avait été rendue à son encontre dans la procédure P/12280/2024, la validité de son permis de séjour, l'appelant a, de manière illicite et fautive, provoqué l'ouverture de celle-ci et rendu plus difficile sa conduite (art. 426 al. 2 CPP). Il supportera donc les frais y afférents, soit CHF 310.- (frais de l'ordonnance pénale [CHF 250.-], mandat de comparution [CHF 40.-] et procès-verbal d'audience [CHF 20.-] suite à son opposition).
Le solde de ces frais, y compris l'émolument complémentaire de jugement du TP, sera partagé par moitié entre l'appelant et l'État, à l'instar des frais d'appel (art. 428 al. 3 CPP).
5. 5.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité fixée conformément au tarif des avocats, pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure ; les tarifs des avocats n'opèrent aucune distinction entre l'indemnité allouée et les honoraires dus en cas de défense privée.
En vertu de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu et peut l'enjoindre de les chiffrer et de les justifier. S'il lui incombe, le cas échéant, d'interpeller le prévenu, elle n'en est pas pour autant tenue d'instruire d'office l'ensemble des faits pertinents concernant les prétentions en indemnisation. C'est au contraire au prévenu (totalement ou partiellement) acquitté qu'il appartient de prouver le bien-fondé de ses prétentions, conformément à la règle générale du droit de la responsabilité civile selon laquelle la preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO ; ATF 146 IV 332 consid. 1.3 p. 335 ; 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 240).
5.2. Par courrier du 18 juin 2025 de la direction de la procédure d'appel, A______ a été enjoint à chiffrer et justifier ses prétentions en indemnité.
Il n'en a rien fait, étant précisé qu'il a sollicité par courrier du 9 juillet 2025, vu la procédure écrite mise en œuvre, la désignation de son conseil, Me B______, en qualité de défenseur d'office, ce qui lui a été accordé.
Compte tenu du verdict de culpabilité, des exigences posées par l'art. 429 al. 2 CPP et en l'absence de conclusions chiffrées et justifiées pour ses frais d'avocat antérieurs à la nomination d'un défenseur d'office, il n'y a pas matière à l'indemniser pour ces dépenses. Il sera formellement débouté de ses conclusions.
6. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseur d'office, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.
Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 1'426.90 correspondant à 5h30 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20% et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% en CHF 106.90.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/277/2025 rendu le 11 mars 2025 par le Tribunal de police dans la procédure P/12280/2024.
L'admet partiellement.
Annule ce jugement.
Et statuant à nouveau :
Acquitte A______ d'entrée illégale (faits du 17.05.2024 ; art. 115 al. 1 let. a LEI).
Le déclare coupable d'entrée illégale (faits du 02.01.2025 ; art. 115 al. 1 let. a LEI).
Le condamne à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, sous déduction de trois jours-amende, correspondant à trois jours de détention avant jugement (art. 34 CP).
Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.
Le met au bénéfice du sursis et fixe le délai d'épreuve à trois ans (art. 42 al. 1 et 44 CP).
Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 let. a CPP).
Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure préliminaire et de première instance, sous déduction de CHF 310.- restant à sa charge, ceux-ci s'élevant, après déduction, à CHF 1'351.- (émolument complémentaire de jugement compris) et en laisse le solde à la charge de l'État (art. 426 al. 1 et 2 CPP).
Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 955.-.
Met la moitié de ces frais, soit CHF 477.50, à la charge de A______ et en laisse le solde à la charge de l'État.
Arrête à CHF 1'426.90, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office, pour la procédure d'appel.
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.
| La greffière : Ana RIESEN |
| Le président : Vincent FOURNIER |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.
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| ETAT DE FRAIS |
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| COUR DE JUSTICE |
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
| Total des frais de procédure du Tribunal de police : | CHF | 1'661.00 |
| Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision |
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| Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c) | CHF | 00.00 |
| Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i) | CHF | 80.00 |
| Procès-verbal (let. f) | CHF | 00.00 |
| Etat de frais | CHF | 75.00 |
| Emolument de décision | CHF | 800.00 |
| Total des frais de la procédure d'appel : | CHF | 955.00 |
| Total général (première instance + appel) : | CHF | 2'616.00 |