Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/155/2025 du 09.05.2025 sur JTDP/661/2024 ( PENAL ) , RENVOYE
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/15141/2023 AARP/155/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 7 mai 2025 |
Entre
A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,
appelant,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
appelant-joint,
contre le jugement JTDP/661/2024 rendu le 29 mai 2024 par le Tribunal de police,
et
LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104,
1211 Genève 8,
intimé.
EN FAIT :
A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/661/2024 du 29 mai 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a déclaré coupable d'infraction à l'art. 10 de la loi genevoise sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu : organisation d'une manifestation sur le domaine public sans avoir requis l'autorisation) et l'a exempté de toute peine, rejetant ses conclusions en indemnisations et le condamnant à la moitié des frais de la procédure.
A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant, principalement, au classement de la procédure et, subsidiairement, à son acquittement, avec suite de frais et dépens.
b. Le Ministère public (MP) forme appel joint et conclut à ce que A______ soit condamné à une amende de CHF 300.-, ainsi qu'à l'entier des frais de procédure.
c. Selon l'ordonnance pénale du Service des contraventions (SDC) du 24 février 2023, valant acte d'accusation, il est reproché à A______ de n'avoir pas respecté, le ______ octobre 2022 à 15h00, à Genève, plus particulièrement au pont du Mont-Blanc à l'intersection avec le quai des Bergues, au quai du Mont-Blanc et à la rue du Mont-Blanc, "les modalités, charges ou conditions d'une manifestation sur le domaine public, telles que définies dans l'autorisation délivrée" par le Département de la sécurité, de la population et de la santé du canton de Genève (ci-après : DSPS).
B. Les faits pertinents ressortent de la procédure :
a. Le ______ octobre 2022, la direction juridique du DSPS a délivré au syndicat C______, soit pour lui A______, une autorisation de manifester le ______ octobre 2022 [soit le lendemain] qui était assortie de plusieurs conditions. En effet, la manifestation devait débuter à 16h00 par un rassemblement à la rue de la Prairie pour se poursuivre à 16h30 par un cortège, sans arrêt, et se terminer à 18h30. Les participants devaient emprunter l'itinéraire suivant : "Rue de la Prairie – rue de Lyon – rue de la Servette – rue de Chantepoulet – rue du Mont-Blanc – quai des Bergues – pont des Bergues – place du Rhône – rue d'Italie – rue de Rive – rue de la Croix-d'Or – rue du Marché – rue de la Confédération – rue de la Corraterie – place De-Neuve". Dans ce cadre, A______ devait constituer "un service d'ordre interne et identifiable durant toute la manifestation" et "tout mettre en œuvre pour que les participants respectent les termes de la présente autorisation". Il avait "personnellement l'entière et seule responsabilité" de l'évènement, de sorte qu'en cas de débordements, ceux-ci pourraient lui être imputés. Enfin, il devait se tenir en permanence à disposition du commissaire de police ou du chef d'engagement.
b. Selon le rapport de police du 17 octobre 2022, établi par le Sergent D______, le cortège de la manifestation du ______ octobre 2022, autorisée par le DSPS sous certaines conditions, n'avait pas emprunté le parcours défini par ladite autorisation. En effet, malgré l'intervention de A______, une partie des manifestants avait poursuivi leur chemin sur le pont du Mont-Blanc. Aucun service d'ordre interne n'était présent à cet endroit pour les en empêcher. De plus, seules cinq personnes, identifiables par leur gilet orange, constituaient le service d'ordre interne, alors que mille manifestants environ participaient à l'évènement. Face à cette situation, le Sergent D______ avait tenté de joindre A______ à trois reprises en vain, puis avait décidé de laisser poursuivre ces personnes sur le pont du Mont-Blanc afin de reconstituer le cortège par la suite. Une fois les manifestants réunis à la place De-Neuve, le Sergent D______ avait contacté A______ à 18h35 afin de l'informer du dépassement de l'horaire autorisé en raison de la prise de parole de différents intervenants. Malgré un second rappel au concerné à 18h44, la manifestation ne s'était dissipée qu'à 18h55.
c. Par courrier du 3 mars 2023, A______, par l'intermédiaire de son conseil, a formé opposition contre l'ordonnance pénale du 24 février 2023, demandant l'annulation de celle-ci, "le document communiqué au contrevenant ne présentant pas de signature manuscrite mais une signature vraisemblablement préimprimée sans indiquer le nom de la personne censée représenter l'autorité du SDC."
d. Le 21 avril 2023, A______, par l'intermédiaire de son conseil, a écrit une nouvelle fois au SDC, leur indiquant que "sa demande visant à connaître l'identité de la personne ayant rédigé et/ou signé la proposition de condamnation à son encontre, ainsi que la manière dont la signature a été apposée, a été étrangement ignorée par leurs services".
e. Le 12 juillet 2023, le SDC a maintenu son ordonnance pénale en précisant qu'il était établi que A______ "[avait] violé les dispositions LMDPU en raison du non-respect du parcours et de l'horaire de la manifestation tels que définis par l'autorisation délivrée par le département". S'agissant de la validité formelle de l'ordonnance pénale en cause, la jurisprudence fédérale citée ne s'appliquait pas mutatis mutandis dans le cas d'espèce dans la mesure où il ne s'agissait pas d'un acte d'accusation ou d'une ordonnance pénale du Ministère public, soit d'un procureur en particulier.
e.a. Le 23 mai 2024, A______, par l'intermédiaire de son Conseil, a conclu, à titre de question préjudicielle, en marge de l'audience de jugement du 29 mai 2024, à l'annulation de l'ordonnance pénale visée, vu le vice de forme soulevé au niveau de l'opposition, puis à nouveau sur réponse du SDC.
e.b. Lors de l'audience de jugement, A______ a confirmé son opposition à l'ordonnance pénale. Il a reconnu qu'une partie du cortège avait dévié et qu'il y avait un léger dépassement de l'horaire de 30 minutes, précisant qu'il était très difficile d'estimer avec précision en amont le temps de la manifestation. De plus, il y avait eu une ou deux prises de parole supplémentaires à la fin de la manifestation et il trouvait "délicat" de les stopper, surtout que les interrompre, alors que la manifestation touchait à sa fin, n'allait "que créer un mécontentement inutile". Au total, vingt personnes avaient été désignées pour effectuer le service d'ordre, dont cinq d'entre elles portaient le gilet du syndicat C______.
Concernant le trajet de la manifestation, les discussions avec l'autorité faisaient état de la possibilité de passer par le pont du Mont-Blanc, ce qui avait été communiqué à certains de leurs membres et qui avait été évoqué par [le journal] E______. Cependant, l'autorité avait décidé par la suite d'interdire le passage par le pont du Mont-Blanc, information qui avait également été transmise par le biais d'une "infolettre" et lors de l'assemblée du personnel, laquelle s'était déroulée un peu avant le début de la manifestation. Ce refus avait été "mal accepté par certains des manifestants".
Ayant des doutes quant au fait que tout le monde avait été informé du changement de parcours, il s'était posté au début du pont du Mont-Blanc avec trois autres personnes du service d'ordre. Lorsqu'il avait vu des personnes franchir le pont en question, il les avait informées de l'interdiction. Cela étant, il n'était pas en mesure de stopper le flot de personnes et "n'en [avait] pas réellement l'envie non plus" car il aurait dû faire usage de la force pour les empêcher de passer. Il aurait fallu au moins 50 personnes, vu la largeur du pont, pour faire barrage, étant précisé qu'aucun policier n'était présent sur place. Les quelques 300 personnes ayant franchi le pont du Mont-Blanc n'avaient causé que des perturbations minimes. En effet, celles-ci avaient emprunté la voie de circulation réservée aux véhicules mais dans le sens du trafic uniquement. Les voitures roulaient derrière le cortège au pas sans problèmes, le service d'ordre s'étant mis plutôt entre les manifestants et les voitures. Il ne se souvenait pas qu'il y ait eu de présence policière.
A la question de savoir pour quelle raison il n'avait pas répondu à la police comme il en avait l'obligation, il a indiqué qu'il avait effectivement reçu un appel de leur part mais qu'il ne l'avait vu que plus tard. Il ne se rappelait plus s'il avait rappelé la police mais s'il l'avait fait c'était pour leur dire qu'une partie du cortège n'avait pas respecté le parcours autorisé. En revanche, il confirmait les rappels effectués par la police à 18h35 et à 18h44.
A l'avenir, il essayerait d'être plus juste au niveau de l'horaire pour causer le moins de nuisance possible au trafic et éviter les dépassements d'horaire. Il fournirait également plus d'efforts pour que le choix de parcours soit avalisé par les autorités.
Enfin, il a ajouté que parmi les manifestants figuraient des policiers et des membres de plusieurs syndicats de police, étant rappelé que la manifestation avait pour objet l'indexation légale des salaires et le versement des annuités.
f. Le Sergent D______, entendu en qualité de témoin, a confirmé la teneur de son rapport de renseignements. Le non-respect du parcours au niveau du pont du Mont-Blanc avait nécessité la prise de mesures complémentaires afin de rediriger le trafic. En effet, les voitures circulant à hauteur de l'hôtel F______ depuis le carrefour forestier avaient dû être redirigées durant une dizaine de minutes au maximum. Durant cette période, le trafic était ouvert aux véhicules. Néanmoins, aucun danger n'avait été identifié, dans la mesure où les effectifs dépêchés sur place avaient fait leur travail.
Pour sa part, il se trouvait en tête du cortège et avait les caméras du trafic lui permettant de le tenir au courant de la situation. Ces caméras n'avaient pas pour but de surveiller le cortège mais de garantir la mobilité du trafic.
Concernant le dépassement d'horaire, celui-ci était le plus problématique. En effet, les manifestants partaient au compte-goutte et il y avait une emprise sur la chaussée à la fin de l'horaire autorisé.
C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par voie écrite (art. 406 al. 1 let. c CPP).
b. Dans ses observations et son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions et conclut à l'irrecevabilité de l'appel joint du MP. Il sollicite une indemnité de CHF 3'250.- pour les dépens en lien avec la procédure de première instance et une indemnité de CHF 1'500.- pour les dépens en lien avec la procédure d'appel (art. 429 a. 1 let. a du Code de procédure pénale [CPP]).
Si la loi prévoyait, certes, la qualité pour recourir du MP dans une procédure en matière de contravention, l'intervention de cette partie impliquait de mettre fin à la délégation de la poursuite à l'autorité administrative afin d'assurer le respect des exigences procédurales et le principe du procès équitable. Par ailleurs, l'intervention tardive du MP paraissait dénoter un but d'intimidation en violation de l'ATF 147 IV 505.
L'ordonnance pénale ne respectait pas les exigences de forme puisqu'elle ne portait ni signature manuscrite ni signature électronique qualifiée de la personne ayant rendu la décision, de sorte que, compte tenu de l'ATF 148 IV 445, ladite ordonnance devait être annulée et la procédure classée. Ces principes avaient été récemment rappelés par la Cour des comptes. Le Conseil d'État avait également récemment adopté un règlement prévoyant que les ordonnances pénales rendues par le Service des contraventions devaient être munies "d'une signature manuscrite ou d'une signature électronique qualifiée" (RMSOP 2).
Le rapport de contravention sur lequel se fondait la condamnation avait été établi sur la base d'images de vidéosurveillance administrées de manière illicite et sans que la défense n'ait pu y avoir accès, si bien que lesdites images, ainsi que le rapport de police étaient inexploitables (art. 141 al. 2 CPP). En effet, les images de vidéosurveillance avaient été exploitées pour élucider une simple contravention et non pas une infraction grave. Partant, les conditions de l'art. 142 al. 2 CPP étaient remplies. En outre, l'ordonnance pénale violait le principe d'accusation, dans la mesure où le comportement reproché n'y était pas indiqué, de sorte que l'appelant n'avait pas pu efficacement préparer sa défense. Il avait en outre été condamné pour des faits s'étant déroulés dans un lieu et à un moment différent de celui mentionné dans l'ordonnance pénale.
L'appelant avait respecté les modalités négociées avec la police. En outre, il n'avait pas eu l'intention, même par dol éventuel, de violer l'autorisation s'agissant du tracé du cortège, Il avait mis en place un service d'ordre suffisant pour empêcher que cette éventualité se produise. Enfin, le prononcé d'un verdict condamnatoire en lien avec le non-respect de l'horaire autorisé, même assorti d'une exemption de peine, ne répondait pas à un besoin social impérieux et n'était pas nécessaire dans une société démocratique.
c. Dans ses écritures, le MP persiste dans ses conclusions et conclut au rejet de l'appel principal.
L'art. 38 al. 2 de la loi d’application du code pénal suisse et d’autres lois fédérales en matière pénale (LaCP), renvoyant à l'art. 381 al. 3 CPP, prévoyait expressément la qualité pour recourir de l'autorité administrative compétente, soit du SDC, et du MP, seule autorité, en tant qu'accusateur public, à pouvoir recourir au Tribunal fédéral (TF). Dans tous les cas, le principe de l'égalité des armes ne commandait pas un nombre égal de parties à une procédure. La jurisprudence citée par l'appelant ne trouvait pas application dans le cas d'espèce, dès lors que le MP, en formant appel joint, avait conclu au prononcé de la peine requise par l'autorité compétente en première instance.
Sur le fond, l'ordonnance pénale visée était valable. L'ATF 148 IV 445 cité par l'appelant ne trouvait pas application dans le cas d'espèce, étant précisé qu'il se rapportait à un délit et non à une amende contraventionnelle. Il ne s'agissait donc pas d'un acte d'accusation ou d'une ordonnance pénale émanent du MP mais d'une ordonnance pénale portant une signature manuscrite, apposée par impression automatisée au-dessus de la mention "La Direction". En outre, le vice d'un cachet en fac-similé sur une ordonnance pénale n'était pas si grave qu'il pourrait être une cause de nullité.
Les images vidéo de la manifestation avaient été exploitées par la police de manière licite dès lors qu'elles n'étaient pas visées par les restrictions de la LMDPu, étant précisé qu'il avait été loisible à l'appelant de se déterminer sur cette question, dans la mesure où les caméras de vidéosurveillance n'avaient pas été installées dans le but de filmer la manifestation et ne sauraient être visées par les restrictions des art. 5 et 6 LMDPu. Ainsi, les images n'avaient pas été obtenues illégalement et étaient exploitables, l'art. 142 al. 2 CPP ne trouvant pas application en l'espèce.
Enfin, le non-respect du tracé ressortait d'autres éléments à la procédure, en particulier des déclarations du prévenu. En ce qui concernait la violation du principe d'accusation invoquée par l'appelant, le juge de première instance avait considéré, à juste titre, que les éléments figurant dans l'ordonnance pénale du 24 février 2023 étaient suffisants pour permettre à l'appelant de comprendre ce qui lui était reproché. Il ne pouvait en effet avoir de doutes sur ce qui lui était reproché et avait pu se préparer utilement avant l'audience. S'agissant du grief de l'appelant d'après lequel les éléments constitutifs de l'art. 5 al. 2 LMDPu n'étaient pas remplis, il ressortait des éléments à la procédure qu'il ne lui était pas seulement fait grief de ne pas avoir constitué un service d'ordre suffisant, étant précisé que celui-ci était constitué de cinq personnes et non de vingt personnes selon les constatations de la police. Au moment où une partie du cortège s'était dirigée hors du pont du Mont-Blanc, soit hors du tracé autorisé, il s'était limité à indiquer le passage n'était pas autorisé sans réagir ni s'engager davantage. Enfin, il n'avait pas répondu aux appels de la police. S'agissant de la violation de la liberté de réunion invoquée par l'appelant, les autorités devaient pouvoir sanctionner ceux qui participaient à une manifestation non autorisée, sans quoi une procédure d'autorisation serait illusoire et si les conditions prévues dans l'autorisation n'étaient pas respectées, les organisateurs pouvaient, le cas échéant, être punis d'une amende, pour autant qu'il n'y ait pas de disproportion entre le non-respect des conditions et la sanction.
Le prévenu, organisateur de la manifestation, avait constitué un service d'ordre dix fois inférieur à ce qui aurait été nécessaire pour faire respecter le tracé autorisé. En outre, lorsque le cortège s'était dirigé hors du trace autorisé, il s'est seulement limité à indiquer que ce passage n'était pas autorisé, sans réagir. Enfin, il n'avait pas répondu aux appels de la police, ce qui aurait permis de prendre d'autres mesures et contrôler le débordement. S'agissant de l'horaire, il s'était accommodé de son dépassement sans prendre aucune précaution ni mesure.
Il ne pouvait par conséquent pas être retenu que le prévenu, ayant agi avec légèreté, avait été mis devant le fait accompli. Les conséquences du non-respect du tracé sur la fluidité du trafic avaient pu être limitées grâce à la réactivité de la police, étant précisé qu'une situation potentiellement dangereuse avait été engendrée sur un lieu de trafic dense. Quant aux conséquences du dépassement de l'horaire, elles avaient été problématiques, les manifestants étant partis au compte-goutte. La prise de conscience était inexistante. Ainsi, le montant de l'amende prononcée par le SDC était proportionné. L'appelant devait être condamné à l'entier des frais de procédure et ses conclusions en indemnisation devaient être rejetées.
d. Le SDC conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il s'en rapporte à justice quant à la recevabilité de l'appel joint du MP.
EN DROIT :
1. 1.1. L'appel principal est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).
La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP)
1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).
2. L'appel joint est également recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits du MP qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. c CPP), a qualité pour agir (art. 38 al. 2 LaCP cum art. 381 al. 3 CPP).
La participation du SDC et du MP ne saurait mettre à mal la possibilité raisonnable pour l'appelant de présenter sa cause dans des conditions qui ne le placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à ceux-ci (ATF 137 IV 172 consid. 2.6).
Enfin, l'appel joint n'apparaît nullement abusif et l'existence d'une démarche contradictoire susceptible de se heurter au principe de la bonne foi est exclue, dans la mesure où le MP, qui n'est pas intervenu devant le tribunal de première instance, ne fait que reprendre strictement la peine requise par le SDC devant cette autorité, ce en conformité à la jurisprudence (ATF 147 IV 505).
3. 3.1. L'ordonnance pénale contient la signature de la personne qui l'a établie (art. 353 al. 1 let. k CPP).
Lorsque des autorités administratives sont instituées en vue de la poursuite et du jugement des contraventions, elles ont les attributions du ministère public (art. 357 al. 1 CPP).
Les dispositions sur l'ordonnance pénale sont applicables par analogie à la procédure pénale en matière de contraventions (art. 357 al. 2 CPP).
Dans cette hypothèse, les cantons ne peuvent pas prévoir de dispositions de procédure contraires ou complémentaires (ATF 140 IV 192 consid. 1.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1051/2017 du 23 mars 2018 consid. 1.1 et 6B_845/2015 du 12 février 2016 consid. 5.1 [non publié dans l'ATF 142 IV 70]).
3.2. Le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition (art. 356 al. 2 CPP).
Seul le tribunal de première instance est compétent pour statuer sur la validité de ces actes (ATF 142 IV 201 consid. 2 ; 140 IV 192 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_883/2020 du 15 avril 2021 consid. 2.1.2).
Si l'ordonnance pénale n'est pas valable, le tribunal l'annule et renvoie le cas au ministère public en vue d'une nouvelle procédure préliminaire (art. 356 al. 5 CPP).
3.3. Selon l'ATF 148 IV 445 rendu le 22 juin 2022 par le Tribunal fédéral :
- la signature personnelle manuscrite constitue en matière d'ordonnances pénales une exigence de validité formelle érigée dans l'intérêt de la sécurité du droit. Elle permet de connaître l'identité de son auteur, soit la personne qui a prononcé la condamnation et fixé la peine, et de confirmer que l'acte correspond à sa volonté réelle (consid. 1.4.1) ;
- une ordonnance pénale munie d'une signature en facsimilé, et non de la signature manuscrite de son auteur, n'est pas nulle, mais annulable (consid. 1.4.2) ;
- une telle ordonnance pénale doit être annulée par le tribunal et renvoyée à l'autorité de poursuite en vue d'une nouvelle procédure préliminaire, dans la mesure où le prononcé d'une ordonnance pénale valable constitue une condition préalable pour que le tribunal puisse juger l'affaire sur le fond (consid. 1.5.1) ;
- le vice ne peut être guéri par la transmission de l'ordonnance pénale au tribunal si le non-respect des exigences de forme repose sur une pratique établie (consid. 1.5.1).
3.4. Le 4 décembre 2024, le Conseil d'État a adopté le Règlement concernant les modalités de signature des ordonnances pénales rendues par le SDC (RMSOP), lequel est entré en vigueur le 11 décembre suivant. Il prévoit que les ordonnances pénales rendues par le service précité sont munies d'une signature manuscrite ou d'une signature électronique qualifiée (art. 2 RMSOP).
3.5. En l'espèce, l'ordonnance pénale rendue par le SDC ne présente ni l'identité ni la signature de son auteur, ce qui ne remplit pas les exigences de l'art. 353 al. 1 let. k CPP, cum art. 357 al. 2 CPP. Partant, elle est viciée sur le plan formel.
L'appelant, par l'intermédiaire de son avocat, a invoqué ce vice de forme dans son opposition du 3 mars 2023 à l'ordonnance pénale au SDC et dans son courrier au SDC du 21 avril 2023. Il a réitéré le fait que cette ordonnance pénale était viciée dans un courrier au TP le 23 mai 2024. Partant, ce grief n'a pas été invoqué tardivement. Interpellé à diverses reprises, le SDC n'a pas rendu une nouvelle décision et s'est contenté de maintenir sa première décision, se bornant à indiquer que son ordonnance pénale n'équivalait pas à celle émanant d'un procureur et partant, était valable.
3.6. En conclusion, le grief formel, invoqué en temps utile, est bien fondé et l'appel doit être admis. Pour ces mêmes motifs, l'appel joint du MP doit être rejeté.
4. Les frais de la procédure d'appel et ceux de la procédure de première instance seront laissés à charge de l'État (art. 428 al. 4 CPP).
5. 5.1. Aux termes de l'art. 436 CPP, les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral dans la procédure de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP (al. 1). Si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses (al. 2). Si l'autorité de recours annule une décision conformément à l'art. 409 CPP, les parties ont droit à une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours et par la partie annulée de la procédure de première instance (al. 3).
L'art. 436 CPP règle les prétentions en indemnités et en réparation du tort moral pour la procédure de recours. Il vise la procédure de recours en général, à savoir les procédures d'appel et de recours (au sens des art. 393 ss CPP). Le renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP aux art. 429 à 434 CPP ne signifie pas que les indemnités doivent se déterminer par rapport à l'issue de la procédure de première instance. Au contraire, elles doivent être fixées séparément pour chaque phase de la procédure, indépendamment de la procédure de première instance. Le résultat de la procédure de recours est déterminant (ATF 142 IV 163 consid. 3.2.2 p. 169 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_620/2016 du 17 mai 2017 consid. 2.2.3 ; 6B_118/2016 du 20 mars 2017 consid. 4.5.1).
L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que s'il est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
La question de l'indemnisation doit être tranchée après celle des frais. Dans cette mesure, la question du règlement des frais préjuge de celle de l'indemnisation (ATF 147 IV 47 consid. 4.1 ; 145 IV 94 consid. 2.3.2 ; 144 IV 207 consid. 1.8.2).
L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail, et donc les honoraires, étaient ainsi justifiés (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2 ; 142 IV 45 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_284/2023 du 20 septembre 2023 consid. 2.1).
L'indemnité doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule ; l'État n'est pas lié par une convention d'honoraires passée entre le prévenu et son avocat (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2). La Cour de justice applique des tarifs horaires maximaux de CHF 450.- pour les chefs d'étude (AARP/99/2024 du 8 mars 2024 consid. 8.1 ; AARP/42/2024 du 25 janvier 2024 consid. 6.1) et de CHF 150.- pour les avocats-stagiaires (AARP/56/2024 du 8 février 2024 consid. 8.1.1 ; AARP/202/2023 du 19 juin 2023 consid. 7.1.2). Le déplacement pour se rendre à une audience est compris dans la rémunération de celle-ci, contrairement à ce qui est le cas pour l'assistance judiciaire (AARP/390/2024 du 4 novembre 2024 consid. 10.1.1.1). Ces montants s'entendent hors TVA ; ainsi, lorsqu'un avocat facture à son mandant des prestations aux tarifs maximaux susmentionnés hors TVA, celle-ci doit être ajoutée en sus, pour autant que lesdites prestations y soient effectivement assujetties (AARP/390/2024 du 4 novembre 2024 consid. 10.1.1.1 ; AARP/398/2023 du 20 novembre 2023 consid. 10.1 ; AARP/383/2023 du 3 novembre 2023 consid. 8.1).
5.2. En l'espèce, Me B______, défenseur de A______, a déposé un état de frais facturant pour l'ensemble de la procédure 7 heures 47 minutes d'activité de chef d'étude au tarif horaire de CHF 300.-/heure (CHF 2'335.-) et de 1 heure 50 minutes d'activité de collaboratrice au tarif horaire de CHF 220 / heure (CHF 404.-), montant soumis à la TVA, pour un total de CHF 2'960.85, montant qui lui sera alloué, dans la mesure où son client a obtenu l'annulation d'une contravention. Il a donc droit à une juste indemnité portant, tant sur les frais occasionnés en première instance que pour les dépenses occasionnées par la procédure d'appel.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA PRESIDENTE DE LA CHAMBRE PENALE D'APPEL ET DE REVISION :
Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/661/2024 rendu le 29 mai 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/15141/2023.
Admet l'appel principal et rejette l'appel joint.
Annule ce jugement.
Renvoie la cause au Tribunal de police pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Alloue à A______ CHF 2'960.85.- à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (en procédure préliminaire de première instance et d'appel) (art. 429 al. 1 let. a CPP).
Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État (art. 408 al. 4 CPP).
Notifie le présent arrêt au Tribunal de police et aux parties.
Le communique, pour information, à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM).
La greffière : Linda TAGHARIST |
| La présidente : Rita SETHI-KARAM |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.