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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/29493/2024

AARP/15/2025 du 17.01.2025 ( REV ) , JUGE

Descripteurs : COMPÉTENCE;RÉVISION(DÉCISION);DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;FRAIS(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.21.al1.letb; LOJ.129.al4; LOJ.130.al1.leta; CPP.410.al1.leta; CPP.412.al2; CPP.428.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/29493/2024 AARP/15/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 17 janvier 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me Stéphane CECCONI, avocat, ruelle Jean-Michel-Billon 3, case postale 1311, 1211 Genève 1,

demanderesse en révision,

 

contre les ordonnances pénales n° 1______ du 2 août 2023, n° 2______ du 18 septembre 2023, n° 3______ du 21 septembre 2023, n° 4______ du 12 octobre 2023, n° 5______ du 18 octobre 2023 et n° 6______ du 27 août 2024 rendues par le Service des contraventions,

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeurs en révision.


EN FAIT :

A.           a.a. Par ordonnances pénales n° 1______ du 2 août 2023, n° 2______ du 18 septembre 2023, n° 3______ du 21 septembre 2023, n° 4______ du 12 octobre 2023, n° 5______ du 18 octobre 2023 et n° 6______ du 27 août 2024, le Service des contraventions (SDC) a reconnu A______ coupable d'infractions à la circulation routière, s'agissant du stationnement du véhicule immatriculé GE 7______ (sur une case interdite au parcage jusqu'à deux heures ou pour ne pas avoir enclenché le parcomètre), commises entre le 2 mai 2023, pour la première, et le 15 mars 2024, pour la dernière, et a condamné la précitée, pour chaque occurrence, à une amende de CHF 40.-, plus émoluments de CHF 40.-.

a.b. Les cinq premières ordonnances n'ont pas été frappées d'opposition dans le délai légal, de sorte qu'elles sont entrées en force.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. La détentrice du véhicule immatriculé GE 7______ est B______ SA, selon le permis de circulation délivré le 4 juillet 2022 ; la société est domiciliée chez C______ SA à D______ [GE].

b. A______ est domiciliée au chemin 8______ no. ______ à E______ [GE]. Elle est l'administratrice unique, avec signature individuelle, de la société précitée depuis le 14 mars 2022, selon le registre du commerce.

c. Les cinq premières ordonnances, s'agissant de faits commis en 2023, ont été notifiées à A______, les plis recommandés étant retournés au SDC, les envois n'ayant pas été réclamés.

d. Par courrier du 6 septembre 2024, A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale n° 6______, alléguant que le véhicule en cause n'était pas immatriculé à son nom et qu'elle ne le conduisait pas. Elle disposait d'un autre véhicule, "la F______/9______ [marque, modèle] avec les plaques d'immatriculation GE 10______". Elle demandait que toute correspondance concernant ledit véhicule soit adressée à sa détentrice, B______ SA.

e. Le 1er octobre 2024, A______, par l'intermédiaire de son avocat, a demandé au SDC de retirer l'ensemble des poursuites en cours pour le recouvrement des amendes en lien avec les affaires n° 1______, n° 3______ [ndr : et n° 2______, selon requête du 11 octobre 2024 au Tribunal civil], n° 4______ et n° 5______, faisant valoir que ces contraventions n'étaient pas justifiées dans la mesure où elle n'était pas la détentrice du véhicule en cause, et donc la débitrice des sommes dues, ce dont elle avait déjà fait part à l'autorité. Elle avait formé opposition aux commandements de payer y relatifs.

f. Le 17 décembre 2024, elle réitérait sa demande auprès du SDC, à la suite de sa demande en annulation de poursuites déposées le 11 octobre 2024 auprès du Tribunal civil, sollicitant, à tout le moins, la suspension des poursuites.

Elle alléguait n'avoir pas été en mesure de former opposition aux cinq premières ordonnances parce qu'elle avait dû "se rendre en Russie pour le décès de sa mère durant ces périodes".

C. Par demande en révision du 23 décembre 2024, A______ conclut à l'annulation des six ordonnances en cause, à son acquittement de toutes les contraventions constatées et à ce qu'une indemnité pour ses frais d'avocat lui soit allouée.

Elle indique notamment avoir fait "des allers-retours réguliers entre juin et décembre 2023 entre Genève et la Russie pour se rendre au chevet de sa mère malade".

EN DROIT :

1. La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) est l'autorité cantonale compétente en matière de révision (art. 130 al. 1 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire [LOJ] ; art. 21 al. 1 let. b du Code de procédure pénale [CPP]).

Conformément à l'art. 129 al. 4 LOJ, lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ou la demande de révision ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure statue.

2. À teneur de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, toute personne lésée par un jugement entré en force, une ordonnance pénale, une décision judiciaire ultérieure ou une décision rendue dans une procédure indépendante en matière de mesures, peut en demander la révision s'il existe des faits nouveaux antérieurs au prononcé ou de nouveaux moyens de preuve qui sont notamment de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

La révision ne sert toutefois pas à remédier aux erreurs ou omissions de l'intéressé dans une procédure précédente close par un jugement entré en force (arrêt du Tribunal fédéral 6B_22/2018 du 15 mars 2018 consid. 5) et ne doit pas servir à détourner les dispositions légales sur les délais de recours ou celles sur la restitution desdits délais, voire à introduire des faits non présentés dans le premier procès en raison d'une négligence procédurale (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 ; ATF 130 IV 72 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_244/2022 du 1er mars 2023 consid. 1.3).

En particulier, les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition. En revanche, une révision peut entrer en considération à l'égard d'une ordonnance pénale pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raisons de se prévaloir à cette époque. L'abus de droit ne sera cependant admis qu'avec retenue. Il s'agit, dans chaque cas d'examiner, au regard des circonstances de l'espèce, si la demande tend à contourner les voies de droit ordinaires (ATF 145 IV 197 consid. 1.1).

3. 3.1. Il résulte de l'art. 354 al. 3 CPP qu'une ordonnance pénale qui n'est valablement pas frappée d'une opposition est assimilée à un jugement entré en force.

3.2. En l'occurrence, l'ordonnance pénale n° 6______ a été frappée d'opposition par la demanderesse, à l'aune du courrier qu'elle a adressé au SDC le 6 septembre 2024.

Il s'ensuit qu'une demande de révision portant sur une décision non définitive est manifestement irrecevable et ne peut qu'être rejetée.

4. Quant aux cinq autres ordonnances, la demande en révision apparaît d'emblée mal fondée.

En effet, la demanderesse est l'organe de B______ SA depuis le 14 mars 2022 et la société qu'elle administre est la détentrice du véhicule incriminé à partir du 4 juillet de la même année, soit bien avant la commission des infractions en cause.

En aucun cas, la détention dudit véhicule ne représente un fait nouveau au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP. Certes, l'automobile n'appartient pas formellement à la demanderesse, mais celle-ci en a nécessairement connaissance puisqu'elle administre la société, avec signature individuelle.

Elle pouvait donc se prévaloir de cette circonstance, eu égard aux amendes d'ordre infligées. Il lui appartenait d'en faire part sans délai au SDC, puisque le délai de réflexion et de paiement des amendes d'ordre était écoulé, à tout le moins de s'opposer aux ordonnances pénales qui lui avaient été notifiées, en communiquant à l'autorité ce qui précède, ce qu'elle n'a fait.

En tout état, ses explications sur les motifs qui l'auraient empêchée d'avoir connaissance de la notification desdites ordonnances pénales n'emportent pas conviction. Outre qu'elle a varié dans ses dires (maladie de sa mère ou décès de celle-ci), elle n'établit pas qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité de prendre connaissance à temps des ordonnances pénales, valablement notifiées (cf. art. 85 al. 4 let. a CPP), pour s'y opposer. À cet égard, elle n'a pas fait état de ce qu'elle ne conduisait pas le véhicule en cause en 2023, ayant seulement indiqué qu'en 2024, elle disposait d'un autre véhicule. Par voie de conséquence, elle a nécessairement réceptionné les amendes d'ordre découlant de la verbalisation et aurait été en mesure de s'opposer aux ordonnances pénales, en faisant valoir ses arguments. Il n'existe aucun motif légitime pour ne pas l'avoir fait. Même à retenir qu'elle ne conduisait pas le véhicule en cause en 2023, il aurait été alors de son devoir, en sa qualité d'administratrice unique de la détentrice, de s'assurer que le conducteur effectif l'informerait de toute amende de stationnement (cf. art. 10 al. 1 et 2 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière [LaLCR]), auquel cas elle aurait également pu faire valoir sa contestation auprès de l'autorité, sinon qu'il s'en acquitterait.

Dans ces conditions, sa demande en révision apparaît comme un moyen de contourner la voie de droit ordinaire et doit être qualifiée d'abusive, partant d'irrecevable au sens de l'art. 412 al. 2 CPP.

5. La partie dont l'appel est irrecevable est considérée comme ayant succombé (art. 428 al. 1 CPP). La demanderesse supportera donc les frais de la procédure envers l'État, lesquels comprendront un émolument de décision (art. 14 al. 1 let. b du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]). Vu l'issue de la procédure et la mise des frais à sa charge, elle sera déboutée de ses conclusions en indemnisation pour ses frais d'avocat.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE PÉNALE D'APPEL ET DE RÉVISION :

 

Déclare irrecevable la demande de révision formée par A______ contre les ordonnances pénales n° 1______ du 2 août 2023, n° 2______ du 18 septembre 2023, n° 3______ du 21 septembre 2023, n° 4______ du 12 octobre 2023, n° 5______ du 18 octobre 2023 et n° 6______ du 27 août 2024 rendues par le Service des contraventions.

Condamne A______ aux frais de la procédure de révision en CHF 615.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 500.-.

Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation pour ses frais d'avocat.

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

La greffière :

Isabelle MERE

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

615.00