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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/13605/2020

AARP/256/2024 du 25.07.2024 sur JTCO/119/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : EXPULSION(DROIT PÉNAL);DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LCR;FIXATION DE LA PEINE
Normes : CP.123; CP.180; LJAr.130; LArm.33; CP.252; CP.251; LEI.117; LCR.95; LCR.90; CP.303; CP.177

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

P/13605/2020 AARP/256/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 25 juillet 2024

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/119/2023 rendu le 10 novembre 2023 par le Tribunal correctionnel,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A.           Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)

a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 10 novembre 2023, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) l'a reconnu coupable de lésions corporelles simples aggravées, menaces, infraction à la loi fédérale sur les jeux d'argent, infraction à la loi fédérale sur les armes, faux dans les certificats, faux dans les titres, emploi d'étrangers sans autorisation, conduite sous retrait de permis, violation grave qualifiée des règles de la circulation, dénonciation calomnieuse, injure, condamné à une peine privative de liberté de 4 ans et 6 mois, sous déduction de la détention avant jugement, à une peine pécuniaire d'ensemble de 30 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (sans inscription dans le SIS) et maintenu les mesures de substitution.

a.b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à l'acquittement du chef de violation grave qualifiée des règles de la circulation, au prononcé d'une peine privative de liberté de trois ans et six mois et à l'expulsion de Suisse pour une durée de trois ans.

b. Selon l'acte d'accusation du Ministère public (MP) du 12 juin 2023, il est notamment reproché ce qui suit à A______ : Il a, le 17 octobre 2018 à 00h50, à la route 1______ / Ecole C______, circulé à une vitesse de 102 km/h alors que la vitesse était limitée à 50 km/h, acceptant ainsi de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort.

B.            Faits résultant du dossier de première instance

a. Selon le rapport de renseignements du 10 décembre 2018, un dépassement excessif de la vitesse (délit de chauffard) avait été constaté le 17 octobre 2018 à 00h50 à la route 1______, à la hauteur de l'école C______, à D______ [GE] (véhicule immatriculé GE 2______). La vitesse constatée (radar) était de 108 km/h, alors qu'elle était limitée à 50 km/h (localité). Le dépassement était donc de 52 km/h (après déduction de la marge de sécurité). La détentrice du véhicule était E______ SA, qui l'avait remis comme véhicule de remplacement à F______, sur présentation d'un permis de conduire établi au nom de A______. Contacté par téléphone, ce dernier avait dit ne pas être le conducteur au moment des faits : G______, son cousin [domicilié en Allemagne], se trouvait au volant.

b. Le 28 novembre 2018, I______ a écrit (WhatsApp) à G______ : "G______ […] Donne moi ton adresse, ton e-mail et ton permis […] S'ils t'appellent, dis-leur que tu as perdu ton natel et que tu as maintenant un autre numéro. Sinon ils peuvent te localiser par le signal de ton téléphone et voir si tu étais vraiment en Suisse, Dis-leur que tu as perdu ton natel dans le train […]".

c. A______ a déclaré, à la police, le 5 décembre 2018, que G______ était venu à Genève pour visiter la ville et passer du temps en famille. Ce soir-là [le 17 octobre 2018], ils rentraient d'un dîner chez des amis. Son cousin lui avait demandé s'il pouvait conduire. Celui-ci étant jeune et n'ayant jamais conduit de voiture telle que celle-ci [H______/3______ [marque/modèle]], il l'avait laissé prendre le volant. Pour sa part, il était assis sur le siège passager avant. Il n'avait à aucun moment incité son cousin à essayer la puissance de l'auto. Connaissant la vitesse prescrite à cet endroit, il avait demandé à celui-ci de ralentir, chose qu'il avait faite mais sans doute après le contrôle radar.

A______ a produit des photocopies de la carte d'identité et du permis de conduire de G______, ainsi que la copie de billets de train attestant de sa venue à Genève [du 15 au 22 octobre 2018].

d. Le 5 décembre 2018, I______ a écrit (WhatsApp) à G______ : "[…] j'ai été à la police pour que tu sois au courant. Dès que la peine arrive, envoie-là moi […] Comme ça nous la payons directement et il n'arrive rien à ton permis de conduire. Tu ne reçois pas de points, rien […] Peut-être que la police va t'appeler et te demander ce qui est arrivé. Dis simplement que c'était une nouvelle voiture et que tu ne connaissais pas la limitation […]".

e. Dans son jugement du 19 octobre 2021, statuant sur recours de G______ contre la décision par laquelle l'Office cantonal des véhicules [OCV] lui faisait interdiction de faire usage de son permis étranger sur le territoire suisse pour une durée indéterminée, le Tribunal administratif de première instance relevait : "M. G______ indique qu'il n'est pas entré en Suisse depuis environ 2013 et que M. A______ était au volant au moment de l'infraction ("Wir teilen mit, dass folgende Person Fahrer zur Tatzeit war : Herr A______, chemin 4______ no. ______, [code postal] J______ [GE]") […] Par courrier du 17 juin 2020, sous la plume de son conseil, M. G______ a demandé à l'OCV de lui faire savoir si la procédure était close, lui rappelant que le conducteur au moment de l'infraction était M. A______".

f. Au MP, le 19 novembre 2021, A______ a confirmé que G______ était au volant. Il était "sûr" que c'était celui-ci qui conduisait. Il ne savait pas comment G______ avait pu remettre des éléments montrant qu'il se trouvait en Allemagne lors des faits car son cousin l'avait bien visité ce jour-là et il était avec lui.

Les messages WhatsApp, c'était pour "prévenir" G______. C'était ce dernier qui lui avait envoyé les billets de train.

Il n'avait pas pu dire à la police que c'était lui [même] qui conduisait car il ne s'en rappelait pas. Il avait demandé à celle-ci une "photo", mais on n'y voyait pas le conducteur – il lui semblait que ce n'était pas lui [même].

Depuis le départ, il disait la vérité. Il ne se rappelait pas qui était dans la voiture à ce moment-là.

g. Le 6 décembre 2021, A______ a écrit au MP : "[…] La chose dont je suis sûr est que je ne conduisais par le véhicule à ce moment car entre 2016 et 2020 je travaillais pour mon café et à cette heure, respectivement 2h du matin, je devais être en train de faire la fermeture de ce dernier. De plus, il se trouve que je ne fréquente pas ce quartier et que je n'y vais jamais, aucun de mes amis n'y vit et je n'ai rien à y faire […]".

h.a. Au MP, le 18 février 2022, G______ a déclaré qu'il se trouvait en Allemagne le 17 octobre 2018 – il produisait des pièces l'attestant. Ce n'était donc pas lui qui conduisait. Il voyait les billets de train (du 15 au 22 octobre 2018) pour la première fois. Il avait voulu faire une faveur à A______, qui lui avait dit avoir été flashé, et lui rendre la pareille car quand il s'était lui-même fait flasher en Allemagne en 2016/2017, A______ s'était dénoncé à sa place – de sorte que son permis [allemand] ne lui avait pas été retiré et qu'il n'avait pas perdu son emploi.

A______ ne lui avait pas dit que c'était lui qui conduisait le véhicule le 17 octobre 2018 mais qu'il avait été flashé.

h.b. A______ a reconnu avoir "demandé cette faveur" à G______.

Il se rendait compte d'avoir dénoncé calomnieusement G______. Il avait demandé à celui-ci de se faire passer pour le conducteur. Il était responsable de ce véhicule de remplacement et avait voulu trouver une solution. C'était lui [même] qui avait "acheté" les billets de train – il ne les avait pas fabriqués.

Il n'avait pas dit à G______ s'être fait flasher mais lui avait dit avoir "reçu un radar".

Il ne savait pas qui était derrière le volant. S'il l'avait lui-même été, il l'aurait admis et se serait excusé. Il ne pouvait admettre une chose qu'il n'avait pas faite. Il lui arrivait souvent de prêter sa voiture à des amis, à des connaissances ou à des clients du café. Il ne se souvenait plus à qui il l'avait prêtée.

i. A______ a requis l'analyse de son [téléphone portable de marque] K______ pour accéder aux données de géolocalisation.

Selon le rapport de renseignements du 22 mars 2023, l'extraction du téléphone ne mettait en évidence aucune donnée à charge ou à décharge en lien avec l'excès de vitesse.

j. Au Tribunal, A______ a reconnu avoir faussement accusé son cousin. Il ne se rappelait plus à qui il avait prêté la voiture.

Par la voix de son Conseil, il s'en est rapporté à justice sur l'accusation de délit de chauffard.

C.           Procédure d'appel

a.a. Aux débats, A______ a maintenu sa position. Il avait travaillé au bistrot jusqu'à 02h00 et fait la fermeture. Il avait tout admis mais là ce n'était pas lui.

Il avait commis "pas mal" d'infractions. Il était conscient de ses erreurs. Mais il avait changé de vie et souhaitait continuer.

a.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

b. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement.

c. Les arguments des parties seront discutés ci-après.

D.           Situation personnelle du prévenu et antécédents

a. A______ est âgé de 35 ans, de nationalité turque, titulaire d'un permis B. Il a immigré en Suisse à l'âge adulte. Divorcé, il vit en concubinage avec sa compagne, F______, de nationalités allemande et américaine, et leur fille âgée de 8 ans, de nationalité allemande, toutes deux titulaires d'un permis C. Sans formation, il travaille auprès de L______ SàRL, sise à M______ [GE], comme serveur, depuis le 1er avril 2024, à mi-temps – il y travaillera à plein temps dès le 1er septembre 2024 pour un salaire mensuel brut de CHF 4'200.-. Il travaillait jusque-là sur des chantiers, comme chef d'équipe, pour un salaire mensuel brut de CHF 5'200.-, emploi qu'il a perdu. Sa compagne a ses propres revenus. Sa fille, qui a souffert de son incarcération, est suivie par un psychologue au N______ (attestation médicale). Tous trois ont entrepris une thérapie de famille.

A______ envisage d'exécuter la mesure d'expulsion le plus proche possible de sa compagne et de sa fille, peut-être en France voisine. Il a d'ores et déjà pris contact avec un potentiel employeur à O______ et entrepris des démarches pour s'y loger. Sa compagne et sa fille resteront à Genève, où la première dispose d'un poste important (manager) – elle n'entend pas le suivre à l'étranger. Le couple n'a pas pour projet de se rendre en Allemagne ou en Turquie.

Dans un courrier non daté adressé au TCO, F______ a attesté de l'étroitesse du rapport père-fille.

b. À teneur du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à six reprises entre 2013 et 2019, à des peines pécuniaires de 20 à 150 jours-amende pour, notamment, violation grave des règles de la circulation, conduite en état d'ébriété (taux d'alcool qualifié) (3x), conduite sans autorisation (2x) et infraction à la LArm.

E.            Assistance judiciaire

Me B______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, quatre heures et dix minutes d'activité de cheffe d'étude, dont l'étude du dossier (motivation du jugement du Tribunal correctionnel) (deux heures) et la rédaction de la déclaration d'appel (dix minutes), ainsi que six heures et 55 minutes d'activité de stagiaire, hors débats d'appel, lesquels ont duré 50 minutes.

L'avocate a été indemnisée pour plus de 30 heures d'activité en première instance.

EN DROIT :

1.             L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions (art. 391 al. 1 CPP).

2.             La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait (ATF 145 IV 154 consid. 1.1).

3.             3.1.1. À teneur de l'art. 90 al. 3 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR] dans sa teneur jusqu'au 30 septembre 2023, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d’une peine privative de liberté d’un à quatre ans.

L'art. 90 al. 4 let. b LCR précise que l'al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d’au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h.

Dans sa teneur à compter du 1er octobre 2023, la novelle dispose que la peine peut être réduite en présence d’une circonstance atténuante conformément à l’art. 48 CP, en particulier si l’auteur a agi en cédant à un mobile honorable (art. 90 al. 3bis LCR). De même, l’auteur peut être puni d’une peine privative de liberté de quatre ans au plus ou d’une peine pécuniaire s’il n’a pas été condamné, au cours des dix années précédant les faits, pour un crime ou un délit routier ayant gravement mis en danger la sécurité de tiers ou ayant entraîné des blessures ou la mort de tiers (art. 90 al. 3ter LCR).

La novelle est aussi applicable aux crimes commis avant la date de son entrée en vigueur si l’auteur n’est mis en jugement qu’après cette date et si elle lui est plus favorable que la loi en vigueur au moment de l’infraction (art. 2 al. 2 et 333 al. 1 CP).

Selon les recommandations de la Conférence suisse des Ministères publics (CMP) du
23 novembre 2023, relatives à la mise en œuvre du privilège du délinquant primaire au sens de l'art. 90 al. 3ter LCR, un tel privilège se conçoit pour autant qu'au cours des dix années précédant l'infraction en cause, l'auteur n'a pas été condamné pour infraction aux art. 90 al. 2 et 3, 91 al. 2 et 95 al. 1 let. a à d LCR notamment.

3.1.2. Il découle de l'art. 90 al. 4 LCR que lorsque l'excès de vitesse atteint l'un des seuils fixés, la première condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière, est toujours remplie. De même, un tel excès suffit déjà en principe à réaliser la seconde condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la création d'un danger abstrait qualifié, dès lors que l'atteinte de l'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Par ailleurs, celui qui commet un excès de vitesse appréhendé par l'art. 90 al. 4 LCR réalise en principe les conditions subjectives de l'infraction (ATF 143 IV 508 consid. 1.6 ; 142 IV 137 consid. 11.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_814/2022 du 11 octobre 2022 consid. 1.2).

3.1.3. Le conducteur d'un véhicule automobile ne saurait se voir condamner à une infraction de la LCR que s'il est établi à satisfaction de droit qu'il est bien l'auteur de cette infraction. Autrement dit, le juge ne peut prononcer une telle condamnation que s'il a acquis la conviction que c'est bien l'intéressé qui a enfreint les règles de la circulation. Lorsqu'une infraction a été dûment constatée, sans cependant que son auteur puisse être identifié, l'autorité ne saurait se borner à présumer que le véhicule était piloté par son détenteur, en faisant porter le fardeau de la preuve à ce dernier (ATF 106 IV 142 consid. 3 ; ATF 105 Ib 114 consid. 1). Ainsi, lorsque l'auteur d'une infraction constatée ne peut être identifié sur-le-champ, le juge peut certes, dans un premier temps, partir de l'idée que le détenteur du véhicule en question en était aussi le conducteur au moment critique. Mais dès lors que cette version est contestée par l'intéressé, il lui appartient d'établir sa culpabilité sur la base de l'ensemble des circonstances, sans franchir les limites de l'arbitraire. S'il arrive à la conclusion que le détenteur, malgré ses dénégations, est bien le conducteur fautif, la condamnation est fondée (ATF 106 IV 142 consid. 3). Lorsque l'accusé fait des déclarations contradictoires, il ne peut invoquer la présomption d'innocence pour contester les conclusions défavorables que le juge a, le cas échéant, tirées de ses déclarations (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1175 du 16 mai 2023 consid. 2.1 ; 6B_316/2014 du 23 juillet 2014 ; 1P.428/2003 du 8 avril 2004 consid. 4.6). 

3.2.1. En l'occurrence, l'infraction a été dûment constatée. Son auteur n'a toutefois pas été identifié.

La photo radar n'a pas été versée au dossier. Elle existe pourtant, manifestement – le prévenu soutient l'avoir consultée. Cette absence surprend et péjore d'emblée la position de l'accusation. Le résultat de l'analyse des données du téléphone du prévenu (géolocalisation) apparait en outre neutre.

Cela étant, un faisceau d'indices concordants permet de retenir raisonnablement que l'appelant était au volant du véhicule incriminé la nuit des faits :

L'appelant a menti. Il a dénoncé calomnieusement G______ comme étant l'auteur de l'infraction, avant de se rétracter et de servir une nouvelle version, évoluant ainsi dans ses déclarations.

Ce n'est que confronté aux éléments probants montrant que G______ se trouvait en Allemagne au moment des faits que l'appelant est revenu sur ses dires et a admis, finalement, avoir requis une "faveur" à ce dernier. Il avait pourtant dit – et répété – jusque-là qu'il était "sûr" que G______ était au volant, allant jusqu'à décrire le contexte (dîner chez des amis) et fournir des détails.

L'appelant perd ainsi en crédibilité.

La procédure tend à démontrer que les cousins ont cherché à s'épauler pour s'éviter des retraits de permis respectifs semble-t-il, en 2016-2017 (Allemagne) puis en lien avec les faits. À l'audience de confrontation, G______ a témoigné de ce que le prévenu avait avoué, lors de leurs échanges, s'être fait flasher le 17 octobre 2018. C'est précisément ce qu'il avait allégué précédemment à l'attention des autorités administratives (OCV + TAPI) dans ses écritures.

Confondu, adaptant son récit aux moyens de preuves qui lui étaient présentés, le prévenu a allégué, dans un deuxième temps, qu'il avait prêté sa voiture à un tiers. Cette deuxième version, tardive, apparait peu vraisemblable compte tenu de ce qui précède. À cet égard, le prévenu fait état d'amis, de connaissances et de clients susceptibles de l'avoir conduite. Mais il se garde d'avancer le moindre nom. Il ne semble pas – il ne l'allègue pas – avoir fait de recherche ou de vérification à ce sujet. En d'autres termes, tout en soutenant qu'il ne se trouvait pas au volant de la voiture au moment des faits, il se montre incapable de dire qui l'aurait prise.

L'appelant n'a pas d'alibi. Il prétend qu'il se trouvait dans son débit de boissons sans apporter le moindre élément allant dans ce sens – il s'était dit assis aux côtés du conducteur fautif, sur le siège passager, initialement.

Il était, au moment des faits, sinon le propriétaire, le détenteur du véhicule (art. 78 al. 1 OAC). C'était son permis qui avait été présenté à E______ SA lors de sa prise de possession. Il admet d'ailleurs en avoir été le "responsable". Autant d'éléments qui permettent de présumer que le véhicule était piloté par lui.

À cela s'ajoute que la route 1______, où se sont produits les faits, se situe non loin de son domicile, J______, du quartier de P______ en particulier.

Soutenir qu'il ne fréquenterait pas le lieu de l'infraction et qu'il ne s'y rendrait jamais apparait donc peu crédible – il avait déclaré connaître la vitesse prescrite à cet endroit, initialement.

Enfin, le prévenu s'en est rapporté à justice, en première instance, sur la culpabilité de ce chef, ce qui est révélateur.

En conclusion, la CPAR retient, sur la base de ces éléments convergents, que l'appelant se trouvait bien au volant du véhicule H______ immatriculé GE 2______ le 17 octobre 2018 à 00h50.

3.2.2. Dès lors que son comportement est punissable en application de l'ancien comme du nouveau droit, il y a lieu de déterminer quelle est la loi la plus favorable à l'appelant. Considéré dans son ensemble (ATF 114 IV 4) – l'importance de la peine maximale encourue joue un rôle décisif (ATF 119 IV 145 consid. 2c ;
114 IV 82 consid. b) –, le nouveau droit constitue la lex mitior puisqu'il prévoit désormais, à certaines conditions, la possibilité de prononcer une peine pécuniaire, ce qui n'était pas le cas de l'ancien droit.

En roulant à 102 km/h en localité, l'appelant a commis une violation grave qualifiée des règles de la circulation, réalisant les éléments objectifs et subjectif de l'infraction à l'art. 90 al. 3 LCR. Ces éléments ne sont au demeurant pas discutés. Les alinéas 3bis et 3ter (pas davantage plaidés) n'entrent pas en considération, en l'absence de circonstance atténuante (art. 48 CP) et compte tenu des antécédents judiciaires de l'appelant (délits routiers ayant gravement mis en danger la sécurité de tiers (art. 90 al. 2, 91 al. 2 let. a et 95 al. 1 let. a et b LCR)).

A______ sera par conséquent reconnu coupable d'infraction à l'art. 90 al. 3 LCR. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

4.             4.1. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP).

4.2. Le TCO ayant correctement tenu compte des critères de l'art. 47 CP, il peut être renvoyé à son exposé des motifs, que la CPAR fait sien (art. 82 al. 4 CPP ;
ATF 141 IV 244 consid. 1.2.3). Ces motifs ne sont d'ailleurs pas discutés – ni même abordés – par la défense, qui se contente de conclure au prononcé d'une peine d'un an inférieure à celle fixée par les premiers juges, découlant de l'acquittement qu'elle plaide pour le délit de chauffard.

Pour le surplus, la posture adoptée par le prévenu aux débats d'appel est sans particularité. Certes, celui-ci tient un discours positif, se disant conscient de ses erreurs, affichant de bonnes intentions et la volonté de se réinsérer. Mais il persiste à contester sa culpabilité en lien avec le délit de chauffard, ce qui est regrettable.

Seule une peine privative de liberté entre en considération.

Les infractions abstraitement les plus graves – d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2) – sont celles de faux dans les titres et de dénonciation calomnieuse (art. 303 ch. 1 nCP), passibles d'une peine de cinq ans au plus. L'infraction concrètement la plus grave est celle de faux dans les titres, qui doit être sanctionnée par une peine de quatre mois. Cette peine, de base, doit être augmentée dans une juste proportion (art. 49 al. 1 CP) d'un an et six mois (peine hypothétique : deux ans) pour sanctionner les lésions corporelles simples qualifiées, de neuf mois (peine hypothétique : un an) pour sanctionner la violation grave qualifiée des règles de la circulation, de neuf mois (peine hypothétique : un an) pour sanctionner le délit à la LJAr, de trois fois quatre mois (peines hypothétiques : trois fois six mois) pour sanctionner les infractions à la LArm visées sous chiffres 1.1.5.1, 1.1.5.2 et 1.1.5.4 de l'acte d'accusation, de trois mois (peine hypothétique : quatre mois) pour sanctionner l'infraction à la LArm visée sous chiffre 1.1.5.5, de deux fois 0.5 mois (peines hypothétiques : deux fois un mois) pour sanctionner les infractions à la LArm visées sous chiffres 1.1.5.3 et 1.1.5.6, de deux mois (peine hypothétique : trois mois) pour sanctionner la dénonciation calomnieuse de G______, de deux mois (peine hypothétique : trois mois) pour sanctionner la dénonciation calomnieuse de Q______, d'un mois (peine hypothétique : deux mois) pour sanctionner les menaces, de six fois 0.5 mois (peines hypothétiques : six fois un mois) pour sanctionner les (six) conduites sans autorisation, de 0.5 mois (peine hypothétique : un mois) pour sanctionner le faux dans les certificats et de 0.5 mois (peine hypothétique : un mois) pour sanctionner l'emploi d'étranger(s) sans autorisation, ce qui ramène la peine à cinq ans et cinq mois.

Compte tenu de l'interdiction de la reformatio in pejus, la peine de quatre ans et six mois fixée en première instance ne sera pas modifiée (art. 391 al. 2 CPP).

La peine pécuniaire d'ensemble prononcée après révocation du sursis, non querellée, est fondée.

5.             5.1. L'art. 66abis CP dispose que le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l’art. 66a, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l’objet d’une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64.

La durée de l'expulsion est fonction de la faute de l'auteur et du risque qu'il présente pour la sécurité publique (pronostic quant à la récidive) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_627/2018 du 22 mars 2019 consid. 1.3.4 ; L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 79 ad art. 66a et n. 9 ad art. 66abis CP).

5.2. La faute de l'appelant est objectivement très grave (cf. 2.2.1 jugement querellé). Il a agi à de réitérées reprises, sur une longue période, contre de nombreux biens juridiques protégés.

Le pronostic n'est pas favorable. Il s'agit d'une septième condamnation. Dès 2013 l'appelant s'est installé dans la délinquance et est allé crescendo, au fil des ans, dans la gravité de ses actes – ses délits étaient jusque-là sanctionnés par des peines pécuniaires. Il présente ainsi un risque certain pour la sécurité publique.

Dans ces conditions, fixer la durée de l'expulsion au bas de l'échelle – qui va de trois à quinze ans – comme l'ont fait les premiers juges apparait discutable. Certes, l'appelant peut se prévaloir d'un intérêt personnel à ne pas être éloigné de Suisse pour une longue durée, compte tenu du lien qui l'unit à sa compagne et à sa fille, le contact père-fille se voulant étroit ; et il faut prendre acte de son effort de réinsertion. Mais il n'y a pas lieu, à l'aune des critères légaux rappelés supra, d'arrêter la durée de l'expulsion au minimum légal (trois ans) pour autant.

L'expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans doit par conséquent être avalisée. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

6.             Les motifs ayant conduit le TCO à prononcer, par ordonnance séparée du 10 novembre 2023, le maintien des mesures de substitution sont toujours d'actualité, de sorte qu'elles seront reconduites mutatis mutandis.

7.             L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 al. 1 CPP).

8.             8.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès.

L'indemnité due à l'avocat et au défenseur d'office en matière pénale est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus, avocat stagiaire
CHF 110.- (let. a) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c) (art. 16 al. 1 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale [RAJ]).

Seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (art. 16 al. 2 RAJ).

8.2. Vu les principes généraux prévalant en matière d'indemnisation du défenseur d'office, ne seront pas indemnisées les heures consacrées par la cheffe d'étude à la prise de connaissance du dossier (lecture de la motivation du premier jugement) (deux heures) ainsi qu'à la rédaction de la déclaration d'appel (10 minutes), ces activités étant couvertes adéquatement par le forfait (cf. ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 du 21 novembre 2014 consid. 2.1).

8.3. La rémunération sera arrêtée à CHF 1'548.80, soit deux heures au tarif de
CHF 200.-/heure (CHF 400.-) et 7.75 heures au tarif de CHF 110.-/heure
(CHF 852.50), plus le forfait à 10% (vu l'activité déjà indemnisée) (CHF 125.25), le déplacement aux débats (CHF 55.-) ainsi que la TVA au taux de 8.1% (CHF 116.05).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 10 novembre 2023 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/13605/2020.

Le rejette.

Ordonne le maintien des mesures de substitution et dit que celles-ci doivent être imputées sur la peine, à compter du 10 novembre 2023, à hauteur de 5 % (art. 51 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'665.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 1'548.80, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant en ce qui le concerne :

"Classe la procédure à l'encontre de A______ s'agissant de la contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a al. 1 LStup et art. 329 al. 5 CPP).

Acquitte A______ d'appropriation illégitime de plaques de contrôle (art. 97 al. 1 let. g LCR).

Déclare A______ coupable de lésions corporelles simples aggravées (art. 123 ch. 2 aCP), de menaces (art. 180 al. 1 CP), d'infraction à la loi fédérale du 29 septembre 2017 sur les jeux d'argent (art. 130 al. 1 let. a LJAr), d'infraction à la loi fédérale sur les armes (art. 33 al. 1 let. a LArm), de faux dans les certificats (art. 252 CP), de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), d'emploi d'étrangers sans autorisation (art. 117 al. 1 LEI), de conduite sous retrait de permis de conduire (art 95 al. 1 let. b LCR), de violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 ch. 3 et 4 let. b LCR) et de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 4 ans et 6 mois, sous déduction de 720 jours de détention avant jugement (dont 339 jours en exécution anticipée de peine) et de 18 jours à titre d'imputation des mesures de substitution (art. 40 CP).

Déclare A______ coupable d'injure (art. 177 al. 1 CP).

Révoque le sursis octroyé le 25 septembre 2018 par le Ministère public de Genève (art. 46 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire d'ensemble de 30 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 5 ans (art. 66abis CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Renonce à ordonner le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien des mesures de substitution prolongées en dernier lieu le 6 juillet 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte (art. 231 al. 1 et 237 al. 4 CPP).

[…]

Constate que A______ acquiesce aux conclusions en réparation du tort moral de Q______ sur le principe s'agissant du chiffre 1.1.1 de l'acte d'accusation (art. 124 al. 3 CPP).

Condamne A______, R______, S______ et T______ à payer à Q______, conjointement et solidairement, un montant de CHF 4'000.- à titre de réparation du tort moral pour les lésions corporelles simples aggravées (art. 47/49 CO).

[…]

Condamne A______ à 50% des frais de la procédure, qui s'élèvent au total à CHF 4'827.00, y compris un émolument de jugement de CHF 3'000.00 (art. 426 al. 1 CPP).

[…]

Fixe à CHF 48'074.50 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP)".

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel.

 

La greffière :

Sarah RYTER

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

4'827.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'665.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

6'492.00