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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7795/2022

AARP/1/2024 du 11.12.2023 sur JTDP/902/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MESURE(DROIT PÉNAL);PORNOGRAPHIE
Normes : CP.197; LStup.19a.ch1; CP.67.al3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7795/2022 AARP/1/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 11 décembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/902/2023 rendu le 6 juillet 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 

 

 

 

 

 


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/902/2023 du 6 juillet 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de pornographie (art. 197 al. 4 et 5 du Code pénal suisse [CP]) et de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup), lui infligeant une peine pécuniaire de 80 jours-amende, à CHF 50.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), et une amende de CHF 100.-. Le premier juge lui a en outre interdit à vie l'exercice de toute activité professionnelle et de toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs. Les frais de la procédure ont été mis à la charge du condamné.

a.b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à ce que la peine soit ramenée à 30 jours-amende, d'un montant de CHF 40.- l'unité, et à ce qu'il soit renoncé à l'interdiction prononcée à vie.

b. Selon l'acte d'accusation du 5 décembre 2022, il lui était reproché ce qui suit :

- à une date indéterminée durant les vacances de Noël 2021, à Genève, A______ a pris en dépôt, pour sa propre consommation, sur l'application Telegram, deux photographies à caractère pédopornographique mettant en scène des garçons nus avec le sexe en érection. Puis, le 9 janvier 2022 à 12:07:16 CET via son compte 1______ sur l'application Snapchat, A______ les a intentionnellement mis à disposition de tierces personnes ;

- à des dates indéterminées de l'été 2021, à Genève, il a fumé des joints de haschich et / ou de marijuana.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Dès son audition par la police, A______ a admis avoir reçu et communiqué, comme décrit dans l'acte d'accusation, les clichés incriminés.

En butte, depuis le cycle, à des brimades liées à sa supposée homosexualité, il avait eu recours à l'application Snapchat pour se "chercher" en communiquant sur la sexualité avec des hommes, de son âge ou plus. Cela lui avait permis de comprendre qu'il était en effet homosexuel, étant précisé que plus tard lors de son audition, il indiquera être bisexuel. Durant l'été 2021, il avait eu des contacts, sur le site internet C______, avec un homme d'une cinquantaine d'année qui évoquait ses fantasmes pédophiles. Alors qu'il n'était lui-même pas attiré par les enfants, il avait été choqué ainsi que fasciné par ce discours, étant précisé qu'à l'époque, il consommait beaucoup d'alcool et de joints. Il était retourné à plusieurs reprises sur ce site dans l'intention d'échanger avec d'autres individus avec le même "délire" mais n'en avait pas trouvé beaucoup car il n'avait pas d'images d'enfants à montrer. À la fin de l'année, ne se sentant de nouveau pas bien, il avait posté une annonce disant qu'il cherchait des hommes mûrs et pervers. Les réponses reçues lui suggéraient de télécharger Telegram de sorte qu'il l'avait fait. Il avait ensuite reçu les deux images, qu'il avait conservées afin de pouvoir gagner la confiance d'interlocuteurs auxquels il les aurait envoyées. Il était excité à l'idée de connaître les fantasmes et interdits d'autrui. Il a, d'abord, dit qu'il ne se souvenait plus à qui il avait envoyé les photographies (B-8) avant de dire qu'il les avait communiquées à deux personnes (C-3). Deux ou trois jours s'étaient écoulés entre la réception des fichiers illicites et leur communication.

Le 10 janvier, son compte Snapchat avait été bloqué et, comprenant que cela était en lien avec les deux images, il avait supprimé l'application, de même que Telegram. Il n'était pas attiré sexuellement par les enfants, ne consommait pas de pédopornographie, étant précisé qu'il n'avait pas suivi les liens proposés sur C______ qui lui auraient permis de télécharger de telles images par centaines, et n'avait jamais produit de contenu de ce type. Ses parents avaient entrepris les démarches afin qu'il bénéficiât d'un suivi thérapeutique, avec son accord.

Tant devant la police que lors des débats de première instance, il a expliqué que, lors des faits, il ne s'était pas rendu compte de la dangerosité de ses interlocuteurs ou de ce qu'en diffusant les images litigeuses, il avait contribué au fléau. Il a encore ajouté, devant le premier juge, ne pas avoir été d'emblée choqué par les images reçues puisqu'il avait pris, au même âge, des clichés similaires de lui-même.

b.a. A______ a indiqué avoir entrepris un suivi au sein du cabinet de la Dresse D______, psychiatre à E______ [France], le 25 juin 2022, lequel était toujours en cours fin septembre 2022, mais que la thérapeute refusait de délivrer une attestation médicale détaillée, conformément aux règles de la profession en France.

b.b. Il a produit une expertise psychiatrique privée réalisée par le Dr F______, à Genève, lequel a établi un rapport du 27 février 2023. Le suivi à E______ se poursuivait, à un rythme mensuel depuis octobre 2022, ce qui avait donné lieu à sept séances.

Le prévenu a relaté à l'expert qu'il s'était interrogé sur sa sexualité dès l'âge de
10-11 ans, avait été en butte à des railleries au cycle, avait réprimé ses désirs, compris qu'ils portaient sur des hommes de son âge ou plus mûrs, avait néanmoins entretenu une longue relation avec une jeune fille et s'était senti abandonné lorsqu'elle l'avait quitté, sentiment venu s'ajouter au stress ressenti dans le cadre de ses études. Son activité sociale avait diminué et son anxiété augmenté. Il passait souvent l'été seul, ce qui favorisait une activité sur internet d'échanges autour de la sexualité, y compris une sexualité dissimulée, ou avec des hommes qu'il qualifiait de pervers. Il était d'ailleurs davantage mû par la recherche du secret chez l'autre, ce que l'expert mettait en lien avec le fait que A______ avait dû dissimuler son homosexualité.

Il s'était trouvé dans cette situation notamment en été 2021, alors qu'il avait paradoxalement achevé avec succès ses études et décroché un stage, y voyant plutôt un élément de prolongation de sa formation et de manque d'épanouissement. Sa navigation sur internet intervenait alors jusqu'à tard dans la nuit sous l'effet de l'alcool et du cannabis. Deux rencontres sur internet l'avaient particulièrement marqué, la première avec un pédophile (un unique contact auquel il n'avait pas donné suite et qui avait généré un choc), la seconde avec un homme de plus de cinquante ans. C'était afin d'échanger avec lui qu'il avait recherché les deux photographies reçues précédemment et les avait enregistrées sur son ordinateur. Suite au blocage de son compte, il avait effectué des recherches et compris les risques qu'il encourrait, de sorte qu'il avait vécu dans l'angoisse d'une intervention des autorités. Il s'était également interrogé sur son attirance et avait compris qu'il n'en éprouvait pas pour les enfants.

De manière inattendue, ses parents avaient fait preuve de compréhension en découvrant son homosexualité et s'étaient montrés soutenants. Désormais, il ne consommait que rarement du cannabis, ne buvait que le week-end, faisait du sport, avait fait son coming out et était retourné à E______ où il effectuait un stage. En juillet 2022, il avait initié une relation, en l'état "ouverte", avec une jeune fille, qui connaissait son orientation bisexuelle. Il se disait épanoui, mais inquiet de la procédure.

A______ affirmait avoir compris que la pédopornographie était grave. Contrairement à ce qu'il avait déclaré dans la procédure, il lui était arrivé d'avoir communiqué des photos de lui-même, à l'âge de 14 ans, dans l'idée de lutter contre un excès de pudeur. Cela lui avait plu. Il ne le faisait plus, notamment pas dans le contexte de sa navigation sur des sites gays.

Les deux entretiens n'avaient pas mis en évidence de trouble mental limitant, en particulier pas de nature pédophile. Le patient présentait toutefois un trouble de l'usage d'alcool et de cannabis, de sorte qu'un sevrage serait bénéfique. Un doute subsistait quant à son état au moment des faits, de sorte qu'il était impossible de déterminer sa capacité de discernement a posteriori, l'expert relevant qu'elle avait pu être réduite ou émoussée en cas de consommation des produits précités.

A______ manifestait des remords par rapport à ses actes, mais également un sentiment de pas avoir cerné toute la mesure de l'utilisation des deux photographies soulignant qu'il aurait les pu prendre de lui-même à l'âge de 14 ans. Les éléments communs à ses contacts sur internet étaient davantage liés au "secret grave ou très confidentiel" qu'à la pédophilie elle-même. Il restait néanmoins une certaine confusion entre ce qui lui était reproché sur le plan de la pédopornographie et son homosexualité, expliquée par le patient sur le mode d'une excitation par les secrets, sans évoquer spécifiquement une orientation sexuelle en tant que telle ou un comportement strictement pédophile.

c. G______, mère du prévenu, a déclaré que son fils était une personne très sensible, discrète et loyale. Il avait toujours été déterminé et avait brillamment réussi ses études de design. Lorsqu'il avait été convoqué par la police, elle avait senti qu'il s'était effondré. Il n'était pas quelqu'un de déviant. Ils en avaient parlé en famille. Ils avaient tout mis en œuvre pour l'accompagner et qu'il ne se sente pas jugé. Cela avait énormément soulagé son fils qui s'était complètement ouvert, détendu et senti en confiance. Ses relations avec ses parents s'étaient assainies et il éprouvait du plaisir à retrouver son noyau familial lors de leurs visites à E______.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du Code de procédure pénale [CPP]).

b.a. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions et requiert une indemnité de CHF 2'312.-, TVA incluse, au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

Sa faute devait être relativisée. Il n'avait pas activement cherché l'obtention des deux clichés litigieux et ne les avait conservés que deux ou trois jours avant de les transmettre à un seul individu. Les images revêtaient certes un caractère sexuel, mais les adolescents représentés, dont il n'était pas établi qu'ils n'avaient pas atteint la majorité sexuelle, s'étaient mis en scène volontairement, sans qu'il ne s'agît d'actes d'ordre sexuel effectifs. Le fait qu'il avait, durant sa propre adolescence, pris des clichés similaires expliquait qu'il avait pu banaliser ce comportement, sans oublier que les réseaux sociaux avaient joué un rôle de catalyseur. Son mobile n'était pas égoïste ; il avait agi pour se libérer du fardeau de son orientation sexuelle inavouée en devenant le confident de tiers dans une situation similaire. Les faits s'inscrivaient dans une période compliquée pour lui, étant rappelé qu'il avait agi sous l'emprise de l'alcool et du cannabis, ce qui avait pu, selon l'expertise, réduire sa capacité de discernement. Dès la fermeture de son compte, il avait pris la mesure de la gravité de son comportement et attendu sa convocation dans un état de grande souffrance. Sa collaboration avait été complète. Il avait entrepris un suivi thérapeutique, et les professionnels consultés avaient relevé une prise de conscience aboutie et sincère. Il ne consommait plus d'alcool et poursuivait sa carrière professionnelle avec l'appui de sa famille.

Au vu de ces éléments, la peine prononcée était trop sévère, ce d'autant que le Tribunal fédéral avait confirmé la peine de 90 jours-amende (recte : 150 jours) d'un individu dont les agissements étaient bien plus graves que les faits d'espèce (ndlr : l'appelant a manifestement confondu l'état de fait prévalant dans l'ATF 149 IV 161 ayant conduit au prononcé d'une peine de 150 jours-amende, confirmée par le Tribunal fédéral, avec la peine de 90 jours-amende avec sursis, non revue par notre Haute Cour, dans l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023). La mesure d'interdiction à vie, qui n'avait pas été préconisée par un expert, ne se justifiait pas et était disproportionnée. Le cas était de peu de gravité, et le risque de récidive nul au vu de la prise de conscience et des remords évoqués.

b.b. L'appelant produit un relevé de l'activité de son avocat du 2 août au 18 octobre 2023, soit six heures et huit minutes au tarif horaire de CHF 350.-, TVA en sus, dont des contacts entre son père et le collaborateur en charge du cas (une heure au total).

c. Dans sa réponse, le MP conclut au rejet de l'appel, sous suite de frais, renvoyant intégralement à la motivation du premier jugement qu'il fait sienne.

D. A______, ressortissant suisse, est né le ______ 1997, à Genève.

Célibataire et sans enfant, il travaille en qualité d'entrepreneur indépendant dans le domaine du design à E______ et perçoit un salaire mensuel brut variable, mais de EUR 2'300.- en moyenne. Il s'acquitte d'un loyer de EUR 700.- et n'a pas d'assurance maladie complémentaire

A______ a expliqué, lors des débats de première instance, qu'il avait cessé de consommer de l'alcool et du cannabis depuis trois mois et qu'il avait mis fin à son suivi psychiatrique dont il ne ressentait plus la nécessité.

Il n'a pas d'antécédent.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

2.1.2. La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

2.2.1. Il est établi et non contesté que l'appelant, en prenant en dépôt et en envoyant deux photographies à caractère pédopornographique à deux tiers, s'est rendu coupable de pornographie au sens de l'art. 197 al. 4 et al. 5 CP.

2.2.2. Sa culpabilité n'est pas anodine. Il a stocké et transmis à deux tiers, dont il connaissait l'attirance pour de jeunes garçons, deux photographies d'adolescents avec le sexe en érection, soit un contenu propre à générer l'excitation sexuelle chez ses interlocuteurs. Ce faisant, il a participé à l'exploitation à des fins sexuelles de mineurs et a contribué, à une plus large échelle, au fléau des réseaux pédophiles contre lequel les autorités pénales s'échinent à lutter.

À cet égard, il n'apparaît pas convaincant qu'il ne réalisât pas, sur le moment, l'implication de ses actes, en termes d'alimentation du réseau d'images pédophiles, puisqu'il dit avoir développé une importante curiosité pour la perversion des tiers avec lesquels il échangeait et avoir cherché à utiliser le matériel illicite afin d'appâter de tels internautes. Cela étant, il n'est pas impossible qu'il banalisât, quoique fautivement, le caractère pornographique des clichés reçus dans la mesure où il avait, à l'en croire, envoyé des images similaires de lui-même à 14 ans.

2.2.3. Quoi qu'il en dise, ses mobiles sont égoïstes. Il a agi par convenance personnelle, à la recherche de sensations fortes et pour satisfaire une curiosité malsaine ainsi que ses pulsions sexuelles.

2.2.4. Sa situation personnelle, plutôt bonne au moment des faits, n'explique pas ses agissements. Certes, il traversait, à le suivre, une période compliquée de questionnement identitaire et peinait à saisir sa propre orientation sexuelle. Cela ne justifie toutefois pas son comportement, d'autant moins qu'aucun trouble dépressif n'a pu être objectivé par après et qu'il lui appartenait de requérir l'aide nécessaire en lieu et place de commettre les actes incriminés.

2.2.5. Contrairement à ce que plaide l'appelant, il n'est pas établi que la supposée consommation d'alcool et/ou de stupéfiants de celui-ci amenuisât sa capacité de discernement, l'expert privé n'ayant fait qu'évoquer une telle hypothèse tout en s'affirmant incapable de déterminer a posteriori l'état du patient au moment des faits.

Il doit donc être retenu que la responsabilité de l'appelant était pleine et entière, faute d'élément indiquant le contraire.

2.2.6. L'appelant n'a pas d'antécédent, ce qui a un effet neutre sur la peine.

2.2.7. Sa collaboration a été bonne puisqu'il a reconnu les faits dès sa première audition à la police et s'est montré constant.

2.2.8. Sa prise de conscience a débuté lorsqu'il a été convoqué à la police. Elle s'est poursuivie par la mise en place sur une base volontaire d'une thérapie individuelle au cours de laquelle il a évoqué des remords. Si l'appelant semble avoir effectué un travail sur lui-même depuis les faits, dans la mesure où il semble mieux s'accepter, on ne saurait retenir, contrairement à l'avis de la défense, qu'il a complètement saisi la gravité de ses agissements puisqu'il persiste, et cela à nouveau dans son mémoire d'appel, à se retrancher derrière de faux prétextes, notamment sa recherche de secrets inavouables pour se soulager du poids du fardeau de sa propre orientation sexuelle.

2.2.9. Au vu de ce qui précède, la peine prononcée en première instance n'apparaît pas excessivement sévère et sera confirmée. Le montant du jour-amende sera toutefois réduit à CHF 30.- pour tenir compte de la situation financière du prévenu.

2.2.10. La comparaison de l'appelant entre la sanction prononcée et celle qui a été confirmée par le Tribunal fédéral dans l'arrêt cité supra (cf. b.a.) ne lui est d'aucun secours. La Cour dispose d'un large pouvoir d'appréciation en matière de fixation de la peine et n'est pas liée par le raisonnement d'autres tribunaux supérieurs cantonaux lesquels bénéficient de la même latitude de jugement. Pour le surplus, la peine in casu est en réalité près de deux fois moins sévère que celle qu'il évoque et est assortie du sursis, ce qui démontre que les faits n'ont pas été placés sur le même plan.

2.2.11. Ainsi, l'appel est très partiellement admis sur la question du montant du jour-amende et rejeté pour le surplus. Le jugement entrepris sera reformé en ce sens.

2.2.12. Le principe du sursis, dont le délai d'épreuve fixé par le TP est d'une durée adéquate, est acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP).

2.2.13. L'amende de CHF 100.-, quotité appropriée et non contestée, sera également confirmée.

3. 3.1.1. S'il a été prononcé contre l'auteur une peine ou une mesure prévue aux art. 59 à 60, 63 ou 64 CP, notamment pour pornographie, le juge lui interdit à vie l'exercice de toute activité professionnelle et de toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 let. d ch. 2 CP).

3.1.2. L'art. 67 al. 4bis CP permet au juge de renoncer exceptionnellement à une telle sanction dans les cas de très peu de gravité (1), si une telle mesure ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette même mesure (2), s'il n'a pas commis l'une des infractions listées à l'art. 67 al. 4bis let. a CP (3) et qu'il ne souffre pas d'un trouble pédophile (4). Lorsque ces quatre conditions sont remplies, le juge pénal doit renoncer à l'interdiction (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.7. et arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.3).

La notion "exceptionnellement" appelle une interprétation restrictive de la disposition et implique qu'elle ne s'applique que pour certaines infractions, l'interdiction à vie étant la règle (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.1 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2).

La clause d'exception doit permettre d'éviter que le principe de proportionnalité ne soit violé de manière choquante, dans des cas de très peu de gravité où l'auteur n'est pas pédophile et ne risque pas de commettre à nouveau l'une des infractions sexuelles visées (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.1 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2).

3.1.3. Le CP ne définit pas la notion de "cas de très peu de gravité". Seuls les cas objectivement et subjectivement mineurs seront concernés par la renonciation. Peuvent par exemple être considérées comme infractions sexuelles de très peu de gravité, du fait de la légèreté de la peine abstraite qui leur est attachée, les désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP) ou l'exhibitionnisme (art. 194 CP). D'autres infractions sexuelles exposant leur auteur à des peines plus lourdes pourront aussi, dans certains cas, être considérées comme étant de très peu de gravité (actes d'ordre sexuel avec des enfants, art. 187 CP), notamment lorsque le juge relativise fortement la culpabilité de l'auteur et prononce une peine légère à la suite d'une appréciation globale de l'infraction commise et de la situation de l'auteur (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.3 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.1 ; FF 2016 5948, ch. 2.1).

Pour déterminer s'il existe un cas de très peu de gravité, il faut tenir compte, d'une part, de la gravité inhérente de l'infraction fondant la potentielle interdiction d'activité à vie et, d'autre part, de la culpabilité et des circonstances personnelles de l'auteur eu égard à l'infraction commise (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.4 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2.1).

3.1.4. Une interdiction ne paraît pas nécessaire si un pronostic suggère que rien ne permet de craindre une récidive. Comme pour le sursis à l'exécution de la peine (art. 42 al. 1 CP), la question de l'utilité ou non d'une interdiction quant au risque de récidive doit être tranchée par le juge sur la base d'une appréciation globale. Tous les éléments exploitables par les techniques de pronostic doivent être pris en compte. Outre les circonstances de l'infraction, on considérera les antécédents et la réputation de l'auteur, ainsi que tous les éléments pouvant fournir des indications fiables sur son caractère et sur le succès d'une mise à l'épreuve. L'évaluation du risque de récidive doit comprendre un examen aussi complet que possible de la personnalité de l'auteur (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.5. et arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2.2 ; FF 2016 5948, ch. 2.1).

3.1.5. Le Message mentionne plusieurs exemples de cas d'application de l'exception à l'interdiction, lesquels ont été repris par notre Haute Cour, soit, en particulier :

- une personne de 20 ans qui a des contacts sexuels consentis, comme un baiser lingual, avec une autre de 15 ans, dans le cadre d'une relation amoureuse ;

- une buraliste qui vend une revue pour adultes à un mineur ;

- une épouse, qui, sans protester, se laisse caresser par son conjoint de manière lascive et ostensible devant leur nourrice âgée de moins de 16 ans ;

- un groupe de jeunes de 15 ans à plus de 18 ans, qui partagent sur un groupe WhatsApp et/ou conservent une vidéo à caractère pornographique filmée par des participants à ce groupe de moins de 16 ans (la clause d’exception, dans un tel cas, permettrait au juge de ne pas avoir à condamner à une interdiction à vie les jeunes personnes majeures) (ATF 149 IV 161 2.5.6. et arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2.3 ; FF 2016 5949 s. ch. 2.1).

3.1.6. Le Tribunal fédéral a notamment considéré que les affaires suivantes, en matière de pornographie, ne répondaient pas à la définition de "cas de très peu de gravité" au sens de l'art. 67 al. 4bis CP :

- un homme de 35 ans qui avait téléchargé 236 images et six films à contenu pornographique, y compris des actes d'ordre effectifs (culpabilité jugée d'importance), est reconnu coupable de pornographie (art. 197 al. 5 CP) et condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende avec sursis et à une amende de CHF 2'000.- (arrêt du Tribunal fédéral 7B_143/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.6) ;

- un homme qui avait téléchargé et détenu plus de 150 images à caractère pornographique dont 136 fichiers représentant des actes d'ordre effectifs, parfois violents, sur des enfants, et 13 actes sexuels avec des animaux (culpabilité jugée de eher leicht), reconnu coupable de la même infraction et condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende (ATF 149 IV 161 consid. 2.6.1).

3.1.7. Dans un arrêt AARP/323/2023 du 28 août dernier, la Cour de céans a renoncé à prononcer l'interdiction à vie d'un père qui avait diffusé à quatre hommes de sa famille via son compte Facebook une vidéo à caractère pédopornographique, mettant en scène des actes d'ordre sexuel effectifs avec des mineurs (une fellation et une relation sexuelle entre deux garçons et une fille mineurs), au motif que la mesure serait disproportionnée. Il a été retenu que le condamné avait agi, à une seule et unique reprise, par légèreté, sans mesurer réellement les conséquences de ses actes, qu'il n'avait pas d'antécédent, que sa peine concrète était moindre en comparaison avec la peine menace, qu'il avait été mis au bénéfice du sursis et qu'il avait compris, à tout le moins partiellement, sa faute en dépit du fait qu'il avait cherché à se disculper.

3.2.1. Il n'est pas contesté que l'appelant a été reconnu coupable d'une infraction figurant dans la liste de celles qui entrainent en principe l'interdiction à vie d'exercer une activité avec des mineurs (art. 67 al. 3 CP).

3.2.2. Cela étant, dans la mesure où la pornographie n'entre pas dans la liste des infractions exclues de la clause d'exception et qu'aucun élément du dossier ne permet de retenir un diagnostic de pédophilie, la renonciation à l'interdiction d'exception n'est pas d'emblée exclue (art. 67 al. 4bis let. a et b CP).

3.2.3. La réalisation de l'infraction de pornographie n'est pas en soi légère, et la culpabilité de l'appelant n'est, comme évoqué supra, pas anodine (cf. consid. 2.2.2).

La faute de l'appelant doit néanmoins être relativisée ainsi que cela se reflète d'ailleurs dans la peine prononcée, dont la quotité (80 jours-amende) demeure très en deçà de la peine menace.

L'appelant a réalisé deux occurrences au cours d'une période pénale courte. Aucun élément ne permet de penser qu'il a agi à d'autres reprises et autrement qu'en banalisant, quoique fautivement, le caractère pornographique des fichiers illicites, ce qui laisse penser que son comportement relève en réalité d'une erreur isolée, voire d'un manque de maturité.

3.2.4. Il n'a aucun antécédent, et le pronostic favorable a conduit à l'octroi du sursis. Il a entrepris de son plein gré un suivi psychologique et semble, à tout le moins en partie, avoir compris sa faute et a reconnu la gravité des faits reprochés quand bien même sa prise de conscience n'apparaît pas encore complète.

Il n'y a ainsi pas de raison de redouter une récidive, pas plus qu'un passage à l'acte, ce que sert, par nature, à parer l'interdiction à vie. Plaide encore en ce sens le fait que les infractions ont été commises alors qu'il traversait une période de questionnement sur son orientation sexuelle et "se cherchait", alors qu'il semble désormais mieux s'accepter et assume son orientation sexuelle auprès de sa famille et de sa compagne. Le passage à vide, qu'il dit avoir été la cause de son dérapage, paraît donc révolu.

3.2.5. Compte tenu de l'effet escompté de la procédure pénale sur le prévenu, de la peine prononcée ainsi que la période de sursis faisant office de garde-fou, le faible risque de récidive et la prise de conscience, à tout le moins partielle, le prononcé d'une interdiction à vie apparaît disproportionné en l'espèce, et il y sera renoncé.

L'appel sera admis sur ce point et le jugement querellé reformé en ce sens.

4. 4.1. L'appelant obtenant partiellement gain de cause, il supportera 50% des frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-, et le solde sera laissé à charge de l'État.

4.2. Vu la confirmation du verdict de culpabilité, les frais de la procédure de première instance ne seront toutefois pas revus, à l'exception de l'émolument complémentaire qui sera laissé à la charge de l'État dans une proportion identique à celle appliquée pour les frais relatifs à la procédure d'appel (50%).

5. 5.1. Si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses (art. 436 al. 2 CPP).

5.2. L'autorité pénale doit examiner, tout d'abord, si l'assistance d'un conseil était nécessaire, puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire, et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conformes au tarif pratiqué à Genève, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

5.3.1. Au vu ce que prévaut s'agissant des frais, l'appelant peut prétendre à l'indemnisation de 50% de ses frais de défense pour la procédure d'appel.

5.3.2. La note d'honoraires produite satisfait globalement les principes prévalant en matière d'indemnisation du prévenu, à l'exception des contacts entre le défenseur et le père du mandant qui n'ont pas directement trait à la défense de ce dernier.

5.3.3. Une indemnité de CHF 966.90 sera donc allouée à l'appelant, soit 50% (5,13 heures au tarif de CHF 350.-/heure [CHF 1'795.50] plus l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% [CHF 138.30)]).

5.4. L'indemnité sera compensée, à due concurrence, avec les frais mis à la charge de l'appelant (art. 442 al. 4 CPP ; ATF 143 IV 293 consid. 1).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/902/2023 rendu le 6 juillet 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/7795/2022.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de pornographie (art. 197 al. 4 et 5 CP) et de contravention à la LStup (art. 19a ch. 1 LStup).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 80 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ de ce que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP et 19a ch. 1 LStup).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à interdire à vie A______ l'exercice de toute activité professionnelle et de toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 CP).

Prend acte de ce que le Tribunal de police a arrêté les frais de procédure préliminaire et de procédure de première instance à CHF 1'605.-, y compris un émolument complémentaire de CHF 600.-, et condamne A______ au paiement de ces frais, tout en laissant à la charge de l'État 50% dudit émolument complémentaire.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'315.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'200.- et condamne A______ à 50% de ces frais.

Alloue à A______ une indemnité de CHF 966.90, TVA comprise, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure au cours de la procédure d'appel.

Compense à due concurrence la créance de l'État portant sur les frais de la procédure avec l'indemnité précitée.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'605.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'315.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'920.00