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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/17781/2021

AARP/323/2023 du 28.08.2023 sur JTDP/49/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : CP.197
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17781/2021 AARP/323/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 28 août 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant en personne,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/49/2023 rendu le 17 janvier 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 17 janvier 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de pornographie (art. 197 al. 4, 2ème phrase du code pénal suisse [CP]), l'a condamné à une peine pécuniaire de
30 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis, délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 180.- à titre de sanction immédiate avec une peine privative de liberté de substitution d'un jour, a ordonné l'interdiction à vie à A______ d'exercer une activité professionnelle ou non professionnelle impliquant des contacts réguliers avec des mineurs et a renoncé à prononcer son expulsion de Suisse, frais de la procédure de CHF 1'274.- à sa charge, émolument complémentaire compris.

A______ entreprend intégralement ce jugement et conclut à son acquittement.

b. Selon l'acte d'accusation du 7 mars 2022, il est reproché à A______ d'avoir, le 3 juin 2020 à 20h01, depuis son domicile à B______ [GE], diffusé à des membres de sa famille, soit son frère domicilié à Genève et à trois cousins domiciliés en France, au moyen de son téléphone portable, via son compte Facebook "A______" et l'application Messenger, une vidéo à caractère pédopornographique, mettant en scène des actes d'ordre sexuel effectifs avec des mineurs, à savoir une fellation et une relation sexuelle entre deux garçons et une fille mineurs.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Le 13 juin 2020, le National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC) a informé l'Office fédéral de la police (FEDPOL) que l'utilisateur des adresses de messagerie électronique "A______@______.______.com" et "A______@______.ch", ainsi que du compte Facebook "A______", correspondant au raccordement +41 1______, identifié par la suite comme étant celui de A______, né le ______ 1978, domicilié chemin 2______ no. ______, à B______, était fortement soupçonné d'avoir distribué de la pornographie mettant en scène des actes sexuels effectifs impliquant des enfants, par le biais de son adresse IP provider G______ [opérateur téléphonique], pour avoir partagé, via Facebook, le 3 juin 2020 à 20h01, une vidéo pédopornographique, mettant en scène trois mineurs de type africain, deux garçons et une fille, entretenant une relation sexuelle, soit une pénétration du vagin de la fille par l'un des garçons pendant que celle-ci pratiquait une fellation au second, faits ensuite dénoncés par FEDPOL aux autorités pénales genevoises.

Cette vidéo, annexée au rapport, avait été transmise par A______ depuis son compte Facebook, via l'application Messenger, à quatre autres utilisateurs, enregistrés comme étant C______, né le ______ 1982, D______, né le ______ 1951, E______, né le ______ 1980, et F______, né le ______ 1926.

a.b. L'analyse du téléphone portable de A______, effectuée par la police avec son accord, n'a apporté aucun élément probant.

b. Au cours de la procédure préliminaire, A______, qui a confirmé être le seul utilisateur du compte Facebook litigieux, ainsi que des adresses de messagerie et du raccordement téléphonique concernés, a été très surpris des faits qui lui étaient reprochés. Il n'avait pas transmis la vidéo dénoncée, qu'il n'avait jamais visionnée
– à défaut, elle aurait retenu son attention – et il n'en avait aucun souvenir, l'ayant peut être transférée sans le vouloir. Hormis des vidéos pour adultes légales, il n'avait jamais reçu d'images interdites, ce à quoi il était très attentif en tant que père de famille. Au Ministère public (MP), il a précisé avoir envoyé cette vidéo, qu'il avait trouvée choquante, par mégarde. Il voulait dénoncer les pratiques effectuées en Afrique, éducation qu'il inculquait à ses enfants, à savoir faire attention et toujours dénoncer un comportement d'apparence illicite. Il ne l'avait pas visionnée intégralement et ne se rappelait pas de l'entier de son contenu. Les protagonistes étaient des enfants mineurs. Il avait uniquement transmis les images à son frère, domicilié à Genève, et à trois de ses cousins, en France. Il était de bonne foi et s'excusait de son comportement. Il a admis par-devant le TP les faits reprochés, confirmant avoir transmis les images choquantes à des membres de sa famille à des fins de dénonciation uniquement. Il était sensible, en tant que père de famille, à la maltraitance des enfants et avait simplement voulu montrer le genre d'images qu'il avait reçu. Il effacerait désormais ce type de contenu.

C. a. En audience d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Il avait été surpris de sa convocation à la police dès lors qu'il n'avait transmis la vidéo en question qu'aux membres de sa famille les plus proches, sans aucun commentaire, et non à ses nombreux contacts sur Facebook, dans le but de dénoncer les actes illicites commis chez lui, en Afrique. Aucune femme de son cercle familial n'avait reçu cette vidéo, pas même ses deux sœurs, qui résidaient au Cameroun, du fait qu'elles ne disposaient pas de compte sur ce réseau social. Il avait remarqué qu'il s'agissait de pédopornographie mais il ne s'était pas posé de question, ayant réalisé son erreur uniquement lorsqu'il avait reçu la convocation de la police ou plus précisément lorsque les policiers lui avaient montré la vidéo litigieuse, dont il n'avait alors aucun souvenir. Il avait transmis celle-ci par mégarde, inconscient du caractère illicite de ses actes. Il avait discuté de son contenu avec ses proches par téléphone et tous étaient arrivés à la conclusion que "les gens faisaient n'importe quoi".

Il considérait avoir été traité comme un pédo-criminel, alors que les agissements de telles personnes étaient contraires à ses valeurs. Il avait été de bonne foi, honnête et coopératif, autorisant même l'analyse de son téléphone portable, n'ayant rien à se reprocher. Étant sans antécédent, il avait été choqué du jugement de première instance, notamment en ce qui concernait l'interdiction prononcée qui "bousillait" sa vie et portait atteinte à son avenir personnel, voire professionnel, dès lors que cette mesure l'empêchait d'accéder à certains postes en particulier. Il acceptait tout éventuel avertissement mais sollicitait la clémence afin qu'il puisse continuer à évoluer normalement au sein de la société.

b. Le MP conclut au rejet de l'appel, faisant sien le raisonnement du premier juge.

D. A______, originaire du Cameroun et ressortissant français, né
le ______ 1978, est arrivé en Suisse en 1998 pour faire des études de psychologie, avant de s'y installer définitivement en 2004 et d'obtenir un permis d'établissement.
Il est divorcé et père de deux enfants à charge, nés les ______ 2007 et ______ 2009, qui vivent avec lui, dès lors qu'il en a la garde et l'autorité parentale. Il est au bénéfice de prestations de l'Hospice général d'environ CHF 2'700.-, auxquels s'ajoutent CHF 600.- d'allocations familiales. Il s'acquitte d'un loyer mensuel de
CHF 1'534.- et ses primes d'assurance-maladie sont prises en charge par l'Hospice général. Il n'a pas de fortune et des dettes d'environ CHF 80'000.-, liées à son divorce ainsi qu'à des arriérés d'impôts.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent. Il indique n'avoir aucune condamnation à l'étranger.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. La présomption d'innocence, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, sont garantis par les art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 CPP. Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence est violée si le juge du fond se déclare convaincu de faits défavorables à l'accusé sur lesquels, compte tenu des éléments de preuve qui lui sont soumis, il aurait au contraire dû, objectivement, éprouver des doutes (ATF 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a).

L'appréciation des preuves implique donc une appréciation d'ensemble. Le juge doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Le fait que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit insuffisant ne doit ainsi pas conduire systématiquement à un acquittement. La libre appréciation des preuves implique que l'état de fait retenu pour construire la solution doit être déduit des divers éléments et indices, qui doivent être examinés et évalués dans leur ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1169/2017 du 15 juin 2018 consid. 1.1 et 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.1).

2.2. Aux termes de l'art. 197 al. 4 CP, est punissable quiconque fabrique, importe, prend en dépôt, met en circulation, promeut, expose, offre, montre, rend accessible, met à disposition, acquiert, obtient par voie électronique ou d'une autre manière ou possède des écrits, des enregistrements sonores ou visuels, des images, d'autres objets ou des représentations pornographiques ayant notamment comme contenu des actes d'ordre sexuel non effectifs (1ère phrase) ou effectifs (2ème phrase) avec des mineurs.

Sur le plan subjectif, il est nécessaire que l'auteur agisse intentionnellement. L'intention doit notamment porter sur le caractère pornographique de l'objet ou de la représentation en question. En ce qui concerne la pornographie dure, la jurisprudence n'exige pas de l'auteur un dessein de la transmettre à autrui. Il suffit que l'auteur accomplisse un des comportements typiques prévu par la loi, même s'il n'agit qu'en vue de son usage personnel. Le dol éventuel suffit (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, N39-41 ad art. 197 et les références citées).

2.3. L'appelant, qui ne le conteste matériellement pas, a bien commis, sur le plan objectif et subjectif, les faits énoncés dans l'acte d'accusation, constitutifs d'infraction à l'art. 197 al. 4 CP.

Il est en effet établi à teneur des éléments matériels au dossier, en particulier du rapport NCMEC et de la vidéo litigieuse, ainsi que des déclarations de l'appelant, que le 3 juin 2020 à 20h01, il a distribué et mis à la disposition de quatre membres de sa famille, par le biais de l'application Messenger de son compte Facebook, dont il a reconnu être le seul utilisateur, une vidéo montrant deux garçons et une fille mineurs, s'adonnant à des pratiques sexuelles effectives, images sans conteste de nature pédopornographique.

Du point de vue subjectif, l'appelant a agi de manière intentionnelle dès lors qu'il a reconnu avoir été choqué par le contenu de ces images impliquant des mineurs, concédant ainsi en avoir pris connaissance. Il a prétendu avoir diffusé la vidéo dans le but de dénoncer ces pratiques, élément qui traduit indéniablement une conscience du caractère illicite de son contenu. Cette thèse ne convainc toutefois pas au vu de ses explications contradictoires et édulcorées durant la procédure, lors de laquelle il a d'abord affirmé n'avoir pas visionné cette vidéo, dont il n'avait aucun souvenir, puis soutenu l'avoir transmise par inadvertance, pourtant à quatre personnes, alors même que celle-ci l'avait choqué, pour enfin reconnaitre les faits et prétendre n'avoir agi qu'à des fins de dénonciation, sans appréhender l'illicéité de ses actes. Or, on peine à comprendre en quoi ses agissements, consistant en la communication d'une vidéo pédopornographique, qui plus est sans aucun commentaire, comme il l'a admis en appel, contribueraient à dénoncer la maltraitance infantile, et l'exploitation des enfants à des fins sexuelles, en particulier en Afrique, d'autant plus en l'adressant à des destinataires masculins, membres de sa famille, ses explications à ce propos étant peu convaincantes. Son statut de père d'enfants mineurs à charge est insuffisant pour retenir sa version des faits compte tenu de ses déclarations fluctuantes, qui ébranlent la crédibilité de ses propos. Au contraire, en transférant la vidéo litigieuse à plusieurs proches, l'appelant a contribué à favoriser la circulation de matériel pédopornographique.

Il sera ainsi retenu que l'appelant a transféré la vidéo litigieuse en toute connaissance de cause, très certainement par curiosité malsaine, naïveté de la portée de son comportement, et non pas dans l'unique but de dénoncer des pratiques illégales. Il ne pouvait qu'avoir conscience du caractère illicite de ses agissements, à tout le moins par dol éventuel, étant relevé qu'il a reconnu en appel ne pas s'être posé de question lors dudit transfert, tout comme de l'aspect pédopornographique de la vidéo, qu'il a admis.

Partant, l'infraction à l'art. 197 al. 4 CP est consommée et l'appel rejeté sur ce point.

3. 3.1.1. L'infraction à l'art. 197 al. 4, 2ème phrase CP est passible d'une peine privative de liberté de cinq ans ou d'une peine pécuniaire.

3.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 ; 134 IV 17 consid. 2.1 et
129 IV 6 consid. 6.1).

3.2.2. Selon l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de
CHF 3'000.- au plus. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

3.2.3. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Si le juge suspend totalement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

3.2.4. Le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende selon l'art. 106 CP (art. 42 al. 4 CP). L'amende immédiate se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2 ; 134 IV 60 consid. 7.3.2).

Il résulte de la place de l'art. 42 al. 4 CP dans la loi que la peine privative de liberté ou la peine pécuniaire assorties du sursis a un poids primordial et que l'amende sans sursis qui vient s'ajouter ne revêt qu'un rôle secondaire (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2). Elle ne doit pas conduire à une aggravation de la peine ou au prononcé d'une peine additionnelle. Ainsi, pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20%, de la peine principale. Des exceptions sont cependant possibles en cas de peines de faible importance, pour éviter que la peine cumulée n'ait qu'une portée symbolique (ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4).

Il convient de fixer une peine privative de liberté de substitution pour le cas où, de manière fautive, l'opposant ne paie pas l'amende (art. 106 al. 2 CP). Il y a cependant ceci de particulier que lorsqu'une telle peine doit être fixée pour une amende additionnelle au sens de l'art. 42 al. 4 CP, le juge a déjà fixé le montant du jour-amende pour la peine pécuniaire assortie du sursis, partant la capacité économique de l'auteur. Il apparaît donc adéquat d'utiliser le montant du jour-amende comme taux de conversion et de diviser l'amende additionnelle par ce montant (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_903/2015 du 21 septembre 2016 consid. 1.2).

3.3.1. La faute de l'appelant n'est pas anodine. Il a diffusé, certes à une seule occasion mais à quatre personnes différentes, une vidéo à caractère pédopornographique depuis son compte Facebook, participant ainsi à la propagation d'images illégales ayant pour contenu des actes d'ordre sexuel effectifs entre mineurs. Il ne pouvait ignorer qu'au-delà de ce qui était filmé, les mineurs visibles sur la vidéo étaient atteints dans leur intégrité sexuelle et qu'en procédant de la sorte, il favorisait indirectement la commission de comportements visant à les exploiter à des fins de satisfaction de pulsions sexuelles.

Le mobile de l'appelant réside de manière générale en un mépris désinvolte des lois et interdits en vigueur. Il a agi de manière égoïste, dès lors qu'il a manifestement été mû par le souhait de partager avec autrui une curiosité malsaine, en dépit du malaise qu'il dit avoir ressenti lors du visionnement de ces images.

Sa collaboration a été imparfaite. Ses déclarations ont en effet été évolutives et contradictoires. Il a fourni de vaines hypothèses et explications pour tenter de se disculper. Il a toutefois admis matériellement les faits durant la procédure et en particulier lors de l'audience de jugement.

Sa prise de conscience de son comportement et de sa faute n'est qu'amorcée. Il a exprimé sa désapprobation pour les vidéos à caractère pédopornographique, admettant leur gravité et confirmant désormais avoir compris l'illicéité de la diffusion de tels contenus. Il a également présenté des excuses, lesquelles semblent sincères. Cela étant, il a clamé son innocence jusqu'en appel, alléguant n'avoir agi qu'à des fins de dénonciation, ce qui démontre qu'il n'a pas encore totalement pris la mesure du caractère répréhensible de ses propres actes.

La situation personnelle de l'appelant n'explique pas ses agissements, en particulier en l'absence de paraphilie, ni ne les justifie. En tant que père d'enfants mineurs, dont il a la garde et l'autorité parentale, il aurait été au contraire permis d'attendre de sa part une attention particulière pour éviter ce type de comportement, aux fins de la protection des mineurs, le dissuadant in fine d'agir de la sorte.

L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine.

3.3.2. Le prononcé d'une peine sous forme d'une peine pécuniaire est acquis à l'appelant. La peine pécuniaire de 30 jours-amende prononcée par le premier juge apparaît toutefois clémente compte tenu de ce qui précède et aurait pu être légèrement supérieure.

Cela étant, l'interdiction de la reformatio in pejus, en l'absence d'appel du MP, limite la peine à la quotité fixée par le TP. Le prononcé d’une peine pécuniaire de
30 jours-amende et le bénéfice du sursis sont donc acquis à l'appelant, tout comme le montant du jour-amende, établi à CHF 30.-, et le délai d'épreuve fixé à trois ans.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

3.3.3. L'amende infligée à titre de sanction immédiate est justifiée dans son principe, vu le peu de prise de conscience de l'appelant de son comportement.

Bien que le montant de l'amende, fixé à CHF 180.- par le TP, aurait pu être
augmenté, vu les considérations précédentes (cf. supra consid. 3.3.2.), celui-ci sera confirmé pour tenir compte des principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus [20% de (30x30) = 180].

Quant à la peine privative de liberté de substitution, elle devrait être arrêtée à six jours (180/30).

En vertu du principe de l'interdiction de la reformatio in pejus, la peine privative de liberté de substitution d'un jour fixée par le premier juge sera toutefois confirmée.

4. 4.1.1. Selon l'art. 67 al. 3 CP, s'il a été prononcé contre l'auteur une peine ou une mesure prévue aux art. 59 à 60, 63 ou 64 CP, notamment pour pornographie (let. d ch. 2), le juge lui interdit à vie l'exercice de toute activité professionnelle et de toute activité non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.

Il n'est pas requis de peine minimale. L'interdiction ne suppose aucun pronostic défavorable. Peu importe, par ailleurs, que l'infraction ait été commise ou non dans l'exercice de l'activité professionnelle ou non professionnelle organisée à interdire. Si les conditions évoquées sont remplies, le juge devra prononcer l'interdiction à vie d'exercer une telle activité (Message du 3 juin 2016 relatif à la modification du code pénal et du code pénal militaire, FF 2016 5945-5946, ch. 2.1 [FF 2016]).

4.1.2. L'art. 67 al. 4bis CP permet au juge de renoncer à une telle sanction dans les cas de très peu de gravité (1), si une telle mesure ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette même mesure (2), s'il n'a pas commis l'une des infractions listées à l'art. 67 al. 4bis let. a CP (3) et qu'il ne souffre pas d'un trouble pédophile (4). Lorsque ces quatre conditions sont remplies, le juge pénal peut renoncer à l'interdiction à vie (arrêts du Tribunal fédéral 6B_852/2022
du 26 avril 2023 consid. 2.3 ; 6B_156/2023 [destiné à la publication aux ATF]
du 3 avril 2023 consid. 2.5.7).

Cette disposition constitue une clause d'exception à l'interdiction, tenant compte de l'exigence de proportionnalité ancrée dans la Constitution (arrêt du Tribunal fédéral 6B_156/2023 [destiné à la publication aux ATF] du 3 avril 2023 consid. 2.5.2 ; M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar, Strafrecht I, 4ème éd., Bâle 2018, N87 ad art. 67). Il s'agit d'éviter que le juge n'ordonne une interdiction à vie dans des cas de très peu de gravité où l'auteur n'est pas pédophile et ne risque pas de commettre à nouveau l'une des infractions sexuelles visées (FF 2016 5950,
ch. 2.1).

Pour déterminer s'il existe un cas de très peu de gravité, il faut tenir compte, d'une part, de la gravité inhérente de l'infraction fondant la potentielle interdiction d'activité à vie et, d'autre part, de la culpabilité et des circonstances personnelles de l'auteur eu égard à l'infraction commise (arrêts du Tribunal fédéral 6B_852/2022
du 26 avril 2023 consid. 2.2.1 ; 6B_156/2023 [destiné à la publication aux ATF]
du 3 avril 2023 consid. 2.5.4).

Les conditions permettant de ne pas interdire systématiquement à vie l'exercice d'une activité sont très strictes. Ainsi, ne sont pas concernés par l'interdiction uniquement les cas objectivement et subjectivement mineurs. Il convient d'être très strict en la matière, autrement dit de recourir à la clause d'exception avec la plus grande retenue. On considèrera par exemple comme infraction sexuelle de très peu de gravité, du fait de la légèreté de la peine abstraite qui leur est attachée, les désagréments causés par la confrontation à un acte d'ordre sexuel (art. 198 CP) ou l'exhibitionnisme
(art. 194 CP), par exemple si le juge prononce dans un cas concret une peine de peu de jours-amende avec sursis. D'autres infractions sexuelles exposant leur auteur à des peines plus lourdes pourront aussi, dans certains cas, être considérées comme étant de très peu de gravité, notamment les actes d'ordre sexuel avec des enfants
(art. 187 CP), par exemple si le juge prononce dans un cas concret une peine de peu de jours-amende avec sursis, notamment lorsque le juge relativise fortement la culpabilité de l'auteur et prononce une peine légère suite à une appréciation globale de l'infraction commise et de la situation de l'auteur, tenant compte par exemple de la gravité de la lésion, du caractère répréhensible de l'acte, du lien entre la victime et l'auteur, ainsi que des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier
(FF 2016 5948, ch. 2.1).

Une interdiction ne paraît pas nécessaire si un pronostic suggère que rien ne permet de craindre une récidive. Comme pour le sursis à l'exécution de la peine (art. 42 al. 1 CP), la question de l'utilité ou non d'une interdiction quant au risque de récidive doit être tranchée par le juge sur la base d'une appréciation globale. Tous les éléments exploitables par les techniques de pronostic doivent être pris en compte. Outre les circonstances de l'infraction, on considérera les antécédents et la réputation de l'auteur, ainsi que tous les éléments pouvant fournir des indications fiables sur son caractère et sur le succès d'une mise à l'épreuve. L'évaluation du risque de récidive doit comprendre un examen aussi complet que possible de la personnalité de l'auteur (FF 2016 5948, ch. 2.1).

Même si les conditions sont remplies, la renonciation à l'interdiction, à titre exceptionnel, dépend de l'appréciation du juge (FF 2016 5949, ch. 2.1).

4.2. L'appelant a été reconnu coupable de pornographie ayant pour contenu des actes d'ordre sexuel avec des mineurs, soit une infraction qui entraîne en principe l'interdiction à vie d'exercer une activité avec des mineurs au sens de l'art. 67 al. 3 CP. Il convient toutefois de déterminer si la clause d'exception de l'art. 67 al. 4bis CP peut trouver application.

L'infraction commise n'entre pas dans le cadre de la liste des infractions exclues de la clause d'exception (art. 67 al. 4bis let. a CP). Aucun élément au dossier ne permet de conclure à un diagnostic de pédophilie chez le concerné (art. 67 al. 4bis let. b CP). De ce point de vue, l'application de la clause d'exception n'est donc pas exclue. Il reste toutefois à déterminer si l'infraction commise peut être qualifiée de "très peu de gravité" et si l'interdiction paraît nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions du même type.

L'appelant a été condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, peine en soit minime comparée à la peine-menace de l'art. 197 al. 4, 2ème phrase CP, infraction passible d'une peine privative de liberté de cinq ans. La faute commise n'est pas anodine, mais n'est pas non plus d'une extrême gravité. Aucun élément au dossier ne conduit à considérer que l'appelant a agi au-delà d'une seule et unique occasion et par légèreté, sans mesurer réellement les conséquences de ses actes. Il n'a aucun antécédent et le pronostic favorable a conduit à l'octroi du sursis. Il semble également avoir, à tout le moins en partie, compris sa faute, l'appelant ayant critiqué les faits, reconnu leur gravité et fait part de ses excuses et de son intention d'agir différemment à l'avenir et ce, en dépit du fait qu'il a cherché à se disculper.

Au vu de ce qui précède, il apparaît que l'infraction commise relève de l'erreur d'un auteur qui aurait dérapé à une reprise, plutôt que de l'infraction d'un pédophile dont il y aurait à craindre une récidive. Prononcer ici une interdiction à vie d'exercer une activité avec des mineurs serait ainsi disproportionné.

Tenant notamment compte de l'impact de la procédure pénale sur l'appelant, du faible risque de récidive, de la peine et de l'amende immédiate déjà prononcées à titre de prévention spéciale, ainsi que de sa prise de conscience amorcée, la clause d'exception de l'art. 67 al. 4bis CP sera admise et il sera renoncé à prononcer une telle interdiction.

L'appel sera donc admis sur ce point et le jugement réformé en ce sens.

5. La renonciation à l'expulsion obligatoire de l'appelant lui est acquise et sera dès lors confirmée.

6. 6.1. L'appelant, qui obtient très partiellement gain de cause, supportera 80% des frais de la procédure d'appel envers l'État, comprenant un émolument d'arrêt de
CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP ; art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

Le solde de ces frais sera laissé à la charge de l'État.

6.2. Sa culpabilité étant acquise, la mise à sa charge des frais de première instance sera confirmée (art. 426 al. 1 CPP a contrario).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 17 janvier 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/17781/2021.

L'admet très partiellement.

Annule le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de pornographie (art. 197 al. 4, 2ème phrase CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans
(art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 180.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 2 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance, qui s'élèvent à CHF 874.00 (art. 426 al. 1 CPP).

Condamne A______ à payer 80% de l'émolument complémentaire de jugement de première instance de CHF 400.-, soit CHF 320.-.

 

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'405.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 1'200.-.

Met 80% de ces frais à la charge de A______, soit CHF 1'124.-.

Laisse le solde des frais de la procédure d'appel à la charge de l'État (art. 423 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office fédéral de la police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'274.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

70.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'405.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'679.00