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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/18778/2023

AARP/443/2023 du 14.12.2023 sur OPMP/7442/2023 ( REV )

Normes : CPP.410.al1.leta; CPP.412.al1; CPP.412.al2; CPP.132.al2; CPP.132.al3; CPP.388.letc; CPP.428.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18778/2023 AARP/443/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 14 décembre 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la Prison de B______, ______, comparant en personne,

demandeur en révision,

 

contre l'ordonnance pénale OPMP/7442/2023 rendue le 30 août 2023 par le Ministère public,

et

C______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeurs en révision.


EN FAIT :

A. a. Par courrier du 27 octobre 2023 adressé au Ministère public (MP), transmis comme objet de sa compétence à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), qui l'a réceptionné le 3 novembre suivant, A______ conteste la condamnation prononcée à son encontre par le MP et demande une révision de son "jugement".

Il allègue "avoir fait l'objet d'une erreur de jugement" parce qu'il n'était pas l'auteur du vol reproché, estimant qu'il s'agit d'une "erreur sur la personne" car l'auteur présumé devait lui ressembler physiquement.

Lors de son arrestation, il avait demandé à bénéficier d'un avocat afin de démentir les accusations portées contre lui ; or, il n'en avait pas été pourvu. Il avait également sollicité une confrontation avec la partie plaignante, qui ne lui avait pas été accordée.

Il n'avait certes pas respecté le délai de "recours" de dix jours, parce qu'il pensait pouvoir être innocenté, et était conscient que le jugement était désormais en force, mais il en espérait la révision.

b. A______ a été condamné le 30 août 2023 par le MP pour vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse [CP]) et séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]) à une peine privative de liberté de 120 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, frais de la cause à sa charge.

En l'absence d'opposition, l'ordonnance pénale, valant jugement, est entrée en force le 2 octobre 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______ a déposé plainte le 14 août 2023 à la suite de la tentative de vol à l'arraché de son collier qu'elle avait subie dans la nuit du 11 au 12 août 2023 sur le pas de sa porte, quelques instants après sa descente du tram n° 18 à l'arrêt "D______" à E______ [GE].

Deux auteurs avaient surgi derrière elle, le temps qu'elle ouvre sa porte, et tiré sur son collier pour le lui subtiliser. Comme le gérant d'un café voisin, sorti de son établissement, avait dit qu'il allait appeler la police, les auteurs avaient pris la fuite, abandonnant leur butin sur place.

b. A______ a été interpellé le 29 août 2023 sur la base d'un communiqué de recherches établi le 22 août précédent et se fondant sur les images de vidéosurveillance des Transports public genevois saisies par la police.

Le rapport de celle-ci mentionne de ce qu'en date du 25 août 2023, "l'un des deux individus présents sur le communiqué a pu être identifié par imagerie par la police neuchâteloise comme étant le nommé A______" et de ce que "Après comparaison des photos de l'intéressé prises lors de ses diverses interpellations et de celle des images de vidéosurveillance du tram", un ordre d'arrestation provisoire avait été décerné (cf. rapport de police du 29 août 2023, p. 4).

c. Entendu par la police et informé de ses droits, dont celui d'être pourvu d'un avocat d'office, A______ y a renoncé et a contesté les faits. Il ne s'est pas reconnu sur les images de vidéosurveillance, déclarant qu'il ne s'habillait pas de la sorte, et a indiqué qu'il ne s'était pas rendu à Genève à l'époque des faits reprochés. Il avait déjà réalisé des "conneries dans sa vie", mais les avait toujours assumées, en avouant "[s]es bêtises".

d. À la suite de son audition, une ordonnance pénale lui a été immédiatement notifiée, avec l'indication du délai d'opposition de dix jours.

C. Devant la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), A______ conclut implicitement à l'annulation de l'ordonnance pénale OPMP/7442/2023 rendue à son encontre et à ce qu'il soit entendu par le MP sans délai.

Par courrier du 29 novembre 2023, il a réitéré ses griefs et demandé à pouvoir être assisté par avocat. Il a martelé avoir été condamné sans preuve, la police, sur la base d'une image, l'ayant désigné comme coupable, alors que "le vrai coupable ne [lui] ressembl[ait] pas vraiment", précisant avoir lui-même un grain de beauté sur le visage, ce qui n'était pas le cas du véritable auteur. Il se trouvait actuellement incarcéré, "sans raison", depuis le 11 octobre 2023. Il souhaitait être entendu et confronté le plus rapidement possible à l'auteur présumé, qui se trouvait incarcéré à la Prison de B______, mais pour un autre motif.

Le jour où l'ordonnance pénale lui avait été notifiée, le "procureur de garde ce jour la ne [lui avait] pas laissé le temps de [s]e défendre, le procureur [lui avait] juste dis que a [s]a sortie [il] devrai[t] faire un recour (sic)", ce qu'il n'avait pas effectué, étant persuadé que rien ne lui arriverait parce qu'il n'était pas coupable et "par manque de connaissance".

D. A______, ressortissant tunisien, marié, sans enfant, est né le ______ 1990.

Son casier judiciaire suisse fait état de 11 inscriptions depuis le 17 octobre 2013, dont des infractions de même nature que celles pour lesquelles il a été condamné le 30 août 2023.

 

EN DROIT :

1. 1.1.1. La CPAR est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du Code de procédure pénale suisse [CPP] cum art. 130 al. 1 let. a de la Loi d'organisation judiciaire [LOJ]).

1.1.2. Le Président de la CPAR est compétent pour nommer un défenseur d'office (art. 388 let. c CPP), pour autant que les conditions liées à l'octroi de l'assistance judiciaire soient remplies.

À cet égard, l'art. 132 CPP prescrit que la défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (al. 2) ; en tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (al. 3).

1.2. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

Les faits ou moyens de preuves sont nouveaux lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2 ; 130 IV 72 consid. 1). Les faits et moyens de preuve sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 ; 137 IV 59 consid. 5.1.4 ; 130 IV 72 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_731/2013 du 28 novembre 2013 consid. 3.1.2).

1.3. La demande en révision en raison de faits ou de moyens de preuve nouveaux n'est soumise à aucun délai (art. 411 al. 2 in fine CPP).

1.4. Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition (ATF 130 IV 72 consid. 2.3). Il s'agit dans chaque cas d'examiner au regard des circonstances de l'espèce, si la demande de révision tend à contourner les voies de droit ordinaires (arrêts 6B_1214/2015 du 30 août 2016 consid. 2 ; 6B_980/2015 du 13 juin 2016 consid. 1.3.2).

1.5. L'art. 412 CPP prévoit que la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2).

La procédure de non-entrée en matière de l'art. 412 al. 2 CPP est en principe réservée à des vices de nature formelle. Il est toutefois également possible de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les motifs de révision invoqués sont manifestement non vraisemblables ou infondés (ATF 143 IV 122 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1122/2020 du 6 octobre 2021 consid. 2.2.2 ; 6B_1197/2020 du 19 juillet 2021 consid. 1.1) ou encore lorsque la demande de révision apparaît abusive (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1122/2020 précité consid. 2.2.2 ; 6B_813/2020 du 22 juillet 2020 consid. 1.1). Le refus d'entrer en matière s'impose alors pour des motifs d'économie de procédure, car si la situation est évidente, il n'y a pas de raison que l'autorité requière des déterminations (art. 412 al. 3 CPP) pour ensuite rejeter la demande (art. 413 al. 1 CPP ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_32/2022 du 5 mai 2022 consid. 1.4 ; 6B_1122/2020 précité consid. 2.2.2 ; 6B_1197/2020 précité consid. 1.1).

2. En l'occurrence, les conditions pour une défense d'office ne sont pas données. Outre que le demandeur a parfaitement été en mesure d'articuler sa demande, il résulte du dossier que l'affaire n'est pas d'une gravité, sur le plan des faits ou du droit, que celui-ci ne pouvait surmonter seul, étant rappelé qu'il a été condamné une peine privative de liberté qui n'excède pas quatre mois.

Il ne se justifie donc pas, à titre préjudiciel, de lui désigner un défenseur d'office.

3. En l'espèce, la demande en révision apparaît d'emblée abusive, sinon mal fondée.

En effet, le demandeur était parfaitement au su de ses droits, ce d'autant qu'il avait déjà fait l'objet, par le passé, de plusieurs ordonnances pénales, et il lui appartenait de former opposition dans le délai légal à la suite de celle qui lui avait été notifiée. Il ne peut se défausser en arguant qu'il espérait que son innocence serait prouvée – on ne sait comment – puisque l'ordonnance pénale, proposition de condamnation, mettrait, sans opposition, un terme à l'action pénale, ce dont il avait été informé par le Procureur qui l'a condamné. Le demandeur ne peut non plus faire grief de ce qu'il n'était pas assisté par un défenseur durant la procédure. D'une part, il ne s'agissait pas d'un cas de défense obligatoire (cf. art 130 CPP), d'autre part, informé de ses droits lors de son audition à la police, il avait valablement renoncé à bénéficier du concours d'un avocat.

Pour le surplus, il n'invoque aucun fait nouveau qui aurait été inconnu de l'autorité au moment où celle-ci a statué, hormis qu'il rediscute l'appréciation des preuves, estimant qu'il n'y en avait aucune à charge. En particulier, s'agissant de ses caractéristiques physiques et du fait qu'il ne correspondrait pas au "coupable", il doit être tout d'abord observé qu'ils étaient deux à avoir agi et que l'un des auteurs présumés n'est toujours pas formellement identifié à ce jour. L'extrait de la vidéosurveillance versé au dossier, certes peu détaillé, ne permet pas d'infirmer que l'auteur qui y figure n'aurait pas de grain de beauté sur le visage, outre que l'image ne laisse apparaître plus distinctement que le visage de l'un des deux auteurs filmés. Cela étant, la police a procédé à des comparaisons et déterminé que le demandeur était bien l'un des auteurs figurant sur les bandes de vidéosurveillance examinées. Enfin, le fait que l'un d'eux se trouverait actuellement en détention dans le même établissement que celui où le demandeur purge sa peine n'est pas un fait nouveau à même de fonder une révision du jugement. En tout état, cette circonstance pourrait tout au plus faire l'objet d'une dénonciation au MP ou à la police en vue de relancer l'enquête, si ce n'est fonder une reprise d'office de celle-ci par le MP au sens de l'art. 323 CPP.

3. Les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. La partie dont le recours est irrecevable ou qui retire le recours est également considérée avoir succombé (art. 428 al. 1 CPP).

Vu l'issue de la procédure, le demandeur sera condamné aux frais, lesquels comprendront un émolument de CHF 300.- (art. 14 al. 1 let. b du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Refuse, à titre préjudiciel, le bénéfice d'une défense d'office en faveur de A______.

Déclare irrecevable la demande en révision formée par A______ contre l'ordonnance pénale OPMP/7442/2023 rendue le 30 août 2023 par le Ministère public dans la procédure P/18778/2023.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel par CHF 455.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

300.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

455.00