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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19642/2021

AARP/449/2023 du 27.11.2023 sur JTDP/440/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LCR;FIXATION DE LA PEINE
Normes : LCR.90.al3

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

P/19642/2021 AARP/449/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 27 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, FRANCE, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/440/2023 rendu le 6 avril 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A.           Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)

a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/440/2023 du 6 avril 2023, par lequel le Tribunal de Police (TP) l'a reconnu coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 let. b de la Loi fédérale sur la circulation routière [LCR]), condamné à une peine privative de liberté d'un an et a renoncé à révoquer le précédent sursis.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à ce que la peine privative de liberté d'un an soit assortie du sursis et un délai d'épreuve de trois ans soit fixé.

a.b. Le Ministère public (MP) conclut à la confirmation du jugement.

a.c. Selon l'acte d'accusation du 28 mars 2022, il est reproché ce qui suit à A______ : il a, le 2 juillet 2021, à 19h15, à la route de Lausanne, à Genève, circulé au volant d'un motocycle à la vitesse de 108 km/h, alors que la vitesse maximale autorisée est de 50 km/h, d'où un dépassement, après déduction de la marge de sécurité, de 52 km/h.

B.            Faits résultant du dossier de première instance

a. Des suites de l'infraction visée supra, A______ s'est vu décerner un mandat de comparution par la police routière. Auditionné le 24 août 2021, il a admis les faits. Il était pressé. Il y avait le match Suisse-Espagne et il avait "déjà loupé" le début. Il possédait le permis B et, pour la catégorie A, le permis d'élève conducteur. Il avait pris l'initiative, depuis, de restituer ses permis, par la voie postale, car il trouvait plus sage de ne plus conduire. Il était connu pour diverses infractions à la LCR. Il était conseiller financier auprès de C______ SA, sise à D______ [VD], et avait quelque CHF 26'000.- de dettes.

b. A______ a produit une attestation délivrée par la Ville de E______ [VD] confirmant son départ, le 25 octobre 2021, pour la rue 1______ no. ______, [code postal] F______, France.

c. Au MP, le 9 février 2022, A______ a déclaré qu'il était parti pour la France pour prendre un nouveau départ et se rapprocher de sa famille, de sa tante et de son cousin. Il n'avait pas cherché à fuir la Suisse – il s'y sentait mal. Il n'avait plus conduit de véhicule suite aux faits. Il regrettait ses actes plus que tout. Sur le moment, il n'avait pas eu conscience du danger. Mais directement après les faits, il s'était dit que c'était absurde, s'agissant du danger de mort et de blessures, tant pour autrui que pour lui – il aurait pu tuer quelqu'un.

A______ a expliqué qu'il était titulaire d'un CFC d'employé de commerce. Ayant renoncé à la maturité professionnelle, il avait effectué de petits travaux, comme caissier et agent de distribution, et entrepris des formations, menées à terme, de secouriste et d'agent de sécurité. Chez C______ SA, il était payé à la commission. Depuis son départ pour la France, il vivait chez sa tante ; il s'était inscrit au chômage, en France, où il souhaitait s'insérer professionnellement.

d. Au Tribunal, A______ a déclaré qu'avec ce qu'il s'était passé en Suisse, il s'était retrouvé "bloqué". Il avait donc décidé de partir en France, pour recommencer à zéro – il était en contact avec son cousin depuis un certain temps. Il avait vendu sa moto. En Suisse, il faisait l'objet d'une décision d'interdiction de conduire, d'une durée illimitée. En France, il n'avait pas de permis de conduire – il ne conduisait pas ; il se déplaçait avec des connaissances ou via G______ [plateforme de covoiturage]. Il se voyait mal passer le permis en France tout en faisant l'objet d'une interdiction de conduire en Suisse. Il travaillait depuis plus d'un an comme agent commercial, dans une société qui lui proposait de devenir associé. Il était responsable d'agence au sein du réseau H______, important en France. Il avait été nommé meilleur commercial du "Top des commerciaux". Son patron était très content de lui car il était très rentable – il avait fait 95% du chiffre d'affaire. Il percevait un salaire annuel net de EUR 32'000.-. Son loyer s'élevait à EUR 400.- et sa prime d'assurance-maladie à EUR 85.-.

A______ a expliqué que sa mère était décédée lorsqu'il avait 17 ans. Il n'avait pas de figure parentale et manquait de maturité. À son arrivée en France, ça n'allait pas du tout, physiquement et mentalement. Il ne mangeait plus et avait perdu 15 kilos. Mais il n'était plus la même personne aujourd'hui qu'au moment des faits. Il était plus mature et, à 23 ans, avait un poste à responsabilités – ce n'était pas le cas auparavant.

A______ a précisé qu'il regrettait beaucoup ce qu'il avait fait le 2 juillet 2021. Il était conscient du mal qu'il aurait pu causer.

C.           Procédure d'appel

a.a. Aux débats, A______ a déclaré qu'il avait travaillé chez C______ SA jusqu'à fin août/début septembre 2021. Il y percevait des commissions de l'ordre de CHF 3'000.- à CHF 4'000.- par mois. Sa situation, en 2021, était "bancale" car il avait un emploi peu stable et des revenus qui ne suffisaient pas à couvrir ses charges. C'était compliqué. Il était "dans le flou" et ne savait pas s'il fallait poursuivre ainsi ou déménager, ce à quoi il songeait déjà. À l'heure actuelle, il était toujours responsable de la même agence, associé au sein de la [société par actions simplifiée] I______ désormais. Il percevait EUR 45'000.- par an – son salaire avait augmenté. Il avait son propre appartement au centre-ville de J______ (K______) [France], dans lequel il vivait la plupart du temps avec sa copine. Sa tante vivait à 30 km et son cousin à 15 km. Les obligations dues à son poste et à ses responsabilités l'avaient amené à repasser son permis de conduire, en septembre 2023. Il en avait besoin, en effet, pour ses déplacements professionnels. Il était obligatoire, pour lui, d'avoir le permis car il devait, comme responsable des ventes, démarcher d'autres professionnels. Vis-à-vis des clients, c'était compliqué de ne pas utiliser de véhicule ; il s'était déjà trouvé en porte-à-faux à cause de cela car le fait qu'il ne conduisait pas suscitait l'interrogation.

A______ a expliqué que l'entreprise avait cinq apprentis, dont une était sous sa responsabilité depuis le 14 septembre 2023. Il était le tuteur de son apprentie, son mentor, son responsable. S'il venait, en cas de peine privative de liberté sans sursis, à devoir quitter l'entreprise, le contrat de cette dernière serait cassé ; son associé ne pourrait pas la prendre sous sa responsabilité selon la loi. Il prévoyait, par ailleurs, d'engager son cousin à l'agence ; ce dernier, en intérim, devait commencer le 1er janvier 2024. Cela tomberait à l'eau s'il était condamné. Depuis le début, il s'investissait pleinement dans cette entreprise, raison pour laquelle son associé lui avait proposé de le devenir à son tour. Depuis plus d'un an il jouait donc un rôle important, faisant plus de la moitié du chiffre d'affaire, que la société perdrait s'il venait à la quitter. Dans cette hypothèse, il y aurait de grandes chances que celle-ci finisse par "couler" car il était extrêmement difficile de trouver du personnel qualifié, en tout cas aussi qualifié que lui.

A______ a confirmé avoir été condamné à quinze mois de prison avec sursis le 20 juillet 2020, pour plusieurs infractions. L'une d'elle était un accident : il s'était endormi au volant et personne n'avait été blessé, hormis lui ; pour l'autre, il s'agissait d'un contrôle de police : il était en état d'ébriété et sous l'emprise de stupéfiants. Par ailleurs, une procédure pénale était actuellement en cours par-devant le MP de D______ : il s'agissait d'une infraction commise en juillet 2021 également, un "radar" – il avait été flashé pour excès de vitesse sur la route Suisse, juste après E______ en direction de Genève –, pour laquelle il n'avait pas encore été entendu par un Procureur ; aucune décision n'avait été prise.

A______ a précisé que, en 2021, il avait lui-même décidé de déposer son permis de conduire en raison des actes commis le 2 juillet 2021, avant même que les autorités ne le lui demandent. Il l'avait fait de sa propre initiative.

A______ a ajouté qu'il avait des remords et regrettait son acte au plus profond de lui, depuis qu'il l'avait commis. Il y pensait tous les matins en se levant et tous les soirs en s'endormant. Il devait supporter chaque jour le stress du jugement à venir – il avait une épée de Damoclès sur la tête. Il était conscient de la gravité de ses agissements, du danger qu'il avait fait courir, à lui et aux autres, et s'engageait à ne plus commettre d'infraction. S'il avait fait appel du jugement de première instance, c'était parce que sa situation était stable aujourd'hui : il était investi et avait, depuis deux ans, un travail avec de grosses responsabilités ; il avait une copine depuis six mois, une famille, sa tante et son cousin, et un réseau professionnel et personnel à J______. Une privation de liberté détruirait complètement ce qu'il avait réussi à créer, sa situation actuelle. Il était parvenu à tout reprendre à zéro, à se tenir à carreau. Il ne pourrait jamais assez s'excuser de tout cela – il le pensait très sincèrement. Il était en train de gâcher sa vie à cause de cela.

a.b. A______ a produit un "Pacte d'associés", auquel il est partie, daté du 22 juin 2023 ("La [SAS] I______ exploite à titre principal une activité d'intermédiation en ventes de véhicules automobiles neufs et d'occasion sous la franchise H______"), mais aussi un formulaire de cession de droits sociaux, daté du 13 juillet 2023, dans lequel il apparait comme "cessionnaire", un certificat d'examen du permis de conduire, daté du 7 septembre 2023, et un formulaire d'engagement d'une apprentie, daté du 14 septembre 2023.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Les conditions d'application de l'art. 42 al. 2 du Code pénal [CP] étaient remplies car ses conditions de vie s'étaient développées de manière particulièrement positive.

D.           Situation personnelle et antécédents

a. A______ est âgé de 23 ans, de nationalité suisse, célibataire, sans enfant.

b.a. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné :

·         Le 22 février 2019 par le Ministère public de l'arrondissement de D______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.-, assortie du sursis, délai d'épreuve 3 ans, et à une amende de CHF 600.- pour conduite d'un véhicule automobile en état d'incapacité et contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) ;

·         Le 20 juillet 2020 par le Tribunal correctionnel de E______ à une peine privative de liberté de 15 mois, assortie du sursis, délai d'épreuve 4 ans, et à une amende de CHF 1'000.- – le précédent sursis a été révoqué – pour violation simple des règles de la circulation, conduite d'un véhicule en état d'ébriété, conduite d'un véhicule en état d'incapacité, violation des obligations en cas d'accident, conduite sans autorisation et dénonciation calomnieuse.

Une procédure est en cours par-devant le Ministère public de l'arrondissement de la D______ pour violation grave des règles de la circulation.

b.b. A______ n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire français.

E.            Assistance judiciaire

Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, sept heures d'activité de stagiaire hors débats d'appel, lesquels ont duré 52 minutes, et une vacation.

EN DROIT :

1.             L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).

Lorsque l'appelant limite son appel au sursis (à l'exclusion de la mesure de la peine), la juridiction d'appel peut étendre son pouvoir d'examen à l'ensemble de la peine (ATF 144 IV 383 consid. 1.1).

2.             2.1.1. La violation grave qualifiée des règles de la circulation est réprimée, dans sa teneur jusqu'au 30 septembre 2023, par une peine privative de liberté d'un à quatre ans (art. 90 al. 3 LCR).

Dans sa teneur à compter du 1er octobre 2023, cette infraction reste réprimée par une peine privative de liberté d'un an à quatre ans mais la peine minimale d’un an peut être réduite en présence d’une circonstance atténuante conformément à l’art. 48 CP, en particulier si l’auteur a agi en cédant à un mobile honorable (art. 90 al. 3bis LCR) ; de même, l’auteur peut être puni d’une peine privative de liberté de quatre ans au plus ou d’une peine pécuniaire s’il n’a pas été condamné, au cours des dix années précédant les faits, pour un crime ou un délit routier ayant gravement mis en danger la sécurité de tiers ou ayant entraîné des blessures ou la mort de tiers (art. 90 al. 3ter LCR).

La novelle est aussi applicable aux crimes et aux délits commis avant la date de son entrée en vigueur si l’auteur n’est mis en jugement qu’après cette date et si elle lui est plus favorable que la loi en vigueur au moment de l’infraction (art. 2 al. 2 et 333 al. 1 CP).

2.1.2. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP).

2.1.3. Le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Si, durant les cinq ans qui précèdent l’infraction, l’auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l’exécution de la peine qu’en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2). Le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur ; tant la partie suspendue que la partie à exécuter doivent être de six mois au moins (art. 43 al. 1 et 3 CP).

Dans l'hypothèse de l'art. 42 al. 2 CP, la présomption d'un pronostic favorable, respectivement du défaut d'un pronostic défavorable, ne s'applique plus, la condamnation antérieure constituant un indice faisant craindre que l'auteur puisse commettre d'autres infractions. L'octroi du sursis n'entre donc en considération que si, malgré l'infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l'issue de l'appréciation d'ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s'amendera. Le juge doit examiner si la crainte de récidive fondée sur l'infraction commise peut être compensée par les circonstances qui empêchent que l'infraction antérieure ne détériore le pronostic. Tel sera notamment le cas si l'infraction à juger n'a aucun rapport avec l'infraction antérieure ou que les conditions de vie du condamné se sont modifiées de manière particulièrement positive (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.3). Cela étant posé, il n'est pas contestable que l'existence d'antécédents pénaux est un point non seulement pertinent mais incontournable du pronostic. Il n'est pas discutable non plus que, eu égard à leur gravité, les antécédents visés par l'art. 42 al. 2 CP pèsent lourdement dans l'appréciation d'ensemble et qu'un pronostic défavorable ne peut alors être exclu qu'en présence d'autres circonstances susceptibles de contrebalancer positivement cet élément négatif (arrêt du Tribunal fédéral 6B_444/2023 du 17 août 2023 consid. 3.1).

À l'intérieur du système légal à deux niveaux, le sursis partiel représente une solution médiane entre le report total de la peine (peine avec sursis) et l'exécution de celle-ci (peine ferme). Il trouve application pour les peines privatives de liberté d'un à deux ans, lorsqu'une peine assortie d'un plein sursis ne paraît pas suffisante du point de vue de la prévention spéciale et que le report d'au moins une partie de la peine exige que l'autre partie soit exécutée. Les conditions subjectives de l'art. 42 CP valent aussi dans le cadre de l'art. 43 CP, c'est-à-dire qu'une peine assortie d'un sursis partiel n'est possible que si le pronostic légal n'est pas défavorable. Une peine assortie d'un sursis partiel est aussi possible aux conditions de l'art. 42 al. 2 CP. La commission de nouvelles infractions ("récidive") ne représente pas un motif objectif d'exclusion du sursis, de sorte que la forme plus sévère du sursis partiel doit pouvoir être prononcée si l'on peut raisonnablement supposer que l'auteur subisse la mise à l'épreuve avec succès. Pour savoir s'il existe des circonstances particulièrement favorables au sens de l'art. 42 al. 2 CP, le juge doit tenir compte de l'effet prévisible de l'exécution partielle de la peine, qui peut améliorer le pronostic légal. À défaut, en cas d'antécédents judiciaires selon l'art. 42 al. 2 CP, le juge serait souvent confronté au dilemme du "tout ou rien", ce que l'art. 43 CP doit justement permettre d'éviter (ATF 144 IV 277 consid. 3.1 et 3.2).

2.1.4. À teneur de l'art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende conformément à l'art. 106 CP.

La combinaison prévue par l'art. 42 al. 4 CP se justifie lorsque le sursis peut être octroyé, mais qu'une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender, notamment pour des motifs de prévention spéciale. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis, en particulier dans les délits de masse (Massendelikte). Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 146 IV 145 consid. 2.2 ; 134 IV 60 consid. 7.3.1). La peine prononcée avec sursis reste prépondérante, alors que l'amende est d'importance secondaire. Cette combinaison de peines ne doit pas conduire à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire. Elle permet uniquement, dans le cadre de la peine adaptée à la culpabilité, une sanction correspondant à la gravité des faits et à la personnalité de l'auteur. Les peines combinées, dans leur somme totale, doivent être adaptées à la faute. La combinaison de peines prévue par l'art. 42 al. 4 CP a été qualifiée de "sursis qualitatif partiel" au cours de la révision (ATF 146 IV 145 consid. 2.2 ; 135 IV 188 consid. 3.3 ; 134 IV 1 consid. 4.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1267/2022 du 13 juillet 2023 consid. 1.1.1).

L'art. 43 CP suppose que l'effet d'avertissement du sursis partiel permette un bien meilleur pronostic pour l'avenir, compte tenu de l'exécution partielle ordonnée simultanément. Il est toutefois toujours nécessaire que l'exécution partielle de la peine privative de liberté paraisse indispensable pour augmenter les perspectives de probation. Ce n'est pas le cas tant que l'octroi du sursis, combiné à une amende (art. 42 al. 4 CP), est suffisant en termes de prévention spéciale. Le tribunal doit examiner cette possibilité au préalable (ATF 134 IV 1 consid. 5.5.2).

Si le juge considère qu'une peine privative de liberté est proportionnée à la faute et qu'il désire ajouter, comme le lui autorise l'art. 42 al. 4 CP, une amende, il doit réduire la peine privative de liberté avec sursis en conséquence (arrêt du Tribunal fédéral 6B_61/2010 du 27 juillet 2010 consid. 5.2), sans pouvoir prononcer une peine inférieure au minimum légal (arrêt du Tribunal fédéral 6B_41/2015 du 29 janvier 2016 consid. 1.5).

2.1.5. En matière d'exécution, le Tribunal fédéral a rappelé à plusieurs reprises le principe nil nocere, qui impose de mettre le moins possible en danger le condamné dans le cadre d'une réinsertion sociale qui se dessine (ATF 134 IV 1 consid. 5.4.3 ; 121 IV 97 consid. 2c).

2.2.1. Dès lors que la CPAR peut, en dépit des conclusions de l'appelant, qui ne portent que sur le sursis, étendre son pouvoir d'examen à l'ensemble de la peine, il convient de relever, avec le premier juge, que la faute du prévenu est grave. Il s'en est pris à la sécurité publique, à un point tel qu'il a couru, vu l'ampleur de son excès de vitesse, en ville, un grand risque d'accident susceptible de causer à autrui des blessures graves, voire la mort. Le mobile est égoïste, futile. La situation personnelle de l'appelant n'explique pas ses agissements, hormis peut-être son jeune âge. La collaboration est bonne. La prise de conscience l'est également : le permis a été restitué spontanément, comme l'a indiqué d'emblée le prévenu à la police, et des regrets, que l'on veut croire sincères, ont été exprimés, tout comme des excuses ont été présentées. Les antécédents judiciaires sont toutefois mauvais.

Au vu de l'ensemble des circonstances, seule une peine privative de liberté entre en considération. Même à supposer que les conditions d'application de la novelle soient réalisées, ce que l'appelant se garde de soutenir, une peine pécuniaire n'aurait pas de sens sous l'angle de la prévention spéciale, sachant que la dernière sanction, privative de liberté, n'a pas suffi à détourner l'intéressé de la récidive. Une peine privative de liberté de 14 mois apparait ainsi adéquate pour sanctionner les agissements du prévenu.

Les parties discutent la question du sursis.

Le genre et la quotité de la peine prononcée le 20 juillet 2020 (peine privative de liberté de 15 mois), sa proximité temporelle, suggèrent un pronostic défavorable. Cette condamnation antérieure constitue un indice laissant craindre que l'appelant commettra d'autres infractions. Elle n'est pas isolée, de surcroît, puisqu'une première sanction la précède et une procédure est en cours. Aussi l'antécédent du 20 juillet 2020 pèse-t-il lourd, négativement, dans l'appréciation d'ensemble. Il convient néanmoins de déterminer s'il peut être compensé positivement et si l'on peut raisonnablement supposer, comme le soutient l'appelant, qu'il s'amendera.

L'infraction jugée – le crime de l'art. 90 al. 3 LCR – est de même nature que les infractions diverses sanctionnées le 20 juillet 2020, qui relèvent également de la circulation routière. S'agissant du même genre d'actes répréhensibles, le sursis ne devrait donc pas être accordé.

Il reste à examiner si les conditions de vie du condamné se sont modifiées de manière particulièrement positive.

Il semble, en dépit d'une instruction peu fournie, que l'on discerne un avant et un après. À suivre le prévenu, sa situation était, le 2 juillet 2021, compliquée, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel : sa mère était décédée et les commissions qu'il percevait, issues d'un emploi peu stable auprès de C______ SA, ne lui permettaient pas de couvrir ses charges, l'appelant qualifiant le tout de "bancal", ajoutant qu'il se sentait mal. Ces éléments factuels, bien que non étayés, ne peuvent être exclus (art. 10 al. 3 CPP). Par opposition à ce qui précède, la vie actuelle de l'appelant, en France, semble s'inscrire dans le nouveau départ appelé de ses vœux. Il vit désormais auprès des siens, bénéficie d'un emploi stable, voire pérenne si l'on en croit son récent statut d'associé, et a entamé une vie de couple. Il n'a plus récidivé, son casier judiciaire français est vierge. À cet égard, la reprise de la conduite, en septembre dernier, apparait neutre. Il ne faut pas y voir un risque, accepté de lui, de commission de nouvelle infraction routière, mais une nécessité commandée par son évolution professionnelle dans le domaine de l'automobile. Par ailleurs, le prévenu fait profil bas aux débats. Sa prise de conscience apparait aboutie. Ce sont-là des circonstances susceptibles de contrebalancer positivement l'élément négatif que constitue l'antécédent du 20 juillet 2020.

Dût-on douter de leur suffisance que le prononcé d'une amende, à titre de sanction immédiate (art. 42 al. 4 CP), viendrait compenser davantage encore cet élément négatif.

Certes, assortir la peine privative de liberté du sursis partiel est envisageable. Son exécution partielle augmenterait les perspectives de probation. Mais cette modalité d'exécution détournerait l'appelant de son évolution actuelle, pourtant souhaitée, car elle impliquerait vraisemblablement la perte de son emploi et le renoncement à ce qu'il a construit. La peine ne pourrait être exécutée sous la forme de la semi-détention car le prévenu ne pourrait continuer son travail à l'extérieur de l'établissement tout en y passant ses heures de repos, vu l'éloignement de son lieu de travail (K______), le risque que le condamné ne s'enfuie en France, où se trouve le centre de ses intérêts, ne pouvant en outre être pallié (art. 77b al. 1 et 2 CP). Les effets de la peine sur l'avenir du condamné seraient ainsi délétères, ce qui apparaitrait, somme toute, peu opportun. Or il convient d'en tenir compte lors de l'individualisation de la sanction (nil nocere).

En conclusion, l'octroi du sursis, combiné à une amende, est suffisant en termes de prévention spéciale. Moyennant cette combinaison de peines, les circonstances apparaissent particulièrement favorables au sens de l'art. 42 al. 2 CP.

Aussi une amende de CHF 3'000.-, qui tient compte de la situation de l'appelant et de sa faute (art. 106 al. 1 CP), sera-t-elle fixée et la peine privative de liberté réduite en conséquence, de 14 mois à un an, conformément à la jurisprudence rendue en lien avec l'art. 42 al. 4 CP.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

2.2.2.1. L'art. 44 al. 1 CP dispose que si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans.

Dans le cadre ainsi fixé par la loi, le juge en détermine la durée en fonction des circonstances du cas, en particulier selon la personnalité et le caractère du condamné, ainsi que du risque de récidive. Plus celui-ci est important, plus long doit être le délai d'épreuve et la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. Dans ce contexte, les autorités cantonales disposent d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1192/2019 du 28 février 2020 consid. 2.1).

2.2.2.2. D'une part, le prévenu est inséré professionnellement et socialement. Il assume son acte, prend ses responsabilités. D'autre part, il a des antécédents pénaux, spécifiques. Il est jeune. Ces (derniers) éléments commandent qu'une certaine pression soit mise sur lui pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. Il semble approprié, dans ces conditions, de fixer le délai d'épreuve à trois ans.

2.2.3. La non-révocation du sursis (art. 46 al. 2 CP) est acquise à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP).

3. L'appel étant admis, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 al. 1 CPP a contrario).

4. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseur d'office de A______, satisfait aux exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 1'206.25 correspondant à sept heures et 55 minutes d'activité au tarif de CHF 110.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 20 %, plus une vacation aller-retour au Palais de justice et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% [(7.91 x CHF 110.- = CHF 870.85) + le forfait de 20% (CHF 174.15) + (1 x CHF 75.-) + la TVA au taux de 7.7% (CHF 86.25)].

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/440/2023 rendu le 6 avril 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/19642/2021.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de violation grave qualifiée des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 et 4 let. b LCR).

Condamne A______ à une peine privative de liberté d'un an (art. 40 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 al. 1 et 44 al. 1 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre une nouvelle infraction durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Condamne A______, à titre de sanction immédiate, à une amende de CHF 3'000.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de substitution de 30 jours (art. 106 al. 2 CP).

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 20 juillet 2020 par le Tribunal correctionnel de E______ [VD].

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'664.-, émolument complémentaire compris.

Laisse les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État.

Arrête à CHF 1'206.25, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______ pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information au Tribunal pénal de police.

 

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.