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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/15890/2021

AARP/428/2023 du 08.11.2023 sur JTDP/558/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : CONSOMMATION DE STUPÉFIANTS;SÉJOUR ILLÉGAL
Normes : LStup.19a.ch1; LEI.115.al1.letb
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/15890/2021 AARP/428/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 8 novembre 2023

 

Entre

A______, Sans domicile fixe, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/ rendu le 8 mai 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du Tribunal de police (TP) du 8 mai 2023, par lequel le TP l'a reconnu coupable d'infraction à la Loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. d LStup), d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (art. 115 al. 1 let. b LEI), condamné à une peine privative de liberté de 30 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, a révoqué les sursis, ordonné la restitution du téléphone et des valeurs patrimoniales, l'a condamné aux frais de la procédure et a rejeté ses conclusions en indemnisation.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à l'acquittement pour l'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup, au prononcé d'une peine pécuniaire égale à zéro pour le séjour illégal, à la non-révocation des sursis et à l'allocation de CHF 400.- "pour la détention" et CHF 4'402.25 "pour les frais de première instance de son Conseil".

b. Selon l'ordonnance pénale du Ministère public (MP) du 8 mars 2022, il est reproché ce qui suit à A______ : Il a, du 23 novembre 2018 au 14 août 2021, séjourné sur le territoire helvétique alors qu'il était démuni de papiers d'identité et n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires. Il a, le 14 août 2021, détenu sans droit trois boulettes de cocaïne d'un poids total de 1.5 gramme destinées à la vente.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon les rapports d'interpellation et d'arrestation du 14 août 2021, une patrouille de police était intervenue, le jour même à 02h15, à la rue 1______ no. ______, pour une bagarre. Sur place, un individu avait pris la fuite ; les deux autres avaient été interpellés. Ces derniers, en état d'ébriété (0.82 mg/l respectivement 0.75 mg/l), avaient été identifiés comme étant A______ et C______. A______ saignait légèrement du nez. Les policiers l'avaient vu avaler une boulette, de contenu inconnu. A______ avait donc été acheminé au Quartier cellulaire de l'Hôpital cantonal de Genève (QCH), en observation, en vue de l'évacuation de boulettes, visibles sur les radiographies. Son téléphone avait été saisi, de même que l'argent dont il était porteur (CHF 131.70 et EUR 0.30). Les contrôles montraient que A______ séjournait en Suisse sans les autorisations nécessaires ; C______ résidait à la rue 2______ no. ______, [code postal] D______, France. La CVP avait été contactée mais aucune image n'avait pu être recueillie.

b.a. A la police, A______ a déposé plainte pénale contre C______. Il marchait tranquillement, il allait prendre le tram. Il avait remarqué que trois hommes le suivaient. Ceux-ci lui avaient dit "hé, hé, hé, hé !" et l'avaient directement frappé. Il s'était pris des coups de poing et de pied, était tombé au sol et avait saigné du nez. Un homme avait dit "arrêtez !" et une femme avait vu la scène. Les agresseurs, dont un avait été interpellé en même temps que lui, étaient partis en courant. Il voulait savoir pourquoi on l'avait agressé.

b.b. C______ a expliqué qu'il avait été abordé par un Africain (A______) qui lui avait proposé de la cocaïne. L'homme lui avait dit qu'un gramme coûtait CHF 80.- et qu'un demi-gramme coûtait CHF 40.-, tout en lui montrant cinq à six boulettes qu'il avait dans la main. Pour sa part, il lui avait donné CHF 30.-, soit un billet de CHF 20.- et un billet de CHF 10.- – il n'avait que ça. Pour les CHF 10.- qui manquaient, l'Africain lui avait dit qu'il pouvait le "sucer" – il ignorait si c'était sérieux ou s'il rigolait. Un Espagnol ou un Portugais, avec qui l'Africain "s'engueulait", les avait suivis tandis qu'ils marchaient et avait mis un coup à ce dernier. N'ayant pas reçu sa cocaïne, il avait voulu, quant à lui, récupérer ses CHF 30.-. A l'arrivée de la police, le tiers avait pris la fuite et l'Africain avait avalé les boulettes.

b.c. A______ a contesté avoir proposé de la cocaïne. Des hommes l'avaient suivi, sans doute pour lui voler son sac et, sans lui parler, s'étaient mis à le frapper. On ne lui avait pas remis CHF 30.- – il avait déjà un billet de CHF 20.- et un billet de CHF 10.- sur lui. Il n'avait pas proposé de fellation. L'argent saisi sur lui provenait de son amie, "E______". Il consommait de la cocaïne, environ 1 gramme par jour – ça dépendait de l'argent qu'il avait –, qu'il payait CHF 70.- le gramme et cela faisait des années qu'il n'en vendait plus. Il avait avalé les trois boulettes de cocaïne, achetées le jour même en ville, car il avait eu peur de la police.

A______ a ajouté qu'il était arrivé en Suisse en 2016, en provenance d'Espagne. Il n'était pas sorti de Suisse depuis sa dernière audition par la police. Il n'avait pas de passeport. Il ne possédait pas d'autorisation de séjour et n'avait pas fait de demande à l'OCPM. Il résidait chez sa copine, "E______", à F______ [GE].

b.d. C______ a contesté avoir tapé A______. Les faits s'étaient déroulés comme il l'avait expliqué. Peut-être A______ l'accusait-il car il était "dans la merde" pour l'avoir escroqué.

c.a. Au MP, A______ a confirmé ses précédentes déclarations. Il savait qu'il n'avait pas le droit d'être en Suisse. Il y était néanmoins resté de 2016 à 2021. Il admettait avoir avalé trois boulettes de cocaïne, de 0.5 gramme chacune. Cette drogue était destinée à sa consommation personnelle. Il en consommait de temps en temps, le week-end. Il avait payé CHF 100.- pour cette drogue, avec l'argent que lui donnait sa famille pour vivre. Il contestait avoir voulu vendre de la cocaïne à la personne qui avait été arrêtée avec lui. Sans doute celles qui l'avaient suivi avaient-elles voulu voler son sac à dos. À un moment donné, elles lui étaient "tombées dessus". Des gens présents avaient appelé la police. A l'arrivée de celle-ci, il ne restait plus que la personne qui l'avait tapé, qu'il ne connaissait pas. Il avait avalé les boulettes car il ne voulait pas que la police le voie avec ça.

c.b. C______, dûment convoqué, n'a pas comparu.

d. Le QCH n'a pas établi de rapport sur l'expulsion des boulettes.

e.a. Au Tribunal, A______ a persisté dans ses déclarations. Il reconnaissait le séjour illégal. Il était vrai qu'il vivait en Suisse en situation irrégulière. Il n'avait pas vendu de cocaïne. Il n'en avait pas proposée. On ne lui avait pas remis CHF 30.-. Mais il détenait bien trois boulettes de cette substance. Trois personnes, qu'il ne connaissait pas, l'avaient agressé.

e.b. C______, dûment convoqué, n'a pas comparu.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Dans son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions. Il contestait les faits en lien avec la LStup. Faute de preuve, on ne pouvait affirmer, sans arbitraire, qu'il s'adonnait au trafic de stupéfiants. En l'absence de confrontation avec C______, le Tribunal violait de manière crasse l'essence même du principe de la présomption d'innocence. Il devait être acquitté. Quant au séjour illégal, il avait déjà été condamné à des peines s'élevant à 180 unités pénales au total, de sorte que c'était une peine égale à zéro qui devait lui être infligée. Les sursis ne devaient pas être révoqués, vu leur ancienneté.

c. Dans son mémoire de réponse, le MP soutient que c'est à juste titre que le TP a reconnu A______ coupable de délit à la LStup. En sus des déclarations de C______, crédibles, plusieurs indices permettaient de retenir que la drogue était destinée à la vente (coupures d'argent, explications sur la différence de CHF 10.-, volonté de se débarrasser de la cocaïne, consommation quotidienne et antécédents judiciaires). Quant au cumul des peines relevant du séjour illégal, il ne dépassait pas 120 unités, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'infliger, pour cette infraction, une peine égale à zéro.

D. a. A______ est âgé de 35 ans, de nationalité guinéenne, célibataire, sans enfant. Il vivrait chez sa copine, participerait au loyer en donnant CHF 100.-, et celle-ci, tout comme sa famille, subviendrait à ses besoins. Sans profession, il travaillerait parfois dans un salon de coiffure.

b. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, A______ a été condamné :

·         Le 11 juillet 2016 par le Ministère public de Genève à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 10.-, assortie du sursis, délai d'épreuve trois ans (prolongé d'un an), et à une amende de CHF 300.- pour séjour illégal, entrée illégale et contravention à la LStup ;

·         Le 17 août 2016 par le Ministère public de Genève à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, assortie du sursis, délai d'épreuve trois ans, et à une amende de CHF 300.- pour séjour illégal et contravention à la LStup ;

·         Le 15 juin 2017 par le Tribunal de police de Genève à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 10.- (sous déduction de quatre jours-amende correspondant à quatre jours de détention avant jugement), assortie du sursis, délai d'épreuve quatre ans (prolongé d'un an), pour séjour illégal et délit à la LStup ;

·         Le 21 novembre 2017 par le Tribunal de police de Genève à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- (sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement), complémentaire à la précédente, assortie du sursis, délai d'épreuve trois ans (prolongé d'un an), pour séjour illégal, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée et contravention à la LStup ;

·         Le 27 septembre 2018 par le Tribunal de police de Genève à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 10.- pour séjour illégal et délit à la LStup ;

·         Le 22 novembre 2018 par le Tribunal de police de Genève à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, complémentaire à la précédente, pour séjour illégal ;

·         Le 14 août 2023 par le Ministère public de Genève à une peine pécuniaire de zéro jour-amende pour séjour illégal (du 15 août 2021 au 24 janvier 2023).

E. Me B______, défenseur d'office de A______ dès le 21 août 2023, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant trois heures d'activité de chef d'étude (une heure (entretien à l'Etude) le 8 mai 2023 + deux heures (rédaction de l'appel) le 29 septembre 2023), activité soumise à la TVA.

* * * * *

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et art. 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu (ATF 148 IV 409 consid. 2.2).

2.1.2. L'art. 6 ch. 3 let. d CEDH garantit à tout accusé le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. Cette disposition exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit. En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin ou que sa déposition constitue une preuve essentielle (ATF 131 I 476 consid. 2.2).  

Dans certains cas, la déclaration d'un témoin auquel le prévenu n'a pas été confronté peut être exploitée, pour autant que la déposition soit soumise à un examen attentif, que l'accusé puisse prendre position à son sujet et que le verdict de culpabilité ne soit pas fondé sur cette seule preuve (ATF 131 I 476 consid. 2.2). De manière générale, il convient de rechercher si la procédure, considérée dans son ensemble, y compris la présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable. La question de savoir si le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge garanti par l'art. 6 ch. 3 let. d CEDH a été respecté doit donc être examinée dans chaque cas en fonction de l'ensemble de la procédure et des circonstances concrètes (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_721/2020 du 11 février 2021 consid. 3.3.1).

La Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé que le caractère "déterminant" des déclarations d'un témoin doit être appréhendé dans un sens étroit, comme désignant une preuve dont l'importance est telle qu'elle est susceptible d'emporter la décision sur l'affaire. Si la déposition d'un témoin n'ayant pas comparu au procès est corroborée par d'autres éléments, l'appréciation de son caractère déterminant dépendra de la force probante de ces autres éléments : plus elle sera importante, moins la déposition du témoin absent sera susceptible d'être considérée comme déterminante (Arrêt CEDH Al-Khawaja et Tahery c. Royaume-Uni du 15 décembre 2011 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_809/2013 du 14 novembre 2013).

2.1.3. A teneur de l'art. 19 al. 1 let. d LStup, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, sans droit, possède, détient ou acquiert des stupéfiants ou s’en procure de toute autre manière.

Quiconque, sans droit, consomme intentionnellement des stupéfiants ou commet une infraction à l’art. 19 pour assurer sa propre consommation est passible d’une amende (art. 19a ch. 1 LStup).

2.1.4. A teneur de l'art. 115 al. 1 let. b LEI, est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l’expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé.

L'art. 115 al. 1 let. b LEI consacre un délit continu. La condamnation en raison de ce délit opère cependant une césure, de sorte que le fait de perpétuer la situation irrégulière après le jugement constitue un acte indépendant permettant une nouvelle condamnation à raison des faits non couverts par le premier jugement, en conformité avec le principe ne bis in idem (ATF 145 IV 449 consid. 1.1 ; 135 IV 6 consid. 3.2). En vertu du principe de la culpabilité, sur lequel repose le droit pénal, les peines prononcées dans plusieurs procédures pénales en raison de l'effet de césure ne peuvent dépasser la peine maximale prévue par la loi pour l'infraction en question. Pour prononcer une nouvelle condamnation en raison d'un délit continu et pour fixer la peine sans égard à la durée de l'infraction déjà prise en compte dans un jugement antérieur, il faut que l'auteur, après la première condamnation, prenne une nouvelle décision d'agir, indépendante de la première. En l'absence d'une telle décision, et lorsque la situation irrégulière qui doit faire l'objet d'un nouveau jugement procède de la même intention que celle qui a présidé aux faits déjà jugés, la somme des peines prononcées à raison du délit continu doit être adaptée à la culpabilité considérée dans son ensemble et ne pas excéder la peine maximale prévue par la loi (ATF 145 IV 449 consid. 1.1 ; 135 IV 6 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_95/2023 du 12 juillet 2023 consid. 1.1).

L'art. 115 al. 1 let. b LEI doit être interprété conformément à la jurisprudence de l'Union européenne en rapport avec la Directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (Directive sur le retour 2008/115/CE ; ATF 147 IV 232 consid. 1.2 ; 143 IV 249 consid. 1.8.1). Ainsi, une peine privative de liberté pour séjour illégal ne peut être infligée que si les autorités administratives ont entrepris toutes les mesures raisonnables pour l'exécution de la décision de retour, mais que la procédure y relative a échoué en raison du comportement de l'intéressé. Le prononcé d'une peine pécuniaire n'est en revanche pas incompatible avec la Directive sur le retour, pour autant qu'elle n'entrave pas la procédure d'éloignement. Une telle sanction peut être prononcée indépendamment de la mise en œuvre des mesures nécessaires au renvoi (ATF 143 IV 249 consid. 1.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_428/2021 du 18 novembre 2021 consid. 1.1).

Lorsque le juge choisit de prononcer une peine pécuniaire, il doit déterminer combien d'unités pénales ont déjà, par le passé, été infligées au prévenu en raison du délit continu et ne peut dépasser le seuil maximal de 180 jours-amende prévu par l'art. 34 al. 1 CP (ATF 145 IV 449 consid. 1.5).

2.2.1. En dépit de l'absence de rapport rendu par le QCH et bien qu'aucune boulette n'ait été saisie par la police, il est établi que l'appelant était en possession de cocaïne cette nuit-là, à tout le moins de trois boulettes de cette substance, d'un poids total brut de 1.5 gramme vraisemblablement, ainsi qu'il le soutient ; ce fait est admis.

Il convient de déterminer si cette drogue était destinée à la vente ou à sa consommation personnelle.

Les versions des deux protagonistes divergent. La thèse de l'agression, mise en avant par l'appelant, est laconique. Elle ne saurait être écartée d'emblée cependant – il est constant que la police a été appelée pour une bagarre et que le prévenu saignait du nez à son arrivée. Quant à la version de C______, reprise par l'accusation, elle est plausible. Elle est cohérente et contient des détails. Mais elle n'est pas étayée. Que deux billets de CHF 20.- et CHF 10.- se soient trouvés en possession du prévenu n'apparait pas déterminant, sachant que ce sont quelque CHF 131.- au total qui ont été saisis sur lui. L'anecdote de la fellation est certes singulière, mais elle n'est pas probante en soi. Quant aux antécédents judiciaires, spécifiques, ils suscitent l'interrogation, la suspicion, mais ils ne sont pas davantage décisifs. Enfin, la tentative de dissimuler les boulettes, tout comme la consommation (quotidienne ou le week-end), plaident aussi bien pour le délit que pour la contravention à la LStup. En réalité, ce qui est susceptible d'emporter la conviction, ce sont les accusations de C______, selon lesquelles le prévenu aurait cherché à lui vendre de la cocaïne. Les propos incriminants de ce témoin sont l'élément fort, à charge, du dossier, la preuve essentielle. Or l'appelant n'a pas pu, de fait, être confronté à ce dernier en cours de procédure. Cette occasion ne lui a pas été donnée. Le TP ne pouvait, partant, faute de confrontation, fonder son jugement sur les déclarations, déterminantes, de ce témoin, sans violer le droit d'être entendu du prévenu.

A______ doit être acquitté du chef de délit à la LStup. Il doit, partant, être reconnu coupable du chef de contravention à la LStup.

2.2.2. L'appelant a séjourné en Suisse pendant la période pénale, alors qu'il était démuni de papiers d'identité et n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires. Par son comportement, il a violé l'art. 115 al. 1 let. b LEI. Il ne le conteste pas.

Rien n'indique que l'autorité administrative ait pris la moindre mesure en vue du renvoi du prévenu dans son pays d'origine. Seule une peine pécuniaire, qui ne contrevient pas à la Directive sur le retour, entre donc en ligne de compte.

60 unités pénales au total ont été infligées à l'appelant, pour séjour illégal, par jugements des 17 août 2016 et 22 novembre 2018. Il faut considérer que 30 unités supplémentaires l'ont été de ce chef, chaque fois, par jugements des 11 juillet 2016, 15 juin 2017 et 27 septembre 2018, et 10 unités de plus par jugement du 21 novembre 2017. Ce sont donc 160 unités pénales qui ont déjà, par le passé, été infligées au prévenu en raison de ce délit continu. Dans ces conditions, le seuil maximal de 180 jours-amende prévu par l'art. 34 al. 1 CP n'a pas été atteint. Le prononcé d'une peine pécuniaire supérieure à zéro demeure possible.

Le fait que le MP a considéré, par ordonnance du 14 août 2023, que le plafond de 180 jours-amende avait déjà été atteint n'est pas opposable à la Chambre de céans.

3. 3.1. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP).

3.2. La faute du prévenu n'est pas négligeable. Il a fait fi, une fois de plus, des règles sur la migration. La période pénale est longue (deux ans et neuf mois). Le mobile relève de la convenance personnelle. Sa situation personnelle n'est guère aisée, certes. Rien ne l'empêche, toutefois, de retourner dans son pays d'origine. La prise de conscience de la gravité de l'acte fait défaut ; le prévenu n'exprime pas de regrets et ne présente pas d'excuses.

Le seuil maximal de 180 unités pénales ne pouvant être dépassé, ce sont 20 jours-amende qui seront fixés ici (art. 34 al. 1 CP). Le montant du jour-amende sera arrêté à CHF 10.- (art. 34 al. 2 CP).

Le pronostic est défavorable. Il s'agit d'une énième condamnation, les précédentes ne l'ayant pas détourné de la récidive. Le statut de l'appelant, par ailleurs, est précaire et aucun projet d'avenir, sérieux, viable, ne se profile. La peine sera donc ferme et, par identité de motifs, les sursis octroyés les 15 juin 2017 et 21 novembre 2017 seront révoqués (art. 46 al. 1 CP) – la révocation des sursis accordés les 11 juillet 2016 et 17 août 2016 ne peut plus être ordonnée car trois ans se sont écoulés depuis l'expiration du délai d'épreuve (art. 46 al. 5 CP). Les peines révoquées et la nouvelle peine étant du même genre, une peine d'ensemble sera fixée, en appliquant par analogie l'art. 49 al. 1 CP (art. 46 al. 1 CP). Ainsi, la (nouvelle) peine de 20 jours-amende, de base, sera augmentée dans une juste proportion de 80 jours-amende (peine du 15 juin 2017) et de 20 jours-amende (peine du 21 novembre 2017), ce qui ramène la peine à 120 jours-amende.

La détention avant jugement (deux + quatre + un jour(s)) sera imputée sur la peine d'ensemble (art. 51 CP).

A______ sera mis à l'amende (art. 19a ch. 1 LStup). Son montant sera arrêté à CHF 300.-, lequel tient compte de la situation de l'appelant et de la faute commise (art. 106 al. 3 CP).

4. La restitution du téléphone et de l'argent est acquise à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP).

5. 5.1. Vu l'issue de la procédure, A______, qui succombe en partie, supportera la moitié des frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 14 al. 1 let. e RTFMP).

Il y a lieu également de revoir les frais fixés par l'autorité inférieure. Seule la moitié de ceux-ci sera mise à la charge du condamné (art. 428 al. 3 CPP).

5.2. Dans la mesure où l'appel est partiellement admis et que l'appelant est acquitté d'un chef d'infraction (LStup), une indemnité (1/2) lui sera accordée pour ses frais de défense privée en première instance et en appel, en CHF 2'201.15 et CHF 107.70 (entretien du 8 mai 2023) (art. 429 al. 1 let. a et 436 al. 1 CPP).

Les conclusions en indemnisation de A______ fondées sur l'art. 429 al. 1 let. c CPP seront rejetées. Les jours de détention avant jugement ont, en effet, été imputés sur la peine.

6. Pour les frais de défense d'office, la rémunération de Me B______ sera arrêtée à CHF 400.- correspondant à deux heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 30.80.

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 8 mai 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/15890/2021.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ du chef de délit à la Loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. d LStup).

Déclare A______ coupable d'infraction à la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de contravention à la Loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

Révoque les sursis accordés par le Tribunal de police de Genève le 15 juin 2017 (peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 10.- sous déduction de quatre jours-amende correspondant à quatre jours de détention avant jugement) et le 21 novembre 2017 (peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.- sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement) (art. 46 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire d'ensemble de 120 jours-amende, sous déduction de sept jours-amende correspondant à sept jours de détention avant jugement (art. 34 al. 1, 46 al. 1 et 51 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.- (art. 34 al. 2 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 300.- (art. 106 al. 1 CP).

Prononce une peine privative de substitution de 3 jours (art. 106 al. 2 CP).

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée (art. 106 al. 2 CP).

Ordonne la restitution à A______ de l'argent et du téléphone figurant sous chiffres 1 à 3 de l'inventaire 3______ du 14 août 2021 à son nom (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ au paiement de la moitié des frais de la procédure préliminaire et de première instance en CHF 1'516.-, émolument complémentaire de jugement compris (art. 426 al. 1 cum art. 428 al. 3 CPP).

Condamne A______ au paiement de la moitié des frais de la procédure d'appel en CHF 935.-, comprenant un émolument de décision de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP).

Alloue à A______ CHF 2'308.85 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec l'indemnité accordée (art. 442 al. 4 CPP).

Arrête à CHF 430.80, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______ pour la procédure d'appel.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal pénal.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal :

CHF

1'516.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

800.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

935.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'451.00