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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9140/2020

AARP/385/2023 du 06.11.2023 sur JTDP/382/2023 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 07.12.2023, 6B_1350/2023
Descripteurs : EXEMPTION DE PEINE;INFRACTION D'IMPORTANCE MINEURE
Normes : CP.139; CP.172ter; CP.431.al1; CP.53; OP.54
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9140/2020 AARP/385/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 3 octobre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me Thomas BARTH, avocat, BARTH & PATEK, boulevard Helvétique 6, case postale, 1211 Genève 12,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/382/2023  rendu le 27 mars 2023 par le Tribunal de police,

 

et

B______, représentée par M. C______, Service de sécurité, ______ [VD],

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT

A.           a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 27 mars 2023 par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal [CP]) et de vol de d'importance mineure (art. 139 ch. 1 cum art. 172ter CP). Le premier juge l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, à CHF  50.- l'unité, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement, peine tenant en compte la mesure de contrainte illicite subie, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 200.-, peine privative de liberté de substitution de deux jours. Le premier juge a également ordonné la restitution à B______ des bouteilles de vin figurant sous chiffres 1 à 6 de l'inventaire n° 1______ du 12 mai 2020, a rejeté les conclusions en indemnisation de A______ et l'a condamné aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 500.-.

A______ conclut à son acquittement, subsidiairement au prononcé d'une amende, à la condamnation de l'État de Genève à lui verser une indemnité de CHF  5'000.- à titre de réparation du tort moral, à ce que les frais de la procédure de première instance et d'appel soient laissés à la charge de l'État et à l'octroi d'une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel.

Le Ministère public (MP) conclut au rejet de l'appel.

b. Selon l'ordonnance pénale du 8 juin 2020, il est reproché à A______ :

Dans le magasin B______ de D______ [GE] sis chemin 2______, A______ s'est emparé à réitérées reprises entre le 27 avril et le 12 mai 2020, de diverses marchandises sans s'acquitter de leur prix, en vue de se les approprier et de s'enrichir illégitimement. Il a ainsi dérobé :

- deux bouteilles de vin E______ (2010) au prix de CHF 220.- l'unité, le 27 avril 2020 ;

- deux bouteilles de vin F______ (2014) au prix de CHF 225.- l'unité et quatre bouteilles de vin G______ au prix de CHF 26.45 l'unité, le 29 avril 2020 ;

- deux bouteilles de vin H______ (2014) au prix de CHF 165.- l'unité, le 2 mai 2020 ;

- trois bouteilles de vin I______ (2007) au prix de CHF 54.95 l'unité et une bouteille de vin E______ (millésime inconnu) d'un montant de CHF 245.-, le 8 mai 2020 ;

- diverses denrées alimentaires, totalisant un montant de CHF 171.80, le 12 mai 2020, étant précisé que la marchandise a finalement été payée ensuite de son interpellation par le service de sécurité du magasin après le franchissement des caisses.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.  La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) se réfère aux faits décrits dans l'ordonnance pénale et retenus par le TP, non contestés en appel (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]) et rappelle au surplus ce qui suit :

b. Suite à l'interpellation le 12 mai 2020 de A______, la police a procédé à la fouille de son véhicule, puis à la perquisition de son domicile, dans lequel 12 des 14 bouteilles de vin annoncées comme dérobées ont été retrouvées, puis portées à l'inventaire n°1______, enfin à la fouille, en deux temps, de sa personne.

c. Devant la police, A______ a nié avoir voulu voler des denrées. Distrait lors de son passage en caisse par sa fille de six ans, il avait "omis" de payer les aliments se trouvant dans un sac réfrigéré accroché à son caddie. Il a en revanche admis avoir sciemment emporté, sans les régler, les 14 bouteilles d'alcool. Devant le MP, il a confirmé ses précédentes déclarations, contestant toutefois avoir dérobé des bouteilles de vin les 2 et 8 mai 2020, avant d'admettre à nouveau les faits lors de l'audience de jugement.

A______ a présenté ses excuses, s'est engagé à payer "ce qu'il faudra" et à ne plus recommencer, précisant ne pas avoir été bien au moment des faits, perturbé par sa situation familiale et financière.

A______ a ajouté que la police avait eu une attitude "inimaginable" à son égard.

Lors de l'audience de jugement, A______ a précisé que ce qui avait été vraiment traumatisant, c'était cette fouille complètement "folle" faite à son encontre. Il avait dû se battre jusqu'au Tribunal fédéral pour que son illégalité soit établie. Il estimait avoir été assez puni.

d. Dans sa lettre adressée au commerce B______, le 14 mai 2020, A______ a soutenu qu'il n'avait jamais eu l'intention de dérober le moindre article. Il faisait face à de "nombreux soucis personnels" qui lui avaient fait "perdre la tête et manquer de concentration". Pour faire "amende honorable", il était prêt à prendre à sa charge et rembourser les frais administratifs engendrés par cette affaire. Enfin, il sollicitait de la société B______ le retrait de la plainte pénale déposée à son encontre, précisant qu'une telle situation ne se reproduirait plus.

e. À teneur du certificat médical du 24 mai 2021 établi par le docteur J______, psychiatre, A______, suivi en thérapie depuis 2012, avait traversé régulièrement des épisodes dépressifs et présentait un trouble de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif. Ce trouble impliquait des moments de désorganisation de la pensée avec une perte momentanée de la capacité de discernement, qui s'exprimaient sous forme d'épisodes de kleptomanie irrépressibles et stéréotypés (même magasin, même type d'objet).

f. Selon l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_178/2022 rendu 1er novembre 2022 dans la procédure PS/3______/2020, A______ avait fait l'objet, suite à son interpellation, le 12 mai 2020, d'une fouille corporelle illicite (art. 250 al. 1 CPP), dans la mesure où celle-ci n'avait pas respecté le principe de proportionnalité. Un policier avait exigé de lui qu'il se déshabille, baisse son caleçon, s'accroupisse et tousse, afin de vérifier de près son orifice anal.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite, avec l'accord des parties.

b. Par la voix de son conseil, A______ conclut à son acquittement, subsidiairement à une exemption de peine, et plus subsidiairement encore au prononcé d'une amende. Il chiffre à CHF 2'100.15 l'indemnité requise pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Le premier juge avait à tort retenu que l'application de l'art. 53 CP n'était pas possible. Toute réparation, y compris partielle, devait être prise en compte, même après identification du délinquant et même si celle-ci n'était pas le fruit de sa propre volonté. Il avait fait preuve d'une grande collaboration en autorisant la police à fouiller son véhicule et en signant l'autorisation de perquisition de son domicile. Il avait en outre adressé un courrier à B______, deux jours après son interpellation, pour faire part de son repentir sincère. Sa prise de conscience était aboutie et il avait accompli tous les efforts qu'on pouvait raisonnablement exiger de lui pour réparer le dommage. Les intérêts public et privé à le punir étaient moindres dans la mesure où la série de vols était intervenue lors d'un épisode dépressif durant lequel il avait souffert d'un trouble de la personnalité s'exprimant sous forme d'épisodes de kleptomanie irrépressibles et stéréotypés. Vu le caractère passager de ce trouble, le risque de récidive était nul. Le dommage subi par B______, en quasi-totalité réparé, était minime. Étant actif dans le milieu bancaire, une condamnation l'empêcherait de trouver un emploi.

Contrairement à ce qu'avait retenu le premier juge, le fait que l'interpellation et la fouille corporelle étaient qualifiées de conséquences indirectes de son acte ne faisait pas obstacle à l'application de l'art. 54 CP. La procédure avait eu un impact particulièrement dur, en raison d'une atteinte à sa dignité, de par la fouille corporelle illégale effectuée à la suite de son interpellation, alors que l'infraction commise n'était pas particulièrement grave.

c. Le MP persiste dans ses conclusions.

Il ne pouvait pas être fait application de l'art. 53 CP. Hormis la lettre adressée à B______ après son interpellation, A______ n'avait pas fait preuve d'autre effort particulier et méritoire dans le but de s'amender, étant rappelé que, dans ledit courrier, il contestait avoir commis une infraction et demandait à la société de retirer la plainte déposée à son encontre. Il avait de plus agi à cinq reprises.

Le premier juge avait tenu compte, pour la fixation de la peine, de la fragilité psychologique de A______ et de la fouille corporelle subie. Dans la mesure où le précité n'avait subi que des conséquences indirectes de son acte, il ne pouvait être fait application de l'art. 54 CP.

D. a. A______, de nationalité suisse, est né le ______ 1976 à Genève. Il est marié et père d'une fille âgée de 10 ans. Il est, selon ses dires, sans emploi et ne perçoit pas d'aide sociale. Il est copropriétaire, avec son épouse, d'un logement sis à K______ [GE]. Il n'aurait ni dette, ni fortune.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ n'a pas d'antécédent.

EN DROIT

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. L’appelant ne conteste pas les faits ni leur qualification juridique, mais soutient que les conditions d'un acquittement, subsidiairement, d'une exemption de peine au sens des art. 53 et 54 CP sont remplies et conteste la mesure de la peine.

2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

2.2. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

Lorsqu'il s'avère que les peines envisagées concrètement sont de même genre, l'art.  49 al. 1 CP impose au juge, dans un premier temps, de fixer la peine pour l'infraction abstraitement - d'après le cadre légal fixé pour chaque infraction à sanctionner - la plus grave, en tenant compte de tous les éléments pertinents, parmi lesquels les circonstances aggravantes ou atténuantes. Dans un second temps, il augmentera cette peine pour sanctionner chacune des autres infractions, en tenant là aussi compte de toutes les circonstances y relatives (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.2).

2.3. À teneur de l'art. 431 al. 1 CPP, si le prévenu a, de manière illicite, fait l'objet de mesures de contrainte, l'autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral.

Les mesures de contrainte sont toutes celles envisagées aux art. 201 ss CPP. Il s'agit de tous les "actes de procédure des autorités pénales qui portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes concernées" (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND [éds], Code de procédure pénale – Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2016, n. 2 ad art. 431).

L'ampleur du tort moral subi dépend largement de la disposition violée et les principes découlant de l'art. 49 CO sont applicables. Des écoutes téléphoniques illicites, la mise en détention provisoire au terme d'une procédure violant le CPP ou une fouille corporelle humiliante seront ainsi susceptibles de justifier l'octroi d'un tort moral élevé (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE, Commentaire romand du CPP, Bâle 2019, n. 11 ad art. 431).

Outre l’indemnisation sous forme de paiement d’un dédommagement, les mesures de contrainte illicites, à tout le moins les conditions de détention contraires à la dignité humaine, peuvent être indemnisées sous la forme d’une réduction de peine. Celle-ci ne doit pas être le fruit d’une estimation arbitraire, mais obéir à une certaine logique ressortant des motifs et se traduire par une réduction effective de la peine subie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE, op. cit., n. 11b ad art. 431).

2.4.1. En l’espèce, la faute de l'appelant n'est pas anodine. Il s'en est pris au patrimoine d'autrui, à cinq reprises sur une période de 16 jours, et seule son interpellation a mis un terme à ses agissements. Il a volé, à ces occasions, pour plus de CHF  1'700.- de marchandises, pour des motifs égoïstes, qu'il explicite peu.

Sa collaboration a été, dans l'ensemble, plutôt bonne, à l'instar de sa prise de conscience, compte tenu des excuses présentées. Mais il minimise la gravité de ses actes.

Comme retenu par le premier juge, il sera tenu compte de ce que l'appelant présente une certaine fragilité psychique, pouvant expliquer ses passages à l'acte successifs. Sa responsabilité reste toutefois pleine et entière – ce que le prévenu ne discute pas.

Une peine pécuniaire sera prononcée (art. 34 al. 1 CP).

Il y a concours d'infractions, la plus grave étant sans doute le vol du 29 avril 2020, référence faite au nombre de bouteilles soustraites et à leur valeur totale. Une peine de 30 jours-amende viendra la sanctionner. Cette peine, de base, sera augmentée dans une juste proportion de 20 jours-amende (peine hypothétique : 30 jours-amende) pour chaque autre vol (27 avril, 2 et 8 mai 2020).

Une peine pécuniaire de 90 jours-amende apparaît ainsi appropriée pour sanctionner les infractions commises par l'appelant.

L'amende d'un montant de CHF 200.-, prononcée par le premier juge pour sanctionner la contravention, soit le vol d'importance mineure du 12 mai 2020, adéquate, sera confirmée (art. 106 CP).

2.4.2. L'appelant n'a pas produit de certificat médical attestant du traumatisme qu'il allègue avoir subi suite à la fouille corporelle effectuée par la police. Toutefois, la reconnaissance, par le Tribunal fédéral, de l'illicéité de cette mesure de contrainte pallie cette absence et atteste que le prévenu a été victime, à cette occasion, d'un traitement dégradant, l'atteignant dans sa dignité humaine. Ces conditions commandent l'octroi d'un tort moral élevé, selon la doctrine. À cet égard, l'appelant n'allègue pas qu'une réparation sous la forme d'une réduction de la peine serait impropre à réparer son dommage. Ainsi, la Cour estime qu'une réduction de peine de l'ordre de 2/3 (60 unités pénales) apparaît proportionnée et propre à indemniser le prévenu.

La peine pécuniaire de 30 jours-amende fixée par le premier juge est donc adéquate, tout comme le montant du jour-amende fixé à CHF 50.-.

Le sursis (art. 42 al. 1 CP), acquis à l'appelant, tout comme la durée du délai d'épreuve fixée à trois ans par le TP, adéquate, seront confirmés.

2.5.1. Aux termes de l'art. 53 CP, lorsque l'auteur a réparé le dommage ou accompli tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour compenser le tort qu'il a causé, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine, s'il encourt une peine privative de liberté d'un an au plus avec sursis, une peine pécuniaire avec sursis ou une amende (let. a), si l'intérêt public et l'intérêt du lésé à poursuivre l'auteur pénalement sont peu importants (let. b) et si l'auteur a admis les faits (let. c).

La possibilité offerte par l'art. 53 CP fait appel au sens des responsabilités de l'auteur en le rendant conscient du tort qu'il a causé et doit contribuer à améliorer les relations entre l'auteur et le lésé et rétablir ainsi la paix publique (ATF 135 IV 12 consid.  3.4.1). L'auteur doit ainsi démontrer par la réparation du dommage qu'il assume ses responsabilités et reconnaît notamment le caractère illicite ou du moins incorrect de son acte. Si l'auteur persiste à nier tout comportement incorrect, on doit admettre qu'il ne reconnaît pas, ni n'assume sa faute ; l'intérêt public à une condamnation l'emporte donc. Par ailleurs, la réparation du dommage ne peut conduire à une exemption de peine que si l'intérêt public et celui du lésé à la poursuite pénale sont de peu d'importance. Lorsque l'infraction lèse des intérêts privés et plus particulièrement un lésé, qui a accepté la réparation de l'auteur, l'intérêt à la poursuite pénale fait alors la plupart du temps défaut (arrêt du Tribunal fédéral 6B_488/2022 du 11 octobre 2022 consid. 2.1).

Lorsque les conditions cumulatives de l'art. 53 CP sont réunies, l'exemption par le juge est obligatoire. Si elles ne sont réalisées qu'en instance de jugement, il y a lieu de déclarer l'auteur coupable, tout en renonçant à lui infliger une peine
(ATF 135 IV 27 consid. 2.3). L'autorité compétente doit prendre en compte toute réparation, quand bien même celle-ci n’intervient qu’après que le délinquant se sache identifié et qu’elle ne soit pas le fruit de sa propre volonté mais celle d’un tiers (L.  MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n.  19 ad art. 53). En outre, l’auteur n’est pas tenu de réparer complètement le dommage par sa compensation, l’important étant qu’il ait accompli tous les efforts que l’on puisse "raisonnablement" attendre de lui (Message CP 1998, 1874). S'il faut partir du principe que la réparation diminue l’intérêt public à poursuivre le délinquant, la gravité des faits ou d’autres circonstances peuvent toutefois toujours s’avérer suffisamment importantes pour maintenir l’intérêt public d’infliger une sanction au délinquant (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N.  DONGOIS, op. cit., n 17 ad art. 53).

2.5.2. Il y a eu réparation du dommage, partielle dans la mesure où l'appelant n'a vraisemblablement pas remboursé le prix correspondant aux deux bouteilles de vin qui n'ont pas été retrouvées lors de la perquisition, voire totale, ce qui ne peut être exclu. Cette réparation ne relève toutefois pas de la spontanéité : ce n'est que suite à son interpellation, après le passage des caisses, que l'appelant a remboursé les denrées volées le 12 mai 2020. Quant aux 12 bouteilles de vin, elles n'ont été restituées à la lésée que sur saisie policière, après que l'appelant a été "contraint", selon ses dires, de signer l'autorisation de perquisition de son domicile (PS/3______/2020). En outre, s'il a certes proposé à B______ de rembourser les frais administratifs liés à la procédure, un tel remboursement n'apparait pas au dossier. Le degré d'effort du prévenu dans la réparation du dommage apparait ainsi, somme toute, très relatif. Quoiqu'il en soit, les conditions cumulatives de l'art. 53 CP ne sont pas réalisées. Certes, l'appelant a admis les faits, la peine prononcée l'est avec sursis et l'intérêt de B______ à le poursuivre est faible désormais. Il n'en reste pas moins que l'intérêt public à le condamner demeure. Il ne faut pas perdre de vue que l'appelant s'est rendu coupable de cinq vols successifs, dont quatre crimes, poursuivis d'office. Un voleur ne saurait raisonnablement prétendre à être mis au bénéfice de l'art. 53 CP sous prétexte que son butin a été saisi et restitué au lésé.

Le premier juge n'a donc pas violé l'art. 53 CP en refusant d'exempter le recourant de toute peine.

2.6.1. Aux termes de l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à la renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Ne peut se prévaloir de l'art. 54 CP que celui qui est directement atteint par les conséquences de son acte. Tel est notamment le cas si l'auteur a subi des atteintes physiques résultant de la commission même de l'infraction, par exemple s'il a été blessé lors de l'accident qu'il a provoqué, ou psychiques, comme celles qui affectent une mère de famille devenue veuve par suite de l'accident de la circulation qu'elle a causé (ATF 119 IV 280 consid. 2b). Des conséquences indirectes, telle la perte d’une place de travail, la désunion familiale ou la dégradation de la situation financière, voire d'éventuels problèmes psychiques résultant implicitement des suites de l’infraction, ne devraient pas être pris en considération dans le cadre de l'art.  54 CP (ATF 117 IV 245 consid. 2a).

Selon la doctrine, outre la difficulté de toujours parfaitement distinguer les conséquences directes des conséquences indirectes d’une infraction, la véritable pertinence de cette délimitation est douteuse et il paraît préférable – et conforme à la ratio legis – de considérer la situation de l’auteur sous l’angle de l’équité. Le juge devrait se demander s'il l'auteur a subi des conséquences extraordinairement lourdes qui dépassent sensiblement les difficultés physiques mais aussi matérielles ou psychiques que subiraient normalement l’auteur d’une même infraction, selon l'expérience de la vie (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N.  DONGOIS, op. cit., n. 5 ad art. 54).

Cette disposition doit s'appliquer dans le cas où une faute légère a entraîné des conséquences directes très lourdes pour l'auteur et, à l'inverse, ne doit pas être appliquée lorsqu'une faute grave n'a entraîné que des conséquences légères pour lui. Entre ces extrêmes, le juge doit prendre sa décision en analysant les circonstances concrètes du cas d'espèce. Il dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Lorsque l'application de l'art. 54 CP n'est pas d'emblée exclue, le juge doit d'abord apprécier la culpabilité de l'auteur conformément à l'art. 47 CP, sans égard aux conséquences que l'acte a entraînées pour celui-ci, puis mettre en balance la faute commise et les conséquences subies. Si cet examen révèle que l'auteur a déjà été suffisamment puni par les conséquences de son acte et qu'une autre sanction ne se justifie plus, il renoncera à prononcer une peine (ATF 137 IV 105 consid. 2.3 ; 121 IV 162 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_515/2019 du 11 juin 2019 consid. 2.1).

Une exemption totale de peine suite à un délit intentionnel reste très exceptionnelle (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS, op. cit., n.  3 ad art. 54).

2.6.2. L'appelant a, suite à son interpellation, subi une fouille corporelle jugée illicite par le Tribunal fédéral, car ne respectant pas le principe de la proportionnalité. Le premier juge a qualifié cette fouille de conséquence indirecte de l'infraction commise, ce que l'appelant ne conteste pas. Il invoque en revanche que, selon la doctrine, l'art. 54 CP s'appliquerait également en cas de conséquence indirecte. La question peut rester ouverte. En effet, s'il faut retenir que la fouille, qui a eu lieu dans les heures suivant son interpellation, a bien été effectuée en raison de l'infraction commise et n'avait, selon notre Haute cour, pas lieu d'être au vu des circonstances, rien n'indique qu'elle ait entraîné des conséquences extraordinairement lourdes pour l'appelant. Il n'appert pas, en particulier, que celui-ci aurait déjà été suffisamment atteint et puni par les conséquences de ses actes, du fait de la fouille subie, au point qu'une peine apparaitrait choquante et heurterait le sentiment de la justice. Une exemption de peine, face à un crime intentionnel, doit rester exceptionnelle.

Il ne sera ainsi pas fait application de l'art. 54 CP.

3. La mesure de restitution, non remise en cause en appel, sera confirmée.

4. 4.1. L'appelant, qui succombe, supportera l'intégralité des frais de la procédure, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 428 CPP).

4.2. Sa culpabilité étant acquise, la mise à charge des frais de première instance sera confirmée (art. 426 al. 1 CPP a contrario).

5.  Dans le prolongement de ce qui précède, l'appelant sera débouté de ses conclusions en indemnisation (art. 429 CPP a contrario).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/382/2023 rendu le 27 mars 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/9140/2020.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'675.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP) et de vol de d'importance mineure (art. 139 ch. 1 cum art. 172ter CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement (art. 34 et 51 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Dit que la peine prononcée tient compte de la mesure de contrainte illicite subie par A______ (art. 431 al. 1 CPP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 200.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 2 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne la restitution à B______ des bouteilles de vin figurant sous chiffres 1 à 6 de l'inventaire n° 1______ du 12 mai 2020 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Rejette pour le surplus les conclusions en indemnisation de A______ (art. 431 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 955.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.-, frais arrêtés à CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

[…]

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne A______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-. "

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'555.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'675.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'230.00