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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24670/2021

AARP/353/2023 du 21.09.2023 sur JTDP/594/2023 ( PENAL ) , REJETE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24670/2021 AARP/353/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 septembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me Sébastien BOZONET, avocat, WOODTLI & ASSOCIES, rue Prévost-Martin 5, case postale 60, 1211 Genève 4,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/594/2023 rendu le 16 mai 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 16 mai 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquittée d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière [LCR]), reconnue coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR) et l'a condamnée à une amende de CHF 500.-, ainsi qu'aux deux tiers des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'156.-, et à un émolument de jugement de
CHF 300.-.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR), à l'octroi d'une indemnité de procédure équitable pour ses frais de défense de première instance et d'appel, et à ce que la totalité des frais soient mis à la charge de l'État.

b. Selon l'ordonnance pénale du 28 juin 2022, il est encore reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 6 novembre 2021 aux alentours de 9h55 à la hauteur du n° 25 de la rue Prévost-Martin, au volant du véhicule automobile immatriculé GE1______, effectué une marche arrière sans précaution et heurté, avec le flanc droit de son véhicule, l'aile arrière gauche du véhicule automobile immatriculé ZG2______, endommageant le passage de roue arrière gauche dudit véhicule puis d'avoir, consécutivement à l'accident, quitté les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident avec dégâts matériels.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. Selon le rapport de renseignements du 12 novembre 2021, B______ avait fait appel à la police car il avait vu le véhicule C______/3______ [marque, modèle] bleu immatriculé GE1______ heurter, avec son côté droit, l'aile arrière gauche de la [voiture] D______/4______ [marque, modèle] grise immatriculée ZG2______. La conductrice avait quitté les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident.

a.b. Le témoin n'avait pas vu l'accident, mais les deux véhicules "collés" après le heurt, ainsi que la conductrice de la C______ quittant les lieux. La D______ était stationnée sur une surface interdite au trafic à la hauteur du n° 25 de la rue Prévost-Martin, ce que son détenteur avait reconnu. Son véhicule avait été déplacé avant l'intervention de la police.

a.c. À son arrivée sur place, cette dernière avait pu constater que le passage de roue arrière gauche de ladite D______ était endommagé et qu'il y avait des traces de peinture bleue sur la carrosserie.

a.d. Faute d'avoir pu joindre la détentrice de la C______, à savoir A______, une carte de visite avait été laissée sur la porte palière de son domicile. Le même jour, en début d'après-midi, cette dernière avait pris contact avec la police indiquant qu'il s'agissait bien de son véhicule et qu'elle en était l'unique utilisatrice. Elle disait ne pas avoir eu d'accident, mais n'excluait pas la possibilité d'avoir pu heurter la voiture dont il était question lors d'une manœuvre qu'elle avait dû effectuer sur la rue Prévost-Martin. Elle n'avait toutefois senti aucun choc.

b. Entendue par la police le 12 novembre 2021, A______ a confirmé une nouvelle fois être la détentrice et l'unique utilisatrice du véhicule C______ 3______ [marque, modèle] bleu immatriculé GE1______. Elle avait dû faire une marche arrière à la hauteur du n° 25 de la rue Prévost-Martin car une voiture était arrivée en sens inverse et le conducteur lui avait crié dessus pour qu'elle le laisse passer. Elle supposait qu'elle avait dû heurter le véhicule stationné à sa droite en effectuant ladite manœuvre et en serrant à droite, sans toutefois s'en apercevoir. Selon elle, le heurt était même probable. Une fois le véhicule venant en sens inverse passé, elle avait repris son chemin. Sa voiture avait été légèrement endommagée sur le flanc droit suite à cet accident.

c. Les photographies versées à la procédure permettaient d'attester des dégâts précités. En particulier, elles mettaient en évidence des marques de frottement de couleur grise sur le flanc droit du véhicule de A______, ainsi que des marques de frottement de couleur bleue sur le passage de roue arrière gauche de la D______.

d. Entendue par-devant le Ministère public (MP), A______ confirmait les déclarations faites à la police avec la précision qu'elle avait acquiescé à ce que le policier lui avait demandé en raison du fait qu'un témoin l'avait dénoncée pour avoir touché un autre véhicule. Elle ne reconnaissait toutefois pas les faits qui lui étaient reprochés.

Elle avait dû frôler la voiture qui était stationnée sur sa droite au moment d'effectuer la marche arrière qu'elle avait été forcée de faire. Elle était concentrée sur sa gauche au moment de cette manœuvre afin de ne pas toucher le véhicule du conducteur qui venait en sens inverse. Elle n'avait rien entendu ni senti, alors même que sa fenêtre côté conducteur était ouverte. La touche était petite et il ne s'agissait pas d'un heurt. Si elle acceptait le fait d'avoir pu toucher le véhicule, elle ne reconnaissait en revanche pas avoir eu un accident.

Sur la base des photographies qui lui étaient soumises, elle reconnaissait qu'il s'agissait bien de la touche dont il était question et que la voiture avait été endommagée. Elle ne pouvait néanmoins pas dire si ces dommages avaient été causés par son véhicule.

Elle ne s'était pas arrêtée et n'était pas non plus sortie de son véhicule suite au heurt dès lors qu'elle n'avait rien senti. Elle n'avait pas non plus cherché à contacter le détenteur du véhicule D______ ou la police pour les mêmes motifs. Le témoin ne lui avait pas fait signe et personne ne lui avait rien dit. Elle reconnaissait néanmoins que B______ n'était pas de mauvaise foi et acceptait sa version des faits concernant les véhicules collés l'un à l'autre. Elle relevait toutefois qu'il entendait des bruits inexistants dès lors qu'il parlait d'une voiture manuelle alors que la sienne était automatique et silencieuse.

e. Également entendu par le MP, B______ a déclaré qu'il se trouvait sur une sorte de passerelle au moment des faits, à une trentaine de mètres du lieu de l'incident. Il avait entendu un gros bruit qui ressemblait à un frottement, raison pour laquelle il s'était penché pour voir ce qui se passait en contre-bas de la route. Pour lui, ce bruit avait été causé par un accident. Il avait vu deux voitures, une D______ grise immatriculée à Saint-Gall ou Zoug, et une voiture bleue, peut-être une C______, collées l'une à l'autre. La partie gauche du véhicule gris était collée à la partie droite du véhicule bleu.

La voiture grise était mal parquée et des voitures attendaient que la voiture bleue les laisse passer. La conductrice de cette dernière avait fait une marche arrière, puis s'était engagée sur la route pour poursuivre son chemin. Elle n'avait parlé avec personne et n'était pas descendue du véhicule pour constater les dégâts. Avant qu'elle ne parte, il avait entendu, sauf erreur de sa part, la vitesse qui avait été mal enclenchée.

Pour lui, les dégâts visibles sur les photographies avaient été causés par le véhicule de A______. Il était d'ailleurs possible de constater que la touche sur la D______ était de la couleur de son véhicule et que les traces se trouvaient à la même hauteur sur les deux véhicules.

f. Dans son acte d'opposition du 20 juillet 2022, A______ expliquait qu'il lui était difficile d'admettre les faits au motif notamment que si un frottement entre son véhicule et celui d'un tiers avait bien eu lieu, il n'avait pas été tel qu'il lui aurait permis de s'en apercevoir. Pour ces motifs, et tenant compte de sa situation financière, elle concluait principalement à la révision de la sanction qui lui avait été infligée.

g. Par-devant le TP, A______ a varié dans ses déclarations. Elle contestait fermement avoir touché le véhicule immatriculé ZG2______. Elle était une excellente conductrice, si bien que lorsqu'elle avait effectué sa manœuvre elle n'avait pas touché l'autre véhicule. Compte tenu du fait qu'il n'était pas possible de croiser dans cette rue, elle n'avait pas pu commettre le dégât qui lui était reproché. Le dommage sur son propre véhicule, lequel avait été occasionné dans un parking, n'avait jamais été constaté par la police. Elle avait essayé de livrer cette version au MP et à la police mais n'avait pas pu le faire. Selon elle, le véhicule avait été touché, et non pas heurté, peut-être par un autre véhicule.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du Code de procédure pénale [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Premièrement, le TP avait excédé son pouvoir d'appréciation en accordant de la valeur au témoignage de B______. Ce dernier ne l'avait pourtant pas vue "heurter" le véhicule ZG2______. Il se trouvait à environ trente mètres, sur une passerelle, au moment des faits de sorte qu'il n'avait pas le moindre champ de vision sur la partie entre les deux véhicules, mais seulement sur la partie externe du véhicule immatriculé ZG2______. Il ne pouvait donc pas avoir la certitude que les deux véhicules étaient collés. Ensuite, le déroulement des faits tel qu'exposé par le témoin ne correspondait pas aux marques constatées sur les véhicules. En outre, il se contredisait dans ses déclarations, lesquelles étaient au demeurant infondées s'agissant notamment du bruit de "vitesse ratée" entendu, étant précisé qu'elle disposait d'une boite à vitesse automatique et que le vrombissement du moteur en position neutre ne correspondait pas à un tel son.

Deuxièmement, le TP avait constaté de manière erronée les faits s'agissant des marques présentes sur les véhicules immatriculés GE1______ et ZG2______ en considérant que celles-ci étaient similaires. Tout d'abord, elles n'avaient pas fait l'objet d'un constat formel par la police. Ensuite, l'appréciation du TP se fondait uniquement sur des photos, de piètre qualité, et non sur un constat de police ou d'assurance. En tout état, ces marques étaient discordantes et ne correspondaient pas aux dégâts causés par ce type d'incident. Si elle n'avait expliqué l'origine des marques sur sa voiture qu'au moment du jugement de première instance, c'était parce qu'elle n'avait pas été en mesure de s'exprimer pleinement lors des précédentes auditions faute d'avoir été défendue par un avocat. Il ne pouvait par ailleurs pas lui être reproché de ne pas avoir constaté les dégâts sur son véhicule, dès lors qu'il n'était ni réglementaire ni commun de pratiquer une vérification complète du véhicule avant ou après chaque utilisation. Cela était d'autant plus vrai s'agissant du côté passager du véhicule.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

Tout d'abord, le témoignage de B______ était limpide. Le gros bruit qu'il avait entendu, la vision des véhicules collés l'un à l'autre – fut-ce-t-elle-même partielle –, ainsi que les traces retrouvées sur les véhicules impliqués, de la couleur desdits véhicules, correspondant à un dégât par frottement, permettaient sans doute aucun de retenir qu'un accident avait bel et bien eu lieu, ce que l'appelante ne pouvait ignorer. Le témoin n'avait aucun intérêt à la mettre en cause. Par ailleurs, il était possible que cette dernière ait enclenché la vitesse sur N au lieu de D ou R, causant de la sorte un bruit de vitesse manquée. En tout état, la boîte de vitesse automatique de l'appelante, de type Tiptronic, disposait également d'un mode manuel, de sorte qu'il n'était pas non plus à exclure que ledit mode était activé lors de sa manœuvre.

La similitude des marques présentes sur les deux véhicules était flagrante, étant rappelé que les dégâts avaient été constatés par photographie, par des agents assermentés, et retranscrits dans le rapport de police.

L'appelante n'avait pas été constante dans ses déclarations au cours de la procédure. Elle avait toutefois renoncé valablement, au début de chaque audition, à la présence d'un avocat, de sorte qu'on ne voyait pas en quoi celle-ci aurait été empêchée de donner la version des faits exposée devant le Tribunal de police.

Finalement, la présence de peinture de couleur bleue sur le véhicule D______ et de couleur grise sur celui de l'appelante, dégâts par ailleurs constatés à la même hauteur, corroborait la thèse d'un dégât par frottement causé par le véhicule de cette dernière.

D. A______, née le ______ 1951 et originaire d'Espagne, est au bénéfice d'une autorisation d'établissement. Elle est célibataire et retraitée. À ce titre, elle indique percevoir chaque mois: une rente AVS de CHF 1'136.-, des prestations complémentaires de CHF 1'114.-, des prestations sociales de [la commune] E______ de CHF 185.-, ainsi que des subsides pour l'assurance-maladie de CHF 602.-. Elle n'a, pour le surplus, ni dette ni fortune.

À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, l'appelante est sans antécédent.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP. Il concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345
consid. 2.2.3.1 ; 127 I 38 consid. 2a).

2.2. Ce principe signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes sérieux et irréductibles quant à l'existence de ce fait, une certitude absolue ne pouvant toutefois être exigée (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 138 V 74 consid. 7 ; 127 I 38 consid. 2a).

2.3. L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3). Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

2.4. L'appréciation des preuves est dite libre, car le juge peut par exemple attribuer plus de crédit à un témoin – même prévenu dans la même affaire – dont la déclaration va dans un sens qu'à plusieurs témoins soutenant la thèse inverse ; il peut fonder une condamnation sur une chaîne ou un faisceau d'indices ; en cas de "parole contre parole", il doit déterminer laquelle des versions est la plus crédible, de même qu'en cas de versions successives du prévenu (notamment de rétractation d'aveux), ou de déclarations contradictoires de co-prévenus. En d'autres termes, ce n'est ni le genre ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion
(J.-M. VERNIORY, in Y. JEANNERET / A. KHUN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 34 ad. art. 10 CPP).

3. 3.1. Selon l'art. 90 al. 1 LCR, celui qui aura violé les règles de la circulation fixées par ladite loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral sera puni de l'amende. L'art. 26 al. 1 LCR dispose que chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies. Selon l'art. 31 al. 1 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence.

3.2.1. D'après l'art. 92 al. 1 LCR, celui qui, lors d'un accident, aura violé les obligations que lui impose la loi sur la circulation routière sera puni de l'amende.

3.2.2. Les devoirs en cas d'accident sont définis à l'art. 51 LCR (A. BUSSY/
B. RUSCONI/ Y. JEANNERET/A. KUHN/ C. MIZEL/ C. MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4e éd., Bâle 2015, n. 1.1 ad art. 92).

L'art. 51 al. 1 LCR fait notamment obligation aux personnes impliquées dans un accident de s'arrêter immédiatement. Cette obligation est une mesure préalable à tous les autres devoirs en cas d'accident (A. BUSSY et. al., op. cit., n. 1.7 ad art. 51). Si l'accident n'a causé que des dommages matériels, leur auteur en avertira tout de suite le lésé en indiquant son nom et son adresse. En cas d'impossibilité, il en informera sans délai la police (art. 51 al. 3 LCR). L'obligation d'avis incombe à l'auteur du dommage (BUSSY et. al., op. cit., n. 3.2 ad art. 51). La valeur et la nature des dégâts causés n'entre pas en ligne de compte s'agissant de la naissance des devoirs en cas d'accident (Y. JEANNERET, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière, Berne 2007, n. 100 ad art. 92). Le conducteur responsable doit donner son nom et son adresse même si le dommage matériel est peu important (p. ex. dommage de CHF 100.- ; BUSSY et. al., op. cit., n. 3.9 ad art. 51).

Dans un arrêt du 29 novembre 2021, le Tribunal fédéral a eu à connaître du cas d'un conducteur qui, en effectuant une marche arrière au volant de son véhicule pour sortir de son garage, avait heurté un véhicule stationné. Il a alors confirmé que le conducteur avait violé ses devoirs en cas d'accident, en omettant de vérifier sur-le-champ si un impact avait eu lieu et d'aviser le détenteur du véhicule parqué qu'il l'avait possiblement effleuré (arrêt du Tribunal fédéral 6B_335/2021 du 29 novembre 2021 consid. 2, 4.2. et 4.3).

3.2.3. La violation des devoirs en cas d'accident est punissable tant intentionnellement que par négligence (art. 100 al. 1 LCR ; BUSSY et. al., op. cit.,
n. 1.2 ad art. 92). S'agissant d'un délit d'omission pur, la distinction entre intention, dol éventuel, négligence et absence de culpabilité portera sur la conscience qu'a ou qu'aurait pu et/ou dû avoir l'auteur de la situation qui crée des devoirs à sa charge. Ainsi, viole intentionnellement ses devoirs en cas d'accident le conducteur qui a conscience de se trouver dans une situation d'accident et décide librement de ne pas satisfaire aux devoirs que lui impose la loi dans de telles circonstances. S'agissant de la négligence, elle découlera d'une imperfection non excusable dans la conscience de l'auteur de l'existence des circonstances propres à engendrer des devoirs
(Y. JEANNERET, op. cit., n. 131-134 ad art. 92).

L'auteur doit tout au moins s'être rendu compte ou avoir dû se rendre compte qu'il y a eu des dégâts. La personne impliquée ne peut se dispenser d'un avis au lésé ou à la police que si elle est certaine de n'avoir causé aucun dommage (BUSSY et. al., op. cit., n. 3.5 ad art. 51).

3.3. En l'espèce, différents éléments au dossier permettent de retenir qu'en date du 6 novembre 2021, en effectuant une marche arrière dans la rue Prévost-Martin, l'appelante a heurté, avec le flanc droit de son véhicule C______ bleu, le passage de roue arrière gauche de la D______/4______ [marque, modèle] grise stationnée derrière elle. Ce faisant, l'appelante a occasionné un dommage matériel au véhicule précité.

En effet, quand bien même l'appelante a varié dans ses déclarations au cours de la procédure, elle a admis, dès son premier contact avec la police, avoir pu heurter, lors d'une manœuvre, le véhicule dont il était question. Lors de son audition à la police, elle a même relevé que cela était probable et que, suite à cet accident, le flanc droit de sa voiture avait été légèrement endommagé. Si elle a, par la suite, essayé de diminuer l'importance de cet incident, admettant un heurt, mais non pas un accident, cela ne diminuait en rien sa responsabilité dans celui-ci, ni la nature des devoirs qui lui incombaient au sens de la loi. Ses déclarations lors de l'audience de première instance n'emportent, quant à elles, pas conviction au vu des éléments du dossier, soit notamment du témoignage à charge de B______ et des photographies versées à la procédure par la police.

Le témoin, qui n'avait certes pas vu le heurt, a expliqué avoir entendu un gros bruit, qu'il avait identifié comme pouvant être un frottement, puis avoir vu les deux véhicules dont il était question collés l'un à l'autre. À cet égard, il avait précisé que la partie gauche du véhicule gris était collée à la partie droite du véhicule bleu, ce qui correspondait parfaitement au point de frottement entre les voitures comme en attestaient les photographies produites au dossier. Dans ces circonstances, il n'existait aucune raison de remettre en doute la force probante de son témoignage, étant rappelé que l'appelante elle-même avait indiqué accepté sa version des faits selon laquelle les véhicules étaient collés l'un à l'autre. Quant au bruit de "vitesse ratée", il ne pouvait être exclu que l'appelante ait utilisé le mode manuel de sa boite de vitesse ou qu'elle ait pu tenter de démarrer sur le mauvais mode automatique de sorte que cet élément n'est pas non plus propre à remettre en cause la crédibilité du témoignage de B______.

Sur les photographies versées au dossier, dont la qualité est exempte de critique, l'on distingue parfaitement les dégâts – compatibles avec un dommage par frottement – subis par les véhicules. Conformément à ce que l'appelante avait déclaré lors de son audition à la police, son véhicule avait été endommagé sur le flanc droit et de la peinture grise – correspondant à la couleur de la D______ stationnée rue Prévost-Martin – était visible sur sa carrosserie à l'endroit où étaient situées les marques de frottement. Le véhicule D______ avait quant à lui été endommagé au niveau du passage de roue arrière gauche, des traces de peinture de la couleur du véhicule de l'appelante étant visibles sur la partie endommagée de sa carrosserie. L'argument, au demeurant non étayé, de l'appelante visant à mettre en doute la similitude de ces traces ne convainc dès lors pas, pas plus que la critique relative à l'absence de constat formel sur celles-ci. En effet, les photographies ont bien été prises par la police et les traces constatées sur les véhicules correspondent au point de heurt décrit par le témoin des faits, si bien qu'il n'y a pas de raison de remettre en doute leur fiabilité et leur force probante.

Enfin, on ne voit pas en quoi le fait que l'appelante n'ait pas été assistée d'un avocat avant l'audience de jugement de première instance aurait impacté le contenu de ses déclarations. En tout état, la validité de celles-ci ne saurait être remise en cause dans la mesure où l'appelante avait renoncé valablement, avant chaque audition, à la présence d'un avocat.

Au vu de ce qui précède, la CPAR parvient à la conviction que l'appelante a, en effectuant une marche arrière au volant de son véhicule, heurté le véhicule D______ stationné derrière elle, lui occasionnant de ce fait des dégâts matériels.

Sous l'angle subjectif, l'appelante n'apparaît pas crédible lorsqu'elle soutient n'avoir rien entendu ni rien senti, de sorte qu'elle n'avait pas conscience de se soustraire à ses obligations en cas d'accident. En effet, on voit mal comment l'appelante aurait pu ne pas se rendre compte du heurt, dès lors que les marques de frottement présentes sur les deux véhicules étaient relativement importantes et que le témoin a expliqué s'être penché pour voir ce qui se passait en contre-bas de la passerelle où il se trouvait en raison du bruit important qu'il avait entendu et qu'il liait nécessairement à la survenance d'un accident. La version de l'appelante est d'autant moins crédible qu'elle a indiqué avoir eu sa fenêtre ouverte au moment des faits et qu'elle a d'emblée admis devant la police qu'il était probable qu'elle ait heurté le véhicule stationné lors de sa manœuvre. Dans ces circonstances, il n'est pas crédible d'imaginer que l'appelante avait reculé dans ledit véhicule sans rien entendre et sans se rendre compte qu'il pouvait y avoir un impact. Elle avait donc conscience qu'un accident avait pu survenir.

Partant, il lui incombait de vérifier sur-le-champ si un impact avait eu lieu et au besoin d'en informer le titulaire du véhicule, ce qu'elle n'avait pas fait. L'appelante reconnaît en effet ne pas s'être arrêtée ni n'être descendue du véhicule afin de constater les dégâts suite à sa manœuvre, mais avoir au contraire continué son chemin. C'est également ce qui ressort du témoignage de B______. Ce faisant, et compte tenu des développements ci-dessus, elle a violé ses devoirs en cas d'accident.

Pour ces motifs, l'appelante sera reconnue coupable de violation simple des règles de la circulation routière et de violation des obligations en cas d'accident. L'appel sera ainsi rejeté et le jugement de première instance confirmé.

4. La peine, adéquate et proportionnée, n'ayant fait l'objet d'aucune contestation de la part de l'appelante, sera confirmée.

5. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État
(art. 428 CPP).

La décision sur les frais préjugeant de la question de l'indemnisation
(ATF 137 IV 352 consid. 2.4.2), l'appelante n'aura le droit à aucune indemnité fondée sur l'art. 429 CPP.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 16 mai 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/24670/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'135.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'000.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Acquitte A______ d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR).

Déclare A______ coupable de violation simple des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 1 LCR).

Condamne A______ à une amende de CHF 500.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 5 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 al. 1 let. a et 430 al. 1 let. a CPP).

Condamne A______ aux 2/3 des frais de la procédure, qui s'élèvent à
CHF 1'156.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse pour le surplus les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

(…)

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 600.- à l'État de Genève."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Service des contraventions et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'756.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'135.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'891.00