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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24796/2022

AARP/273/2023 du 21.07.2023 sur OTDP/2520/2022 ( REV )

Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION);ORDONNANCE PÉNALE;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ
Normes : CPP.410.al1.leta; CPP.411.al2; CPP.412
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24796/2022 AARP/273/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 juillet 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant en personne,

demanderesse en révision,

 

contre les ordonnances pénales du Service des contraventions n° 1______ et 2______ du 9 septembre 2022, n° 3______ et 4______ du 13 septembre 2022, n° 5______ du 14 septembre 2022 et n° 6______ du 15 septembre 2022 et l'ordonnance OTDP/2520/2022 rendue le 21 décembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, p.a. Nouvel Hôtel de Police, chemin de la Gravière 5, 1227 Les Acacias,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeurs en révision.


EN FAIT :

A. a.a. Par cinq avis d'infractions des 22 juin, 4 et 14 juillet 2022, le SDC a informé A______ que le (la) conducteur(trice) du véhicule immatriculé GE 8______, dont elle était la détentrice, avait dépassé la durée du stationnement autorisé, les 16 mai à 10h14, 19 mai à 14h44, 23 mai à 15h31, 1er juin à 11h09 et 8 juin 2022 à 10h24, sur le chemin 7______, à B______. Un délai de 15 jours lui était imparti pour communiquer les coordonnées de l'éventuel autre conducteur responsable des infractions en remplissant le formulaire ad hoc annexé. Faute de paiement dans les 30 jours, des ordonnances pénales lui seraient notifiées.

a.b. Sans réponse, le SDC a rendu, les 9, 13 et 15 septembre 2022, cinq ordonnances pénales n° 1______, 2______, 6______, 3______ et 4______ notifiées à A______ les 15 et 19 septembre suivant, la condamnant à deux amendes de CHF 60.- et trois de CHF 40.-, toutes majorées d'un émolument de CHF 40.-, sous réserve d'oppositions dans le délai de dix jours, les voies de droit lui ayant été communiquées.

a.c. Les 4, 8 et 9 novembre 2022, le SDC a adressé cinq rappels à A______ la sommant de verser sous 30 jours les amendes, émoluments ainsi que frais de rappel de CHF 20.- appliqués pour chaque infraction.

b.a. Par rappel du 17 juin 2022, le SDC a attiré l'attention de A______ sur le fait que l'amende d'ordre de CHF 40.- du 5 mai 2022 à 11h03 au quai F______ à Genève relative à l'indication d'une fausse heure d'arrivée sur le disque de stationnement restait impayée à ce jour. Dans le cas où elle ne serait pas la personne responsable de l'infraction, elle disposait d'un délai de 30 jours pour régler le montant de l'amende de manière anonyme et de dix jours pour indiquer l'identité et l'adresse complète de l'auteur de l'infraction, en remplissant les lignes prévues à cet effet. En cas de non-paiement, le SDC établirait une ordonnance pénale comportant des frais supplémentaires (émolument).

b.b. En date du 14 septembre 2022, le SDC a rendu une ordonnance pénale
n° 5______, notifiée à A______ le 19 septembre suivant, la condamnant à une amende de CHF 40.-, majorée d'un émolument de CHF 40.-, sous réserve d'une opposition dans le délai de dix jours, les voies de droit lui ayant été communiquées.

b.c. Un rappel lui a été adressé par le SDC, le 8 novembre suivant, comportant des frais de rappel de CHF 20.-.

c. Par courrier manuscrit du 31 octobre 2022, reçu par le SDC le
10 novembre suivant, A______ a expliqué, dans un mauvais français, sous l'intitulé : "informations pour tous les amendes de manière fautive concernant par la loi de Genève Suisse (sic)" que, durant la période pénale, son véhicule était en réalité conduit par C______, domicilié c/o D______, boulevard 9______ no. ______, [code postal] Genève, et qu'il convenait de s'adresser directement à celui-là s'agissant de toutes les amendes d'ordre reçues. Les plaques liées à la voiture immatriculée GE 8______ avaient d'ores et déjà été déposées à l'Office cantonal des véhicules (OCV). Elle a également rempli les formulaires de demande d'identité conducteur(trice) relatifs aux ordonnances pénales n° 1______, 2______, 6______, 3______, 4______ et 5______, sans toutefois les dater et les signer.

d. Par six ordonnances du 21 novembre 2022, le SDC, considérant l'opposition tardive, a transmis les procédures liées aux ordonnances pénales précitées au Tribunal pénal (TPen) afin qu'il statue sur la validité desdites ordonnances pénales et de l'opposition.

e. A______ ne s'est pas déterminée sur l'apparente irrecevabilité de son opposition dans le délai imparti par le TPen.

f. Par ordonnance du 21 décembre 2022, le Tribunal de police (TP) a constaté l'irrecevabilité de l'opposition formée par A______ pour cause de tardiveté. Les six ordonnances pénales étaient ainsi assimilées à des jugements entrés en force.

La précitée n'a pas été retirer le pli et celui-ci a été retourné à son expéditeur le
29 décembre suivant muni de la mention "non réclamé".

A______ n'a pas recouru contre cette ordonnance auprès de la Chambre pénale de recours (CPR).

B. a.a. Par demande du 24 février 2023, adressée à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), A______ sollicite une "conciliation" en lien avec "tous les amendes de voiture à [son] nom (sic)" et que celles-ci soient adressées à la personne concernée, à savoir C______. Elle liste plusieurs numéros d'ordonnances pénales dont les six litigieuses. Elle fait par ailleurs référence à son courrier adressé au SDC, ainsi qu'à sa "lettre traditional", laquelle contenait plus de détails et d'explications. L'on comprend de son courrier que C______ consentait à régler lesdites amendes, ce qui ressortirait de leur courrier commun.

a.b. À l'appui de sa demande, elle produit un document manuscrit daté du
4 février 2023, signé par elle-même et C______, dont il ressort que ce dernier était le conducteur du véhicule concerné et le débiteur des amendes. Il convenait donc de s'adresser désormais à lui.

Elle produit également un courrier adressé au SDC daté du 30 octobre 2023 (sic) dans lequel elle explique, de manière difficilement compréhensible, avoir acheté, avant de partir en vacances, la voiture à son nom pour "aider" E______, lequel s'était engagé à la prendre à son nom à lui. Compte tenu de sa situation financière et de son état de santé, elle ne pouvait pas régler les amendes, d'autant plus qu'elle avait déjà nourri et logé le précité, lequel, à l'instar de C______, était d'accord de recevoir les amendes.

b. Dans son courrier du 4 avril 2023, le SDC conclut au rejet de la demande en révision.

Seules les six ordonnances pénales litigieuses avaient été assimilées à des jugements entrés en force, alors que les procédures liées aux autres ordonnances pénales listées par A______ dans son courrier étaient encore pendantes devant le TP. Le premier juge avait considéré que son opposition était irrecevable pour cause de tardiveté. Cela étant, le motif de la demande en révision était déjà connu de la précitée, qui aurait pu le faire valoir dans le délai d'opposition aux ordonnances pénales, ce qu'elle n'avait pas fait.

EN DROIT :

1. 1.1.1. La CPAR est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du code de procédure pénale suisse [CPP] cum art. 130 al. 1 let. a de la loi d'organisation judiciaire [LOJ]). Lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que la demande de révision ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure statue (art. 129 al. 4 LOJ).

1.1.2. L'art. 410 al. 1 let. a CPP prévoit que toute personne lésée notamment par une ordonnance pénale peut en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

La demande en révision en raison de faits ou de moyens de preuve nouveaux n'est soumise à aucun délai (art. 411 al. 2 in fine CPP).

1.2. Le demande en révision a donc été déposée devant l'autorité compétente, en temps utile.

2. 2.1.1. Les faits ou moyens de preuves sont nouveaux lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Les faits et moyens de preuve sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2 et 5.1.4
p. 66 ss ; 130 IV 72 consid. 1 p. 73 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_731/2013 du
28 novembre 2013 consid. 3.1.2).

Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition (ATF 130 IV 72 consid. 2.3 p. 75 s.). Il s'agit dans chaque cas d'examiner au regard des circonstances de l'espèce, si la demande de révision tend à contourner les voies de droit ordinaires (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1214/2015 du 30 août 2016 consid. 2 ; 6B_980/2015 du 13 juin 2016
consid. 1.3.2).

2.1.2. L'art. 412 CPP prévoit que la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2).

La procédure de non-entrée en matière de l'art. 412 al. 2 CPP est en principe réservée à des vices de nature formelle. Il est toutefois également possible de prononcer une décision de non-entrée en matière lorsque les moyens de révision invoqués apparaissent d'emblée comme non vraisemblables ou mal fondés (arrêts du Tribunal fédéral 6B_793/2014 du 20 janvier 2015 consid. 2.1.3 ; 6B_36/2014 du 6 mai 2014 consid. 2.1).

2.2. En l'espèce, la demande en révision apparaît d'emblée mal fondée.

L'argument dont se prévaut la demanderesse s'agissant de l'identité du soi-disant conducteur, dont elle avait connaissance au moment de la réception des cinq avis d'infractions et du rappel d'amende d'ordre, ne constitue pas un fait ou moyen de preuve nouveau, puisqu'à la suivre, le véhicule, immatriculé à son nom à elle, avait été mis à disposition d'un tiers – C______ ou E______ – avec son accord, à tout le moins dès le début de la période pénale. Elle était en mesure de le faire valoir dans les délais impartis par le SDC, de même que dans le cadre d'une procédure d'opposition, en temps utile, aux six ordonnances pénales, ce qu'elle n'a pas fait.

C’est ainsi bien après avoir reçu pas moins de six ordonnances pénales, mais également six rappels du SDC que la demanderesse a finalement fourni l'identité et l'adresse du prétendu responsable des infractions, sans autre explication, notamment sur les raisons qui l'auraient empêchée de transmettre ces informations dans les délais, hormis des vacances qu'elle évoque brièvement. Dans ces circonstances, cette seule allégation ne constitue pas un moyen de preuve sérieux, propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde le jugement querellé, étant précisé que, dans tous les cas, il lui revenait de prendre les mesures nécessaires pour avoir accès à son courrier durant son absence.

Il ne s'agit pas non plus d'un fait inconnu de l'autorité inférieure visé par l'art. 410 al. 1 let. a CPP, puisque le SDC et le TP avaient connaissance de cette information au moment de rendre leurs ordonnances respectives. C'est donc en toute connaissance de cause et en faisant usage de leur pouvoir de librement apprécier les preuves figurant au dossier qu'ils ont considéré tardive l'opposition formée par la demanderesse, étant précisé que cette dernière n'a pas non plus jugé utile de se déterminer dans le délai imparti par le TP. La voie de la demande de révision n'est pas destinée à contester l'appréciation du juge des moyens de preuve, au contraire de celle de l'opposition à l'ordonnance pénale. Il n'existe pas non plus de motif légitime justifiant l'absence de recours contre l'ordonnance du TP.

Dans ces conditions, la demande en révision apparaît comme un moyen de contourner la voie de droit ordinaire. Elle doit être qualifiée d'abusive et partant d'irrecevable, la demanderesse ne disposant d'aucun intérêt juridiquement protégé à se plaindre de l'application de l'art. 412 al. 2 CPP.

3. Vu l'issue de la procédure, la demanderesse sera condamnée aux frais, lesquels comprennent un émolument minimum de CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP a contrario et art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA PRÉSIDENTE
DE LA CHAMBRE PÉNALE D'APPEL ET DE RÉVISION :

 

Déclare irrecevable la demande en révision formée par A______ contre les ordonnances pénales du Service des contraventions n° 1______ et 2______ du 9 septembre 2022, n° 3______ et 4______ du 13 septembre 2022, n° 5______ du 14 septembre 2022 et n° 6______ du 15 septembre 2022 et l'ordonnance OTDP/2520/2022 rendue le 21 décembre 2022 par le Tribunal de police.

Condamne A______ aux frais de la procédure en CHF 710.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

710.00