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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/13825/2016

AARP/196/2023 du 12.06.2023 sur JTCO/34/2022 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.07.2023, rendu le 21.11.2023, RETIRE, 6B_923/2023
Descripteurs : IN DUBIO PRO REO;ACTE D'ORDRE SEXUEL AVEC UN ENFANT
Normes : CP.187.ch1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13825/2016 AARP/196/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 11 mai 2023

 

Entre

A______, comparant par Me Simon NTAH, avocat, BAKER MCKENZIE SWITZERLAND SA, esplanade Pont-Rouge 2, 1212 Grand-Lancy,

appelante,

 

contre le jugement JTCO/34/2022 rendu le 10 mars 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

B______, domicilié ______, Cameroun, comparant par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 10 mars 2022, par lequel le Tribunal correctionnel (TCO) a acquitté B______ des chefs de tentative d'acte d'ordre sexuel avec des enfants (art. 22 cum 187 ch.1 CP) et d'acte d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP), a condamné l'Etat de Genève à indemniser ce dernier pour la détention injustifiée à hauteur de CHF 10'000.- avec intérêts à 5% l'an dès le 15 août 2016 et a débouté l'appelante de ses conclusions civiles, frais de procédure à la charge de l'Etat.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à ce que B______ soit reconnu coupable des infractions précitées. Agissant pour le compte de D______, elle conclut à ce que B______ soit condamné à lui verser un montant de CHF 30'000.- avec intérêts à titre de tort moral. Elle prend également des conclusions civiles propres à hauteur de CHF 21'360.86 et CHF 4'709.10 pour les dépenses occasionnées par la procédure de première instance et d'appel, de XAF 660'000.- pour les dépenses occasionnées par l'annulation de l'audience du 5 janvier 2021, et de CHF 5'000.- à titre de tort moral. Elle conclut également à être indemnisée pour les frais administratifs et de déplacement engendrés par la procédure d'appel.

b. Selon l'acte d'accusation du 9 novembre 2021, il est reproché à B______ d'avoir, à Genève, à une date indéterminée et indéterminable mais vraisemblablement un dimanche compris entre le 23 août et le 3 décembre 2013 ou entre le 24 avril et le 6 août 2014, dans l'une des chambres de l'appartement de A______, sis route 1______ no. ______, asséné un coup avec l'une de ses chaussures vers les fesses du fils de cette dernière, D______ né le ______ 2005, avant d'introduire à une reprise son doigt, puis à cinq reprises son pénis, dans son anus tandis qu'il était couché sur le ventre, par terre à côté du lit. A l'issue des cinq pénétrations anales, B______ a une nouvelle fois tenté d'introduire son pénis dans l'anus de l'enfant, sans toutefois y parvenir.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 22 juillet 2016, A______ s'est présentée dans un poste de police pour y déposer une plainte pénale à l'encontre de son ex-mari, B______. L'avant-veille, elle avait appris par sa sœur que son fils, D______, avait été victime d'un acte de sodomie de la part de B______. Alors qu'elle accueillait D______ à H______ [Royaume-Uni] pour les vacances, sa tante, assistante sociale de profession, avait remarqué qu'il ne se comportait pas comme un enfant de dix ans et avait pensé que quelque chose n'allait pas. Elle l'avait mis en confiance et avait beaucoup insisté pour savoir ce qu'il lui arrivait. Finalement, D______ avait raconté à sa tante que B______ avait commencé à lui mettre un doigt dans l'anus pendant plusieurs jours, qu'il l'avait violemment frappé aux fesses à deux reprises en le faisant chuter au sol et qu'il avait mis "son zizi dans son anus". Après avoir révélé ces faits, il s'en était ouvert à elle et lui avait raconté comment B______ l'avait poussé par terre pour qu'il s'agenouille, puis frappé avec sa chaussure parce qu'il résistait. Il lui avait aussi relaté que son beau-père avait insisté et forcé lorsqu'il avait mis son "zizi dans son anus", ce qui lui avait fait extrêmement mal. Son fils était traumatisé et avait raconté tout cela en pleurant. Lorsqu'elle lui avait posé la question, D______ lui avait d'abord confié que cela était arrivé trois fois, puis six, que ces actes s'étaient déroulés à Genève uniquement, à l'exclusion du Cameroun, et qu'il ne s'était pas confié plus tôt parce qu'il souhaitait la protéger.

Au moment où sa sœur lui avait fait part des confidences de son fils, elle avait été bouleversée et s'était effondrée en pleurs. Elle n'avait rien vu venir et s'en voulait d'avoir laissé son fils à Genève. A cette époque, elle travaillait au Congo et revenait à Genève tous les trois mois. Pendant son absence, D______ et B______ vivaient et dormaient ensemble dans la même chambre. Lors de l'un de ses retours à Genève fin 2013, sa mère lui avait indiqué qu'elle soupçonnait B______ d'avoir commis des violences sexuelles sur D______ car elle avait remarqué que ce dernier marchait bizarrement, avait du mal à s'asseoir, ne mangeait pas et sursautait souvent. Sa mère lui avait également expliqué que seul B______ sortait de la chambre qu'il partageait avec D______ pour aller chercher à manger, tandis que ce dernier restait tout le temps dans cette pièce. Elle ne l'avait pas crue mais avait néanmoins questionné D______ à ce sujet et lui avait fait baisser son pantalon pour l'examiner, sans constater de traces sur lui. Malgré son insistance, son fils lui avait répété qu'il ne s'était rien passé. Elle avait été rassurée et avait pensé que sa famille voulait la séparer de son mari.

Elle avait rencontré B______ à F______ [Congo] en 2012 et ils s'étaient mariés en janvier 2014 au Nigéria. Leur relation, qui avait bien débuté, s'était très vite détériorée car son mari se montrait violent à son égard. Il avait créé des conflits entre les membres de sa famille, qu'il accusait de maltraiter son fils et elle. Leur relation s'était définitivement brisée dès leur arrivée au Cameroun, une année avant qu'elle n'apprenne ce qu'il s'était passé avec son fils et ils s'étaient définitivement quittés début 2016, B______ ayant alors commencé une campagne de calomnie à son encontre auprès de son employeur. Leur divorce avait été prononcé en octobre 2016 ; sa dénonciation n'avait donc aucun lien avec sa relation avec B______.

D______ avait changé depuis les faits. Auparavant joyeux et plein de vie, il pleurait désormais sans raison et s'était renfermé sur lui-même. Jusqu'alors brillant élève, il avait également fait face à des difficultés scolaires. Il n'avait pas peur de se montrer nu devant elle alors que tel ne devrait pas être le cas à son âge et, depuis 2017 environ, avait pour habitude de croiser les bras contre son entrejambe et faisait parfois "des gestes de fille" qu'il ne devait pas faire en tant que garçon, ce qu'elle lui avait signifié. Au stade des débats d'appel, A______ a déclaré que D______ allait bien mais demeurait fragile. Il avait été larmoyant durant un temps mais elle lui avait dit de se comporter comme un homme. Il était peut-être en train de dépasser ses difficultés mais manquait de confiance. Elle n'avait pas amené D______ chez un psychothérapeute car celui qui lui avait été recommandé par l'école était "mal fréquenté" et il était difficile de trouver des spécialistes au Cameroun, étant ajouté qu'une consultation "là-bas" deviendrait une "affaire de quartier" dès lors qu'il s'agissait de faits de sodomie liés à l'homosexualité, auxquels elle ne voulait pas que son fils soit associé.

b.a. D______ a été entendu selon les modalités EVIG le 22 juillet 2016. Il a d'emblée indiqué à son interlocutrice être là pour "arrêter un criminel" qui était marié à sa maman. Interrogé sur sa définition du mot "criminel", D______ a déclaré qu'il s'agissait de quelqu'un "qui est… un voleur, mais tu ne le sais pas … et après du découvres qu'il est voleur, qu'il t'a fait que'que chose … ça peut être euh … quelqu'un dans notre famille". Un jour, alors qu'ils se trouvaient dans l'appartement à Genève, son beau-père lui avait demandé de chercher des habits. Tandis qu'il regardait dans la chambre, son beau-père l'avait "tapé un peu" avec une de ses chaussures. Interrogé sur l'endroit où il avait été frappé, D______ a indiqué "quelque chose qui approchait [son] anus … euh … quelque ch … quelque part qui approchait [ses] fesses". Il ne l'avait été qu'à une seule reprise, puis était tombé et avait pleuré car il avait "très très mal", précisant que son beau-père n'avait jamais agi de la sorte auparavant. Ce dernier lui avait alors mis "son doigt dans [son] anus" et, aussi, plusieurs fois "son zizi dans [son] anus", "que'que chose comme six, sept fois". Il avait pleuré plus fort de douleur. C'était "comme un violent sexuel, que'que chose comme ça", une "abomination".

Lorsqu'il lui a été demandé de fournir davantage de détails, D______ a indiqué qu'il pleurait et avait les yeux fermés, si bien qu'il n'avait pas vu ce que son beau-père lui faisait. Il se trouvait à plat ventre sur le sol et ce dernier "peut-être" agenouillé. Son beau-père était dans la même position lorsqu'il lui avait mis le doigt dans l'anus et y avait introduit son sexe. Il avait mis son "zizi" "au centre" cinq fois et, la dernière fois, "quelque part à l'entrée de l'anus". Interrogé sur l'emplacement des mains de son agresseur, D______ a déclaré "peut-être … y tenait … je n'regardais pas, mais … il euh … peut-être y mettant sa … y tenait son zizi et l'avait mis dedans". Questionné à ce sujet, D______ a décrit le sexe de son agresseur comme suit : "son zizi était … s … le bout était … quelque chose comme cassé ? Quelque chose comme ça je … je … je peux pas "discribri"". Il ne se rappelait pas si son beau-père avait parlé avant ou durant les faits.

Tout cela s'était produit le même jour, l'après-midi, et n'était jamais arrivé par le passé. Il portait un t-shirt et un short de pyjama ; le beau-père un pyjama composé d'un t-shirt bleu et de shorts multicolores.

b.b. Au MP et devant la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR), D______ a déclaré qu'avant les faits, il aimait bien B______, qu'il appelait même "papa". Il n'était pas sévère avec lui mais "dur, comme tout le monde". Désormais, il considérait qu'il était un "homme maléfique" qui devait être condamné par la justice pour ce qu'il lui avait fait.

Au MP, D______ a affirmé que son beau-père l'avait frappé tandis qu'il était en train de chercher des vêtements dans leur chambre, sans qu'il ne se souvienne avec quoi. Il se trouvait à plat ventre, en train de regarder sous le lit, lorsque son beau-père lui avait mis "sa partie privée dans [les] fesses". Il avait pleuré mais n'avait rien dit ni ressenti de particulier. Il ne se souvenait pas combien de temps cela avait duré. Après une intervention spontanée de sa mère, qui a indiqué, au MP, que son fils avait eu mal, D______ l'a confirmé, tout en précisant n'avoir rien senti lorsqu'il était par terre, mais avoir eu mal quand B______ l'avait menacé. Sur questions du procureur, D______ a déclaré qu'il avait eu mal durant cinq à dix minutes "dans les fesses, là où il [lui] avait donné le coup", ajoutant que le sexe de B______ présentait des "lignes un peu partout" et qu'il y avait "comme des petits cercles", précisant, en anglais, "the shape of every broken piece of his private parts were all different from each other". Lors des débats d'appel, D______ a expliqué qu'il s'était mis à quatre pattes car B______, qui portait un t-shirt bleu foncé, lui avait demandé de chercher un habit sous le lit. Son beau-père avait descendu son short, sorti son sexe et l'avait pénétré à une reprise, ce qui avait duré quelques minutes. Il n'avait pas bougé car il était sous le choc et ne comprenait pas ce qu'il se passait, mais avait crié et pleuré. Il avait eu mal car le sexe de son agresseur était sec. La douleur avait bien duré cinq à dix minutes là où il avait été pénétré. Il n'avait pas pu voir ce que faisait B______, qui se trouvait derrière lui, et était resté silencieux, sans faire de mouvements. Après les faits, il avait eu une blessure à l'anus qui lui avait causé des hémorroïdes et des saignements.

Tant devant le MP que la CPAR, D______ a indiqué qu'après les faits, B______ lui avait demandé de ne rien révéler à personne, précisant au procureur que cela lui avait fait un peu peur puis et, lors des débats d'appel, que son beau-père n'en avait pas fait "un ultimatum". Au MP, D______ a relaté qu'une fois les actes terminés, il s'était relevé, puis assis seul dans le salon. Lors de son audition par la CPAR, il ne se souvenait ni de ce qu'ils avaient fait avant, ni après les faits, si ce n'était qu'il n'y avait personne dans l'appartement.

Il avait repensé à ces faits de temps en temps et s'était demandé s'il irait bien. Il ressentait de la haine envers B______ car, par sa faute, il n'était pas "normal" dès lors que, depuis les faits, il éprouvait des sentiments pour les hommes, qu'il tentait de dissimuler sans toutefois y parvenir.

c. B______ a contesté les faits reprochés. Il avait connu D______, qu'il considérait comme son fils, lorsqu'il avait sept ans et s'était toujours bien entendu avec lui. Ils faisaient des activités ensemble le week-end et il était très investi du point de vue scolaire. Il lui était déjà arrivé de l'"engueuler sévèrement" et de le punir dans sa chambre mais jamais de le frapper. Ni l'école, ni la famille de A______ qui vivait sous le même toit qu'eux ne lui avait posé des questions ou fait remarquer que D______ avait du mal à s'asseoir.

Lorsqu'il se trouvait en Suisse, il logeait dans l'appartement de la mère de A______ et, quand cette dernière était à l'étranger, dormait dans le même lit que D______, tandis que la grand-mère occupait une autre chambre, étant précisé que c'était A______ qui avait décidé qu'il en irait ainsi. Il s'était retrouvé mêlé à des conflits entre A______ et les membres de sa famille, ce qui avait créé des tensions supplémentaires au sein de leur couple.

Devant la CPAR, B______ a déclaré qu'il lui avait été difficile de situer les faits qui lui étaient reprochés dans le temps. Il avait dû faire un travail de mémoire sur la base des déclarations de la famille A______/E______/I______/J______, des indications figurant dans son passeport et des photographies de famille qu'il avait retrouvées, ce qui lui avait permis, sur la base des déclarations des témoins, de se rappeler de deux dimanches. Le premier dimanche, la grand-mère de D______ avait refusé de monter dans son véhicule à la sortie de l'église en raison des tensions qui régnaient au sein de la famille, si bien qu'il lui avait dit qu'il ne viendrait plus la chercher. Le dimanche suivant, il était rentré de G______ avec D______, puis était allé à l'église avec ce dernier. Après le culte, ils avaient pris une pizza qu'ils avaient mangée chez eux vers 13h30 ou 14h00, avant que D______ ne se repose. La grand-mère de ce dernier était revenue vers 15h00 et avait proposé à D______ de manger. L'enfant n'avait plus faim mais la famille avait insisté. B______ a d'abord déclaré que D______ avait pleuré parce qu'il était forcé à manger, puis qu'il n'avait pas vu si ce dernier avait pleuré. Il n'avait pas de souvenirs précis de ce jour-là et reconstituait les faits.

Pour lui, D______ était manipulé par sa mère, qui ne souhaitait pas le voir continuer sa vie et être heureux, ce d'autant que D______, qui avait été témoin de menaces, d'injures "et de tout ce qui s'en suit" entre A______ et lui, devait avoir ressenti une "petite frustration". Il avait très vite remarqué que son ex-épouse avait des problèmes psychologiques, en ce sens qu'elle avait une relation extrême avec la religion et le divin. Ils s'étaient quittés et réconciliés à plusieurs reprises jusqu'à fin 2015 ou début 2016, moment où ils s'étaient définitivement séparés et avaient initié une procédure de divorce, A______ n'ayant toutefois jamais collaboré. Pour B______, le dépôt de la plainte pénale avait un lien avec le conflit qui l'opposait à son ex-épouse.

d. La grand-mère de D______, E______, a expliqué qu'un jour où A______ se trouvait au Congo, D______ n'était pas venu à l'église un dimanche alors qu'il le faisait habituellement. De retour à l'appartement, elle lui avait intimé de venir manger. Quand il était arrivé dans la cuisine, elle avait remarqué qu'il boitait. Il s'était assis sur une fesse, avait regardé le plafond et pleuré en secouant la tête. Il avait pointé sa fesse du doigt en disant qu'il avait mal. Elle n'avait pas compris et lui avait demandé s'il était tombé, ce à quoi il avait répondu par la négative. Elle n'avait pas emmené D______ chez le médecin pour éviter qu'il manque l'école et parce qu'elle ne voulait pas avoir de problèmes. Elle avait trouvé que son petit fils avait par la suite eu un comportement bizarre car il sursautait. Lorsqu'ils se trouvaient ensemble à H______ [Royaume-Uni], D______ avait finalement révélé avoir subi des abus sexuels de la part de son beau-père, racontant que B______ lui avait fait mal et mis un doigt dans l'anus le premier jour et son pénis dans l'anus le deuxième jour.

e. Selon les déclarations de I______, l'une des tantes de D______ établie à Genève, ce dernier n'entretenait pas une bonne relation avec B______, qui l'avait isolé de sa famille et de ses amis. Un dimanche, alors qu'ils mangeaient ensemble dans la cuisine, D______ n'arrivait pas à rester assis tranquillement, changeant de fesse sans arrêt. Sa grand-mère lui avait demandé s'il avait un problème et s'il avait un abcès sur les parties intimes. D______ n'avait rien répondu et s'était mis à pleurer. Elle avait raconté cet épisode à son frère, qui était venu à l'appartement et avait discuté avec D______. L'enfant lui avait dit que B______ était "méchant" et qu'il lui avait fait mal en le "serrant par derrière". Il était régulièrement arrivé à D______ de boiter, surtout lorsqu'il revenait de sorties avec son beau-père. B______, qui l'avait accusée d'avoir frappé D______, avait semé la discorde dans leur famille.

f. J______, l'une des tantes de D______ établie à H______, n'avait jamais vu B______ mais avait entendu des choses négatives à son sujet de la part des autres membres de sa famille. Sa mère et sa sœur I______ lui avaient notamment fait part de soupçons d'agressions sexuelles sur D______ car un jour, alors qu'il était sorti de la chambre dans laquelle il restait enfermé avec B______, le jeune garçon avait eu de la peine à s'asseoir comme s'il avait mal aux fesses, avait refusé de manger et avait pleuré. Lorsque D______ était venu chez elle à H______ en juillet 2016, elle avait remarqué qu'il avait toujours peur et regardait constamment derrière lui en mettant une main sur ses fesses. Son métier de travailleuse sociale consistait à observer les gens et à poser des questions, ce qu'elle avait décidé de faire en parlant à D______ en compagnie de sa propre mère. Si l'enfant confirmait ses soupçons, elle prévoyait de dénoncer B______ aux autorités. Elle avait ainsi commencé par lui demander quelle était sa relation avec B______ et de décrire ce qu'ils faisaient ensemble, les bonnes comme les moins bonnes choses. D______ lui avait d'emblée demandé s'il aurait des problèmes en racontant ce qu'il s'était passé. Il avait les larmes aux yeux et avait dit que B______ était un "mauvais homme". Elle lui avait tendu les mains tandis que la grand-mère pleurait déjà et lui avait demandé ce que B______ lui avait fait. D______ lui avait confié que son beau-père lui avais mis son pénis dans "son derrière". Elle lui avait demandé s'il s'agissait de son anus, ce à quoi il avait répondu positivement en montrant ses fesses, ajoutant qu'il avait eu très mal et n'avait pas pu s'asseoir pendant plusieurs jours, que B______ l'avait exhorté de ne rien dire et que cela s'était produit à de nombreuses reprises, sans préciser si les multiples occurrences avaient eu lieu le même jour ou non. Les confidences de D______ s'étaient déroulées dans une atmosphère calme et elle n'avait pas dû insister pour qu'il parle.

g. L'examen du sexe de B______ documenté dans le rapport d'expertise du 11 octobre 2019 n'a pas mis en évidence de particularité ou déformation visible au repos.

C. a. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Les quelques contradictions du récit de D______ s'expliquaient par son jeune âge au moment des faits. Il avait quoi qu'il en soit fourni des explications précises et cohérentes sur le contexte, les personnes présentes, la chronologie des faits et sur la position de son beau-père et de lui-même, compatibles avec un acte de sodomie, les vêtements qu'ils portaient, de même que décrit le sexe de son agresseur. Il avait également fait part du fait qu'il pleurait et de la douleur qu'il avait ressentie en graduant son intensité, ses inconstances quant à la durée de celle-ci s'expliquant par l'écoulement du temps et par le fait qu'il essayait d'oublier les faits. Il avait usé de termes d'enfant qui ne pouvaient pas correspondre à une vision d'adulte qui lui aurait été dictée. D______ s'était montré mesuré dans ses accusations en précisant qu'il ne s'était jamais rien passé d'autre. Les déclarations de sa grand-mère et de sa tante s'agissant de la scène survenue le dimanche dans la cuisine étaient concordantes et corroboraient les accusations de D______. B______ avait lui-même confirmé tout ce qui avait été décrit par les deux femmes, à l'exception des constatations physiques faites sur D______ et ces souvenirs communs démontraient que quelque chose de grave s'était bien produit ce jour-là. La relation entre D______ et B______ n'était pas saine. Son beau-père avait isolé D______ du reste de la famille en le contraignant à rester enfermé dans la chambre.

D______ ne s'était pas confié tout de suite à sa mère en raison d'un conflit de loyauté, mais avait dévoilé, sans être forcé, les faits à sa tante J______, qui était travailleuse sociale et avait l'habitude de récolter la parole des victimes. Lors du dévoilement, D______ avait utilisé des termes moins formels que ceux employés par la suite pour décrire les actes dont il avait été victime.

A______ avait bien relevé les nuances dans le discours de son fils, notamment s'agissant du nombre de pénétrations, et avait admis ne pas avoir cru les membres de sa famille s'agissant des soupçons d'abus sexuels, ce qui renforçait sa crédibilité. Leur divorce avait été prononcé avant le dépôt de la plainte et elle n'avait aucune raison de poursuivre la procédure pour des faits qui s'étaient déroulés dix ans auparavant, ce d'autant que cela lui demandait beaucoup de sacrifices.

b. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris dans la mesure où il existait un doute insurmontable sur la culpabilité de B______, sans que la bonne foi des parties ne soit toutefois remise en cause. Ce dossier, marqué par des facteurs culturels, s'inscrivait dans un contexte de conflit familial et conjugal important, qui n'avait pas permis à D______ de bénéficier d'un cadre de vie serein durant son enfance. B______ avait été soupçonné d'avoir commis des agressions sexuelles sur D______, sans toutefois que les membres de la famille de ce dernier ne réagissent. La tante de D______, qui était déjà persuadée que quelque chose s'était produit, avait récolté les confidences de son neveu en insistant auprès de lui, ce qui n'était pas conforme aux méthodes employées pour interroger les enfants. Par la suite, D______ n'avait fait que confirmer la survenance d'abus sexuels à sa mère, sans fournir davantage de détails. Les termes qu'il avait employés lors de son audition à la police, empreints de religiosité, n'avaient pu qu'être entendus dans la bouche d'adultes. Son récit n'était ni cohérent, ni constant, ni précis. Il avait déclaré avoir eu les yeux fermés tout en fournissant des descriptions, avait d'abord dit qu'il se trouvait "peut-être" à genoux avant de l'affirmer avec certitude, et avait fourni des explications beaucoup plus sobres lors de son audition au MP, lors de laquelle il avait déclaré avoir eu mal cinq à dix minutes "à l'endroit où il avait reçu le coup" sans faire état de douleurs à l'anus comme cela avait été le cas au stade des débats d'appel. Devant la CPAR, son récit avait encore changé, puisqu'il avait indiqué n'avoir pas reçu de coup et que B______ ne lui avait pas mis son doigt dans l'anus. Le discours religieux était toujours bien présent, étant en outre relevé que D______ rendait son beau-père responsable de son homosexualité, dont il avait honte. B______ s'était quant à lui toujours montré sobre dans ses déclarations, fournissant des réponses objectives sur la bases d'informations recherchées dans ses passeports, agendas, etc.

c. Par la voix de son conseil, B______ conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris. Les déclarations de D______ avaient été inconstantes et son ultime audition lors des débats d'appel n'avait pas permis de les réconcilier. Le dévoilement s'était déroulé "à l'envers", l'adulte, d'ores et déjà persuadé que des actes sexuels avaient été commis sur l'enfant, ayant demandé à ce dernier de confirmer ses soupçons. Contrairement à ce qui devait être fait lors du recueil de la parole d'un enfant, la tante de D______ avait beaucoup insisté auprès de D______. La teneur de ses propos démontrait qu'il n'avait pas émis ces accusations de manière libre et spontanée, étant relevé que la plaignante était intervenue pendant l'audition de D______ devant le MP, conduisant ce dernier à préciser ses déclarations. Il avait fourni une définition étrange du mot "criminel" qu'il avait utilisé pour désigner son beau-père, avait indiqué avoir reçu des coups "quelque part autour de l'anus" et employé le terme "abomination" pour décrire les actes dont il l'accusait, termes qui ne pouvaient qu'avoir été soufflés par des adultes. En sus de cela, le récit de D______ avait varié sur des points essentiels, à savoir le moment où il avait reçu le coup, l'existence d'une pénétration digitale et la profération de menaces par son beau-père. S'ajoutait à cela que lors de l'audience d'appel, D______ avait indiqué ne pas avoir regardé derrière lui alors qu'il avait auparavant été en mesure de décrire le sexe de son beau-père. Il n'avait par ailleurs jamais mentionné avoir souffert d'une grande douleur alors qu'un acte de sodomie sur un enfant ne pouvait qu'avoir eu cette conséquence. L'existence d'une blessure à l'anus ayant duré des semaines, qui n'était pas un détail susceptible d'être oublié, n'avait été évoquée qu'au stade de l'appel par D______ alors qu'il n'avait affirmé avoir eu mal que durant cinq à dix minutes au préalable. Les déclarations de D______ ne coïncidaient pas avec les explications fournies par sa mère et les autres témoins sur de nombreux points (relation qu'ils entretenaient, scène dans la cuisine, douleur physique ressentie par D______ et changement d'attitude de ce dernier, etc.). La famille de D______ n'avait jamais réagi auprès de B______ et n'avait pas tenté de procurer un suivi psychologique à l'enfant, ce qui ne pouvait être expliqué par des différences culturelles.

D. Me C______, défenseur d'office de B______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 10 heures et 30 minutes d'activité de chef d'étude, hors débats d'appel, lesquels ont duré six heures et 45 minutes.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et art. 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_519/2018 du 29 août 2018 consid. 3.1 ; 6B_377/2018 du 22 août 2018 consid. 1.1).

L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3). Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40). Confronté à des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble et l'état de fait déduit du rapprochement de divers éléments ou indices. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1 ; 6B_445/2016 du 5 juillet 2017 consid. 5.1).

Les cas de "parole contre parole", dans lesquels les déclarations de la victime en tant que principal élément à charge et les déclarations contradictoires de la personne accusée s'opposent, ne doivent pas nécessairement conduire à un acquittement sur la base du principe in dubio pro reo. L'appréciation définitive de ces déclarations incombe au tribunal du fond (ATF 137 IV 122 consid. 3.3).

L'appréciation des preuves implique donc une appréciation d'ensemble. Le juge doit forger sa conviction sur la base de tous les éléments et indices du dossier. Le fait que l'un ou l'autre de ceux-ci ou même chacun d'eux pris isolément soit insuffisant ne doit ainsi pas conduire systématiquement à un acquittement. La libre appréciation des preuves implique que l'état de fait retenu pour construire la solution doit être déduit des divers éléments et indices, qui doivent être examinés et évalués dans leur ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1169/2017 du 15 juin 2018 consid. 1.1 ; 6B_608/2017 du 12 avril 2018 consid. 3.1).

2.2. L'art. 187 ch. 1 CP punit celui qui aura commis un acte d'ordre sexuel sur un enfant de moins de 16 ans.

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, mais le dol éventuel suffit.

2.3.1. Face à un cas de "déclarations contre déclarations", il convient en l'espèce d'examiner les éléments du dossier et d'évaluer leur crédibilité.

2.3.2. Bien que constant sur le fait qu'il a été victime d'une pénétration de la part de son beau-père, vêtu d'un t-shirt bleu, alors qu'ils se trouvaient dans la chambre qu'ils partageaient et qu'il cherchait des vêtements, le récit de D______ est émaillé de plusieurs incohérences, imprécisions et inconstances. Lors de son audition EVIG, il a accordé beaucoup d'importance, dans ses explications et du point de vue de la douleur ressentie, au coup donné par son beau-père. Il a en effet indiqué à plusieurs reprises que cela lui avait fait mal, même "très très mal", et que cela l'avait "tué". Cet élément apparaissait comme central dans le récit du petit garçon. Pourtant, il en a par la suite peu parlé au MP et plus du tout lors de son audition par la CPAR. L'enfant a également fait une distinction claire entre le moment où son beau-père lui avait mis les doigts dans l'anus et celui où il y avait introduit son pénis lors de son audition EVIG et, de même que s'agissant du coup, n'a plus évoqué de pénétration digitale durant le reste de la procédure. Ses déclarations sur sa position au moment de la pénétration anale ont également varié, D______ ayant d'abord indiqué à la police et au MP qu'il était à plat ventre, puis, à la CPAR, à quatre pattes. Alors qu'il s'était montré très précis quant au nombre de pénétrations lors de son audition EVIG, les chiffrant à six y compris une tentative ayant échoué, ses déclarations subséquentes ne font état que d'une seule et unique pénétration anale. Les déclarations de D______ en lien avec la douleur ressentie au moment de ladite pénétration ont elles aussi évolué au fil de ses auditions et coïncident difficilement avec un acte de sodomie perpétré par un adulte sur un enfant. A la police, D______ a affirmé avoir pleuré "plus fort" parce qu'il avait mal. Lors de son audition par le MP, il a soutenu n'avoir rien ressenti de particulier au moment de la pénétration et ce n'est que sur intervention spontanée de sa mère qu'il a confirmé avoir bien eu mal, tout en précisant toutefois n'avoir rien senti lorsqu'il était par terre mais avoir eu mal à l'endroit où il avait été frappé quand l'intimé l'avait menacé, cette douleur ayant duré cinq à 10 minutes. Devant la CPAR, D______ s'est montré plus précis, affirmant avoir eu mal à l'anus parce que le sexe de son agresseur était sec et avoir été blessé à cet endroit, blessure qui aurait duré. Tous les éléments en lien avec la pénétration anale sont centraux de par la violence de l'acte et son caractère traumatisant. L'on voit dès lors mal qu'ils aient été évacués de la mémoire de D______, même après de nombreuses années et quand bien même il ferait en sorte d'oublier les faits. De même, l'on peine à comprendre comment D______ a pu décrire le sexe de son agresseur alors même qu'il a toujours soutenu qu'il était ventre à terre et n'avait pas vu le prévenu lorsqu'il commettait les actes dénoncés, même s'il ne peut être exclu, eu égard à la promiscuité dans laquelle il vivait avec l'intimé, qu'il ait pu l'apercevoir nu dans d'autres circonstances.

2.3.3. Si ces incohérences et imprécisions peuvent s'expliquer par son très jeune âge, voire par l'écoulement du temps entre ses trois auditions, le risque de contamination de son discours par les proches auxquels il s'est dévoilé avant son audition EVIG ne peut être écarté.

En premier lieu, si la tante de D______ ayant recueilli son dévoilement n'a pas fait état de l'usage par son neveu d'un langage incompatible avec son jeune âge, les termes employés par ce dernier par la suite n'avaient rien d'enfantin, qu'il s'agisse tant de la description des faits, que des qualificatifs utilisés pour se référer au prévenu. Il s'agit là d'un premier indice tendant à indiquer que le discours de l'enfant a, à tout le moins en partie, été contaminé par des adultes.

Les circonstances du dévoilement interpellent également dans la mesure où il n'a pas été spontané, mais induit par l'intervention de tierces personnes, à savoir la tante et la grand-mère de D______. Ces dernières, en conflit avec le prévenu et déjà persuadées qu'il était l'auteur d'agressions sexuelles à l'encontre de l'enfant, ont en effet entrepris de questionner elles-mêmes le jeune garçon au sujet de leur relation. D______ se trouvait ainsi en huis clos avec celles dont l'intention était d'obtenir une confirmation de leurs soupçons, ce que sa tante a elle-même affirmé, puis a dû confirmer ses accusations auprès de sa mère, qui était déjà en état de choc comme elle l'a elle-même indiqué.

La manière dont D______ a été amené à évoquer les faits reprochés à l'intimé ne peut être établie avec précision, les déclarations de la tante, de la plaignante et de D______ diffèrent toutes à cet égard. La première a déclaré ne pas avoir dû insister, son neveu s'étant d'emblée et de lui-même livré à elle sur évocation du prévenu, la seconde a soutenu que sa sœur avait dû insister auprès du jeune garçon et le mettre en confiance pour l'amener à révéler les faits, tandis que D______ a affirmé que les faits avaient déjà été révélés à sa mère au moment du dévoilement et qu'il n'avait dû que les confirmer à sa tante. Quoi qu'il en soit, que sa tante se soit montrée insistante ou non, il demeure que D______ se trouvait dans une position susceptible d'influencer ses paroles compte tenu du contexte décrit ci-avant, mais également de sa situation familiale.

Aux circonstances du dévoilement, s'ajoute en effet le contexte familial. C'est dans le cadre de conflits conjugaux et familiaux opposant le prévenu et la plaignante d'une part et les membres de la famille de cette dernière et le précité d'autre part, que D______ a, en juillet 2016, évoqué pour la première fois les faits reprochés à son beau-père. Après leur mariage, la relation entre la plaignante et le prévenu s'est rapidement dégradée, plongeant le couple dans un conflit conjugal, élément sur lequel ils s'accordent. Au moment des révélations de D______, la plaignante et l'intimé étaient séparés depuis plusieurs mois et vivaient une procédure de divorce conflictuelle, ce que l'enfant ne pouvait ignorer. Le prévenu a en outre lui-même reconnu que D______ avait été témoin des violences au sein du couple, également évoquées par l'appelante. Les relations entre les membres de la famille de la plaignante et le prévenu étaient particulièrement tendues pour des raisons qui demeurent floues, mais à tout le moins en raison d'accusations réciproques de maltraitance sur le jeune garçon, la famille de la plaignante ayant fini par soupçonner l'intimé, dès 2013, d'être l'auteur de violences sexuelles sur D______. A ce climat de tension s'ajoutait la promiscuité dans laquelle vivait la famille, l'appartement ne comportant que deux chambres, dont l'une était occupée par la grand-mère et l'autre par D______ et l'intimé lorsque la plaignante était absente. Même si D______ avait moins de dix ans à l'époque, il est vraisemblable que, même sans connaître tous les tenants et les aboutissants des querelles de sa famille, il a ressenti toute l'animosité des uns et des autres. Il s'est trouvé tiraillé entre la famille de sa mère, celle-ci et l'intimé, qu'il considérait comme son propre père.

Dans ces circonstances, il ne peut être exclu que le discours de D______, âgé de dix ans au moment du dévoilement, face à des interlocutrices elles-mêmes persuadées que quelque chose de grave s'était produit, a pu être influencé.

2.3.4. Au sentiment de doute généré par ce contexte particulier, s'ajoute que les déclarations de la plaignante, de sa sœur et de sa mère se contredisent entre elles et entrent également en conflit avec le récit de D______ s'agissant des accusations qu'il aurait formulées. Elles ont en effet tantôt indiqué que le prévenu avait pénétré D______ avec son sexe uniquement (tante), tantôt qu'il l'avait fait avec ses doigts le premier jour et avec son pénis le deuxième jour (grand-mère), tantôt qu'il lui avait mis son doigt dans l'anus durant plusieurs jours avant de le pénétrer avec son pénis (plaignante). Seule la plaignante a par ailleurs évoqué le fait que son fils avait indiqué avoir été frappé par son beau-père et que ce dernier lui avait ordonné de ne rien raconter et seule la tante de D______ a indiqué que le garçon lui avait dit que cela s'était produit de nombreuses fois, qu'il avait eu très mal et n'avait pas pu s'asseoir durant plusieurs jours.

En plus de ne pas pouvoir être daté, l'épisode évoqué par la grand-mère et la tante de D______, lors duquel elles auraient vu D______ boiter en sortant de sa chambre, puis qu'il aurait refusé de manger et pleuré en se plaignant d'avoir mal aux fesses et qui se serait déroulé après les faits reprochés à l'intimé, n'a jamais été mentionné par D______. Même à considérer que cet épisode se serait produit tel que sa grand-mère et sa tante l'ont affirmé, il ne peut encore être établi que l'attitude de D______ décrite par ces dernières était en lien avec l'agression sexuelle dénoncée. Il s'agit là d'une interprétation de la situation émanant des deux femmes, qui nourrissaient déjà des soupçons de maltraitances à l'égard de l'intimé, avec lequel elles étaient en conflit. Le fait que D______ ne se soit pas confié au moment où son oncle et sa mère, alertés par les précitées à la suite de cet événement, ne peut conduire, à lui seul, à retenir que les faits ne se seraient pas produits. Cela constitue cependant un indice allant dans ce sens, étant relevé que, bien que toute la famille soupçonne le jeune garçon d'avoir été victime d'une ou de plusieurs agressions sexuelles de la part de son beau-père, avec lequel il passait la majorité de son temps et partageait le même lit, aucune démarche n'a été entreprise auprès de professionnels, ce qu'aucun facteur culturel ou social ne permet d'expliquer, d'autant moins que la famille résidait alors à Genève. A cela s'ajoute encore que D______ n'a pas non plus soutenu qu'il aurait boité, un ou plusieurs jours, contrairement à ce que sa grand-mère et sa tante ont déclaré, outre que sa propre mère l'a examiné sans rien remarquer, lui-même signalant que tout allait bien. Outre que l'absence de stigmates d'agression sexuelle, cette intervention de la plaignante, qui a demandé à D______ de baisser son pantalon pour vérifier ses fesses, a également pu influencer les révélations subséquentes de l'enfant en l'orientant sur la partie du corps où il était supposé avoir eu mal. Le jeune garçon a également toujours affirmé n'avoir eu mal que "cinq à dix minutes" à la suite des faits qu'il a relatés, et ce n'est que lors des débats d'appel qu'il a déclaré avoir souffert d'une blessure à l'anus et d'hémorroïdes. Comme déjà mentionné supra, l'absence d'évocation par D______ de cet élément, pourtant central dès lors qu'il s'agirait de stigmates non négligeables de l'agression sexuelle dont il aurait été victime, étonne grandement.

2.3.5. Les changements dans l'attitude de D______ décrits par la plaignante ne constituent pas des éléments qui viendraient soutenir les accusations formulées à l'encontre de l'intimé. Les difficultés scolaires que ce dernier aurait rencontrées, non documentées, de même que le fait qu'il se serait renfermé sur lui-même et qu'il se serait montré mélancolique ne peuvent être reliés avec certitude à la survenance d'une agression sexuelle à défaut d'éléments supplémentaires allant dans ce sens, ce d'autant qu'il s'agit là de comportements fréquents chez les pré-adolescents et les jeunes adultes en construction. Les changements d'attitude précités pourraient également s'expliquer par les difficultés rencontrées par D______ pour accepter son orientation sexuelle et par la souffrance qui en découle manifestement pour lui. Le lien établi par D______ entre son homosexualité et les faits dénoncés ne peut être considéré comme avéré en l'état. Une telle préférence sexuelle ne constitue au demeurant ni une faute, ni une anormalité et ne devrait pas être ressentie comme tel.

2.3.6. De son côté, l'intimé a nié de manière constante s'être livré aux actes qui lui sont reprochés et, en dehors de ses dénégations, n'a pas fourni d'explications qui se seraient heurtées à celles de D______. Les accusations de maltraitance proférées par la grand-mère et la tante de l'enfant, que l'intimé a contestées, sont également contredites par l'enfant lui-même, qui a toujours déclaré qu'il s'entendait bien avec son beau-père, qu'il appelait même "papa" avant les faits et que ce dernier ne s'était jamais montré particulièrement sévère à son égard, ni ne l'avait frappé. Il n'a jamais affirmé qu'il était enfermé par l'intimé dans sa chambre ou interdit par ce dernier de faire quoi que ce soit.

Le fait que le prévenu ne se soit souvenu de l'épisode dominical évoqué par les témoins qu'au stade de l'appel n'entache pas sa crédibilité. La grand-mère et la tante de D______ n'ont jamais soutenu que le prévenu avait assisté directement à cet événement ou qu'elles en auraient parlé avec lui. D______ lui-même n'a jamais mentionné cet épisode, indiquant au contraire lors de son audition au MP qu'après les faits, il était sorti de la chambre et s'était assis sur le canapé du salon, seul. L'intimé a manifestement tenté de reconstruire ses souvenirs de cet événement, ce qu'il a lui-même indiqué lors des débats d'appel.

2.3.7. Au regard de tous les éléments qui précèdent, en particulier des incohérences et imprécisions de D______ et des déclarations contradictoires des personnes entendues dans le cadre de la présente procédure, examinées à l'aune du contexte familial, il n'est pas possible de tenir pour établi que les faits tels que décrits dans l'acte d'accusation se sont produits, ce qui ne remet pas en cause le fait que les protagonistes aient, en toute bonne foi, pu en être persuadés à force d'évocation de ceux-ci et d'interprétation du comportement de D______.

Par conséquent, l'acquittement de l'intimé sera confirmé au bénéfice du doute et l'appel rejeté.

3. Compte tenu du rejet de son appel, il ne sera pas fait droit aux conclusions civiles de la plaignante.

4. 4.1. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP).

4.2. Vu la confirmation de l'acquittement de l'intimé au stade de l'appel, les frais de première instance seront laissés à la charge de l'Etat dans leur totalité (art. 426 al. 1 CPP).

5. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseur d'office de B______ satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Il convient cependant de le compléter de la durée effective des débats d'appel, soit six heures et 45 minutes, et de CHF 100.- de vacations au Palais de justice.

La rémunération de Me C______ sera partant arrêtée à CHF 4'194.95 correspondant à 17 heures et 15 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 3'450.-) plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 345.-), la vacation à l'audience (CHF 100.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 299.95.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 10 mars 2022 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/13825/2016.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 2'005.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 4'194.95, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de B______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Acquitte B______ d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 CP) et de tentative d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187 ch. 1 cum 22 CP).

Déboute A______ de ses conclusions civiles.

Ordonne la restitution à B______ des objets figurant sous chiffres 1 à 12 de l'inventaire n° 2______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à B______ CHF 10'000.-, avec intérêts à 5% l'an dès le 15 août 2016, à titre d'indemnité pour la détention injustifiée avant jugement (art. 429 al. 1 let. c CPP).

Fixe à CHF 9'357.30 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de B______ (art. 135 CPP).

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, à au Tribunal correctionnel, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Secrétariat d'Etat aux migrations.

 

La greffière :

Yael BENZ

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal correctionnel :

CHF

5'023.65

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

260.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

170.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'005.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

7'028.65