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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/20962/2020

AARP/123/2023 du 06.04.2023 sur JTDP/472/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : NATURE JURIDIQUE;VOIES DE FAIT;LÉSION CORPORELLE
Normes : CP.126; CP.123
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20962/2020 AARP/123/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 14 mars 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/472/2022 rendu le 3 mai 2022 par le Tribunal de police,

 

et

C______, partie plaignante, comparant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3,

 

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/472/2022 du 3 mai 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de lésions corporelles simples de peu de gravité (art. 123 ch.1 al. 2 du code pénal [CP]) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 40.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de deux ans. Les frais de la procédure, arrêtés à
CHF 1'616.-, y compris un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.-, ont été mis à sa charge.

A______ entreprend entièrement ce jugement, concluant à son acquittement, avec suite de frais.

b. Selon l'ordonnance pénale du 9 avril 2021, il est reproché A______ d'avoir, le 13 août 2020, vers 07h30, à son domicile, à la suite d'une dispute liée à une pelle à glaçons mal rangée, voire à de la nourriture prise sans droit, frappé et griffé son colocataire C______ qui était en train de prendre une douche, lui causant des lésions corporelles attestées par certificat médical.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a. A______ et C______ étaient amis depuis 2007. En mai 2020, ils ont décidé de vivre en colocation, rejoints ensuite par D______.

b.a. Le 18 septembre 2020, C______ a déposé plainte pénale contre A______. Le 13 août 2020, vers 7h30, alors qu'il se trouvait sous la douche, A______ était entré dans la salle de bain pour uriner, avait commencé à lui faire des reproches concernant une pelle à glaçons mal rangée, et, après avoir refusé de sortir de la pièce, commencé à lui donner des coups de poing à travers le rideau de douche. Lui-même s'était défendu en lui rendant des coups de poing. Durant la bagarre, qui s'était poursuivie jusque dans le couloir de l'appartement, il avait donné des coups de poing au visage de A______, tandis que ce dernier lui avait planté ses ongles dans le cou et l'avait étranglé, si bien qu'il avait eu du mal à respirer. Puis, A______ avait relâché son emprise et saisi ses mains pour l'empêcher de lui donner des coups de poing, plantant ses ongles dans ses paumes et le blessant de la sorte. Sur ces entrefaites, D______ et un ami, E______, les avaient séparés. Le lendemain, il était resté au lit car il avait des douleurs au niveau du thorax et du poumon droit.

Par la suite, il était parti vivre chez son amie durant quelques jours. A______ lui ayant interdit de revenir à l'appartement, il avait demandé à entrer à [l'établissement] F______, lieu où il se trouvait encore, étant précisé qu'il consommait du cannabis à raison d'un joint par jour afin de traiter sa bipolarité.

b.b. À l'appui de sa plainte, C______ a fourni des photographies de griffures au cou ainsi qu'un constat médical daté du 15 août 2020 attestant d'"une tuméfaction douloureuse médio-costale, des lacérations érythémateuses cervicales, des plaies circulaires infracentimétriques de la paume des mains, des lésions croûteuses sur l'articulation métacarpo-phalangienne du majeur droit, ainsi qu'une tuméfaction modérée du poignet droit", ainsi qu'un important retentissement psychologique "à cause de l'ambiance de la colocation et en raison de la multiplication des agressions".

b.c. Dans sa déclaration d'accident à son assurance du 7 septembre 2020, C______ a répété ses accusations, précisant se trouver à F______ de peur de rentrer chez lui et d'y être blessé à nouveau par son colocataire, ainsi que pour soigner les conséquences du "viol psychologique" infligé par A______.

De manière contextuelle, C______ a rapporté une autre altercation s'étant déroulée quelques jours auparavant, en date du 25 juillet 2020, au sujet d'une casserole mal rangée. Sous les reproches, C______ s'était levé pour partir mais A______ l'avait saisi par les bras et avait planté ses ongles dans son biceps gauche. Le même jour, ce dernier avait envoyé à A______ une photo des griffures occasionnées.

c.a. A______ a lui aussi déposé plainte pénale le 24 septembre 2020 :

Il était ami de longue date de C______, dont le comportement avait changé. La veille des faits, lui et D______ l'avaient retrouvé allongé sur le sol de la terrasse, après une soirée alcoolisée, accompagnée possiblement de drogues. Le jour des faits, il avait toqué à la porte de la salle de bains pour que C______ lui ouvrît. Alors qu'il était sur les toilettes, C______ lui avait reproché d'avoir pris, la veille, sans sa permission, de la nourriture qui lui appartenait. Lui-même avait rétorqué avoir remplacé la nourriture consommée, ajoutant que son interlocuteur aussi se permettait de prendre des choses qui ne lui appartenaient pas. En réaction, C______ était abruptement sorti de la douche pour se jeter sur lui et le rouer de coups au niveau du visage et sur le corps. Il s'était alors défendu et avait tout fait pour le repousser ; il était possible qu'il l'eût griffé au niveau du cou avec ses ongles, mais ne l'avait pas étranglé. La bagarre s'était ensuite poursuivie en dehors de la salle de bains, C______ le pourchassant à travers l'appartement et jusque dans l'escalier, nu, tandis que lui-même tentait de regagner sa chambre. C______ l'avait alors bloqué physiquement et s'était remis à lui donner des coups de poing, ainsi que des coups de tête. Réveillés par le bruit, D______ et E______ étaient intervenus et avaient ceinturé l'intéressé. Dans l'effort, la rambarde avait cédé. Après cela, C______ s'était mis à provoquer D______, mais ce dernier s'était réfugié dans sa propre chambre.

Quelques jours après l'altercation, il avait reçu des SMS de la part de la sœur de C______ qui s'inquiétait pour ce dernier ; elle lui aurait notamment indiqué qu'il avait agressé son propre petit frère une semaine auparavant. La mère de C______ s'alarmait également de son état psychique. Lorsque C______ était revenu à l'appartement quelques jours après, son comportement était devenu étrange, il hurlait en russe et était menaçant. Finalement, lui-même avait appelé le 117 et une ambulance avait emmené son colocataire à l'hôpital. Depuis lors, il se trouvait à F______.

c.b. À l'appui de sa plainte, A______ a produit un constat médical daté du 14 août 2020 qui mentionnait un "os propre du nez douloureux à la palpation avec tuméfaction", compatible avec des coups de poings sur la tête.

d. Par ordonnances pénales du 9 avril 2021, C______ et A______ ont chacun été déclarés coupables de lésions corporelles simples et condamnés à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à CHF 30.- l'unité, respectivement CHF 160.-, avec sursis.

Selon le MP, la version de C______ était plus crédible que celle de A______, dès lors que le premier était nu sous la douche au moment des faits et donc plus vulnérable. Ainsi, il était peu probable qu'il ait initié la bagarre. Par ailleurs, à supposer que A______ se trouvât en état de légitime défense, rien ne l'aurait empêché de partir en courant ou de repousser son attaquant plutôt que de le frapper et de le griffer. C______ avait cependant fait usage de la légitime défense de manière disproportionnée, car il aurait dû se limiter à repousser l'attaquant au lieu de le frapper à son tour et de maintenir la bagarre.

e. A______ a fait opposition à l'ordonnance pénale le condamnant, y joignant, notamment, des photos de son nez tuméfié et d'un mur abimé.

f. Entendu par le MP et le premier juge, A______ a affirmé avoir agi en état de légitime défense, dès lors que C______ souffrait sur le moment d'une crise de bipolarité. Il n'avait fait que repousser avec la paume des mains son agresseur, lequel était nu et mouillé.

g. Devant le premier juge, C______ a confirmé sa plainte et ses précédentes déclarations.

C. a. Entendu par la CPAR, D______ a expliqué que, le matin des faits, il avait été réveillé par des bruits de mouvements. Par la porte de la salle de bains entrouverte, il avait vu A______, en caleçon, dos au sol, essayant de repousser C______ qui se trouvait sur lui, complètement nu. Il avait dû recourir à beaucoup de force pour les séparer. C______ avait continué à pourchasser A______ jusqu'à le bloquer dans les escaliers, en s'agrippant des deux mains à la barre, pour ensuite lui donner des coups de tête. Il ne savait pas si A______ avait utilisé ses ongles pour se défendre. Une fois la bagarre terminée, lui-même s'était réfugié dans sa propre chambre pour se protéger. C______, très énervé, avait mis un pied en travers de sa porte de sorte qu'il avait dû forcer pour la fermer, à tel point qu'elle était sortie de ses gonds. Sur question, il a indiqué avoir appris les raisons de cette altercation juste après celle-ci.

Il était resté dans la colocation jusqu'en avril 2021 avec A______, tandis que C______ était parti peu après les faits et avait été hospitalisé.

b. C______ ne se rappelait d'aucun détail précis de la bagarre et en particulier pas que A______, dont il n'était pas impossible qu'il ait été en caleçon, fût tombé. D______ n'était en revanche jamais entré dans la salle de bains mais était intervenu, ainsi que E______, une fois qu'eux-mêmes étaient sortis de la pièce. Il n'avait aucun souvenir de ce que la balustrade eût été arrachée, ni d'un quelconque trou au mur. La bagarre s'était terminée grâce à l'intervention de D______ et E______ qui avaient réussi à retirer les ongles de A______ de ses paumes.

Il a précisé qu'il y avait déjà eu deux agressions préalables de la part de A______ et que la question de ses ongles avait déjà été discutée. En revanche, il n'avait jamais lui-même agressé son petit frère.

Son hospitalisation était intervenue 15 jours plus tard environ. Il n'était pas en décompensation bipolaire le jour des faits. Le jour-même, il avait quitté les lieux et était parti faire du sport avec E______.

c.a. A______ a persisté pour l'essentiel dans ses précédentes déclarations, précisant pour la première fois avoir été en caleçon le jour des faits et être tombé par terre lorsque C______ avait ouvert le rideau pour se jeter sur lui. Au sol, il avait essayé de repousser son assaillant. Il ne contestait pas avoir pu griffer C______: il avait utilisé ses mains, paumes vers l'avant et les doigts repliés pour le repousser. La bagarre avait duré environ une minute avant l'intervention de D______, ce qui lui avait permis de sortir de la salle de bains. Il n'était pas sorti de l'appartement, étant en caleçon mais avait pensé que mettre de la distance suffirait à calmer son assaillant, à tort. Ce n'est qu'en raison de l'intervention musclée de D______ et E______ que la bagarre avait pris fin; dans l'effort, la rambarde avait été arrachée.

A______ a produit une photo de C______ prise la veille des faits sur laquelle on le voyait endormi, par terre sur son flanc, après être apparemment tombé de sa chaise; plusieurs bouteilles d'alcool se trouvaient également sur la table de la terrasse. Selon A______, C______ avait passé une soirée arrosée et son état d'alcoolisation était très avancé.

c.b. Par la voix de son conseil, A______ conclut à son acquittement. Il avait agi dans une situation de légitime défense. Son action avait été proportionnée et n'avait occasionné que de simples voies de fait. C______ n'était pas crédible lorsqu'il prétendait avoir été attaqué derrière le rideau de douche au niveau du buste, alors que sa tête dépassait et était vulnérable. En réalité, c'était bien lui qui avait débuté la bagarre. Les griffures infligées au niveau du cou et des paumes des mains étaient intervenues en tentant de le repousser. Les marques médio-costales étaient survenues lorsqu'il avait fallu le ceinturer pour les séparer. Les déclarations du témoin corroboraient plutôt sa version que celle du plaignant. Les imprécisions étaient dues à l'écoulement du temps ; en outre, la bagarre était dynamique, de sorte qu'il était impossible de s'en rappeler le déroulement exact.

Il conclut à ce que C______ soit condamné à l'indemniser pour ses honoraires d'avocat pour la procédure d'appel en CHF 5'166.70, correspondant à
12h55 d'activité de chef d'Etude à CHF 400.- de l'heure, soit notamment 6h05 de préparation de l'audience d'appel, 2h d'entretien, 10mn de vacation, la durée de l'audience et la TVA en sus.

f. Le MP, non présent, a conclu au rejet de l'appel.

g. C______ s'en est rapporté à justice.

D. A______, ressortissant néerlandais, est né le ______ 1986. Il est célibataire, sans enfant et titulaire d'un permis d'établissement. Il souhaite obtenir la naturalisation. Il a une formation de business analyst. Il est actuellement au chômage et perçoit des indemnités en CHF 4'000.- à 5'000.- net. Sa part au loyer s'élève à CHF 1'100.- et son assurance maladie à CHF 470.- environ. Il n'a ni dette ni fortune.

Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné le
5 janvier 2015 par le MP à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 100.- l'unité, avec un sursis de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 1'500.-, pour délit à la loi fédérale sur les stupéfiants.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le principe in dubio pro reo, découlant de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau que l'appréciation des preuves (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a). Comme règle d'appréciation des preuves, il signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes sérieux et irréductibles quant à l'existence de ce fait (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.1.2. Le juge du fait dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b). Devant des versions contradictoires, il forge sa conviction sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Les preuves doivent être examinées dans leur ensemble. Un ou plusieurs arguments corroboratifs peuvent demeurer fragiles si la solution retenue peut être justifiée de façon soutenable par un ou plusieurs arguments de nature à emporter la conviction (ATF 129 I 8 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_324/2017 du 8 mars 2018 consid. 1.1 ; 6B_1183/2016 du 24 août 2017 consid. 1.1).

2.1.3. Aux termes de l'art. 15 CP, quiconque, de manière contraire au droit, est attaqué ou menacé d'une attaque imminente, a le droit de repousser l'attaque par des moyens proportionnés aux circonstances.

La légitime défense suppose une attaque, c'est-à-dire un comportement visant à porter atteinte à un bien juridiquement protégé, ou la menace d'une attaque, soit le risque que l'atteinte se réalise. Il doit s'agir d'une attaque actuelle ou à tout le moins imminente, ce qui implique que l'atteinte soit effective ou qu'elle menace de se produire incessamment (ATF 106 IV 12 consid. 2a ; 104 IV 232 consid. c). La seule perspective qu'une querelle pourrait aboutir à des voies de fait ne suffit pas. Par ailleurs, l'acte de celui qui est attaqué ou menacé de l'être doit tendre à la défense. Un comportement visant à se venger ou à punir ne relève pas de la légitime défense. Il en va de même du comportement qui tend à prévenir une attaque certes possible mais encore incertaine, c'est-à-dire à neutraliser l'adversaire selon le principe que la meilleure défense est l'attaque (ATF 93 IV 81).

La défense doit apparaître proportionnée au regard de l'ensemble des circonstances et être la moins dommageable possible. En revanche, elle n'est pas subsidiaire à la fuite, à l'esquive ou à l'appel au secours (arrêt du Tribunal fédéral 6B_889/2013 du
17 février 2014, consid. 2.1).

La légitime défense ne peut être invoquée par le provocateur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_889/2013 du 17 février 2014, consid. 2.1).

Celui qui invoque un fait justificatif susceptible d'exclure sa culpabilité ou de l'amoindrir doit en apporter la preuve. Si une preuve stricte n'est pas exigée, l'accusé doit rendre vraisemblable l'existence du fait justificatif. Il convient ainsi d'examiner si la version des faits invoquée par l'accusé pour justifier la licéité de ses actes apparaît crédible et plausible eu égard à l'ensemble des circonstances (G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3e édition, Zurich 2011, n. 555, p. 189).

2.2. En l'espèce, l'appelant soutient avoir agi en état de légitime défense.

Or, les déclarations des parties sont contradictoires, chacune rejetant la faute sur l'autre et arguant n'avoir fait que se défendre d'une agression. Le témoignage de D______ ne permet pas davantage de trancher lequel des deux aurait porté le premier coup. Même s'il semble corroborer plutôt la version de l'appelant, il a vécu avec ce dernier en colocation durant un an encore après l'altercation, tandis qu'il n'avait plus aucun contact avec l'intimé. Aussi, lorsqu'il indique avoir eu connaissance des raisons du différend a posteriori, la CPAR a l'intime conviction qu'il n'en a discuté qu'avec l'appelant, de sorte que son témoignage n'a pas de poids décisif mais doit plutôt être relativisé s'agissant de l'origine de la bagarre.

Si chacune des deux versions est en soi crédible, il est en revanche peu vraisemblable que l'intimé ait interrompu sa douche pour spontanément agresser l'appelant. Il est en effet plus probable que l'appelant ait commencé la bagarre ou, à tout le moins, ait provoqué l'intimé qui aurait alors réagi, ce d'autant plus que la colocation était émaillée d'importantes tensions depuis plusieurs semaines.

Dans ces conditions, il ne peut être retenu que l'appelant a apporté la preuve de l'attaque et, partant, de l'existence d'un état de légitime défense au sens de l'art. 15 CP.

3. 3.1. L'art. 123 CP punit celui qui fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé qui ne peut être qualifiée de grave au sens de
l'art. 122 CP. A titre d'exemples, la jurisprudence cite tout acte qui provoque un état maladif, l'aggrave ou en retarde la guérison, comme les blessures, les meurtrissures, les écorchures ou les griffures, sauf si ces lésions n'ont pas d'autres conséquences qu'un trouble passager et sans importance du sentiment de bien-être (ATF 134 IV 189 consid. 1.1 et les arrêts cités).

Les voies de fait, réprimées par l'art. 126 CP, se définissent comme des atteintes physiques qui excèdent ce qui est socialement toléré et qui ne génèrent ni lésions corporelles, ni dommage à la santé (ATF 134 IV 189 consid. 1.2 et l'arrêt cité).

La distinction entre lésions corporelles et voies de fait peut s'avérer délicate. A titre d'exemples un coup au visage, ayant provoqué une éraflure au nez et une contusion (ATF 72 IV 21), une meurtrissure au bras et une douleur à la mâchoire sans contusion (ATF 107 IV 43 consid. d), une gifle, un coup de poing ou de pied ou de fortes bourrades avec les mains ou les coudes (arrêt du Tribunal fédéral 6B_525/2011 du 7 février 2012 consid. 4.1), ont été considérés comme voies de fait.

Dans les cas limites, en présence d'une atteinte à l'intégrité corporelle limitée à des contusions, des meurtrissures ou des griffures, il faut tenir compte de l'importance de la douleur provoquée afin de déterminer s'il s'agit de lésions corporelles simples ou de voies de fait (ATF 107 IV 43 consid. c ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_590/2014 du 12 mars 2015 consid. 1.2).

3.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'appelant est l'auteur des griffures présentées par l'intimé. En revanche, les blessures au poignet ainsi qu'au majeur droits résultent selon toute vraisemblance du fait que ce dernier a frappé l'appelant au visage, voire de l'intervention de tiers venus séparer les protagonistes. L'appelant ne saurait ainsi en être tenu pour responsable, ce d'autant moins que l'intimé n'allègue pas qu'il en serait à l'origine.

S'agissant de la tuméfaction médio-costale du côté droit, l'intimé l'attribue au coup qu'il aurait reçu au niveau de la poitrine, à travers le rideau. Or, celle-ci a très bien pu être occasionnée lorsqu'il a été ceinturé par D______. Ce dernier a en effet admis avoir dû recourir à beaucoup de force. La rambarde des escaliers aurait été arrachée dans cet effort. Par ailleurs, il n'apparaît pas exclu que le plaignant se soit blessé lui-même quelques heures avant l'altercation ; en effet, sur la photo produite par l'appelant, l'intimé est endormi sur son flanc droit aux côtés d'une chaise renversée. Dans ces circonstances, l'existence d'un lien de causalité entre, d'une part, les agissements imputés à l'appelant et, d'autre part, cette blessure et douleur dont se plaint l'intimé, n'est pas démontrée, de sorte que seules les griffures seront retenues à la charge de l'appelant.

Cela étant, les griffures occasionnées ne peuvent manifestement être qualifiées de lésions corporelles simples au vu de leur faible importance et intensité. L'intimé a indiqué être resté alité le lendemain en raison de ses douleurs au niveau du thorax, puis explique désormais avoir, le jour-même, fait du sport avec E______.

Au vu de ce qui précède, la CPAR retiendra que l'appelant s'est rendu coupable de voies de fait au sens de l'art. 126 CP.

4. 4.1.1. L'infraction de voies de fait est réprimée de l'amende (art. 126 CP).

4.1.2. Conformément à l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1).

4.2. En l'espèce, l'appelant a participé à une bagarre avec son colocataire pour un motif futile, alors qu'un incident avait déjà précédemment éclaté entre eux pour des bagatelles, avec pour résultat des griffures. Sa faute doit être qualifiée de moyenne.

Il a agi par un comportement mal maîtrisé. Son mobile est égoïste.

Sa collaboration, de même que sa prise de conscience, ne peuvent être jugées de bonnes, l'appelant persistant à rejeter la faute sur le plaignant.

Son casier judiciaire fait état d'un antécédent, certes non spécifique.

Vu la requalification des faits, l'appelant sera condamné à une amende en CHF 600.-.

5. L'appelant, qui succombe partiellement, supportera la moitié des frais de la procédure d’appel, comprenant un émolument de procédure de CHF 1'500.- (art. 428 CPP et
14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale du 22 décembre 2010 [RTFMP]), le solde étant laissé à la charge de l'État.

Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la première instance, la requalification n'ayant aucune incidence sur ceux-ci.

6. 6.1. Si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure n’est prononcé mais que le prévenu obtient gain de cause sur d’autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépens (art. 436 al. 3 et 429 al. 1 let. a CPP).

6.2. En l’espèce, l'appelant a partiellement obtenu gain de cause en appel, obtenant une requalification des faits en sa faveur et, partant, une condamnation à une peine plus légère. Il a ainsi droit, sur le principe, à être indemnisé pour ses frais de défense dans la même mesure que celle dans laquelle il ne supporte pas les frais.

Il fait valoir une note d'honoraires pour l'activité de son conseil du 13 mai 2022 au
30 janvier 2023 en CHF 5'166.70, audience et TVA en sus. L'audience sera indemnisée pour sa durée effective, soit 2h15, vacation en CHF 100.- en sus.

Vu l'issue de la procédure et la répartition des frais, il se justifie de lui accorder une indemnité de CHF 3'320.75, correspondant à la moitié des 12h55 d'activité annoncées, plus 2h15 d'audience (soit 15h10 à CHF 400.- de l'heure = CHF 6'066.-), plus une vacation en CHF 100.- ainsi que la TVA en CHF 474.85, soit un total de CHF 6'641.50.

Cette indemnité sera compensée, à tout le moins partiellement, avec la partie des frais de la procédure mis à sa charge (art. 442 al. 4 CPP ; ATF 139 IV 243) et l'amende (ATF 144 IV 212).

* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet partiellement l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/472/2022 rendu le 3 mai 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/20962/2020.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de voies de fait (art. 126 al. 1 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 600.-.

Prononce une peine privative de liberté de substitution de six jours (art. 106 al. 2 CP).

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance, arrêtés à CHF 1'616.-.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'805.-, y compris un émolument de
CHF 1'500.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 902.50, à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Alloue une indemnité de CHF 3'320.75 à A______ pour ses frais de défense en procédure d'appel.

Compense cette indemnité avec les frais de procédure mis à sa charge et l'amende.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ pour le surplus.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

Le Greffier:

Alexandre DA COSTA

 

La Présidente:

Catherine GAVIN

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

 

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'616.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

110.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'805.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'421.00