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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24093/2020

AARP/36/2023 du 09.02.2023 sur JTDP/634/2022 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : OBTENTION FRAUDULEUSE D'UNE PRESTATION;PRESTATION COMPLÉMENTAIRE
Normes : CP.148a; CP.66a
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24093/2020 AARP/36/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 24 janvier 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/634/2022 rendu le 27 mai 2022 par le Tribunal de police,

 

et

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, route de Chêne 54, case postale 6375, 1211 Genève 6,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/634/2022 du 27 mai 2022 par lequel le Tribunal de police (TP) l’a reconnu coupable d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a al. 1 du Code pénal [CP]), l’a condamné à une peine pécuniaire de 140 jours-amende à CHF 30.- l’unité, assortie du sursis et d’un délai d'épreuve de trois ans et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 let. e CP).

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, avec suite de frais.

b. Selon l'acte d'accusation du 7 juin 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

À Genève, entre le 1er mars 2017 et le 30 novembre 2021 (recte : 2020), il a induit en erreur le SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES (ci-après : le SPC), afin de percevoir indûment des prestations à hauteur de CHF 88'207.- et de se procurer ainsi un enrichissement illégitime, en dissimulant à cette institution qu'il était le propriétaire d'un appartement au Portugal et passant sous silence le fait qu'il ne résidait pas régulièrement en Suisse, pour des périodes supérieures à 90 jours, étant précisé qu'il faisait rediriger son courrier au Portugal, à l'adresse de l'appartement dont il avait caché l'existence au SPC.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 12 décembre 2014, A______ a fait une demande de prestations complémentaires auprès du SPC. Il était alors au bénéfice d'une rente invalidité et du revenu minimum cantonal d'aide sociale, ainsi que d'une aide au logement. Dans le formulaire de demande, il s'est expressément engagé à informer le SPC de tout changement de sa situation personnelle, de ses revenus, de son patrimoine. Il a également autorisé les administrations fiscales, les établissements publics et privés à donner au SPC tout renseignement sur les avoirs, comptes et autres biens.

Par décision du 26 février 2015, il a été mis au bénéfice de prestations complémentaires (CHF 1'392.- par mois) et de subsides d'assurance maladie (CHF 470.- par mois), avec effet rétroactif au 1er février 2013. Le montant versé à titre rétroactif s'élevait à CHF 48'074.-.

b. Le 4 mars 2016, A______ a acheté un appartement au Portugal au prix de EUR 44'500.- à l'aide de sa prestation de libre passage (2ème pilier), laquelle s'élevait, au 12 décembre 2014, à CHF 53'938.- et dont il avait fait état dans sa demande initiale de prestations. Il a annoncé la propriété de ce bien immobilier au fisc genevois, mais pas au SPC.

c. Le 7 octobre 2016, le conseiller d'Etat C______ a informé tous les bénéficiaires d'aides sociales de l'entrée en vigueur, au 1er octobre 2016, de l'art. 148a CP, notamment des conséquences pénales de la dissimulation d'informations sur des biens immobiliers à l'étranger, et de l'art. 66a CP sur l'expulsion obligatoire. Le courrier avait pour but d'éviter que quiconque n'ignore ces nouvelles dispositions légales.

Chaque année depuis décembre 2016, soit en décembre 2016, en décembre 2017 et en décembre 2018, un courrier informatif a été envoyé par le SPC à A______, lui rappelant ses obligations légales, soit son obligation de renseigner le SPC de toute modification de sa situation financière et/ou personnelle, en particulier sur une absence de plus de trois mois, par année civile, du canton de Genève, ou sur une augmentation de la fortune immobilière en Suisse ou à l'étranger.

d. En septembre 2020, dans le cadre de la révision périodique de son dossier, le SPC a appris, par le biais des avis de taxation de A______ l'existence du bien immobilier qu’il avait acquis. Il a également relevé que le bénéficiaire n'avait pas adressé de document au SPC depuis 2015, hormis deux factures de l'assureur maladie.

e. Une enquête sur domiciliation a été confiée à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) afin de déterminer le lieu de vie de A______. Le rapport du 2 novembre 2020 conclut que celui-ci résiderait régulièrement hors de Genève, pour des périodes de plus de 90 jours par année civile.

Pour arriver à cette constatation, les enquêteurs se sont basés notamment sur les avis de réexpédition postale à l'adresse de l’appartement acheté au Portugal, recueillis auprès de la Poste et portant sur les périodes du 2 mars 2017 jusqu'à révocation (étant précisé qu’il ressort du formulaire que l’ordre a été payé jusqu’au 31 mai 2017), du 1er mai au 15 août 2018, du 23 février au 27 septembre 2019 et du 9 juillet 2020 au 29 janvier 2021.

Ils ont également constaté que la consommation d’électricité de l’appartement avait fortement diminué, puisqu’elle était d’une moyenne annuelle de 1'200 KWh par an entre 2013 et 2015, mais de seulement 411 kWh de 2016 à 2019 et de 380 KWh pour les sept premiers mois de 2020. On peut en particulier relever qu’entre le 1er mars et le 4 août 2017 (157 jours), la consommation électrique a été d’un seul KWh, tandis que pendant plusieurs périodes elle ne s’est élevée qu’à une moyenne d’environ un KWh/jour (entre le 5 août et le 31 décembre 2017 : 149 jours, 169 KWh ; entre le 1er mars et le 29 juillet 2018 : 152 jours, 141 KWh ; entre le 1er novembre 2018 et le 29 juillet 2019 : 271 jours, 247 KWh ; entre le 1er et le 30 juillet 2020 : 30 jours, 6 KWh). En revanche, à d’autres périodes, la moyenne atteint ou dépasse 3 KWh/jour (entre le 30 mars et le 6 août 2012 : 130 jours, 417 KWh ; entre le 5 avril et le 30 juillet 2013 : 117 jours, 540 KWh ; entre le 6 août et le 31 octobre 2015 : 87 jours, 329 KWh ; entre le 1er mai et le 30 juin 2020 : 61 jours, 166 KWh). Pendant la période pénale, la consommation moyenne a encore atteint 2.62 KWh/jour entre le 1er janvier et le 28 février 2018 (155 KWh, 59 jours) et 1.7 KWh/jour entre le 30 juillet 2019 et le 30 avril 2020 (470 KWh, 276 jours).

Les enquêteurs étaient passés au domicile de A______ le 23 octobre 2020 à 17h ; à cette date, la boîte aux lettres de l’intéressé était pleine de courriers [Ndr : nonobstant l’instruction de réexpédition en vigueur à cette date], personne n’était présent dans l’appartement et ses voisins de palier ont dit ne l’avoir jamais vu et n’avoir entendu qu'à de rares occasions des bruits de vaisselles provenant de son appartement;

f. Le droit aux prestations de A______ a été réexaminé avec effet au 1er mars 2017, date du début de réexpédition de son courrier au Portugal. Par décisions du 6 novembre 2020, adressées par courrier recommandé à Genève et au Portugal, A______ a été condamné à rembourser les prestations perçues indûment du 1er mars 2017 au 30 novembre 2020, soit CHF 62'812.- correspondant aux prestations complémentaires et CHF 25'395.- correspondant au subside de l'assurance-maladie.

g. Par courrier envoyé depuis Genève le 26 novembre 2020, A______ a formé opposition à l'encontre de ces décisions, soutenant être domicilié à Genève.

Par décision sur opposition du 27 janvier 2022 (expédiée uniquement au Portugal nonobstant la constitution de son Conseil en mai 2021), le SPC a rejeté l'opposition formée au motif que A______ ne résidait pas régulièrement à Genève et qu’il n'avait jamais informé le SPC de l'existence du bien immobilier acquis au Portugal. Par décision du 6 mai 2022 (également envoyée au Portugal), le SPC a refusé de remettre l'obligation de restituer le montant de CHF 62'812.-.

h. Le 11 décembre 2020, le SPC a déposé plainte à l'encontre de A______ et s'est constitué partie plaignante, concluant à sa condamnation pour infraction aux art. 31 al. 1 let. d de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ci-après : LPC) et 148a al. 1 CP et à lui rembourser la somme de CHF 88'207.- correspondant aux prestations indûment versées.

Le 14 décembre 2020, le Ministère public (MP) a invité A______ à se déterminer sur la plainte pénale déposée à son encontre. Quand bien même il lui a, par ordonnance du même jour, désigné un avocat d’office, ce courrier a été envoyé à A______ personnellement, sans qu’une copie ne soit adressée à son conseil ni que l’attention du destinataire ne soit attirée, dans ce courrier, sur le fait qu’il se trouvait en défense obligatoire, seul l’art. 158 du Code de procédure pénale (CPP) étant mentionné.

i. A______ a répondu en personne, expliquant avoir annoncé l'achat de son appartement au Portugal au fisc genevois, soit à l'Etat de Genève. Il avait effectué cet achat après avoir appris qu'il deviendrait difficile de retirer son 2ème pilier avec la réforme de la LPP, en précisant qu'il n'avait pas l'intention de finir ses jours dans un EMS en Suisse. Il avait dès lors acheté cet appartement à l'aide du versement anticipé de son 2ème pilier, soit CHF 51'876.-, montant qu'il avait affecté à l'achat du bien et à divers travaux. Ainsi ne s'était-il pas enrichi. Il reconnaissait avoir séjourné plus de 90 jours par année civile au Portugal, en raison de l'aggravation de son état de santé lors de ses séjours dans son pays d'origine.

Concernant l'enquête de voisinage, il a précisé être une personne solitaire avec des horaires et des habitudes nocturnes. Son voisin italien s'absentait durant de longues périodes, sa voisine brésilienne le voyait régulièrement, le couple portugais était nouvellement arrivé dans l'immeuble et ne le connaissait pas et deux autres voisins suisses le connaissaient en raison d'un manifeste qu'il avait envoyé en lien avec la fumée de narguilé de son voisin, alors que le nettoyeur de l'immeuble savait qui il était. Il a produit diverses correspondances échangées avec sa régie (plaintes au sujet de la fumée de narguilé, demande de place de parking en septembre 2019).

La baisse de sa consommation d'électricité s'expliquait, notamment, par le fait qu'il séjournait parfois chez sa sœur suissesse en raison de la fumée incommodante de narguilé. Il avait fait réexpédier son courrier au Portugal, mais pas seulement lorsqu'il s'absentait de Suisse. Sa compagne habitait, en permanence, son appartement au Portugal et disposait d'une procuration pour relever son courrier. Il se souvenait également avoir oublié d'arrêter l'ordre de réexpédition de son courrier, sans pouvoir préciser l'année.

Il n'avait pas les moyens de rembourser les montants réclamés par le SPC et se trouvait dans l'impossibilité de se faire soigner.

j. Entendu par le MP le 12 mai 2021, A______ a répété avoir annoncé l'achat de son bien immobilier au fisc genevois et ne pouvait indiquer s'il séjournait plus de trois mois au Portugal car il ne comptabilisait pas sa vie comme un expert-comptable. Il a produit des photos démontrant qu’il a des tapis dans son appartement, permettant d’expliquer selon lui l’absence de bruit qui en émane.

k. A______ a produit des factures et documents dont il ressort qu’il a reçu des soins médicaux au Portugal les 23 juin 2016 (coloscopie), 7 avril 2017 (examen dermatologique), 11 septembre 2018 (devis pour une chirurgie dentaire), 18 septembre 2018 (chirurgie dentaire), 15 et 28 mars 2019 (médecine dentaire), 12 juin 2019 (angiographie des veines des membres inférieurs) et 5 juillet 2019 (coloscopie).

Il a également produit des extraits de son compte postal pour la période d’octobre à décembre 2020, dont il ressort qu’il a viré régulièrement des fonds sur son compte dans ce pays, et effectué divers paiements, sans qu’il soit possible de déterminer s’il a donné les instructions au guichet ou par voie électronique. Il n’y figure aucune dépense dans des commerces (genevois ou autres) mais quelques achats de billets TPG (les 24 et 26 novembre ainsi que le 23 décembre 2020).

l. Devant le premier juge, A______ a répété avoir annoncé aux autorités fiscales l’acquisition de son bien immobilier au Portugal. S'agissant de la longueur de ses séjours dans son pays natal, il refusait de comptabiliser son emploi du temps.

C. a. Aux débats d’appel, A______ a expliqué avoir fait une erreur en achetant son appartement au Portugal ; il avait mal compris certaines explications en lien avec son capital LPP. Il avait un compte bancaire au Portugal, sur lequel il avait effectué des virements pour des frais en lien avec l’appartement ou pour aider sa copine (avec laquelle il semble avoir depuis rompu), mais cela ne signifiait pas qu’il était sur place. Il n’était pas retourné au Portugal pendant dix années et, chaque fois qu’il y allait depuis, il était tombé malade. Il n’était pas compatible avec cette culture et se sentait chez lui en Suisse. Il avait subi des soins dentaires dans son pays en raison du coût moindre et de l’absence de remboursement de l’assurance. Il n’avait jamais voulu quitter Genève. Sa consommation d’électricité avait diminué parce qu’il était souvent chez ses sœurs ou des copines ; il avait aussi installé des ampoules LED pour diminuer sa consommation. Il avait oublié pendant une année de révoquer la réexpédition de son courrier. S’il avait voulu tromper le SPC, il aurait pu demander à quelqu’un de venir vider sa boîte aux lettres. Le jour où le contrôleur de l’OCPM était passé, il était à la poste pour payer son macaron zone bleue. Ses voisins avaient eu peur de la police qui leur avait demandé qui habitait là, mais ils le connaissent.

b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Les éléments objectifs de l’infraction n’étaient pas réalisés, faute de tromperie. Il n’avait fourni aucune information fausse ou incomplète ni n’avait rien dissimulé ou passé sous silence. Il avait acheté son appartement avec son capital du deuxième pilier et l’avait annoncé à l’État de Genève, soit pour lui l’administration fiscale, étant relevé que le SPC n’était qu’un des services de ce même État et qu’il n’avait donc pas été induit en erreur.

Il n’avait pas non plus déplacé son centre de vie au Portugal, même s’il y passait quelques mois par année. Il l’avait conservé à Genève où il avait toutes ses attaches personnelles et familiales. Son appartement au Portugal, acheté avec son deuxième pilier, n’entrait même pas dans son minimum vital pour le SPC. Les pièces, notamment les relevés bancaires, démontraient sa présence à Genève. Le SPC avait diligenté une enquête et pris une décision sans même l’interpeller avant de se prononcer. Les ordres de réexpédition démontraient tout au plus de la négligence dans le traitement de son courrier ; la baisse de consommation électrique ne prouvait rien sinon sa baisse de consommation liée à ses séjours au Portugal mais aussi chez sa sœur et ses amis, ainsi que de meilleures habitudes de consommation.

Un séjour à l’étranger de plus de trois mois d’une traite conduisait certes à la suspension dès le mois suivant, mais pas à la suppression ab ovo des rentes ; de surcroît l’appelant avait été contraint de prolonger ses séjours pour des raisons médicales et non pour le plaisir ; les prestations obtenues n’étaient pas illicites.

L’infraction poursuivie était intentionnelle ; or, il n’avait jamais eu la moindre intention de tromper le SPC et avait même déclaré son acquisition immobilière au fisc. Le SPC avait agi de façon déloyale à son encontre et devait être débouté de toutes ses conclusions. Au pire, il avait agi par négligence, laquelle n’était pas punissable.

c. Le SPC a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

D. A______ est né le ______ 1959 au Portugal, pays dont il a la nationalité. Il est arrivé en Suisse en 1986 et est titulaire d'un permis d'établissement. Il est célibataire sans enfant. Il ne travaille plus et est au bénéfice de prestations de l'assurance-invalidité. Il est locataire d'un appartement de trois pièces à D______ [GE], dont le loyer, charges comprises, s'élève à un peu plus de CHF 800.- ; à teneur des informations de la base de données de l’OCPM, il y est domicilié sans interruption depuis juillet 2011. Ses parents sont décédés et il n’a plus de famille au Portugal. Ses sœurs, dont l’une est suissesse et vit à Genève avec sa fille et l’autre réside en France voisine, constituent sa seule famille.

Il est atteint de la maladie cœliaque (intolérance congénitale à la gliadine), laquelle lui impose un régime alimentaire sans gluten et sans lactose, cette maladie étant associée à une dépression.

Il a travaillé comme projectionniste de cinéma et relève avoir toujours habité à Genève, quand bien même il a travaillé en divers lieux en Suisse. Depuis la cessation des prestations complémentaires, il s’est endetté pour subvenir à ses besoins.

Il n'a aucun antécédent judiciaire.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, s’en est rapporté à l’appréciation de la Cour quant à son indemnisation.


 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Selon l'art. 10 CPP, toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force (al. 1). Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure (al. 2). Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).

Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH) et par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu.

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2. A teneur de l'art. 148a CP, quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale ou de l'aide sociale, est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). Dans les cas de peu de gravité, la peine est l'amende (al. 2).

L'art. 148a CP constitue une clause générale par rapport à l'escroquerie au sens de l'art. 146 CP, qui est aussi susceptible de punir l'obtention illicite de prestations sociales. Il trouve application lorsque l'élément d'astuce, typique de l'escroquerie, n'est pas réalisé. Cette différence qualitative se reflète au niveau du cadre de la peine qui est en l'occurrence plus bas, puisque l'art. 148a CP prévoit une peine maximale allant jusqu'à un an. L'infraction englobe toute tromperie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_797/2021 du 20 juillet 2022 consid. 2.1.1).

Sont ainsi réprimées toutes les formes de tromperie, soit en principe lorsque l'auteur fournit des informations fausses ou incomplètes, dissimule sa situation financière ou personnelle réelle (p. ex. à propos de son état de santé), ou passe certains faits sous silence (cf. Message du Conseil fédéral concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire [Mise en oeuvre de l'art. 121 al. 3 à 6 Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels] du 26 juin 2013, FF 2013 5432 ss. [Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013]). Dans cette dernière hypothèse (« en passant sous silence »), l'art. 148a 2ème hyp. CP décrit une infraction d'omission proprement dite, ce qui écarte notamment l'interprétation établie en matière d'escroquerie concernant l'absence de position de garant du bénéficiaire de prestations à caractère social (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1015/2019 du 4 décembre 2019 consid. 4.5.2 et 4.5.6 ; Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5432).

Les termes « en passant sous silence » dans l'art. 148a CP signifient bien que le comportement visé est aussi la simple omission, même en l'absence de demande d'information de l'aide sociale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2021 du 18 août 2022 consid. 2.4.1).

A teneur de l’art. 148a al. 2 CP, dans les cas de peu de gravité, la peine est l’amende. Le Tribunal fédéral a notamment retenu un cas de peu de gravité en présence d’une assurée qui avait omis d’annoncer à l’institution sociale des gains intermédiaires qu’elle avait toutefois annoncés au chômage et perçu de la sorte des prestations indues d’environ CHF 3'300.- en six mois (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1246/2020 du 16 juillet 2021).

2.3. Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle. Il faut, d'une part, que l'auteur sache, au moment des faits, qu'il induit l'aide sociale en erreur ou la conforte dans son erreur et, d'autre part, qu'il ait l'intention d'obtenir une prestation sociale à laquelle il n'a pas droit (Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5433).

Selon une jurisprudence rendue en matière d'octroi indu d'une prestation au sens de la LPC (art. 31 al. 1 LPC, correspondant à l'art. 16 aLPC), transposable mutatis mutandis à l'art. 148a CP, cette infraction est consommée du point de vue formel dès les premiers versements des prestations complémentaires, les éléments constitutifs objectif et subjectif étant réalisés. Le résultat de l'infraction ne dure pas mais est accompli à chaque nouveau versement. Il ne s'agit ainsi pas d'un délit continu, même si après l'admission d'une demande de prestations complémentaires, les versements sont effectués mensuellement et étalés dans le temps (ATF 131 IV 83 = JdT
2007 IV 83 consid. 2.1.3 ; ATAS/326/2013 du 9 avril 2013 consid. 16).

2.4. Selon l'art. 31 al. 1 let. d LPC, est puni, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le code pénal, d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amende celui qui manque à son obligation de communiquer au sens de l'art. 31 al. 1 de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA).

L'art. 31 al. 1 LPC est un délit intentionnel. Cela suppose que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, ou par dol éventuel (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1).

2.5. L'art. 31 al. 1 LPGA dispose que l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation.

Selon l'art. 4 al. 1 aLPC (teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu'elles perçoivent une rente de l’assurance invalidité (AI). Selon l'art. 13 LPGA, le domicile d'une personne est déterminé selon les art. 23 à 26 du code civil suisse (CC). Une personne est réputée avoir sa résidence habituelle au lieu où elle séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d'emblée limitée.

Il ressort de l'art. 23 al. 1 1ère phr. CC que le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir.

L'art. 4 al. 3 LPC, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021, stipule que la résidence habituelle en Suisse au sens de l'al. 1 est considérée comme interrompue lorsqu'une personne séjourne à l'étranger pendant plus de trois mois de manière ininterrompue ou pendant plus de trois mois au total au cours d'une même année civile. Enfin, l’alinéa 4 délègue à l’ordonnance la détermination du moment de la suspension et de la reprise du versement des prestations. L'art. 1 al. 1 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI) précise ces dispositions.

Avant l’entrée en vigueur de la nouvelle teneur de l’art. 4 LPC régissant l’interruption du droit aux prestations complémentaires, cette question était réglée exclusivement par les directives de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) en matière de prestations complémentaires. Celles-ci précisaient (selon la teneur de leur version 14, en vigueur de décembre 2019 à décembre 2020, chiffres 2330.1 et 2330.2) que lorsqu’une personne – également lors d’une période à cheval entre deux années civiles – séjourne à l’étranger plus de trois mois (92 jours) d’une traite sans raison majeure ou impérative, le versement de la prestation complémentaire est suspendu dès le mois suivant. Il reprend dès le mois au cours duquel l’intéressé revient en Suisse. Lorsqu’au cours d’une même année civile, une personne séjourne plus de six mois (183 jours) à l’étranger, le droit à la prestation complémentaire tombe pour toute l’année civile en question. Le versement de la prestation complémentaire doit dès lors être supprimé pour le restant de l’année civile; les prestations complémentaires déjà versées doivent être restituées. Lors de plusieurs séjours à l’étranger au cours de la même année civile, lesdits séjours sont additionnés au jour près. En cas de séjour à cheval entre deux années civiles, seuls les jours de l’année civile correspondante sont pris en compte. Les jours d’arrivée et de départ ne sont pas considérés comme jours de résidence à l’étranger.

Par ailleurs, ces directives prévoyaient que lors d’un séjour à l’étranger dicté par des raisons impératives, la prestation complémentaire continue d’être versée tant et aussi longtemps que l’intéressé garde le centre de tous ses intérêts personnels en Suisse. Les raisons impératives ne peuvent être que des raisons inhérentes à la santé [du bénéficiaire] (p. ex. impossibilité de transport suite à maladie ou accident) ou d’autres circonstances extraordinaires qui rendent impossible tout retour en Suisse.

La jurisprudence a précisé, en lien avec ces directives, que celles-ci ne lient pas le juge (ATF 126 V 64 consid. 3b p. 68) et que la durée de trois mois susmentionnée apparaissait par trop schématique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_345/2010 du 16 février 2011 consid. 5.1).

2.6. Le pouvoir du juge pénal d'examiner à titre préjudiciel la validité des décisions administratives qui sont à la base d'infractions pénales se détermine selon trois hypothèses. En l'absence de voie de recours contre la décision administrative, le juge pénal peut revoir librement la décision quant à sa légalité, l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation notamment. Lorsqu'un tribunal administratif s'est déjà prononcé, le juge pénal ne peut, en revanche, en aucun cas revoir la légalité de la décision administrative. Enfin, si un tel recours eût été possible mais que l'accusé ne l'ait pas interjeté ou que l'autorité saisie n'ait pas encore rendu sa décision, l'examen de la légalité par le juge pénal est limité à la violation manifeste de la loi et à l'abus manifeste du pouvoir d'appréciation (ATF 147 IV 145 consid. 2.2 p. 159).

2.7. En l’espèce, le comportement reproché à l’appelant sur la période pénale, comprise entre le 1er mars 2017 et le 30 novembre 2020, comporte plusieurs volets, qu’il convient d’examiner séparément.

Il n’y a toutefois pas lieu d’examiner si l’appelant a quitté la Suisse et pris domicile au Portugal, comme le soutient le SPC. Outre que le dossier soutient plutôt le contraire, l’acte d’accusation ne retient pas que l’appelant aurait adopté un comportement frauduleux en lien avec un départ de Suisse.

Par ailleurs, la décision du SPC relative à la suppression et à la répétition de prestations indues ne lie pas la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR). En effet, outre qu’aucune juridiction administrative n’a à ce jour été saisie, la décision sur opposition est entachée d’un vice manifeste, puisqu’elle a été expédiée au Portugal, alors que l’appelant avait indiqué sur son courrier d’opposition son adresse à Genève, où il est encore domicilié (également aux yeux de l’OCPM, cf. supra let. D), et où il avait de surcroît constitué un avocat (certes apparemment sans élection de domicile). De surcroît, dans la mesure où l’appelant a conservé un domicile à Genève, la décision du SPC qui révoque intégralement ses prestations, sans tenir compte du fait qu’il y a lieu de suspendre et non de révoquer purement et simplement les prestations en cas de séjours à l’étranger, est manifestement entachée d’une violation des règles applicables au moment où cette décision a été prise, étant relevé qu’à la date de la décision du SPC (6 novembre 2020) celui-ci ne pouvait ignorer la teneur de la modification de l’art. 4 LPC appelée à entrer en vigueur le 1er janvier suivant, qui allait d’une part rendre caduque la règle des six mois et d’autre part imposer le calcul des durées d’absence sur une année civile. Cette décision apparaît également pour ce motif entachée d’un abus du pouvoir d’appréciation.

La CPAR peut dès lors librement revoir les éléments relatifs au droit de l’appelant à percevoir des prestations complémentaires.

2.7.1. Il est reproché en premier lieu à l’appelant d’avoir dissimulé au SPC l’acquisition d’un appartement au Portugal, ce à quoi l’appelant réplique en avoir informé l’administration fiscale et estime donc avoir satisfait à ses obligations.

Pour procéder à cette acquisition, l’appelant a obtenu le versement en espèces de son capital LPP, sans que l’enquête ait porté sur les conditions auxquelles il a obtenu un tel versement. A défaut de tout élément au dossier, il faut dès lors considérer, in dubio, que l’appelant a simplement bénéficié de ce versement en espèces car il réalisait un cas d’assurance, étant au bénéfice d’une rente AI, et non qu’il s’est prévalu des conditions de l’art. 5 de la loi fédérale sur le libre passage (LFLP). L’appelant avait dûment annoncé l’existence de cet avoir de libre-passage au SPC, lequel service n’a pas procédé à la moindre vérification pour déterminer, par exemple, pourquoi l’appelant disposait encore d’une prestation de libre passage alors qu’il réalisait un cas d’assurance ni n’a attiré son attention sur les conséquences d’un versement en capital au sens du droit cantonal (cf. art. 2 al. 4 de la loi sur les prestations complémentaires cantonales [LPCC]). En n’émettant aucune réserve en lien avec cet avoir de libre-passage, nonobstant la réalisation apparente d’un cas de prévoyance, le SPC a implicitement signifié à son bénéficiaire que cette prestation échappait à son barème.

En obtenant le versement de ce capital et en procédant à l’acquisition d’un bien immobilier, l’appelant a rendu ce montant disponible. Ainsi, au lieu de n’être qu’au bénéfice d’une expectative non prise en compte dans le calcul de ses revenus, il s’est trouvé propriétaire d’un bien immobilier dont la valeur (CHF 47'000.- selon les pièces fiscales produites par le SPC) est supérieure à la fortune nette prise en compte dans le calcul des revenus (de CHF 30'000.-, cf. art. 11 al. 1 let. c LPC) et aurait justifié une réduction en conséquence du montant des prestations complémentaires, à raison d’un quinzième de CHF 17'000.- par an, soit environ CHF 1'350.-.

L’appelant se prévaut certes de sa bonne foi au motif qu’il a informé l’administration fiscale de cette acquisition. Cela étant, son attention avait été attirée à réitérées reprises sur ses obligations en la matière ; en omettant d’informer le SPC, il y a contrevenu. Même si l’Etat de Genève est une seule entité, l’appelant ne peut sérieusement prétendre ignorer que les personnes qui exercent les différentes attributions de puissance publique du canton ne sont pas omniscientes et ignorent, sauf à attirer expressément leur attention à ce sujet, ce qui se passe dans d’autres services, voire sont tenues au secret et ne peuvent partager certaines informations. Même si un administré a signé une levée dudit secret, cela autorise uniquement le service bénéficiaire de cette levée à se renseigner, et non les autres services, qui ignorent l’existence d’une telle levée de secret, à transmettre spontanément une information.

Compte tenu de l’ensemble du contexte, notamment du faible montant annuel en cause, de l’information transmise par l’intéressé aux autorités fiscales et de l’absence de toute indication quant aux informations transmises par le SPC à son bénéficiaire en lien avec sa prestation de libre passage, il ne s’agit toutefois que d’une violation de peu de gravité au sens de l’art. 148a al. 2 CP. Les faits datant de plus de trois ans avant le jugement du Tribunal de police du 27 mai 2022 sont prescrits (art. 109 CP).

2.7.2. Le second comportement reproché à l’appelant est d’avoir passé sous silence le fait qu'il ne résidait pas régulièrement en Suisse, pour des périodes supérieures à 90 jours, « étant précisé qu'il faisait rediriger son courrier au Portugal, à l'adresse de l'appartement dont il avait caché l'existence au SPC ».

L’instruction a permis d’établir que l’appelant a régulièrement séjourné au Portugal pendant la période pénale, sans toutefois permettre de l’établir de façon aussi précise que ce qu’a retenu le premier juge, en se fondant principalement sur les pièces produites par l’appelant lui-même. C’est le lieu de s’étonner de la manière de procéder du MP, qui n’a pas respecté la défense obligatoire en s’adressant directement au prévenu, sans même en informer son avocat. En l’absence toutefois de grief spécifique à ce sujet de l’appelant, qui s’est par la suite exprimé librement et sans réserve, il sera pris acte du fait qu’il a renoncé à demander la répétition de cet acte d’instruction (cf. art. 131 al. 3 CPP).

Il ne peut tout d’abord rien être déduit des relevés du compte [auprès de] E______ de l’appelant, qui ne couvrent qu’une brève partie de la période pénale (octobre à novembre 2020, le dossier comportant également les relevés de décembre 2020) et ne permettent pas de déterminer s’il a donné les instructions de paiement au guichet postal ou par internet (étant souligné que les frais perçus par E______ semblent plutôt indiquer la seconde option, à tout le moins au vu des conditions actuellement en vigueur de cet opérateur pour les virements internationaux – CHF 12.- par opération au guichet : de tels frais n’apparaissent pas sur les relevés). Or, une instruction en ligne ne permet par définition pas de déterminer où se trouve le donneur d’ordre. Les retraits à l’étranger retenus par le premier juge sont en réalité des virements effectués du compte suisse de l’appelant à son compte portugais (Giro international F______), et n’attestent ainsi pas de sa présence effective dans l’un ou l’autre pays ; les montants en cause sont modestes (CHF 800.- en trois mois) et ne permettent pas de retenir un transfert du centre de vie de l’appelant au Portugal. Certaines transactions (loyer, assurances, macaron de parking, etc.) démontrent plutôt un ancrage à Genève. Tout au plus peut-on déduire de ces relevés que l’appelant se trouvait à Genève lors de l’achat de billets des transports publics ou d’opérations au guichet postal, soit les 24 et 26 novembre (ainsi que le 23 décembre 2020). L’absence de toute autre transaction est neutre, dans la mesure où il ressort également de ces pièces que l’appelant utilise une carte de crédit (virements G______), qui représente les plus grosses transactions au débit (CHF 7'900.- en trois mois), dont les relevés ne figurent pas au dossier et qui a vraisemblablement servi à ses opérations quotidiennes. Ces pièces ne permettent en tout cas pas d’établir que l’appelant se trouvait au Portugal à cette période. Ainsi, les trois mois de relevés bancaires figurant au dossier de la cause ne sont pas probants.

Les ordres de réexpédition du courrier postal et les relevés de consommation électrique sont plus parlants. En effet, il est inconcevable que l’appelant, manifestement attentif à la marche administrative de ses affaires, n’ait pas pris les mesures nécessaires pour recevoir régulièrement son courrier lorsqu’il séjournait au Portugal. Cela étant, il n’est pas possible de retenir qu’il a effectivement séjourné dans son pays d’origine pendant la totalité de la période durant laquelle ces ordres de réexpédition étaient en vigueur. En effet, il ressort des relevés de son compte, susmentionnés, qu’il se trouvait à Genève en novembre et décembre 2020, soit pendant la durée de validité de la réexpédition postale effectuée pour la période du 9 juillet 2020 au 29 janvier 2021. De même, en septembre 2019, pendant la réexpédition valable du 23 février au 27 septembre 2019, l’intéressé écrivait à sa régie pour solliciter une place de stationnement, ce qui implique qu’il se trouvait alors à Genève pour pouvoir le cas échéant conclure cette location et démontre une volonté d’y résider.

En ce qui concerne les relevés d’électricité, il convient tout d’abord de noter que les explications de l’appelant sur des efforts d’économie, qui expliqueraient la diminution de sa consommation, sont démenties par le détail de ses consommations, puisque celles-ci varient de façon importante tant vers le haut que vers le bas (supra let. B.e.). La diminution globale de la consommation pendant la période pénale ne s’explique ainsi que par des absences de l’appelant de son domicile.

Il y a ainsi lieu d’examiner, pour l’intégralité de la période pénale et dans le respect des règles sur le fardeau de la preuve au pénal, si l’appelant a obtenu indûment le versement de prestations complémentaires.

2.7.2.1. En ce qui concerne l’année 2017, la consommation d’un unique KWh d’électricité sur une période de 157 jours entre le 1er mars et le 4 août 2017 ne s’explique que par l’absence totale de l’appelant qui n’a manifestement pas occupé son logement pendant ce laps de temps légèrement supérieur à cinq mois. Cela coïncide d’ailleurs avec la réexpédition postale à partir du 2 mars 2017. Si l’appelant avait, pendant cette période et comme il l’a suggéré, séjourné chez l’une ou l’autre connaissance en Suisse, il aurait consommé de l’électricité à son domicile, ne serait-ce que pour alimenter un frigo ou lors de passages pour prendre des vêtements de rechange. Son droit aux prestations complémentaires a donc été suspendu à partir du 93ème jour, soit en l’occurrence à partir de début juin 2017. L’augmentation de sa consommation d’électricité, notamment dans la période immédiatement suivante (août à décembre 2017) donne à penser que l’appelant était présent à Genève pendant au moins une partie de cette période. Le long intervalle entre les relevés des compteurs ne permet toutefois pas de tirer une conclusion péremptoire et laisse planer un doute sur la durée de sa présence ou de son absence à Genève, doute qui est renforcé par l’expiration du mandat de réexpédition, qui n’a été payé que jusqu’à fin mai 2017 et n’a été renouvelé qu’en mai 2018.

Ainsi, conformément au principe in dubio pro reo, la CPAR retient que le droit aux prestations complémentaires aurait dû être suspendu de juin à août 2017, mais qu’il a ensuite repris. L’appelant a ainsi obtenu illicitement des prestations complémentaires pour ces trois mois, en taisant ses séjours portugais au SPC.

2.7.2.2. En 2018, l’appelant a clairement résidé à Genève en janvier et février (consommation électrique moyenne supérieure à 2.5 KWh par jour). La réexpédition postale, du 1er mai au 15 août 2018, n’est pas pertinente, dépassant de peu les 92 jours, au vu des doutes énoncés ci-dessus sur la valeur probante de cette mesure. La consommation électrique moyenne de l’appelant en 2018 a été faible, mais les seuls autres éléments, notamment les factures médicales portugaises en lien avec des soins reçus ponctuellement (11 et 18 septembre) dans ce pays, ne permettant de retenir au-delà de tout doute raisonnable une absence d’une durée totale supérieure à 92 jours en 2018, étant en particulier relevé qu’au vu de la nature des interventions (implant dentaire et, aux dires de l’appelant, tumeur de la langue) il n’est pas exclu qu’une partie du séjour au Portugal ait été justifiée par un motif impératif.

En conséquence, la CPAR retient que le droit de l’appelant aux prestations complémentaires n’a pas été suspendu et qu’il ne saurait donc lui être reproché d’avoir obtenu illicitement des prestations complémentaires en 2018.

2.7.2.3. Il n’y a qu’un seul relevé du compteur électrique en 2019, le 29 juillet (le relevé précédent a eu lieu le 31 octobre 2018, le suivant le 30 avril 2020). La moyenne annuelle de consommation est un indice fort tendant à prouver que l’appelant n’a pas résidé en permanence dans son appartement, mais ne permet pas d’en tirer une conclusion quant à la durée et à la fréquence de ses absences. L’appelant a subi des soins médicaux au Portugal, mais à nouveau de façon ponctuelle (dentiste 15 et 28 mars, angiographie 12 juin et coloscopie 5 juillet), ce qui ne suffit pas à retenir une absence de plus de 92 jours consécutifs. Néanmoins, au vu de la consommation électrique très faible dans le premier semestre et de ces consultations médicales, la Cour retient que l’appelant a bien totalisé, au premier semestre 2019, plus de 92 jours d’absence à l’étranger, sans pouvoir retenir qu’il s’agit d’une seule période consécutive ni établir combien de temps elle s’est prolongée ; une absence de plus de 183 jours n’est en tout cas pas possible. Les interventions médicales subies permettent, au vu de leur nature, de retenir que quelques jours d’absence au Portugal étaient justifiés par un motif impératif. Il est enfin établi que l’appelant est revenu à Genève au cours du deuxième semestre, puisqu’il interagit avec sa régie en septembre. Ainsi, conformément aux directives de l’OFAS, compte tenu des absences cumulées de l’appelant au premier semestre 2019, une suspension de son droit aux prestations complémentaires aurait dû être prononcée. Rien ne permet toutefois de dire pour quelle durée ; en application à nouveau du principe in dubio pro reo, la CPAR retient que c’est une suspension de deux mois qui aurait été prononcée.

L’appelant a ainsi obtenu illicitement des prestations complémentaires pendant deux mois en 2019, en taisant ses séjours portugais au SPC.

2.7.2.4. En 2020, l’appelant a clairement été absent au mois de juillet (consommation de 6 KWh seulement en 30 jours) ; il était manifestement à Genève en mai et juin, au vu de sa consommation électrique, ainsi que, comme déjà relevé, en novembre et décembre 2020, sur la base de ses relevés bancaires. La procédure ne contient en revanche aucun élément permettant de retenir au-delà de tout doute raisonnable des absences de longue durée en 2020. En particulier, la consommation électrique n’a été relevée que les 30 avril, 30 juin et 30 juillet 2020. Le dossier ne permet notamment pas de retenir la consommation de 380 KWh en sept mois alléguée par le rapport de l’OCPM, ce chiffre procédant apparemment d’une moyenne pour la période courant depuis août 2019. Or, en présence de plusieurs séjours à l’étranger, le droit aux prestations complémentaires doit être déterminé sur une année calendaire et ne permet donc pas un tel calcul.

Il n’est ainsi pas établi que l’appelant a séjourné plus de 92 jours au Portugal en 2020 et, partant, il ne saurait lui être reproché d’avoir obtenu illicitement des prestations complémentaires en 2020.

2.7.2.5. En conclusion, l’appelant a perçu indûment des prestations complémentaires pendant trois mois en 2017 et deux mois en 2019. Les montants en cause – de l’ordre de CHF 4'000.- en 2017 et CHF 2'800.- en 2019 – sont trop élevés pour considérer qu’il s’agirait d’un cas de peu de gravité au sens de l’art. 148a al. 2 CP.

3. 3.1. L’obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale est passible d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire. Le cas de peu de gravité est sanctionné par une amende.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.3. Pour apprécier la situation personnelle, le juge peut prendre en considération le comportement postérieurement à l'acte et au cours de la procédure pénale et notamment l'existence ou l'absence de repentir après l'acte et la volonté de s'amender. Des dénégations obstinées peuvent être significatives de la personnalité et conduire à admettre, dans le cadre de l'appréciation des preuves, que l'intéressé n'éprouve aucun repentir et n'est pas disposé à remettre ses actes en question (ATF 113 IV 56 consid. 4c p. 57 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_675/2019 du 17 juillet 2010 consid. 4.1).

3.4. En l’espèce, la faute de l'appelant n’est pas de peu d'importance. Il a dissimulé au SPC des informations importantes pour déterminer son droit aux prestations, alors que son attention avait été expressément attirée, chaque année, sur son obligation de renseigner ce service et notamment de l’aviser en cas d’absence de plus de trois mois par année civile.

Il a agi par légèreté mais aussi par appât du gain, afin de conserver le bénéfice de prestations financières régulières alors qu’il ne remplissait temporairement plus les conditions pour les percevoir.

Sa situation personnelle ne justifie pas son comportement. Il pouvait et devait aviser le SPC de l’acquisition de son immeuble au Portugal et de ses séjours réguliers dans ce pays, afin de permettre à ce service d’adapter en conséquence ses prestations.

La situation personnelle et financière de l’appelant est singulièrement compliquée par la décision de révocation des prestations complémentaires, dont il ne semble toujours pas bénéficier à ce jour. Il se retrouve ainsi dans une situation précaire, dont il sera tenu compte dans la fixation de la peine, mais qui est consécutive et postérieure aux infractions commises et n’influence dès lors pas la gravité de sa faute.

Compte tenu de l’ensemble des éléments, de la durée des infractions mais aussi de la collaboration de l’appelant, une peine pécuniaire de l’ordre de 45 jours-amende (30 jours pour les faits commis en 2017, augmentés de 15 jours pour ceux de 2019) est adéquate pour sanctionner l’infraction à l’art. 148a CP. Au vu de sa situation obérée, le montant du jour-amende sera arrêté au montant minimum de CHF 10.-.

Le bénéfice du sursis est acquis à l’appelant et le délai d’épreuve de trois ans est adéquat.

3.5. Aux termes de l'art. 391 al. 2, première phrase, CPP, l'autorité de recours ne peut modifier une décision au détriment du prévenu ou du condamné si le recours a été interjeté uniquement en leur faveur. Le but de l'interdiction de la reformatio in pejus est de permettre au prévenu d'exercer son droit de recours sans craindre de voir le jugement modifié en sa défaveur (ATF 144 IV 35 consid. 3.1.1 p. 43 et les références citées; 142 IV 89 consid. 2.1 p. 90; 139 IV 282 consid. 2.4.3 p. 287). Cette interdiction se rapporte aussi bien à la quotité de la peine infligée qu'à la qualification juridique retenue, qui ne sauraient être aggravées au détriment du prévenu ayant fait usage des voies de droit à sa disposition (ATF 146 IV 172 consid. 3.3.3 p. 182;
139 IV 282 consid. 2.5 p. 288).

Pour déterminer si l'on se trouve en présence d'une reformatio in pejus prohibée, il convient de se référer au dispositif du dernier arrêt en cause, qui ne doit pas avoir été modifié en défaveur du prévenu par le biais d'un verdict de culpabilité plus sévère ou par le prononcé d'une peine plus lourde que ceux résultant du dispositif de l'arrêt préalablement querellé. Il n'est toutefois pas interdit à l'autorité de recours de s'exprimer dans ses considérants sur la qualification juridique, lorsque l'autorité précédente s'est fondée sur un autre état de fait ou des considérations juridiques erronées (ATF 144 IV 35 consid. 3.1.1 p. 44; 142 IV 129 consid. 4.5 p. 136;
139 IV 282 consid. 2.6 p. 289). Une restriction liée à l'interdiction de la reformatio in pejus ne se justifie pas lorsque, pris dans son ensemble, le nouveau jugement n'aggrave pas le sort du condamné (ATF 144 IV 35 consid. 3.1.1 p. 44; cf. ATF
117 IV 97 consid. 4c p. 106; arrêt 6B_67/2019 du 16 décembre 2020 consid. 8.1).

Les amendes et les peines pécuniaires sont considérées comme des sanctions de même valeur quantitative (cf. ATF 139 IV 282 consid. 2.3 p. 288). Ces deux sanctions touchent l'auteur dans son bien protégé qu'est le patrimoine. Elles se distinguent toutefois par leur mode de calcul respectif et par le fait que seule la peine pécuniaire, et non l'amende, peut être assortie du sursis ou du sursis partiel. Lorsqu'une peine pécuniaire ferme doit être comparée à une amende (ferme), c'est le montant de la contribution pécuniaire calculé concrètement qui est déterminant. Toutefois, la peine pécuniaire, si elle est assortie du sursis (art. 42 CP), est considérée comme moins lourde. En principe, cela vaut indépendamment de la question de savoir si le montant de la peine pécuniaire est plus élevé que celui de l'amende car une peine assortie du sursis est toujours une sanction plus favorable qu'une peine de même nature prononcée de façon ferme (ATF 134 IV 82 consid. 7.2.4 p. 91; arrêts 6B_523/2014 du 15 décembre 2014 consid. 4.3 et 6B_312/2007 du 15 mai 2008 consid. 4.5).

Il découle de ce qui précède que la CPAR ne peut pas prononcer d’amende (peine ferme) à l’encontre de l’appelant pour la contravention à l’art. 148a al. 2 CP en lien avec la dissimulation de son acquisition immobilière (supra 2.7.1). Le dispositif du présent arrêt ne mentionnera pas non plus cette contravention, dans la mesure où cela reviendrait à aggraver le sort de l’appelant en le reconnaissant coupable d’une infraction supplémentaire.

4. 4.1.1. Conformément à l'art. 66a al. 1 CP, le juge expulse un étranger du territoire suisse pour une durée de cinq à quinze ans s'il est reconnu coupable de l'une des infractions énumérées aux let. a à o. L'art. 66a CP prévoit l'expulsion "obligatoire" de l'étranger condamné pour l'une des infractions listées à l'al. 1, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre. L'expulsion est donc en principe indépendante de la gravité des faits retenus (arrêt du Tribunal fédéral 6B_506/2017 du 14 février 2018 consid. 1.1 = SJ 2018 I 397).

4.1.2. Selon l'art. 66a al. 2 CP, il peut néanmoins être renoncé à l'expulsion, exceptionnellement, lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur son intérêt à demeurer en Suisse.

Les conditions énoncées à l'art. 66a al. 2 CP sont cumulatives. Alors même que l'art. 66a al. 2 CP est formulé comme une norme potestative ("Kannvorschrift"), le juge doit renoncer à l'expulsion lorsque les conditions de cette disposition sont réunies, conformément au principe de proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_724/2018 du 30 octobre 2018 consid. 2.3.1). La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par une "situation personnelle grave" (première condition) ni n'indique les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts (seconde condition).

La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par une « situation personnelle grave » (première condition cumulative) ni n'indique les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts (seconde condition cumulative). Il convient de s'inspirer des critères énoncés à l'art. 31 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA). L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. L'autorité doit tenir compte notamment de l'intégration du requérant selon les critères définis à l'art. 58a al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF 144 IV 332 consid. 3.3.1 et 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_379/2021 du 30 juin 2021 consid. 1.1).

En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.1 et références citées). Pour se prévaloir d'un droit au respect de sa vie privée, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance, doit être préférée à une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays (ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_153/2020 du 28 avril 2020 consid. 1.3.2).

La reconnaissance d'un cas de rigueur ne se résume pas non plus à la simple constatation des potentielles conditions de vie dans le pays d'origine ou du moins la comparaison entre les conditions de vie en Suisse et dans le pays d'origine, mais aussi à la prise en considération des éléments de la culpabilité ou de l'acte (M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, Härtefallklausel und migrationsrechtliche Auswirkungen der Landesverweisung, cahier spécial, Plaidoyer 5/2016, p. 101 ; G. FIOLKA / L. VETTERLI, Die Landesverweisung in Art. 66a ff StGB als strafrechtliche Sanktion, cahier spécial, Plaidoyer 5/2016, p. 87 ; AARP/185/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.2).

L'expulsion d'un étranger qui séjourne depuis longtemps en Suisse doit se faire avec une retenue particulière. Elle n'est toutefois pas exclue en cas d'infractions graves ou répétées, même s'agissant d'un étranger né en Suisse et qui y a passé l'entier de sa vie, étant précisé qu'en droit des étrangers, une révocation de l'autorisation de séjour est prévue par l'art. 62 al. 1 let. b LEI en cas de "peine privative de liberté de longue durée", c'est-à-dire toute peine privative de liberté supérieure à un an (cf. ATF
139 I 145 consid. 2.1 p. 147), résultant d'un seul jugement pénal, qu'elle ait été prononcée avec sursis ou sans sursis (cf. ATF 139 I 16 consid. 2.1 p. 18). On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine (ATF 144 IV 332 consid. 3.3.3 et les arrêts cités). Pour se prévaloir d'un droit au respect de sa vie privée, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance, doit être préférée à une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays (ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_661/2019 du 12 septembre 2019 consid. 3.3.1 et 3.3.2 et référence citée).

Un séjour légal de dix années suppose en principe une bonne intégration de l'étranger (ATF 144 I 266 consid. 3.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1431/2019 du 12 février 2020 consid. 1.3.1). Selon ses directives, le MP de Genève renonce en principe à requérir l’expulsion de personnes résidant en Suisse depuis au moins 12 ans au bénéfice d’une autorisation de séjour valable, sans antécédent et qu’il n’entend pas requérir une peine importante (cf. directive B-10 du MP-GE, art. 6).

4.2. En l'espèce, les infractions d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale commises par le prévenu entraînent l'expulsion obligatoire au sens de l'art. 66a al. 1 let. e CP.

L’appelant est arrivé en Suisse à l’âge adulte et y a passé la majeure partie de sa carrière professionnelle. Atteint dans sa santé, il bénéficie depuis quelques années de prestations en cas d’invalidité, situation qui l’a contraint à renoncer à toute activité professionnelle. Il parle couramment le français et est attaché à Genève ; le fait que ses voisins n’aient pas été en mesure de le reconnaître sur une simple photographie lors d’un unique passage d’enquêteurs de l’OCPM ne signifie pas encore qu’il n’est pas intégré, étant relevé que ces enquêteurs n’ont interrogé ni la régie de son immeuble, ni le concierge.

Faute de famille nucléaire en Suisse, l’appelant ne peut pas se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l’art. 8 CEDH. Il n’a plus de famille dans son pays d’origine. Il y a acquis un appartement – acquisition qu’il dit aujourd’hui regretter et qui est la cause de la présente procédure – mais expose ne pas être retourné dans son pays pendant plus de dix ans avant cette acquisition ; ses explications sur ce point apparaissent crédibles.

L’appelant a construit son existence en Suisse et y a creusé ses racines. Il y vit depuis plus de 30 ans et son renvoi constituerait manifestement une atteinte grave à sa vie privée. Si son réseau familial et amical en Suisse (qui n’a guère été instruit) n’est pas très étayé, cela tient aussi à sa situation d’invalide et à son âge ; il est notoire que la cessation de l’activité professionnelle entraîne de facto une plus grande isolation sociale et la perte d’un certain réseau. Il serait contraire à l’interdiction de la discrimination en fonction de l’âge ou de la déficience (cf. art. 8 al. 2 Cst.) de poser les mêmes exigences, en terme d’intégration, à l’égard d’une personne relativement âgée et invalide qu’à l’égard d’une personne jeune et en pleine possession de ses moyens. Le MP, qui avait requis en contradiction avec ses propres directives le prononcé de l’expulsion, n’a pas exposé en quoi la situation de l’appelant justifiait une telle différence par rapport à d’autres justiciables, renforçant le risque d’une telle discrimination.

Compte tenu de son âge et de son invalidité, la resocialisation de l’appelant au Portugal apparaît difficile, au vu de l’absence totale de famille dans son pays et de la rupture amoureuse qu’il a connue.

Ainsi, tout bien pesé, et essentiellement en raison de situation personnelle de l’appelant et de l’absence complète de danger qu’il présente pour la sécurité publique, il sera renoncé à prononcer son expulsion, une telle mesure étant susceptible de porter une atteinte disproportionnée à sa vie privée.

5. L'appelant, qui obtient partiellement gain de cause, supportera la moitié des frais de la procédure d’appel envers l'État (art. 428 CPP).

Le verdict de culpabilité de première instance étant partiellement annulé, il supportera la moitié des frais de la procédure préliminaire, le solde étant laissé à la charge de l’Etat.

6. En l’absence d'état de frais du défenseur d'office, la CPAR doit déterminer l’indemnité selon les éléments du dossier.

La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 1'077.- correspondant à quatre heures et dix minutes d'activité (1h de conférence avec son client, 2h pour la préparation de l’audience d’appel et le déplacement, ainsi que la durée de celle-ci soit 1h10), au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20% et la TVA.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/634/2022 rendu le 27 mai 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/24093/2020.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a al. 1 CP) pour les années 2017 et 2019.

L’acquitte de cette infraction pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018 ainsi que du 1er janvier au 30 novembre 2020.

Le condamne à une peine pécuniaire de 45 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 10.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ de ce que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 2 CP).

Déboute le SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES de ses conclusions civiles.

Condamne A______ au paiement de la moitié des frais de la procédure préliminaire et de première instance, soit CHF 877.50, et laisse le solde de ces frais à la charge de l’Etat (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que le Tribunal de police a arrêté à CHF 2'735.60 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ pour la procédure préliminaire et de première instance et arrête à CHF 1'077.- celle qui lui est due pour la procédure d’appel (art. 135 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'745.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 1'500.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 872.50 à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'Etat aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'755.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'745.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'500.00