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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/16032/2021

AARP/178/2022 du 15.06.2022 sur JTDP/1347/2021 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : BRIGANDAGE;IN DUBIO PRO REO;RISQUE DE RÉCIDIVE;RÉVOCATION DU SURSIS;PEINE D'ENSEMBLE;PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ
Normes : CP.140.al1.ch1; CPP.10.al3; CP.46.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16032/2021 AARP/178/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 15 juin 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1347/2021 rendu le 3 novembre 2021 par le Tribunal de police,

 

et

D______, partie plaignante, comparant par Me Nicolas POZZI, avocat, FORTY-FOUR AVOCATS, boulevard des Tranchées 44, 1206 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 3 novembre 2021, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de brigandage (art. 140 ch. 1 al. 1 du Code pénal [CP]), a révoqué le sursis octroyé le 3 novembre 2020 par le Tribunal correctionnel (TCO) à la peine de douze mois et l'a condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de 24 mois, sous déduction de 79 jours de détention avant jugement. Le TP a renoncé à ordonner son expulsion de Suisse, tout en le maintenant en détention pour des motifs de sûreté, et a levé l'assistance de probation prononcée par le TCO le 3 novembre 2020.

Le TP l'a également condamné à payer à D______ CHF 200.-, avec intérêts dès le 23 septembre 2021, à titre de réparation du dommage matériel (ndr : franchise d'assurance suite au vol d'un téléphone portable) et à lui verser CHF 1'130.85 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure. Il a rejeté ses conclusions en indemnisation, frais de la procédure à sa charge.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, respectivement à une indemnité pour détention injustifiée, chiffrée à CHF 46'800.- (ndr : jusqu'au 8 avril 2022), ainsi qu'au déboutement de D______ de ses conclusions civiles.

b. Selon l'acte d'accusation du 7 octobre 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

Le 8 août 2021, vers 04h30, à proximité de la fontaine de la place 1______, sise au niveau de l'avenue 2______ no. ______ à Genève, il a étranglé D______, après l'avoir approché alors que celui-ci rentrait chez lui. Il s'est placé derrière lui et a passé son avant-bras devant le cou du précité, puis l'a maîtrisé et amené violemment au sol, où il l'a maintenu en lui serrant la gorge pour lui fouiller les poches et lui dérober son "E______" [portable], lui causant des ecchymoses sur les arcades sourcilières droite et gauche, à l'épaule droite et au thorax, ainsi que des douleurs à la gorge. Il a ensuite quitté les lieux avec son butin.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport d'arrestation du 17 août 2021, D______ cheminait sur la rue des Vieux-Grenadiers en direction de la plaine de Plainpalais, le dimanche 8 août 2018 aux alentours de 04h47 (ndr : cette heure correspond, en fait, à l'heure du début d'audition du précité au poste de F______), lorsqu'un individu "de type africain" l'avait agressé, en effectuant un contrôle du cou, afin de l'amener violemment au sol et lui avait volé son téléphone portable, avant de prendre la fuite.

G______ avait été témoin de la scène. Il s'était manifesté auprès de la police en expliquant avoir formellement identifié l'auteur des faits, un certain "H______", confirmant son identification sur présentation d'une photographie de A______.

Le 16 août 2021, les forces de l'ordre ont procédé à l'interpellation de A______ à son domicile. L'intervention d'un médecin a été requise en raison d'un problème au pied dont il souffrait depuis plus d'un mois.

b. D______ a déposé plainte pénale pour ces faits le 8 août 2021.

Ce matin-là, il avait croisé un individu en sortant du I______, alors qu'il cheminait en direction de la Plaine de Plainpalais. Celui-ci lui avait demandé s'il rentrait chez lui avant de se placer dans son dos et de l'étrangler avec son bras au niveau de la gorge. Il l'avait emmené au sol, tout en le fouillant et lui prenant son téléphone portable.

Son agresseur était de type africain ; il portait un jogging noir avec des bandes sur le côté et des "tongs". Il ne l'avait jamais vu auparavant. Sur présentation d'une planche photographique par la police, D______ a hésité entre A______ et un autre individu.

Au cours de l'agression, il s'était cogné la tête et avait été blessé à l'arcade sourcilière droite. Il avait mal à la gorge suite à l'étranglement et était heurté émotionnellement.

Il avait bu quatre bières au cours de la soirée précédant les faits.

c. Entendu par le Ministère public (MP), D______ a confirmé sa plainte. Son agresseur, après l'avoir abordé de côté, l'avait plaqué au sol et lui avait serré le cou très fort à trois reprises, l'empêchant ainsi de respirer et de crier. L'homme l'avait lâché après avoir pris son téléphone portable, mais sans réussir à s'emparer de son porte-monnaie, puis avait pris la fuite en marchant vite, sans courir, en direction du skate-park de la plaine de Plainpalais. Les faits s'étaient déroulés vers 4h alors qu'il y avait encore du monde, à proximité d'une sculpture en forme de boule, non loin d'une station de taxi et d'un arrêt de tram.

Il avait eu un sentiment d'impuissance et l'impression que c'était "la fin de son existence" tellement l'individu le serrait fortement au cou. Il avait vu un "tunnel noir", c'est-à-dire ne voyait plus clairement et pensait avoir été inconscient durant dix secondes tellement l'individu s'était montré violent et fort. L'agression, dont il évaluait la durée à deux minutes, lui avait paru durer une éternité.

Il se souvenait toutefois que son agresseur, qui était vêtu d'un pantalon noir, portait des chaussettes blanches et des "sortes de pantoufles" ressemblant à des sandales, sans qu'il ne soit en mesure d'indiquer la marque. Il n'était pas en mesure de dire s'il s'agissait exactement des sandales portant un logo J______ retrouvées dans les affaires de A______ à la prison, mais estimait que c'était des chaussures de ce genre, avec une forme identique. Contrairement à ce qu'il avait déclaré à la police sous le coup de l'émotion, son agresseur portait bien des sandales du type de celles figurant sur la photographie, et non des "tongs", rappelant qu'il n'était pas de langue maternelle française et que son vocabulaire n'était pas des plus précis.

Il n'avait pas reçu de coups, dès lors que les lésions à la tête et au torse avaient été occasionnées – pensait-il – par l'impact dû à son placage au sol. Il avait eu une marque rouge et des douleurs aux côtes durant plusieurs jours, tandis que sa blessure à l'arcade sourcilière avait causé un saignement et laissé une trace. Il avait encore des douleurs à la gorge et la voix cassée, ce qui l'inquiétait. Il estimait inacceptable ce qui lui était arrivé et, depuis les faits, il n'était plus ressorti le soir. Il prendrait désormais le taxi et ne marcherait plus seul.

Confronté à A______, D______ a préféré être "honnête" et expliqué qu'il n'était pas en mesure de le reconnaître, relevant qu'il avait beaucoup plus de barbe que le jour des faits. Il n'avait pas distingué le visage de son agresseur car tout s'était passé très rapidement. Le fait que A______ disait avoir un problème au pied et que son agresseur portait des "pantoufles" l'interpellait.

Il ne connaissait pas G______.

d. À teneur du constat dressé par le Centre médico-chirurgical de K______ le 9 août 2021, l'examen médical de D______ effectué la veille, avait mis en évidence des ecchymoses d'environ 1cm à l'épaule droite, à la face interne du thorax et aux arcades sourcilières gauche et droite. Il s'agissait de lésions d'origine traumatique et compatibles avec ce que le patient avait relaté. D______ avait été mis en arrêt de travail du 8 au 11 août 2021.

Le rapport médical du 21 septembre 2021, établi à la suite d'une consultation de D______ en raison d'enrouement de la voix, a conclu à un examen ORL dans la norme.

e. Plusieurs témoins ont été entendus :

e.a.a. G______ a déclaré à la police, le 8 août 2021, qu'il était assis dans le parc se situant en face de l'établissement "L______" lorsqu'il avait vu un homme se faire agresser par un individu qu'il connaissait sous le nom de "H______". Ce dernier avait saisi l'homme par le cou avec son avant-bras pour l'amener au sol et lui avait ensuite volé son téléphone portable, avant de lui asséner plusieurs claques derrière la tête et de s'en aller.

A______ était habillé tout en noir et portait des chaussettes blanches.

e.a.b. Devant le MP, G______ a confirmé ses précédentes déclarations. Il estimait que ce qu'avait fait A______ était inadmissible, étant précisé que lui-même avait été agressé par le passé de sorte qu'il ne tolérait pas ce genre de comportement.

Le soir des faits, il était sorti de chez lui à deux heures du matin pour prendre l'air et discutait avec une jeune fille dans le square de la place 1______ lorsqu'il avait vu A______ étrangler D______, lesquels se trouvaient à côté d'une fontaine. Il avait entendu ce dernier appeler à l'aide. Il criait fort, puis, confronté au fait que le plaignant avait déclaré ne pas être en mesure de crier car il se faisait étrangler, il a dit qu'il s'était mal exprimé, que celui-ci criait, mais "doucement", avant de tomber à terre avec A______, qui lui avait soustrait son téléphone ou son porte-monnaie.

Il avait eu peur d'intervenir durant l'agression en raison d'un précédent, s'étant fait tirer dessus en 2001, et parce que A______ était revenu vers la victime pour lui mettre des claques. Il s'était ensuite approché de D______ qui lui avait demandé d'appeler la police, ce que la jeune fille en sa compagnie avait fait.

Il avait reconnu A______, et réciproquement, au moment où celui-ci avait quitté les lieux, passant en marchant à côté de lui, en direction de la plaine de Plainpalais. Ce dernier portait des "claquettes" noires en plastique, avec une bande blanche sur le dessus, et des chaussettes blanches. Sur le cliché qui lui était soumis, soit la photographie des chaussures en possession de A______ à la prison, il était presque sûr de reconnaître les sandales de marque J______ avec un logo d'une panthère blanche. Il n'avait rien constaté de particulier dans la démarche de A______.

Deux ou trois mois plus tôt, A______ lui avait mis une "pêche" [au quartier des] M______, sans raison, si ce n'est que celui-ci n'avait pas aimé la façon dont il l'avait hélé dans la rue, mais G______ ne lui en voulait pas "car cela ne ser[vait] à rien". Il a précisé lui avoir "sauvé la vie il y a longtemps contre 15 personnes".

S'agissant de sa situation personnelle, il bénéficiait de l'AI. Il avait par le passé consommé de la drogue, mais ce n'était plus le cas maintenant.

e.b. N______, père de A______, a déclaré qu'il ne se souvenait pas où était son fils le soir des faits.

Son fils avait de la peine à marcher en juillet-août 2021, mais il sortait fumer des cigarettes en bas de l'immeuble ou se promenait, partant avec ses cannes, en disant qu'il allait voir ses copines. Il s'en allait le soir, la nuit et principalement pendant le week-end ; il lui arrivait de découcher.

Son fils portait des "babouches" bleues, soit une espèce de chaussures en plastique qu'on utilise pour se rendre à la piscine. À la vue d'une photographie de chaussures tirée du dossier, N______ a reconnu les sandales de marque J______ de son fils.

A______ était en mesure de marcher sans ses béquilles à l'époque de son interpellation. Il ne les avait d'ailleurs pas prises lorsque la police était venue le chercher.

e.c. La mère de A______, O______, a indiqué avoir des soucis avec son fils depuis longtemps. Il restait en principe à la maison lorsque sa fille venait, mais, en l'absence de celle-ci, il lui arrivait de sortir avec des copains la journée et la nuit également, tant en semaine que durant le week-end. Il pouvait partir un jour puis revenir le lendemain. En juillet et août 2021, lorsqu'il sortait de la maison, il partait tantôt avec ses béquilles et tantôt sans, auquel cas il boitait.

Elle a reconnu les sandales de marque J______ portées par son fils sur la photographie qui lui a été présentée.

f.a. Entendu par la police, A______ – dont le deuxième prénom est [H______] – a déclaré que, le soir des faits, il se trouvait à son domicile, sis 3______ à Genève, en train de s'occuper de sa fille comme chaque week-end. Il s'était blessé au pied et ne pouvait pas commettre le genre d'acte reproché.

f.b. Devant le MP, il a maintenu ses précédentes explications et ajouté qu'il avait la jambe enflée comme un ballon depuis un mois (ndr : au moment de son interpellation). Il a précisé qu'au moment des faits, il était "peut-être avec sa fille" aînée à domicile et qu'il devait certainement dormir.

Interrogé sur le fait qu'il avait suivi les forces de l'ordre sans béquille au moment de son interpellation, il a répondu qu'il avait marché lentement. Il utilisait normalement une béquille, mais l'avait laissée à domicile, avant de déclarer ultérieurement qu'il n'arrivait pas à marcher sans ses cannes à l'époque.

A______ a admis connaître G______, après l'avoir nié. Lorsqu'il avait 12 ans, il avait vécu un incident avec des skinheads, lors duquel G______ était intervenu. Cela étant, ils ne se voyaient jamais. Il n'expliquait pas le témoignage de ce dernier, bien qu'il ne savait pas pourquoi il mentirait, précisant qu'il était en mauvais termes avec lui, que celui-ci se droguait et faisait la manche. Il contestait lui avoir mis une "pêche" [au quartier des] M______; il lui avait "juste demandé d'arrêter de [l]'appeler H______ dans la rue".

f.c. En première instance, A______ a précisé avoir toujours avoué les faits lorsqu'il était coupable. Il persistait à contester ceux-ci. À l'époque, il ne sortait qu'en bas de chez lui pour fumer des cigarettes. Il avait tiré un trait sur son passé de délinquant.

Revenant sur les explications données au sujet de sa rencontre antérieure aux M______ avec G______, il a indiqué que lorsqu'il l'y avait croisé, il se trouvait avec des copines et avait dû lui dire "dégage", ce que l'intéressé avait mal pris, tout en précisant : "nous ne sommes pas du même milieu social". Il a reconnu que G______ lui avait bien sauvé la vie lorsqu'il était plus jeune.

g.a. Selon le rapport établi par P______ le 17 août 2021, A______ présentait alors une plaie infectée au gros orteil gauche, douloureuse à la palpation.

À teneur du rapport médical du 8 septembre 2021, la plaie de A______ était en cours de cicatrisation et une ostéomyélite avait été exclue. Le patient se plaignait encore à la date précitée de douleurs locales et manifestait une légère boiterie antalgique à la marche. Il était connu pour un hallux valgus chronique du pied gauche mis sur le compte d'un pied plat. En raison de frottements engendrés par ses chaussures sur son articulation protubérante, il avait développé une plaie qui s'était, selon ses dires, aggravée depuis un mois et demi avec une apparition de pus depuis environ un mois. Il n'était pas possible de se déterminer sur ses capacités à marcher avant son arrestation.

g.b. Il ressort des photographies prises à la prison de B______, le 21 septembre 2021, que A______ avait en sa possession plusieurs paires de chaussures, dont une de sandales en plastique ouvertes, fendues sur le bord extérieur, de couleur bleue foncée, avec un logo blanc, de la marque J______.

C. a.a. Devant la juridiction d'appel, A______ a dit qu'il ne comprenait pas pourquoi la police, qui avait son nom et son prénom, ne l'avait pas interpellé immédiatement, mais seulement dix jours après les faits, ce qui avait empêché de faire constater quel avait été son état de santé au 8 août 2021. Il ne pouvait non plus expliquer le fait que G______ l'ait désigné comme étant l'auteur de l'agression, alors qu'il y avait beaucoup d'"afros" à Plainpalais.

À l'époque, il souffrait d'une infection osseuse. Il n'arrivait pas à poser le pied à terre et utilisait des béquilles, tout en précisant qu'il n'arrivait pas à courir.

a.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Ses déclarations avaient été constantes. Il avait toujours expliqué avoir eu une blessure au pied qui l'avait empêché de commettre les faits reprochés, ce qui était corroboré par les certificats médicaux. Son père et sa mère avaient également confirmé qu'il n'arrivait pas à marcher, qu'il boitait et se déplaçait à l'aide de béquilles.

Son sérieux problème au pied au moment des faits contredisait les déclarations de la victime et du témoin G______, à teneur desquelles il avait quitté les lieux d'un pas rapide, et sans boiter.

Les éléments au dossier ne permettaient pas d'établir le lieu exact des faits ainsi que les coups donnés à D______. Selon G______, D______ avait notamment reçu plusieurs claques sur la tête et crié fort, ce qui ne ressortait pas des déclarations de ce dernier. Quant aux chaussures de A______, la description qui en avait été faite au cours de la procédure avait varié.

Le temps de réaction de la police pour l'interpellation de A______ était problématique en cela que les forces de l'ordre auraient dû être en mesure d'établir l'état de son pied aussi rapidement que possible, à l'aide d'un constat médical qui aurait permis d'étayer la version des faits qu'il avait donnée.

Au vu des circonstances, sa culpabilité ne pouvait être retenue en application du principe in dubio pro reo.

b. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué.

Les déclarations de A______ avaient varié, notamment lorsque celui-ci avait dit ne pas connaître G______, avant de se raviser. Sa défense reposait uniquement sur sa blessure au pied, qui ne l'avait pourtant pas empêché de sortir de chez lui nuitamment, en marchant, conformément aux dires de sa mère.

Les déclarations du plaignant étaient, quant à elles, crédibles. Le fait de ne pas avoir pu l'identifier lors de l'audience de confrontation démontrait sa sincérité, outre qu'il était difficile de reconnaître une personne plusieurs jours après les faits.

G______ avait désigné très clairement A______ à la police et en audience de confrontation. Il avait donné une description des faits similaire à celle de D______, étant relevé que ses imprécisions concernaient uniquement des détails et pouvaient s'expliquer par la personnalité du témoin, en marge de la société. G______ paraissait sincèrement indigné par le comportement de A______, ayant été choqué par la scène de violence à laquelle il avait assisté.

La description des chaussures portées par A______ le soir des faits, tantôt des "tongs", des pantoufles ou des sandales, n'était pas contradictoire, puisque ses parents avaient confirmé qu'il portait bien des "claquettes" de marque J______, de couleur foncée, à l'instar du modèle décrit par D______ et G______.

L'arrestation de A______ survenue dix jours après les faits était sans incidence au vu des déclarations de ses parents. De même, le fait de marcher en boitant ne l'aurait pas empêché, sous l'effet de l'adrénaline ou par peur d'une arrestation, de partir d'un pas soutenu.

La faute de l'appelant était grave et sa responsabilité pleine et entière. Son mobile était futile et égoïste. Sa collaboration avait été mauvaise dans la mesure où il avait nié les faits, tout comme sa prise de conscience en l'absence d'excuses envers la victime. Sa situation personnelle n'expliquait en rien son comportement. Il avait récidivé moins d'un an après avoir été condamné pour une infraction spécifique. Il ne remplissait pas les conditions du sursis, dès lors que le pronostic sur son comportement futur était manifestement défavorable compte tenu de ses nombreux antécédents. Dans ces circonstances, la révocation du sursis antérieur se justifiait.

c. D______ n'a pris aucune conclusion en appel.

D. a. A______, né à Genève le ______ 1986 et originaire d'Angola, est célibataire et père de deux filles mineures vivant avec leurs mères respectives, pour lesquelles il ne verse aucune contribution. Il est titulaire d'un permis C, renouvelé. Ses parents ainsi que ses deux sœurs vivent en Suisse. Il ne s'est jamais rendu en Angola, ne parle pas la langue et n'a aucune famille dans ce pays.

Il a suivi une école spécialisée jusqu'à l'âge de 15 ans, sans achever sa scolarité obligatoire. Il a effectué un préapprentissage de vendeur, puis un apprentissage de charpentier, sans toutefois aller au terme de ces deux formations en raison de sa paternité et des aléas de la vie. Il a travaillé dans le déménagement et dans le nettoyage de manière irrégulière, tout comme avec son père comme chauffeur-livreur de mazout.

Avant son incarcération, il était sans emploi et vivait chez ses parents depuis environ six mois, tout en bénéficiant de l'aide du Service de probation et d'insertion (SPI). Il avait été astreint à des règles de conduite imparties par le TCO, le 3 novembre 2020, consistant en des contrôles d'abstinence à l'alcool et aux stupéfiants ainsi qu'en un traitement psychothérapeutique ambulatoire afin de traiter ses problèmes d'addiction. Il n'avait pas donné suite à trois rendez-vous du SPI, motif pour lequel le MP avait saisi avant le 15 septembre 2021 le Tribunal des mesures de contrainte (TMC) d'une requête concernant l'absence de respect par A______ de l'assistance de probation et des règles de conduite (cf. P Y 2'006).

En prison, il travaille à la salle de sport. Il a pour projet, à sa sortie, de se former et de trouver un emploi dans le domaine de la charpenterie.


 

b. À teneur de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné à sept reprises depuis le 15 mai 2014, les dernières condamnations ayant été prononcées :

-     le 8 mai 2018, par le MP, à une peine privative de liberté de 20 jours et à une amende de CHF 500.-, pour violation de domicile et voies de fait ;

-     le 11 mai 2018, par le MP, à une peine privative de liberté de 90 jours et à une amende de CHF 300.-, pour vol, dommages à la propriété et contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup) ;

-     le 15 juin 2018, par le MP, à une peine privative de liberté de 50 jours et à une amende de CHF 500.- pour vol et voies de fait ;

-     le 3 novembre 2020, par le TCO, à une peine privative de liberté de 24 mois, dont 12 mois avec sursis (délai d'épreuve : cinq ans), règles de conduite et assistance de probation, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 15 jours-amende à CHF 30.- et à une amende de CHF 300.-, partiellement complémentaire à celle prononcée le 11 mai 2018, pour vol, brigandage, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, opposition aux actes de l'autorité et contravention à la LStup ; il lui était notamment reproché d'avoir, le 8 juillet 2018, volé un ordinateur et une tablette dans un appartement et, le 3 décembre 2019, de concert avec un comparse, empoigné au niveau du cou un passant dans un parc afin de lui "faire les poches" et lui dérober son porte-monnaie.

E. Me  C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 5h d'activité de chef d'étude, hors débats d'appel, lesquels ont duré 50 minutes.

L'activité du défenseur d'office indemnisée en première instance s'est élevée à 13h55.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et
10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2. L'appelant conteste qu'il se soit trouvé dans le square de la place 1______ le dimanche 8 août 2021, vers 4h. Il argue essentiellement de ce qu'il était à domicile, mais sans présenter d'alibi, et que sa blessure au pied l'aurait empêché de commettre les faits reprochés. Il était au surplus en mauvais termes avec le témoin G______, ce par quoi il faut comprendre que ce dernier l'aurait accusé à tort.

Ces points seront discutés ci-après, à l'aune, également, de la crédibilité des parties et du témoin.

2.2.1. L'appelant soutient qu'il se trouvait chez lui la nuit du week-end en question.

Il ne lui appartient certes pas de prouver son innocence, les preuves à charge devant être apportées par le MP qui n'a pas, il est vrai, fait preuve d'un zèle particulier à cet égard. Ce nonobstant, il peut et doit être observé que l'appelant s'est contenté d'affirmer sans conviction, par de vagues généralités, que, dans la nuit du 8 août 2021, il se trouvait certainement à domicile. Ni sa fille aînée ni la mère de celle-ci n'ont été entendues ou ont attesté de ce que la garde de celle-ci était effective à la date en question, ce qui, soit dit en passant, n'aurait pas encore permis d'infirmer toute sortie de l'appelant de son domicile.

Force est de constater que ses parents ont indiqué qu'ils n'avaient pas connaissance de l'emploi du temps de leur fils, libre de sortir à sa guise du logement familial, étant précisé que celui-ci le quittait fréquemment durant des nuits complètes, principalement pendant le week-end.

2.2.2. Il est établi que l'appelant avait une blessure sur le bord intérieur du pied gauche, vers le gros orteil, dans le mois précédant son interpellation, laquelle l'empêchait, d'après lui, de se déplacer sans béquilles.

Or, cette affirmation est battue en brèche par le fait qu'à l'occasion de son interpellation, l'appelant ne s'était pas muni de béquilles pour suivre la police, qui n'avait alors rien remarqué de notable. Certes, ce constat n'est pas strictement contemporain aux faits reprochés, mais il se trouve que les dépositions des parents de l'appelant, lesquels se sont exprimés sans détour, avec franchise, vont dans ce sens. En effet, ceux-ci ont indiqué qu'en juillet-août 2021, leur fils se déplaçait tantôt avec des béquilles, tantôt sans.

Il faut en déduire que l'appelant n'était pas aussi gêné dans sa façon de se mouvoir que ce qu'il a bien voulu dire, sans que le rapport médical des HUG ne lui soit de quelque secours.

L'appelant met en avant qu'en raison de l'état de son pied, il n'aurait pu quitter les lieux des faits reprochés de la manière décrite par l'intimé et le témoin G______.

Il faut d'emblée relever que ces derniers n'ont pas vu que l'appelant boitait. La partie plaignante a dit qu'il ne courait pas, mais marchait vite. Le témoin n'avait rien constaté de particulier dans la démarche de l'appelant, qui marchait, mais ne courait pas.

À ce stade, il faut considérer que cet élément est neutre dans l'appréciation de l'implication, ou non, du prévenu dans les faits reprochés. En effet, même s'il boitait légèrement, ce handicap ne l'aurait pas empêché d'agir. Sa plaie infectée du gros orteil ne l'empêchait certainement pas de marcher, même si la marche devait être plus douloureuse pour lui, d'autant qu'il était alors chaussé de "claquettes", avec les bords extérieurs fendus, ce qui laissait de la place pour son pied blessé. Par ailleurs, sous l'effet du stress et/ou de l'adrénaline, une personne blessée au pied est certainement susceptible de marcher vite pour échapper à une situation de danger. À teneur des circonstances dans lesquelles l'agression de la partie plaignante s'est déroulée, de nuit, il est aussi possible que ni celle-ci ni le témoin n'aient observé que l'appelant boitait, cas échéant, étant rappelé que les policiers qui l'ont interpellé, huit jours plus tard, n'en ont pas fait mention dans leur rapport. Ni l'intimé, ni le témoin n'auraient eu de surcroît de raison de taire cet élément s'ils l'avaient objectivement remarqué dans la mesure où ils ont été amenés à donner à la police un signalement le plus complet possible de l'auteur présumé.

2.2.3. L'appelant n'a pas été constant dans les explications données sur les raisons pour lesquelles il était en mauvais termes avec le témoin G______. Autrement dit, les motifs avancés ne permettent pas de comprendre pourquoi, à le suivre, le témoin aurait eu des raisons de lui en vouloir au point de l'impliquer à tort dans cette affaire.

Cela dit, l'appelant conteste avoir frappé dans un passé récent G______ [au quartier des] M______ et reconnaît que celui-ci, durant leur jeunesse, l'avait tiré d'affaire, lui ayant "sauvé la vie".

Dans ces conditions, on ne voit pas de quoi G______ aurait voulu se venger ni pourquoi il aurait voulu charger l'appelant s'agissant des faits du 8 août 2021, cela d'autant plus qu'il se serait alors exposé aux conséquences d'un faux témoignage.

G______ est crédible. Il a exposé les circonstances relatives à sa présence dans le square cette nuit-là. S'il s'était annoncé immédiatement à la police, c'était parce qu'il ne supportait pas d'avoir assisté à la violence déployée par l'appelant, qu'il trouvait inadmissible. Il avait été en mesure de le reconnaître parce que, précisément, ils se connaissaient. Le témoin est apparu sincère dans sa démarche. Il est venu en aide à l'intimé. Il avait demandé à la jeune fille qui l'accompagnait d'appeler la police. Il avait hésité à intervenir durant l'agression parce qu'il avait déjà souffert par le passé d'avoir agi de la sorte. Il n'avait rien contre A______, suite à la "pêche" que celui-ci lui avait administrée aux M______. C'est le lieu de dire qu'on aurait de la peine à imaginer "le plat qui se mange froid" de la vengeance survenant des mois après cet incident, d'autant plus que le 8 août 2021, G______ passait du bon temps dans le square de la place 1______ avant qu'il n'aperçoive, fortuitement, l'appelant à cet endroit et soit confronté à l'agression qui a suivi.

Le témoin a maintenu avoir vu l'appelant revenir vers la victime et lui donner des claques, ce qu'il avait déjà mentionné dans sa déposition du 8 août 2021 dès 04h33. Certes, l'intimé a pour sa part dit qu'il n'avait pas reçu de coups, en pensant que les lésions qu'il avait à la tête et au torse avaient été causées par l'impact, une fois plaqué au sol. Il avait par ailleurs été inconscient durant quelques instants. On ne peut dès lors exclure que l'appelant soit revenu vers lui pour lui mettre quelques claques supplémentaires, de sorte que cet élément n'est pas de nature à décrédibiliser le témoignage G______.

2.3. G______ ne s'est pas trompé sur la personne de l'auteur. Il était sur place et a assisté à l'agression, en compagnie d'une tierce personne. Il a de suite indiqué à la police que l'agresseur se nommait "H______", le reconnaissant formellement sur photographie.

Quant à l'intimé, il a donné un signalement de l'appelant certes succinct mais lui correspondant. Confronté à ce dernier, il a eu l'honnêteté de renoncer à une démarche d'identification formelle puisqu'il n'avait pas distingué son visage. Il avait été frappé par les chaussures portées par son agresseur, celles-ci s'avérant similaires en tous points avec les "claquettes" détenues par l'appelant dans son dépôt à la prison.

Ces "claquettes" ont également été décrites par le témoin G______ comme étant compatibles avec celles alors portées par l'appelant, ce qui n'a pas été démenti par les parents de A______.

Les menues variations telles que mises en avant par la défense dans les dépositions y relatives, notamment sur la couleur de ces chaussures – communes au demeurant –, ne remettent pas en cause la crédibilité de l'intimé et du témoin. L'intimé, en particulier, a expliqué pourquoi il avait d'abord parlé de "tongs" ou de pantoufles, étant une nouvelle fois rappelé que les faits se sont déroulés de nuit.

2.4. Il s'ensuit qu'il n'y a aucun doute sérieux et irréductible sur le fait que l'appelant est bien celui qui s'en est pris à l'intimé dans les circonstances de fait résumées dans l'acte d'accusation, ses dénégations n'apparaissant que de pure circonstance.

La Cour considère comme établis les faits en question.

3. 3.1. L'art. 140 ch. 1 al. 1 CP punit d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans celui qui commet un vol en usant de violence à l'égard d'une personne, en la menaçant d'un danger imminent pour la vie ou l'intégrité corporelle ou en la mettant hors d'état de résister. Le moyen de contrainte (la violence, la menace ou la mise hors d'état de résister) doit être dirigé contre la personne qui est en situation de défendre la possession de la chose. Il peut s'agir du propriétaire, d'un possesseur, d'un auxiliaire de la possession ou d'une personne qui est chargée à un titre quelconque de veiller sur la chose (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, volume I, 3e édition, Berne 2010, n. 9 ad art. 140).

3.2. En l'espèce, l'action violente exercée par l'appelant sur l'intimé pour le dépouiller de ses biens – en l'occurrence un téléphone portable – correspond à la typicité de l'infraction de brigandage retenue par le MP dans son acte d'accusation.

L'appelant n'a pas critiqué la qualification des faits au-delà de son implication dans leur commission.

Il doit donc se voir reconnaître coupable de brigandage (art. 140 ch. 1 al. 1 CP).

4. 4.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.2. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, 3ème éd., Bâle 2013, n. 130 ad art. 47 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON (éds), Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente. En outre, les condamnations passées perdent de leur importance avec l'écoulement du temps (ATF 135 IV 87 consid. 2 p. 89). Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136 consid. 3b p. 145).

4.3. Selon l'art. 46 CP, si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel (al. 1, première phrase). S'il n'y a pas lieu de prévoir que le condamné commettra de nouvelles infractions, le juge renonce à ordonner la révocation (al. 2, première phrase). Si la peine révoquée et la nouvelle peine sont du même genre, le juge fixe une peine d'ensemble en appliquant par analogie l'art. 49.

La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Celle-ci ne se justifie qu'en cas de pronostic défavorable, à savoir lorsque la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve. Par analogie avec l'art. 42 al. 1 et 2 CP, le juge se fonde sur une appréciation globale des circonstances du cas d'espèce pour estimer le risque de récidive. En particulier, il doit prendre en considération l'effet dissuasif que la nouvelle peine peut exercer, si elle est exécutée (ATF 134 IV 140 consid. 4.4 et 4.5 p. 143 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_879/2016 du 22 juin 2017 consid. 3.1).

Dans l'appréciation des perspectives d'amendement à laquelle il doit procéder pour décider de la révocation d'un sursis antérieur, le juge doit tenir compte des effets prévisibles de l'octroi ou non du sursis à la nouvelle peine. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis. L'existence d'un pronostic défavorable quant au comportement futur du condamné, bien qu'elle soit une condition aussi bien du sursis à la nouvelle peine que de la révocation d'un sursis antérieur, ne peut faire l'objet d'un unique examen, dont le résultat suffirait à sceller tant le sort de la décision sur le sursis à la nouvelle peine que celui de la décision sur la révocation du sursis antérieur. Le fait que le condamné devra exécuter une peine – celle qui lui est nouvellement infligée ou celle qui l'avait été antérieurement avec sursis – peut apparaître suffisant à le détourner de la récidive et, partant, doit être pris en considération pour décider de la nécessité ou non d'exécuter l'autre peine. Il constitue donc une circonstance nouvelle, appelant un réexamen du pronostic au stade de la décision d'ordonner ou non l'exécution de l'autre peine. Il va de soi que le juge doit motiver sa décision sur ce point, de manière à ce que l'intéressé puisse au besoin la contester utilement et l'autorité de recours exercer son contrôle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_105/2016 du 11 octobre 2016 consid. 1.1 et la référence citée).

4.4. En l'espèce, la faute de l'appelant est grave. Il s'en est pris avec violence et détermination à la victime aux fins de la délester de son patrimoine, prenant le risque de la blesser plus grièvement que les lésions médicalement constatées, par le fait de l'étrangler puis de l'amener au sol, étant précisé que cet étranglement a été d'une force certaine puisque l'intimé a brièvement perdu conscience. Ni sa blessure au pied, ni la présence de tiers sur le square de la place 1______ ne l'ont dissuadé d'agir, et encore moins la condamnation prononcée par le TCO à son encontre pour des faits spécifiques – avec un mode opératoire identique de son comparse et lui – neuf mois auparavant. Cela dénote une volonté criminelle caractérisée. Ses mobiles étaient à l'évidence égoïstes, ayant été mu par l'appât d'un gain facile aux dépens de l'intégrité d'autrui.

Sa collaboration a été mauvaise. Il a varié dans ses déclarations, s'est contenté de vagues explications, niant en bloc malgré les indices mis en évidence par l'enquête. Sa prise de conscience n'est, de même, en rien aboutie puisqu'il déclare n'y avoir été pour rien. Il n'a manifesté aucune empathie pour la victime.

Ses antécédents sont nombreux, étant allés crescendo jusqu'à la condamnation du 3 novembre 2020.

Sa situation personnelle aurait dû nécessairement s'améliorer considérablement dès sa sortie de détention au début de l'année 2021, suite au sursis partiel accordé par le TCO et à l'accueil prodigué par ses parents. Un filet social avait été mis en place, avec le concours du SPI et des règles de conduite prononcées, de sorte à lui donner toutes les chances de ne pas récidiver. Or, il a fait faux bond aux rendez-vous mis en place pour son suivi. À cet égard, on ne peut qu'être frappé par le fait qu'il avait alors indiqué au TCO avoir débuté un suivi psychologique en milieu carcéral "depuis environ un mois, pour ses problèmes d'addiction et souhaitait comprendre les raisons de ses retours en prison, ainsi que la commission d'infractions semblables" et qu'il souhaitait "arrêter de nuire à la société genevoise et se mettre dans le droit chemin" (jugement TCO, consid. C.c., p. 19 ; P C 72). Il faut en déduire une incompréhension manifeste et permanente de sa part des ressorts ou schémas criminels qu'il perpétue, malgré tous les efforts des autorités. En d'autres termes, il est un délinquant d'habitude et se complait dans cette situation. Ses déclarations d'intention à la première juge et ses projets d'avenir sonnent creux.

Ces éléments justifient une sévérité accrue dans la sanction du brigandage reproché, étant précisé que le pronostic est défavorable.

La récidive à très brève échéance dans le délai d'épreuve imparti par le TCO le 3 novembre 2020 commande la révocation du sursis. L'appelant ne s'est effectivement pas montré digne de la confiance que le TCO lui avait accordée à l'époque, au vu d'une prise de conscience considérée comme "ébauchée" par le fait de "vouloir mettre un terme à ses actes délictueux" (jugement TCO, consid. 3.2.1, p. 40 ; P C 93). On sait ce qu'il en est advenu.

Une peine privative de liberté de 14 mois, voire de 18 mois serait dès lors adéquate aux fins de punir le brigandage commis. Le jugement de première instance est muet sur la peine hypothétique concernant ce brigandage, mais a fixé la peine privative de liberté d'ensemble, suite à la révocation du sursis, à 24 mois.

Compte tenu de ce qui précède, cette peine est pleinement justifiée et doit être confirmée.

5. Les motifs ayant conduit le TP à prononcer le maintien de l'appelant en détention pour des motifs de sûreté sont toujours d'actualité, ce que celui-ci ne conteste au demeurant pas, de sorte que la mesure sera reconduite mutatis mutandis (ATF
139 IV 277 consid. 2.2 à 2.3).

6. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP) ainsi qu'un émolument d'arrêt. Corollairement, ses conclusions en indemnisation seront rejetées.

7. Les conclusions civiles justifiées par pièces et allouées à l'intimé en première instance, seront confirmées, étant précisé qu'elles n'ont pas été critiquées en tant que telles, mais seulement attaquées par l'appelant comme dépendant du verdict de culpabilité combattu.

8. Considéré globalement, l'état de frais produit par MC______, défenseur d'office de l'appelant, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale. Il convient cependant de le compléter de la durée des débats d'appel, de la rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice (CHF 100.- pour un chef d'étude), dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle, enfin du forfait dévolu à la correspondance, etc. (cf. 20% jusqu'à 30 heures de travail).

La rémunération de MC______ sera partant arrêtée à CHF 1'637.05 correspondant à 5h50 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus l'indemnité de déplacement (CHF 100.-), la majoration forfaitaire de 20% (CHF 253.35) et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% (CHF 117.05).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1347/2021 rendu le 3 novembre 2021 par le Tribunal de police dans la procédure P/16032/2021.

Le rejette.

Ordonne le maintien de A______ en détention pour des motifs de sûreté.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'775.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 1'637.05, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseur d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de brigandage (art. 140 ch. 1 al. 1 CP).

Révoque le sursis octroyé le 3 novembre 2020 par le Tribunal correctionnel de Genève à la peine de 12 mois (art. 46 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté d'ensemble de 24 mois, sous déduction de 79 jours de détention avant jugement (art. 40 et 46 CP).

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 2 CP).

[ ]

Ordonne la levée de l'assistance de probation prononcée par le Tribunal correctionnel le 3 novembre 2020 (art. 95 al. 3 et 4 CP).

Condamne A______ à payer à D______ CHF 200.-, avec intérêts à 5% dès le 23 septembre 2021, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne A______ à verser à D______ CHF 1'130.85, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Fixe à CHF 4'028.- l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'549.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

[ ]

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au Service de l'application des peines et mesures.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'149.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'775.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'924.00