Skip to main content

Décisions | Tribunal pénal

1 resultats
P/11925/2022

JTDP/153/2024 du 05.02.2024 sur OPMP/3419/2023 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.169
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 10


5 février 2024

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X______, né le ______1963, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me Pierre OCHSNER


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité de X______ de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CP). Il conclut au prononcé d'une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 50.-, assortie du sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans. Enfin, il conclut à ce que X______ soit condamné aux frais de la procédure.

X______, par la voix de son conseil, conclut à son acquittement et à l'octroi d'une indemnisation au sens de l'art.  429 al. 1 let. a CPP d'un montant de CHF 1'157.75, augmenté du temps d'audience de jugement. Subsidiairement il ne s'oppose pas à un verdict de culpabilité, mais s'agissant de la peine il conclut à ce qu'il soit exempté de peine en application de l'art. 52 CP, plus subsidiairement encore à ce qu'une peine clémente assortie du sursis soit prononcée.

*****

Vu l'opposition formée le 1er mai 2023 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 19 avril 2023;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 12 mai 2023;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 19 avril 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 1er mai 2023.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A.           Par ordonnance pénale valant acte d'accusation du 19 avril 2023, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève :

-          du 28 août 2021 au 30 novembre 2021, arbitrairement disposé d’une valeur patrimoniale saisie, de manière à causer un dommage à ses créanciers, en ne respectant pas son obligation de verser à l’Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office des poursuites ou l'Office), la somme saisie en ses mains dans la série no 81 1______, alors qu’il connaissait l’existence et la teneur de son obligation, détournant ainsi une somme de CHF 2'900.-,

-          du 1er décembre 2021 au 19 février 2022, arbitrairement disposé d’une valeur patrimoniale saisie, de manière à causer un dommage à ses créanciers, en ne respectant pas son obligation de verser à l’Office, la somme saisie en ses mains dans la série no 81 2______, alors qu’il connaissait l’existence et la teneur de son obligation, détournant ainsi une somme de CHF 10'266.-,

-          du 20 février 2022 au 17 août 2022, arbitrairement disposé d’une valeur patrimoniale saisie, de manière à causer un dommage à ses créanciers, en ne respectant pas son obligation de verser à l’Office, la somme saisie en ses mains dans la série no 81 3______, alors qu’il connaissait l’existence et la teneur de son obligation, détournant ainsi une somme de CHF 18’100.-,

faits qualifiés de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CP).

B.            Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants:

a.a) Le 11 janvier 2021, un procès-verbal de saisie dans la série n° 81 1______, réunissant quatre poursuites de A______, a été dressé par l’Office des poursuites et fixait une retenue sur les revenus de X______ de CHF 905.- par mois pour la période allant du 28 août 2021 au 30 novembre 2021.

a.b) Un autre procès-verbal a été établi le 12 avril 2021 dans la série no 81 2______ réunissant trois poursuites, soit celles de B______ SA et C______ "D______". Ledit procès-verbal prévoyait également une retenue de CHF 905.- par mois pour la période allant du 1er décembre 2021 au 19 février 2022.

a.c) Lesdits procès-verbaux comportaient en outre le rappel des conséquences pénales des art. 169 CP et 289 CP, de la possibilité de déposer plainte contre le procès-verbal de saisie et de la nécessité d'aviser sans délai l'Office des poursuites de tout changement de situation et de toute modification du montant des revenus, sous la menace de l'art. 292 CP.

a.d) L'intéressé n'a pas déposé plainte auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites contre les procès-verbaux précités.

a.e) Les 28 août et 17 septembre 2021, X______ a annoncé une modification de sa situation, ce qui a amené l’Office à fixer le 17 septembre 2021 une nouvelle retenue à hauteur de CHF 3'422.- par mois dès le mois de septembre 2021. Pour fixer la quotité saisissable, l'Office s'est basé sur le résultat positif de CHF 56'896.75 du bilan de l'exercice 2019 transmis par l'intéressé. L'Office y a ajouté le montant des amortissements, en CHF 3'910.-, lesquels n'étaient pas des frais indispensables à l'obtention du revenu professionnel, de sorte qu'ils n'étaient pas admis dans les charges. Le montant total de CHF 60'806.75 (56'896.75 + 3'910.-) a ensuite été mensualisé. L'Office a ainsi retenu que X______ retirait de son activité un gain mensuel de CHF 5'067.20 20 alors que son épouse percevait une rente de deuxième pilier de CHF 1'289.55 et une rente AVS de CHF 869.-. Les charges du couple comprenaient l'entretien de base de CHF 1'700.-, des frais médicaux à hauteur de CHF 50.- chacun et des frais de transport en CHF 45.-. Compte tenu des revenus respectifs des époux, la part de ces charges imputable à X______ s'élevait à CHF 1'644.48, ce qui laissait une quotité saisissable de CHF 3422.72 (5'067.20 - 1'644.48).

a.f) Le 15 novembre 2021, un procès-verbal de saisie dans la série n° 81 3______ réunissant cinq poursuites a été dressé et fixait une retenue sur les revenus de X______ de CHF 3’422.- par mois pour la période allant du 20 février 2022 au 17 septembre 2022.

a.g) L'intéressé n'a pas déposé plainte auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites contre le procès-verbal précité.

a.h) Il a en revanche déposé plainte le 22 avril 2022 contre le procès-verbal de saisie d'une série subséquente n° 81 4______ daté du 7 avril 2022, étant précisé que l'Office avait maintenu une retenue sur ses revenus de CHF 3’422.-. X______ a reproché à l'Office de ne pas avoir tenu compte, pour établir ses gains indépendants, du dernier bilan qu'il avait communiqué à l'Office relatif à l'année 2020. Ladite plainte a été rejetée, par décision du 1er septembre 2022 (DCSO/334/22 du 1er septembre 2022). La Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites a en effet considéré que c'est à juste titre que l'Office a écarté les postes "perte sur débiteur F______ (2018-2019)" et "perte sur débiteurs E______ (2015-2019)" du bilan relatif à l'année 2020. Selon la Chambre de surveillance, dans un système de comptabilité des recettes et des dépenses (cf. art. 957 CO) tel qu'il résulte du compte pertes et profits fourni, les postes "perte sur débiteur (2018-2019)" et "perte sur débiteurs E______ (2015-2019)" ne représentent des charges d'exploitation que si elles sont effectivement payées au cours de l'exercice, ce que X______ n'avait pas allégué ni établi (DCSO/334/22, p. 5).

a.i) Le 25 mai 2022, deux procès-verbaux constatant le non-versement du gain saisi ont été établis par l'Office des poursuites pour un montant de CHF 2'900.- (série n° 81 1______) et de CHF 10'266.- (série n° 81 2______). L'Office a dénoncé les faits le même jour au Ministère public.

a.j) Le 7 novembre 2022, un procès-verbal constatant le non-versement du gain saisi a été établi par l'Office des poursuites pour un montant de CHF 18'100.- (série n° 81 3______). L'Office a dénoncé les faits le même jour au Ministère public.

b.a) Par courrier du 2 août 2022 au Ministère public, X______ a expliqué, s'agissant des séries n° 81 1______ et n° 81 2______, que la modification de sa situation personnelle pour l'année 2021 avait été réalisée sur la base de son compte de pertes et profits pour l'année 2019, quand bien même il avait indiqué à l’Office qu’il était dans l’attente de son bilan relatif à l’exercice 2020. Ainsi, son bilan 2019 n’aurait pas dû être pris en compte dans la fixation de sa retenue sur salaire. Il avait d'ailleurs transmis son bilan 2020 à l'Office le 25 novembre 2021, lequel était déficitaire à hauteur de CHF 125'336.35. Ainsi, l'absence de prise en considération de ce bilan déficitaire portait atteinte à son minimum vital. La nouvelle retenue datée du 17 septembre 2021, à hauteur de CHF 3'422.- dès le mois de septembre 2021, était dès lors un acte nul.

b.b) A l’appui de sa détermination, il a notamment produit ses comptes de pertes et profits 2019 et 2020 non signés ainsi que ses extraits de comptes bancaires. Il ressort de son compte de pertes et profits pour l’année 2020 les postes suivants sous la rubrique "autres charges d'exploitation" :

- "perte sur débiteurs F______ (2018-2019)" d'un montant de CHF 76'000.- ;

- "perte sur débiteurs E______ (2015-2019)" d'un montant de CHF 144'552.60.

c.a) Selon les renseignements recueillis auprès de l'Office des poursuites le 8 août 2022, aucun paiement n'était intervenu en faveur des séries n° 81 1______ et n° 81 2______.

c.b) Par ordonnance pénale du 9 septembre 2022, le Ministère public a condamné X______ pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CP).

c.c) Par courrier de son conseil du 28 septembre 2022, X______ a formé opposition à l’encontre de ladite ordonnance pénale.

c.d) Devant le Ministère public le 21 octobre 2022, X______ a en substance expliqué que dans la mesure où il n’avait pas de salaire, il n’aurait pas dû y avoir de saisie. Il avait communiqué son bilan 2019 à l’Office des poursuites le dernier trimestre 2021 en expliquant que ce bilan ne reflétait pas sa situation au moment des faits. Après avoir produit son bilan 2020 quelques semaines après, il avait pensé qu’il y aurait eu une réaction de l’Office des poursuites, raison pour laquelle il n’avait pas déposé de plainte auprès de l’autorité de surveillance.

e.a) Par courrier du 21 décembre 2022 au Ministère public, X______ a notamment allégué s'agissant de la série n° 81 3______ que l'Office des poursuites aurait dû, afin de tenir compte de ses capacités financières réelles, prendre en compte son bilan pour l'année 2020 et celui pour l'année 2021. A cet égard, il a expliqué s’être acquitté de la somme totale de CHF 90'085.80, entre le 19 octobre 2021 et le 30 juin 2022, auprès de F______ SA.

e.b) Il a produit des pièces justificatives en lien avec sa situation personnelle, dont il ressort notamment les éléments suivants.

e.c) Selon son compte de pertes et profits pour l’année 2021, il ressort une perte de l'ordre de CHF 31'918.61. Il y fait figurer dans ses charges d'exploitation un poste "perte sur débiteurs E______ (2015-2019)" s'élevant à CHF 0.- ainsi qu’un poste "perte sur débiteurs Caisse des médecins" chiffré à CHF 73'339.60.

e.d) X______ a conclu une convention le 19 octobre 2021 avec G______ SA portant sur des compensations pour un montant total de CHF 90'085.80 à teneur de laquelle :

- CHF 65'583.95 ont été acquittés le 19 octobre 2021;

- CHF 7'755.65 ont été acquittés le 31 décembre 2021 ;

- CHF 10'018.30 ont été acquittés le 31 mars 2022 ;

- CHF 6'727.90 ont été acquittés le 30 juin 2022.

e.e) Le 25 juillet 2022, X______ a conclu une convention avec des assureurs représentés par E______ selon laquelle le médecin s'est engagé à restituer un montant total de CHF 100'000.-, par trente mensualité de CHF 3'333.30.-. Il s'agit de la restitution des sommes versées à tort dans le cadre de la fourniture de prestations non économiques à la charge de l'assurance obligatoire pour l'année statistique 2019.

e.f) Trois versements de CHF 3'333.30 ont été effectués en faveur de E______ les 31 août 2022, 12 octobre 2022 et 2 décembre 2022.

f) Selon les renseignements recueillis auprès de l'Office des poursuites en date du 17 avril 2023, aucun paiement n'était intervenu en faveur des séries n° 81 1______, n° 81 2______ et n° 81 3______ depuis leurs dénonciations.

g) Ces faits ont fait l’objet d’une nouvelle ordonnance pénale du 19 avril 2023, étant précisé que pour la série n° 81 3______ la période pénale a été raccourcie d'un mois dans la mesure où X______ aurait pu désintéresser ses créanciers en six mois. Il y a formé opposition le 1er mai 2023. Le Ministère public a maintenu son ordonnance pénale le 12 mai 2023.

C.           Lors de l'audience de jugement du 5 février 2024, X______ a réitéré que l'Office des poursuites devait tenir compte du bilan 2020 pour établir les saisies litigieuses et confirmé ne pas avoir versé les montants fixés par les procès-verbaux relatifs aux trois séries visées dans l'ordonnance pénale. En tant que débiteur, il n'avait pas le choix de conclure une convention de remboursement avec F______ SA et avec E______, sinon il aurait perdu le droit de facturer, ce qui aurait eu pour conséquence la fermeture de son cabinet. Il avait informé l'Office de la signature de ces conventions lors de la remise de son bilan 2020 et lorsqu'il avait déposé plainte le 22 avril 2022 contre le procès-verbal de saisie à la Chambre de surveillance des offices des poursuites et des faillites. S'agissant du poste "perte sur débiteurs F______ (2018-2019)" se chiffrant à CHF 76'000, le prévenu a expliqué que F______ SA avait constaté un dépassement dans les factures qu'il avait établies, raison pour laquelle une restitution des sommes perçues à tort d'un montant de CHF 100'000.- lui avait été opposée par l'assurance. S'agissant du poste "perte sur débiteurs E______ (2015-2019)" se chiffrant à CHF 144'552.60, il a précisé que la dette était en réalité de CHF 200'000.-. Au vu de sa situation financière, il a expliqué qu'il allait devoir quitter les locaux de son cabinet, ce qui serait un empêchement d'exercer à titre indépendant, indiquant qu'il pouvait éventuellement être engagé en qualité de salarié. Il allègue enfin qu'il a continuellement réduit son train de vie au point d'avoir de la peine à subvenir à ses besoins.

D.           X______, ressortissant français, est né le ______ 1963. Il est marié, sans enfant. Il est titulaire d'un permis C. Il exerce à titre indépendant la profession de médecin mais indique travailler à perte depuis 5 ans. Son loyer est de CHF 1'600.- et son assurance maladie d'environ CHF 450.-.

Il a des dettes d'environ CHF 800'000.- et n'a pas de fortune.

Il est sans antécédent judicaire.

EN DROIT

1.1.1. Selon l'art. 169 CP, celui qui, de manière à causer un dommage à ses créanciers, aura arbitrairement disposé, endommagé, détruit, déprécié ou mis hors d'usage une valeur patrimoniale saisie ou séquestrée, inventoriée dans une poursuite pour dettes ou une faillite, portée à un inventaire constatant un droit de rétention ou appartenant à l'actif cédé dans un concordat par abandon d'actif, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Le juge pénal n'est pas une autorité de recours en matière de poursuite pour dettes et faillite, de sorte qu'il n'a pas à revoir le bienfondé de la décision exécutoire. Il doit cependant examiner si l'accusé a détourné la valeur patrimoniale mise sous main de justice en accomplissant l'un des actes prévus par l'art. 169 CP. Comme la saisie de gains futurs repose sur des pronostics, il appartient au juge pénal d'examiner, en fait, si l'accusé a réalisé ou non pendant la période visée les gains qui avaient été prévus. Ce n'est que dans cette hypothèse que l'on peut déduire, en constatant qu'il n'a pas fait les versements requis par l'Office des poursuites, qu'il a détourné, en commettant l'un des actes prévus par l'art. 169 CP, les valeurs patrimoniales qui étaient sous main de justice. A la différence de la violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP), l'art. 169 CP n'oblige pas le débiteur à faire des efforts en vue de payer ses dettes. Si l'auteur n'a rien gagné ou a gagné moins que prévu, il importe peu de savoir s'il aurait pu gagner quelque chose ou gagner plus (Albrecht, Band 2, art. 169 n° 14). Si le juge pénal établit en fait que l'accusé a réalisé le gain prévu, il n'est pas nécessaire, après avoir constaté le non-versement de la somme requise par l'Office des poursuites, d'établir exactement lequel des actes prévus par l'art. 169 CP a été commis; il suffit que le juge soit convaincu qu'il y a eu détournement, sous l'une des formes prévues par la loi, des valeurs patrimoniales mises sous main de justice. Si les gains du débiteur ont été inférieurs aux prévisions, le juge pénal, en suivant les règles de la LP, doit déterminer lui-même dans quelle mesure le débiteur pouvait et devait respecter la saisie (ATF 96 IV 113 consid. 2).

Si les gains effectifs du débiteur sont irréguliers, il faut opérer une moyenne pour la période visée, en ce sens qu'une période faste peut compenser une période de disette (ATF 102 IV 249 consid. 2a et les arrêts cités). Cela vaut même lorsque les variations de revenu sont dues à un changement d'activité, notamment le passage d'une activité indépendante à une activité dépendante (ATF 102 IV 249 consid. 2a).

Déterminer ce que le débiteur pouvait payer pendant la période concernée suppose que l'on établisse l'ensemble de ses ressources pendant cette période et l'état de ses charges indispensables. Le débiteur doit pouvoir subvenir à son entretien minimum et satisfaire ses obligations courantes du droit de la famille. Il ne peut en revanche pas opposer à la saisie qu'il a choisi d'éteindre certaines dettes ou de faire certaines dépenses (sortant du cadre du minimum vital). Le débiteur peut choisir de réduire ses gains, mais non pas d'augmenter ses dépenses, parce que cela reviendrait à disposer arbitrairement du gain saisi, lequel, une fois réalisé, doit être versé à l'Office des poursuites dans la mesure exigée (Bernard Corboz, Les infractions en droit suisse, Volume I, 3e éd., Berne 2010, N 19 ad art. 169).

Sur le plan subjectif, l'infraction à l'art. 169 CP est une infraction intentionnelle. Il faut tout d’abord que l’auteur ait consciemment et volontairement – le dol éventuel suffit – détourné les valeurs patrimoniales en cause. Cela suppose qu’il sache qu’elles se trouvent sous main de justice et qu’il n’est pas autorisé à en disposer. L’auteur doit par ailleurs avoir la volonté (ou du moins accepter) de nuire aux créanciers (CR CP II-Jeanneret/Hari, art. 169 CP N 13-15).

1.2. En l'espèce, il est établi par le dossier que le prévenu n'a pas versé en main de l'Office des poursuites les montants fixés par les procès-verbaux relatifs aux séries n° 81 1______, n° 81 2______ et n° 81 3______ pour payer ses créanciers, soit H______ "D______". Aucun paiement n'est en effet intervenu durant les périodes pénales visées par l'ordonnance pénale valant acte d'accusation, allant du 28 août 2021 au 17 août 2022.

Le Tribunal retient que la quotité saisissable de CHF 905.-, puis de CHF 3'422.- a été fixé par l'Office des poursuites à satisfaction de droit, ce que la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites a constaté dans sa décision du 1er septembre 2022 s'agissant de la série n°81 4______, étant précisé que l'Office avait maintenu la même retenue sur ses revenus que celle dans les séries n° 81 1______, n° 81 2______ et n° 81 3______, et dont il n'y ainsi pas lieu de s'écarter. Ladite Chambre a considéré que les postes "perte sur débiteur F______ (2018-2019)" et "perte sur débiteurs E______ (2015-2019)" figurant sur son compte de pertes et profits pour l'année 2020 ont été à juste titre écartés. Le même raisonnement doit être tenu quant au poste "perte sur débiteurs Caisse des médecins" du bilan relatif à l’année 2021.

Quoi qu'il en soit, le Tribunal constate que le prévenu n'a pas démontré qu'il ne disposait pas des moyens financiers nécessaires pour pouvoir s'acquitter de ses obligations envers l'Office des poursuites pendant les périodes pénales visées. Il est en effet établi par les pièces figurant au dossier et reconnu par le prévenu qu'il a signé des conventions avec F______ SA et E______ les 19 octobre 2021 et 25 juillet 2022, visant à éteindre des dettes. Des remboursements ont bel et bien été effectués sous la forme d'une compensation en faveur de F______ SA, pour un montant total de CHF 90'085.80. Par la suite, deux versements ont été effectués en faveur de E______ les 31 août 2022 et 12 octobre 2022 pour un montant total de CHF 6'666.60. Le Tribunal relève que le prévenu ne pouvait pas opposer à la saisie le fait d'avoir choisi d'éteindre certaines dettes ou de faire certaines dépenses. Les paiements opérés par le prévenu à F______ SA et E______ revenaient ainsi à disposer arbitrairement des gains saisis, ce qui n'est pas admissible.

Le prévenu affirme toutefois que s'il n'avait pas désintéressé F______ SA et E______, il aurait pu se voir opposer une exclusion de toute activité à la charge de l'assurance obligatoire de soins, ce qui aurait eu comme conséquence la perte de ses revenus professionnels. Or même à retenir que tel aurait été le cas, ce qui n'est au demeurant pas prouvé, le prévenu avait la possibilité d'agir autrement et, le cas échéant, de cesser son activité indépendante en remettant son cabinet et de passer à une activité dépendante.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que le prévenu était en mesure de satisfaire, pendant les périodes pénales visées, à la saisie. En ne versant rien à ce titre et en utilisant ses gains à d'autres fins, le prévenu a arbitrairement disposé d'une valeur patrimoniale saisie.

En prenant la décision de ne pas honorer la saisie et de disposer de ses gains pour rembourser d'autres dettes, le prévenu a, à tout le moins par dol éventuel, envisagé et accepté d'agir au détriment de ses créanciers. Au vu des rappels aux conséquences pénales du non-versement de la retenue sur gains, il ne pouvait ignorer que le non-paiement de cette retenue était susceptible d'engendrer un préjudice pour ses créanciers.

Il sera dès lors reconnu coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice au sens de l'art. 169 CP.

2.1.1. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2). Le facteur essentiel est celui de la gravité de la faute.

Il appartient au juge de pondérer les différents facteurs de la fixation de la peine (ATF 134 IV 17 consid.2.1).

2.1.2. Selon l'art. 34 al. 1 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.

Il convient de rappeler que même pour les condamnés vivant au seuil ou au-dessous du minimum vital, le montant du jour-amende ne doit pas être réduit à une valeur symbolique au risque que la peine pécuniaire, que le législateur a placée sur pied d'égalité avec la peine privative de liberté, perde toute signification (ATF 134 IV 60 consid. 6.5.2). Le montant du jour-amende n'est pas considéré comme symbolique lorsqu'il atteint la somme de dix francs, en ce qui concerne les auteurs les plus démunis (ATF 135 IV 180 consid. 1.4 et 1.4.2).

2.1.3. A teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

2.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas négligeable. Il a omis de verser les retenues sur gains auxquelles il était pourtant condamné, faisant fi des décisions de justice rendues à son encontre et causant, de la sorte, un préjudice à ses créanciers.

Son mobile relève de la volonté de faire prévaloir ses intérêts pécuniaires sur ceux de ses créanciers, soit un mobile égoïste.

La période pénale est d'un an.

Le prévenu n'a pas exprimé de regrets et ne semble pas avoir pris conscience des conséquences de ses actes.

Sa collaboration a été moyenne, dès lors qu'il a tenté d'arguer le fondement de la saisie, invoquant des difficultés financières.

Il n'a pas d'antécédent judiciaire, facteur neutre sur la fixation de la peine.

Selon la systématique de la loi, la peine pécuniaire doit d'abord être envisagée.

Ainsi, une peine pécuniaire de 50 jours-amende, à CHF 50.- le jour, apparaît adéquate et proportionnée, eu égard à la faute du prévenu et à sa situation financière actuelle.

Le prévenu sera mis au bénéfice du sursis, dont les conditions sont réalisées, et le délai d'épreuve sera fixé à trois ans.

3. Vu le verdict de culpabilité, le prévenu sera condamné aux frais de procédure, lesquels seront arrêtés à CHF 600.- pour tenir compte de l'ensemble des circonstances.

4. Vu l'issue de la procédure, ses conclusions en indemnisation seront rejetées.

5. Vu l’annonce d’appel du prévenu à l’origine du présent jugement motivé, ce dernier sera condamné à un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- (art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale RTFMP; E 4.10.03).

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 50 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

I______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'039.-, arrêtés à CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Julie COTTIER

La Présidente

Limor DIWAN

 

 

Vu l'annonce d'appel formée par X______, lequel entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP),

LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument de jugement complémentaire à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de X______.

 

La Greffière

Julie COTTIER

La Présidente

Limor DIWAN

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

630.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

7.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1039.00, arrêtés à CHF 600.-

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

600.00

==========

Total des frais

CHF

1'200.00

 

 

Notification à X______, soit pour lui son conseil
(par voie postale)

Notification au Ministère public
(par voie postale)