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Décisions | Tribunal pénal

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P/17490/2022

JTDP/1374/2023 du 27.10.2023 sur OPMP/12641/2022 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.179ter
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 23


27 octobre 2023

 

MINISTÈRE PUBLIC

Madame A_____, partie plaignante

contre

Madame X_____, née le _____1974, domiciliée G_____ Genève, prévenue, assistée de Me H______




CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public a conclu dans son ordonnance pénale du 21 décembre 2022 à ce que le Tribunal de police reconnaisse X_____ coupable d'enregistrement non autorisé de conversations (art. 179ter al. 1 CP), qu'elle soit condamnée à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à CHF 110.-, sursis 3 ans, et, à titre de sanction immédiate, à ce qu'elle soit condamnée à une amende de CHF 990.-. Le Ministère public a finalement conclu à ce que X_____ soit condamnée au paiement des frais de la procédure.

A_____ a maintenu les termes de sa plainte sans formuler de conclusions civiles.

X_____, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement et à ce qu’il soit fait bon accueil à ses conclusions en indemnisation au sens de l’art. 429 CPP. Subsidiairement, elle conclut à une réduction drastique de sa peine.

*****

Vu l'opposition formée le 23 décembre 2022 par X_____ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 21 décembre 2022;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 11 avril 2023;

Vu les art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lesquels le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;


 

EN FAIT

 

A.    Par ordonnance pénale du 21 décembre 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à X_____ d'avoir, à Genève, le 15 août 2022, enregistré à son insu A_____, conseillère en personnel auprès de l'Office cantonal de l'emploi (ci‑après: OCE), lors d'un entretien que les deux femmes avaient ensemble, faits constitutifs d'enregistrement non autorisé de conversations au sens de l'art. 179ter al. 1 CP.

B.     Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a. Le 19 août 2022, A_____, conseillère à l'OCE, a cosigné une plainte pénale avec B_____, contre X_____. Cette dernière s'était inscrite à l'OCE le 5 août 2022 et avait été convoquée le 15 août 2022 à 14h00 avec A_____ pour son premier entretien de conseil. Le 18 août 2022, l'OCE avait été informé par "C_____" et D_____ de ce que X_____ avait enregistré au moyen de son téléphone portable la conversation qu'elle avait eue avec A_____ le 15 août 2022 et qu'elle avait publié ledit enregistrement audio sur son canal E_____.

b. Le 26 août 2022, X_____ a présenté des excuses à A_____ par email. Elle précisait notamment que son objectif était journalistique. En particulier, elle tenait à informer les personnes qui suivaient son média de son cheminement au travers des différentes instances de l'Etat, du côté arbitraire de son licenciement, de l'impact des mesures Covid sur les personnes, ainsi que de l'état de connaissance sur les licenciements abusifs au sein des I_____.

c. B_____ a versé à la procédure:

-          Une capture d'écran de la page "X_____ – canal info officiel" sur E_____ ayant 15'134 abonnés, avec la publication de la vidéo audio litigieuse de 5mn45s, vue par 2'400 personnes, ayant pour intitulé "Premier entretien au chômage: on fait connaissance…et surtout on lâche rien";

-          La vidéo audio de 5mn45s précitée.

d. A la police le 31 août 2022, X_____ a admis avoir enregistré l'entretien du 15 août 2022 avec A_____ au moyen de son téléphone portable, via le dictaphone, sans avoir averti au préalable cette dernière. Elle avait ensuite diffusé les 5 premières minutes de son entretien sur E_____ à des fins journalistiques. Elle avait pris le soin de ne pas identifier le lieu, ainsi que la personne qu'elle enregistrait.

Elle avait agi de la sorte car en sa qualité d'enseignante en mathématiques, militante pour les droits humains et journaliste amateur, elle avait été licenciée par I_____ abusivement. Elle avait été également harcelée par les médias et I_____. Elle voulait faire un état des lieux de la manière dont était perçu son licenciement, ainsi que de l'application des mesures sanitaires au sein des instances de l'Etat. Elle souhaitait montrer son cheminement dans ce licenciement en qualité de victime, témoin et journaliste.

Elle avait effacé la publication le lendemain de sa diffusion, dès qu'elle avait su, par l'intermédiaire de son avocat, que c'était potentiellement interdit. Elle ne souhaitait nuire à personne.

e. Au Ministère public le 30 janvier 2023, X_____ a confirmé ses précédentes déclarations. Elle a précisé qu'elle disposait d'une carte de presse. Par ailleurs, son enregistrement, qui avait été publié sur son canal E_____ pendant moins de 24 heures, ne portait préjudice à personne.

C.    L'audience de jugement a eu lieu entre les 16 et 27 octobre 2023.

a. A l'ouverture des débats, le Tribunal a traité les questions préjudicielles et l'administration de nouvelles preuves, tel que cela ressort du procès-verbal d'audience.

b. Le Tribunal a ensuite procédé à l'audition de la partie plaignante et de la prévenue.

b.a. A_____ a confirmé sa plainte pénale et son contenu. La volonté de déposer plainte émanait de son service ou d'elle-même.

La prévenue s'était certes excusée, mais tardivement, le 26 août 2022. A_____ n'avait pas le droit de répondre aux excuses. La plainte pénale était déjà partie. X_____ avait reçu du chef de groupe de la plaignante une communication selon laquelle elle ne pouvait plus la contacter. Cela étant, même si elle avait reçu les excuses de X_____ plus rapidement, A_____ n'aurait pas retiré sa plainte pénale.

Elle avait été informée de l'enregistrement litigieux par B_____, ainsi que par F_____. Pour sa part, elle avait pris connaissance de l'enregistrement diffusé sur les réseaux sociaux.

Pour elle, cet enregistrement avait été dérangeant vu que la direction était venue la voir pour l'en informer. Elle avait ensuite eu des craintes que d'autres personnes l'enregistrent. Elle avait travaillé 28 ans à l'OCE et de nombreuses personnes avaient pu reconnaitre sa voix. Rien ne lui posait problème par rapport à ce qui avait été dit. Elle était gênée par le fait d'avoir été enregistrée à son insu et que l'enregistrement ait été publié sur les réseaux sociaux. Elle se souvenait avoir vu que X_____ avait posé son téléphone portable sur le bureau au début de l'entretien. Il ne lui était pas venu à l'esprit qu'elle était enregistrée, puisqu'elle n'avait pas vu X_____ manipuler ledit téléphone.

b.b.a. X_____ a reconnu que, le 15 août 2022, elle n'avait pas explicitement demandé à A_____ l'autorisation d'enregistrer cette dernière lors de leur entretien du même jour. Cela étant, elle contestait l'infraction reprochée au motif qu'elle poursuivait un but journalistique. Elle avançait dès lors un intérêt public prépondérant.

Depuis 2020, elle avait fait plus d'une centaine d'interviews sur sa chaine J______, soit un média qui était comme YouTube mais qui ne censurait pas ou peu. Elle avait obtenu une carte de presse auprès d'un syndicat qui délivrait des cartes de presse internationales à compter du 1er août 2022.

 

Elle disposait notamment d'une chaine E_____, "X_____ canal info officiel", en référence à son activité journalistique. Pour trouver ce canal, il suffisait de taper son nom dans E_____. Sur cette chaine, elle relayait des articles, des interviews, des photos et des événements. Elle était la seule à pouvoir poster des publications et les internautes pouvaient laisser des commentaires.

Le 15 août 2022, elle avait eu un premier entretien avec A_____ au chômage, suite à son inscription. Elle avait posé son téléphone portable sur la table devant elle pour enregistrer l'entretien "par sécurité au vu des disfonctionnements dans le cadre de [sa] procédure de licenciement". Les 9 arguments soulevés par I_____ pour justifier son licenciement qu'elle estimait être abusifs avaient été discutés. Après 5 minutes d'entretien, vu la réaction de la conseillère, elle avait stoppé l'enregistrement car elle s'était sentie en sécurité. Elle n'avait pas changé son objectif puisqu' elle avait toujours à l'esprit l'intérêt public. Elle avait ensuite publié ledit enregistrement car elle souhaitait montrer son parcours après son licenciement et la réaction de l'institution, soit en l'occurrence de la conseillère du chômage qui était surprise qu'elle eût été licenciée.

Elle ne savait pas qu'il était illégal d'enregistrer une personne sans son consentement. Il n'y avait pas de nom, de date, d'indication de lieu, ni de dénigrement de sa part; A_____ ne pouvant pas être reconnue.

Elle avait retiré l'enregistrement après avoir reçu un commentaire qui l'interrogeait quant au droit d'enregistrer une personne. Elle avait aussitôt consulté son avocat et sur conseil de ce dernier, elle avait retiré sa publication, moins de 24 heures après sa diffusion. Elle avait ensuite écrit à A_____ pour s'excuser.

Elle faisait l'objet d'un acharnement suite aux vidéos qu'elle avait publiées à propos de l'OMS, du Forum économique mondial, du GAVI et de l'ONU sur la base de sources officielles. Elle en avait assez et elle souhaitait que cela cesse. Il était important que la presse reste neutre et objective, respectivement que la justice reprenne son sens. Elle savait faire la part des choses entre son métier d'enseignante et les informations qu'elle publiait.

b.b.b. X_____ a notamment versé à la procédure une copie de ses deux cartes de presse de la "WorkPress International Union of Press Workers" du 1er août 2022 à septembre 2023, respectivement du 1er août 2022 à septembre 2024.

D.    a. X_____, née le _____1974, est de nationalité suisse. Elle est divorcée et n'a pas d'enfant. Elle a été licenciée du I_____ où elle a exercé en qualité d'enseignante en mathématiques et perçoit ainsi des indemnités du chômage. S'agissant de ses charges mensuelles, elle paye un loyer d'environ CHF 1'575.- charges comprises, ainsi que des primes d'assurance maladie de CHF 351.- par mois. Elle n'a pas de dettes, ni de fortune.

b. X_____ n'a pas d'antécédent inscrit dans son casier judiciaire suisse.

 

 

 

EN DROIT

 

Culpabilité

1.        1.1. L'art. 179ter CP réprime, sous le titre des infractions contre l'honneur, le domaine secret ou le domaine privé, les enregistrements non autorisés de conversations en les termes suivants:

Celui qui, sans le consentement des autres interlocuteurs, aura enregistré sur un porteur de son une conversation non publique à laquelle il prenait part (al. 1), celui qui aura conservé un enregistrement qu'il savait ou devait présumer avoir été réalisé au moyen d'une infraction visée à l'al. 1, ou en aura tiré profit, ou l'aura rendu accessible à un tiers (al. 2), sera, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

L'art. 179ter CP protège plus spécifiquement la teneur orale de la conversation dans le sens d'une protection contre la retranscription des propos tenus en-dehors du cercle des personnes avec lequel l'orateur a choisi de partager ses opinions (ATF 133 IV 249 consid. 3.2.2; HENZLIN/MASSROURI in Commentaire romand, Code pénal II, 2017, N. 2 ad art. 179ter CP; VON INS/WYDER in Basler Kommentar, Strafrecht II, 3e éd. 2013, N. 2 ad art. 179ter CP).

Cette disposition protège la communication humaine dans la sphère privée, comprise comme composante de la personnalité protégée par le droit, respectivement le droit de s'exprimer de manière spontanée dans cette sphère, autrement dit la confidentialité des conversations privées. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, n'importe quelle conversation non publique ne bénéficie pas encore de la protection pénale au sens de cette disposition. Il faut qu'elle touche au domaine privé, soit qu'elle est "non publique" au regard de l'ensemble des circonstances, à savoir qu'elle ne pouvait ni ne devait être entendue par des tiers. Il importe donc de protéger l'individu contre la diffusion de ses propos en dehors du cercle des personnes avec lequel il a choisi de partager ses opinions, peu importe en quelle qualité il s'est exprimé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_943/2019 du 7 février 2020 consid. 3).

L'auteur doit encore agir sans le consentement de la personne concernée, et intentionnellement, le dol éventuel étant suffisant (Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd., 2017, N. 5 ad art. 179ter).

1.2. En l'espèce, il ressort de la procédure que le 15 août 2022, la prévenue a enregistré la plaignante, conseillère en personnel, lors d'un entretien que les deux femmes avaient ensemble auprès de l'OCE. La prévenue a par la suite diffusé cet enregistrement de 5mn48s avec pour objet "Premier entretien au chômage: on fait connaissance…et surtout on lâche rien!" sur sa chaine "X_____ – canal info officiel" à laquelle 15'134 personnes sont abonnées. L'enregistrement a été visualisé par 2'400 personnes.

 

Lors de cet entretien, les deux parties se sont exprimées, en particulier la plaignante. Il importe peu que ce soit le cas de manière minoritaire en proportion de la durée totale de l'enregistrement, vu qu'au moment de commencer l'enregistrement, la prévenue ignorait ce que la plaignante allait dire. De plus, la teneur des propos exprimés, ainsi que le fait que la plaignante ne soit pas physiquement identifiable sur l'enregistrement ne sont pas pertinents; seule l'existence d'une conversation l'étant au regard du texte légal.

Cette conversation n'était pas publique. Il s'agissait du premier entretien de conseil de la prévenue, dans les locaux de l'OCE. La plaignante se trouvait dans l'exercice de son travail. Toutes deux avaient ainsi l'expectative que la conversation demeurerait privée.

A aucun moment, la prévenue a informé la plaignante au préalable que leur entretien était enregistré, laquelle n'était par conséquent pas en mesure d'y consentir. A cet égard, le Tribunal considère qu'il n'existe aucun consentement tacite ou implicite à être enregistré de la part de la plaignante qui a constaté que la prévenue avait posé son téléphone portable sur la table, puis l'avait manipulé après quelques minutes de discussion. Au moment des faits, la manipulation du téléphone était un geste banal et pouvait concerner une activité autre qu'un enregistrement (consultation des appels, des messages reçus, des courriels ou du calendrier). En définitive, la plaignante n'a pas consenti à l'enregistrement de la conversation, ni à ce que celle-ci soit diffusée.

Ainsi, les éléments constitutifs objectifs de l'art. 179ter al. 1 CP sont réalisés, indépendamment des buts visés par le législateur lors de l'élaboration de cette disposition, tel que plaidé par la défense.

Sur le plan subjectif, la plaignante a admis avoir enregistré la conversation à dessein, dans les buts de se protéger d'une défaillance de I_____, ainsi que journalistique, sans l'aval de la plaignante. Elle ne saurait se prévaloir de son ignorance de la loi, car en cas de doute il lui appartenait de prendre toutes les dispositions et précautions nécessaires à cet égard, l'interdiction d'enregistrer une conversation privée étant notoire.

Partant, l'infraction à l'art. 179ter al. 1 CP est incontestablement réalisée.

2.        2.1.1. Il y a lieu néanmoins lieu d'examiner s'il existe un fait justificatif, tel que celui allégué par la prévenue.

Les faits justificatifs des articles 14 à 18 du Code pénal peuvent entrer en ligne de compte (HENZELIN/MASSROURI, op. cit., N. 21 ad art. 179ter CP). L'art. 14 CP dispose que celui qui agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du code pénal ou d'une autre loi. La licéité de l'acte est, en tous les cas, subordonnée à la condition qu'il soit proportionné à son but (ATF 107 IV 84 consid. 4; arrêts 6B_507/2017 du 8 septembre 2017 consid. 3.4; 6B_271/2016 du 22 août 2016 consid. 2.2).

Le juge peut ainsi tenir compte de la mission particulière de la presse, garantie par l'art. 17 de la Constitution fédérale lorsque la loi le lui permet, ce qui est le cas en présence de motifs suffisants d'intérêt public, à condition qu'ait été respecté le devoir de vérification des informations.

L'acte doit demeurer dans le cadre de ce qui est nécessaire à l'accomplissement du devoir invoqué et respecter le principe de proportionnalité. Ainsi pour être justifié, l'acte illicite devra apparaitre comme le seul moyen disponible - ultima ratio - pour obtenir des informations qui sont réellement de première importance pour le public et qui ne peuvent être obtenues ou diffusées d'une autre manière (ATF 127 IV 166, SJ 2001 I 612).

2.1.2. Pour admettre le fait justificatif, il convient d'examiner la question sur la base de l'arrêt HALDIMANN et autres contre la Suisse (requête n° 21830/09), notamment du 24 février 2015, mettant en balance les art. 8 et 10 CEDH. Dans ledit arrêt, la Cour EDH s'est penchée sur l'émission "Kassensturz" impliquant quatre journalistes de la télévision suisse alémanique ayant utilisé des caméras cachées pour enregistrer un entretien entre un client et un courtier en assurance dans le cadre d'une enquête journalistique sur les pratiques dans le domaine de la vente des produits d'assurance-vie. Les images ont été diffusées après que le visage et la voix du courtier aient été masqués de manière à ce qu'il ne soit pas reconnaissable.

D'après la Cour EDH, malgré le rôle essentiel que jouent les médias dans une société démocratique, les journalistes ne peuvent en principe être déliés, par la protection que leur offre l'art. 10 CEDH, de leur devoir de respecter les lois pénales de droit commun. L'art. 10 § 2 CEDH limite la liberté d'expression, même lorsqu'il s'agit de rendre compte dans la presse de questions sérieuses d'intérêt public (§47).

Par ailleurs, il convient de garantir un juste équilibre dans la protection d'une part de la liberté d'expression garantie à l'art. 10 CEDH et, d'autre part, du droit au respect de la vie privée garantie à l'art. 8 CEDH (§48).

La Cour européenne a ainsi mis en évidence plusieurs critères pour analyser le respect de l'équilibre entre la liberté d'expression et le droit au respect de la vie privée: (1) la contribution à un débat d'intérêt public; (2) la notoriété de la personne visée et l'objet du reportage; (3) le comportement antérieur de la personne concernée; (4) le mode d'obtention des informations et leur véracité; (5) le contenu, la forme et les répercussions de la publication; (6) la gravité de la sanction imposée (§50; cf. également Axel Springer AG c. Allemagne, requête n°39954/08 du 7 février 2012). Par "contribution à un débat public", la Cour EDH considère que seule importe la question de savoir si le reportage dans le cas d'espèce était susceptible de contribuer au débat d'intérêt public et non celle de savoir s'il avait pleinement atteint cet objectif (§57).

2.2. En l'espèce, le Tribunal peine à déceler un quelconque intérêt public à enregistrer un banal entretien de conseil auprès de l'OCE. Cet entretien était en effet la conséquence ordinaire du licenciement de la prévenue.

Si les motifs et le fondement de ce licenciement pouvaient potentiellement être considérés par la prévenue comme d'intérêt public, au vu des positions exprimées par cette dernière, tel n'est en tout état pas le cas de l'inscription au chômage qui s'en est suivi.

Surtout, le Tribunal exclut que la prévenue puisse agir en qualité de journaliste des faits qui la concernent directement à titre personnel.

Il n'y a journalisme qu'en cas d'indépendance des médias. Ainsi, le motif justificatif plaidé ne trouve pas application dans le cas d'espèce.

Par conséquent, la prévenue sera déclarée coupable d'enregistrement non autorisé de conversations (art. 179ter al. 1 CP).

Peine

3.        3.1. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP).

3.2. La faute de la prévenue n'est pas négligeable. Elle s'en est pris au domaine privé d'autrui.

La prévenue a agi pour la défense de ses intérêts personnels, sans considération des dispositions pénales; l'intérêt public étant exclu.

Sa collaboration peut être qualifiée de bonne, la prévenue ayant pleinement coopéré à l'enquête.

Il en est de même de la prise de conscience, compte tenu du fait que l'enregistrement litigieux a été retiré moins de 24 heures après sa publication et que des excuses écrites ont rapidement été présentées à la plaignante.

L'absence d'antécédent est un facteur neutre sur la fixation de la peine.

Pour l'ensemble de ces motifs, une peine pécuniaire de 30 jours-amende semble appropriée. Le montant du jour-amende sera fixé conformément à la situation personnelle de la prévenue, soit à CHF 50.-.

Le pronostic n'étant pas défavorable, le sursis sera octroyé (art. 42 al. 1 CP) et un délai d'épreuve de 2 ans sera fixé (art. 44 al. 1 CP).

L'ensemble de ces circonstances, notamment la collaboration et la prise de conscience, ne justifient pas de prononcer une amende à titre de sanction immédiate.

Indemnités et frais de procédure

4.        Vu le verdict de culpabilité, les frais de procédure en CHF 1'008.- seront mis à la charge de la prévenue qui sera déboutée de ses prétentions en indemnités (art. 426 al. 1 CPP et 429 CPP).

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 21 décembre 2022 et l'opposition formée contre celle-ci par X_____ le 23 décembre 2022.

et statuant à nouveau et contradictoirement :

Déclare X_____ coupable d'enregistrement non autorisé de conversations (art. 179ter al. 1 CP).

Condamne X_____ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met X_____ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X_____ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne X_____ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'008.- (art. 426 al. 1 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de X_____ (art. 429 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

Le Greffier

Aurélien GEINOZ

Le Président

Alexandre BÖHLER

 

 

Vu le jugement du 27 octobre 2023;

Vu l'annonce d'appel de X_____ formée à l'audience de jugement;

Considérant que selon l'art. 9 al. 2 RTFMP, l'émolument de jugement fixé est en principe triplé pour les parties privées en cas d'appel;

Qu'il se justifie, partant, de mettre à la charge de X_____ un émolument complémentaire.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de X_____.

 

Le Greffier

Aurélien GEINOZ

Le Président

Alexandre BÖHLER

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

570.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

60.00

Frais postaux (convocation)

CHF

21.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1'008.00

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

600.00

==========

Total des frais

CHF

1'608.00

 

 

 

 

 

 

 

NOTIFICATION: Ministère public, X_____ (soit pour elle Me H______) et A_____ (art. 87 al. 3 CPP).