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Décisions | Tribunal pénal

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P/1237/2021

JTDP/1302/2023 du 11.10.2023 sur OPMP/4169/2023 ( OPOP ) , JUGE

Normes : LCR.90
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 22


11 octobre 2023

 

 

MINISTÈRE PUBLIC

 

contre

 

Monsieur X______, né le ______ 1991, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me Thomas BARTH


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à ce que X______ soit reconnu coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR) et à ce qu'il soit condamné à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 200.- avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans, à une amende à titre de sanction immédiate de CHF 4'800.- et à ce qu'il soit condamné aux frais de la procédure. Il conclut au rejet des conclusions en indemnisation déposées.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement, à ce qu'il soit fait bon accueil aux conclusions en indemnisation déposées et à ce que les frais de procédure soient laissés à la charge de l'Etat. Subsidiairement, il conclut au prononcé d'une amende n'excédant pas CHF 600.- et à ce qu'1/4 des frais de procédure soit mis à sa charge, le solde étant mis à la charge de l'Etat, la même proportion s'appliquant à sa demande en indemnisation.

*****

Vu l'opposition formée le 16 mai 2023 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 12 mai 2023;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 3 août 2023;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

EN FAIT

A.    Par ordonnance pénale du 12 mai 2023 valant acte d'accusation, il est reproché à X______ des violations graves des règles de circulation routière, au sens de l'art. 90 al. 2 LCR, pour avoir, à Genève, le 26 décembre 2019 vers 6h20, en sa qualité de policier, lors d'une course poursuite impliquant un véhicule conduit par A______:

- franchi le carrefour entre la rue François-Versonnex et la rue des Eaux-Vives à une vitesse comprise entre 91.7 et 100.2 km/h, soit un dépassement compris entre 27.7 et 36.2 km/h (marge de sécurité déduite), la vitesse maximale autorisée étant de 50 km/h;

- franchi le carrefour entre l'avenue Pictet-de-Rochemont et la place de Jargonnant à une vitesse de 113.2 km/h, soit un dépassement de 49.2 km (marge de sécurité déduite), la vitesse maximale autorisée étant de 50 km/h;

- roulé, à la hauteur de la route de Chêne n° 46-48 à une vitesse de 113.2 km/h, soit un dépassement de 49.2 km/h (marge de sécurité déduite), la vitesse maximale autorisée étant de 50 km/h;

étant précisé que le poursuivi a percuté deux voitures durant la course-poursuite et qu'au terme de celle-ci, il a perdu la maîtrise de son véhicule et a terminé sa fuite à la hauteur du n°5 de la rue de Chêne-Bougeries.

B.     Les éléments pertinents suivant ressortent du dossier.

Procédure à l'encontre d'A______

a.a. Selon un rapport d'arrestation du 26 décembre 2019, à cette même date, une patrouille avait été interpellée à la rue Charles-Cusin par un individu pointant du doigt un véhicule circulant vite et à contresens. Lorsque la patrouille avait enclenché les feux bleus, la voiture avait pris la fuite. Le fugitif avait finalement été immobilisé à la rue de Chêne-Bougeries 5. Le conducteur, A______, avait pris la fuite à pied avant d'être interpellé, de même que sa passagère, B______. Celui-ci s'était prêté à un éthylotest avec un résultat de 0.71 mg/l.

a.b. Le 26 décembre 2019, A______ a été entendu par la police en qualité de prévenu. Il a reconnu l'ensemble des faits reprochés, soit d'avoir voulu se soustraire au contrôle de police en prenant la fuite d'abord en voiture, puis à pied. Il n'était pas titulaire du permis de conduire et avait paniqué en voyant les feux bleus. Il a également reconnu avoir conduit en état d'ébriété. Le véhicule appartenait à un ami. Il ne se rappelait pas comment il en avait obtenu les clés. Il a enfin reconnu avoir empêché l'accomplissement d'un acte officiel et avoir commis l'ensemble des infractions à la circulation routière reprochées.

a.c. Le même jour, B______ a été entendue par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Elle a déclaré, en substance, qu'alors qu'elle se trouvait en voiture en compagnie d'A______, ce dernier avait accéléré en voyant les feux bleus de la police. Il ne voulait pas s'arrêter. Elle lui avait demandé à plusieurs reprises de s'arrêter et de la laisser descendre du véhicule, ce à quoi il avait répondu "je suis mort si je me fais arrêter". Il tapait sur les trottoirs et avait même crevé un pneu. Elle avait été soulagée d'être interpellée par la police et que la course s'arrête.

a.d. Les deux conducteurs des véhicules accidentés lors de la course-poursuite, C______ et D______, ont également été entendus par la police en qualité de personnes appelées à donner des renseignements. Tous deux ont, en substance, déclaré ne pas avoir été blessés mais avoir eu peur. Le premier a précisé que la personne qui conduisait le véhicule qui l'a percuté devait être folle, sa conduite étant extrêmement dangereuse.

a.e. E______, propriétaire du véhicule, a déposé plainte en date du 28 décembre 2019 pour le vol de son véhicule dans la nuit du 25 au 26 décembre 2019. Sa voiture contenait une sacoche avec tous ses papiers. Une de ses connaissances avait obtenu les clés de sa voiture et était parti avec, sans son autorisation.

a.f. Selon le rapport d'expertise toxicologique du 5 février 2020, A______ présentait au moment des faits une concentration de 2.9 µg/l de THC dans le sang ainsi qu'une concentration d'éthanol entre 2.01 et 2.96 g/kg.

Rapport de renseignement de la police-secours du 18 février 2020

b. Selon le rapport de renseignements de la police-secours du 18 février 2020, établi par X______, le 26 décembre 2019, vers 6h20 à la rue Charles-Cusin, ses collègues, F______ et G______, et lui-même avaient été hélés par un piéton, lequel désignait un véhicule en indiquant que celui-ci circulait rapidement et à contresens. De l'habitacle de l'automobile s'échappait une forte musique. Afin de procéder au contrôle des deux occupants, les policiers avaient enclenché les feux bleus ainsi que le "stop police". Malgré ces signaux, le conducteur avait démarré et emprunté la rue Sismondi en direction de la rue Pellegrino-Rossi. Voyant que le conducteur ne s'arrêtait pas, les policiers avaient enclenché la sirène. Le conducteur, lequel circulait à une vitesse inadaptée, avait provoqué deux accidents avec des usagers de la route et commis de nombreuses infractions aux règles de la circulation routière (franchissement d'une double ligne de sécurité, trois changements de direction, dépassement par la droite, omission de respecter la signalisation lumineuse, omission de respecter une distance latérale suffisante, circulation sur la voie de gauche ainsi que sur une voie réservée aux trams). Il avait par la suite été interpellé. L'éthylotest auquel il avait été soumis s'était révélé positif. Des contrôles subséquents avaient établi que le conducteur, A______, n'était pas titulaire d'un permis de conduire.

Enquête préliminaire

c.a. Le 20 novembre 2020, G______ a été entendu par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Lors de la course poursuite, il était passager arrière gauche du véhicule de service. Ce jour-là, F______, X______ et lui étaient en patrouille.

Un quidam les avait hélés pour leur indiquer qu'un véhicule à l'arrêt au milieu de la chaussée circulait dangereusement et avait commis plusieurs incivilités routières, notamment en mettant de la musique fortement, en roulant dangereusement et en empruntant des rues à contre-sens. Le feu bleu avait alors été enclenché en vue d'un contrôle. Le conducteur dudit véhicule avait redémarré gentiment et s'était engagé à la rue Alfred-Vincent à contre-sens en direction des quais mais avait ensuite accéléré fortement. Les policiers avaient compris que le chauffeur voulait se soustraire au contrôle. Il y avait passablement de piétons dans la rue, ce qui ne l'avait pas empêché de circuler à vive allure. Il mettait visiblement la vie de badauds en danger. La décision de démarrer une course poursuite s'était prise naturellement, vu la fuite du chauffard. F______ avait très vite annoncé sur les ondes que le véhicule prenait la fuite. G______ se souvenait qu'il y avait une forte circulation sur le parcours. Le véhicule fuyard prenait tous les risques pour leur échapper. Il se rappelait avoir franchi des carrefours alors que les feux de signalisation étaient au rouge. Au niveau du carrefour situé au quai du Mont-Blanc, F______ avait annoncé au chauffeur ce qui venait depuis la droite. Il ne se souvenait pas si le conducteur avait ralenti, mais il l'avait fait au bout du pont du Mont-Blanc, puisque le flux de circulation y était important. X______ était déterminé à rattraper le fuyard quand bien même il prenait des risques. La prise de risque de X______ n'était toutefois pas excessive car il annonçait constamment à la CECAL où il se trouvait, notamment en franchissant des carrefours à la phase rouge et à une vitesse élevée.

Il n'avait pas eu peur car la conduite de X______ était sûre. Une année après les faits, il pensait néanmoins que s'il avait été le conducteur, il aurait laissé partir le fuyard. Il ne connaissait pas les raisons pour lesquelles le poursuivi avait pris la fuite, mais il avait imaginé que la fuite était liée à des infractions à la loi sur la circulation routière. Il n'avait pas entendu dire que le véhicule devait être impliqué dans des faits plus graves.

Sur la route de Chêne, le véhicule de service roulait sur les voies du tram alors que le fuyard circulait à leur droite. Une fois le véhicule poursuivi immobilisée, X______ en avait poursuivi le conducteur en courant.

c.b. Le 7 décembre 2020, F______ a été entendu par la police en qualité de personne appelée à donner des renseignements. Il a, en substance, déclaré qu'alors qu'ils étaient en patrouille motorisée, un individu leur avait annoncé qu'un véhicule circulait dangereusement dans le quartier des Pâquis. Au vu de la situation, ils avaient décidé de contrôler le chauffeur et avaient enclenché les feux bleus. Celui-ci avait démarré gentiment avant d'accélérer fortement en direction de la rue Dr-Alfred-Vincent. Il avait alors tenté de leur échapper en accélérant à nouveau. Ils avaient donc enclenché la sirène pour le prendre en chasse, comprenant qu'il ne comptait pas s'arrêter.

Ils ne savaient pas exactement pour quelle raison l'intéressé prenait la fuite, mais suspectaient un problème lié à la LCR. Il n'y avait quasiment personne sur la route lors de leur course-poursuite. Le temps était sec, il faisait nuit et il n'y avait pas de problème de verglas.

F______ s'occupait d'informer le CECAL de la situation et annonçait à X______ d'éventuels obstacles provenant de sa droite. Il avait annoncé très rapidement à la radio l'immatriculation du véhicule pris en chasse.

F______ ne s'était jamais senti en danger durant cette course-poursuite et pensait n'avoir mis personne en danger. X______ gardait ses distances avec le fuyard, était concentré sur le route et n'avait pas lu le compteur de vitesse. Il ne roulait pas excessivement vite. L'ensemble de la patrouille était déterminé à interpeller le fuyard. Durant cette poursuite, des carrefours avaient été franchis sans que X______ ne freine. S'il ne freinait pas, c'est parce qu'F______ annonçait que le carrefour était libre de tout danger. A______ avait été interpellé, de même que B______. Selon F______, la course était justifiée et il l'aurait refaite sans hésitation.

c.c. Le 18 décembre 2020, X______ a été entendu par la police en qualité de prévenu. Il a déclaré, en substance, qu'il avait décidé de contrôler l'automobiliste après qu'un quidam le leur avait désigné. Il avait actionné les feux bleus et la bande led "Stop police". L'automobiliste avait redémarré et il avait alors actionné la sirène. Il ne se rappelait plus s'il y avait beaucoup d'automobilistes le jour des faits. Le temps était sec. La course urgente avait été décidé naturellement, sans concertation particulière. Il était déterminé à interpeller l'automobiliste.

Il n'avait rien à dire par rapport aux vitesses reprochées. Il avait roulé avec prudence tout le long de la course-poursuite. S'il avait franchi les carrefours au rouge et à des vitesses élevées, c'était avec toute la prudence nécessaire et l'appui de son copilote. Il connaissait parfaitement le parcours. Il ne savait pas pour quelle raison l'automobiliste prenait la fuite mais étant donné qu'il voulait se soustraire à son contrôle, il avait estimé qu'il avait forcément quelque chose à se reprocher.

c.d. Selon le rapport de l'Inspection générale des services (IGS) du 11 janvier 2021, le 26 décembre 2019 vers 6h20, la patrouille 1______ du poste de police des Pâquis, soit une ______ sérigraphiée, immatriculée GE 2______, composée des policiers X______ (conducteur), F______ (passager avant) et G______ (passage arrière), s'était engagée dans une course-poursuite qui avait commencé à la rue Charles-Cusin et s'était terminée par l'embardée du véhicule poursuivi à la rue de Chêne-Bougeries 5. B______ et A______ étaient occupants dudit véhicule. Ce dernier avait tenté de prendre la fuite à la suite de l'accident mais avait été rattrapé et interpellé par X______ à pied. Le véhicule de police n'avait eu aucun accident à l'exception de quelques légères griffures sur le pare-chocs avant gauche occasionnées au moment de l'interpellation, alors que le véhicule, quitté précipitamment, avait été laissé sur "Drive".

c.e. Les données de l'enregistreur numérique RAG équipant le véhicule de patrouille indiquent que X______ a notamment circulé:

- entre 91.7 et 100.2 km/h à la phase rouge du carrefour rue François-Versonnex / rue des Eaux-Vives en direction de Chêne-Bougeries alors que la vitesse était limitée à 50 km/h;

- à une vitesse maximale de 113.2 km/h à la phase rouge du carrefour situé à l'avenue Pictet-de-Rochemont / rue Jargonnant en direction de Chêne-Bougeries alors que la vitesse était limitée à 50 km/h;

- à une vitesse maximale de 113.2 km/h sur la route de Chêne à la hauteur du n° 46-48 en direction de la rue de Chêne-Bougeries alors que la vitesse était limitée à 50 km/h.

Selon les remarques de l'IGS, les carrefours avaient tous été franchis excessivement vite.

Il ressort également de ces données que la course poursuite a duré de 6h21:08 à 6h24:50, soit env. 3m30 et qu'indépendamment des deux pointes de vitesse susmentionnées à 113.2 km/h, marge de sécurité non déduite, le véhicule de police a dépassé plusieurs fois la vitesse de 100 km/h, marge de sécurité non déduite, sur une distance totale d'environ 730 mètres et pendant environ 28 secondes:

-          p.23: environ 90 mètres et 3 secondes (3398.2, 6:21:44:5, 3307.85 6:21:47:7)

-          p.31: env. 120 m., 4 sec. (2845.04, 6:22:07:4 à 2718.31 6:22:11:8)

-          p.35: env. 80 m., 3 sec. (2613.63, 6:22:15:8 à 2535.09 6:22:18.7)

-          p.37: env. 160 m., 6 sec. (2482.50, 6:22:20:5 à 2316.11 6:22:26:1)

-          p.45: env. 100 m., 4 sec. (1931.54, 6:22:42:6 à 1834.57 6:22:46)

-          p.49: env. 250 m., 7,5 sec. (1663.77, 6:22:52:5 à 1414.73 6:23:00:9)

-          p.63: env. 20 m., 0.5 sec. (722.72, 6:23:30:1 à 701.79, 6:23:30.8)

c.f. Les images de vidéosurveillance, reconstituées par la brigade de la criminalité informatique, ont été versées à la procédure. Plusieurs séquences de la course-poursuite y sont visibles, dont il ressort qu'A______ a commis de nombreuses infractions aux règles de circulation routière. Il en ressort également que le véhicule de patrouille a circulé dès 6h20 avec les feux bleus enclenchés puis, dès 6h21 également avec la sirène activée.

Procédure par-devant le Ministère public

e.a. Entendu au Ministère public le 6 mai 2021, X______ a confirmé ses déclarations faites à la police en date du 18 décembre 2020.

Le jour des faits, il avait pris son service à 6h00. Avec ses collègues F______ et G______, ils étaient partis en patrouille motorisée. Un piéton leur avait alors désigné une voiture arrêtée à hauteur de la rue Charles-Cusin, qui avait, selon lui, une conduite dangereuse et emprunté plusieurs rues à contre-sens. X______, conducteur, s'était alors rapproché dudit véhicule et s'était positionné juste derrière. Il avait enclenché le feu bleu ainsi que la bande LED "stop police". L'automobile avait alors démarré et circulé, d'abord lentement et s'était engagé dans le rue Alfred-Vincent, à contre-sens et avait pris de la vitesse. X______ avait enclenché la sirène environ au moment d'entrer sur la rue Rossi. F______ avait alors contacté la CECAL.

Le motif de la course poursuite était un simple refus d'obtempérer. X______ ignorait ce qu'il y avait dans le véhicule et ne détenait aucune information à ce sujet. Son but était de l'interpeller car si l'automobiliste ne s'arrêtait pas, c'est qu'il avait quelque chose à se reprocher.

Sur le quai puis le pont du Mont-Blanc, l'automobiliste avait roulé de plus en plus vite. X______ ne se souvenait pas s'il zigzaguait ou changeait de voie. S'agissant du trafic, il avait dit à l'IGS qu'il ne s'en souvenait plus, mais avait appris par la suite qu'il y en avait effectivement. Il n'avait pas le souvenir d'avoir ralenti en franchissant les carrefours mais avait pris les précautions d'usage, en vérifiant s'il y avait d'autres véhicules. F______ s'en assurait également.

Il espérait que l'automobiliste se sente acculé et s'arrête. Il avait tenté de se mettre à sa hauteur mais ne savait plus s'il y était parvenu. À un moment donné, sur la route de Chêne, le véhicule était parti en embardée. Il avait traversé toute la chaussée de droite à gauche, y compris les voies de tram, pour finir sur le trottoir en face. Ils s'étaient arrêtés à côté, étaient sortis du véhicule lorsque l'automobiliste était parti en courant.

Il n'avait pas envisagé d'abandonner la course et ne regardait pas la vitesse au compteur.

e.c. Le 2 juin 2022, X______ a à nouveau été entendu par le Ministère public en qualité de prévenu. A cette occasion, les images de la course-poursuite ont été visionnées. Il n'avait pas grand-chose à dire sur la manière dont il avait franchi le carrefour de la rue Versonnex. Il n'avait pas ralenti et avait franchi le carrefour suivant à la phase rouge.

i. Les données du tachymètre RAG ont été versées à la procédure. Celles-ci retracent avec précision la distance parcourue et la vitesse du véhicule conduit par X______ entre 5h37 et 7h53 le 26 décembre 2019. Plusieurs pointes excédant 100 km/h y figurent, atteignant un total 28 secondes et 730 mètres parcourus à plus de 100 km/h.

C.    A l'audience de jugement du 11 octobre 2023, X______ a reconnu avoir procédé à la course-poursuite et atteint les vitesses ressortant de l'ordonnance pénale. Sur le moment, il n'avait pas fixé de limites à la poursuite. Il ne pouvait pas dire dans quel cas il aurait pu y mettre fin mais considérait qu'il avait fait son travail et que, pour lui, la mission était réussie comme telle. Son objectif, sur le moment, était d'interpeller l'individu. Avec le recul, il pensait avoir fait juste car la personne avait été interpellée et qu'il n'y avait pas eu d'accident provoqué par sa faute. Si la situation se présentait à nouveau, il referait la même chose, tout en limitant sa vitesse à 1.5 fois la vitesse autorisée afin d'éviter les problèmes. Vu la vitesse enregistrée, il estimait avec le recul ne pas avoir respecté les règles sur les courses urgentes mais lors de course-poursuite, il n'avait pas les yeux rivés sur le compteur de vitesse. Sur le moment, il pensait respecter ces conditions.

Il était presque 6h30 du matin et il n'y avait pas beaucoup de piétons, même aux Pâquis. Il y avait du trafic sur le pont du Mont-Blanc sans que cela soit excessif. La circulation était fluide.

Ils ignoraient qui était dans la voiture, ce qu'elle transportait et qu'elle était la dangerosité du fuyard. Dans l'absolu, il n'avait aucune idée des infractions qui pouvaient être reprochées à celui-ci mais il y avait en tous cas le refus d'obtempérer. Ses suspicions portaient alors sur des problèmes d'alcool, drogue, vol, permis ou possession de quelque chose d'illégal. Il ne prétendait pas qu'une vie humaine était menacée ou qu'il remplissait les conditions de l'ordre général de service du MP pour rouler au double de la vitesse autorisée.

Il admettait qu'au vu des circonstances, il n'était pas proportionné de rouler à cette vitesse dans un carrefour à la phase rouge. Sur le moment, il n'avait pas pensé au fait que s'il avait abandonné la course, le véhicule aurait probablement réduit sa vitesse.

D.    X______, de nationalité suisse, est né le ______ 1991. Il est célibataire, vit en concubinage et n'a pas d'enfants. Il exerce la profession de policier et perçois un salaire mensuel net de CHF 8'500.-. Il a été nommé appointé en ______ et travaille à la ______. Il n'a ni dettes ni fortune. Ses charges s'élèvent CHF 2'073.- de loyer, pris en charge par moitié par sa compagne, CHF 1'900.- d'acompte mensuel d'impôt et CHF 900.- d'autres dépenses.

Selon l'extrait de casier judiciaire suisse, X______ n'a pas d'antécédents.

 

EN DROIT

Culpabilité

1.        1.1.1. Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Néanmoins, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il convient ainsi d'appliquer, en principe, la loi en vigueur au moment de la commission de l'acte, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.

1.1.2. En l'espèce, les infractions retenues dans l'ordonnance du Ministère public se sont déroulées avant l'entrée en vigueur de la révision de la loi fédérale sur la circulation routière au 1er octobre 2023.

Selon l'ancien droit en vigueur au moment des faits, l'art. 100 ch. 4 3ème phrase prévoyait que la peine pouvait être atténuée lorsque le conducteur n'avait pas fait preuve de la prudence imposée par les circonstances ou s'il n'avait pas donné les signaux d'avertissement nécessaires lors d'une cours officielle urgente. Dans sa nouvelle teneur, l'art. 100 ch. 4 3ème phrase prévoit dorénavant une obligation d'atténuation de peine dans ces cas-là, bien que l'auteur demeure punissable.

Le Tribunal fera donc application du nouveau droit, dans la mesure où celui-ci est plus favorable au prévenu.

2.        2.1.1. A teneur de l'art. 90 al. 2 LCR, celui qui, par une violation grave d'une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque est puni d'une peine privative de liberté de trois ans ou d'une peine pécuniaire.

D'un point de vue objectif, la violation grave d'une règle de circulation au sens de l'art. 90 al. 2 LCR suppose que l'auteur ait mis sérieusement en danger la sécurité du trafic. Il y a création d'un danger sérieux pour la sécurité d'autrui non seulement en cas de mise en danger concrète, mais déjà en cas de mise en danger abstraite accrue. Subjectivement, l'état de fait de l'art. 90 al. 2 LCR exige, selon la jurisprudence, un comportement sans scrupules ou gravement contraire aux règles de la circulation, c'est-à-dire une faute grave et, en cas d'acte commis par négligence, à tout le moins une négligence grossière. Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence a établi que l'élément objectif et subjectif du cas grave au sens de l'art. 90 al. 2 LCR est en principe réalisé, sans égard aux circonstances concrètes, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités (ATF 143 IV 508 consid. 1.3 in SJ 2018 I 277; 132 II 234 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_973/2020 du 25 février 2021 consid. 2.1).

21.2. L'art. 34 al. 1 LCR, 1ère phrase prévoit que la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité.

La vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre 50 km/h dans les localités, lorsque les conditions de la route, de la circulation et de visibilité sont favorables (art. 30 al. 2 LCR et art. 4a al. 1 let. a de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière [OCR]).

Le dépassement de vitesse est réputé grave au sens de l'art. 90 al. 2 LCR, sans égard aux circonstances concrètes, s'il est égal ou supérieur à 25 km/h à l'intérieur des localités (ATF 143 IV 508 consid. 1.3).

2.1.3. Dans sa nouvelle teneur, l'art. 100 ch. 4 LCR énonce que si le conducteur d’un véhicule du service du feu, du service de santé, de la police ou de la douane enfreint les règles de la circulation ou des mesures spéciales relatives à la circulation lors d’une course officielle urgente ou nécessaire pour des raisons tactiques, il n’est pas punissable s’il fait preuve de la prudence imposée par les circonstances. Lors de courses officielles urgentes, le conducteur n’est pas punissable uniquement s’il a donné les signaux d’avertissement nécessaires; il n’est exceptionnellement pas nécessaire de donner ces signaux d’avertissement si ceux-ci compromettent l’accomplissement de la tâche légale. Si le conducteur n’a pas fait preuve de la prudence imposée par les circonstances ou s’il n’a pas donné les signaux d’avertissement nécessaires lors d’une course officielle urgente, il reste punissable, mais la peine doit être atténuée.

En cas d'excès de vitesse commis lors de courses officielles urgentes ou nécessaires pour des raisons tactiques, seule est prise en considération la différence par rapport à la vitesse qui aurait été appropriée pour l'intervention (art. 100 ch. 5 LCR).

Dans des cas d'excès de vitesse très importants commis par des particuliers qui invoquaient pour leur défense l'état de nécessité (art. 17 CP), même si le bien en péril est aussi précieux que la vie ou l'intégrité corporelle d'autrui, il est pratiquement exclu de justifier par un gain de quelques instants le risque d'accident mortel auquel les occupants du véhicule et les autres usagers de la route sont exposés en conséquence d'un excès de ce genre. Les signaux d'avertissement sonores et optiques d'un véhicule de la police circulant à vitesse très élevée ne sont que peu aptes à réduire le risque d'un accident parce qu'en raison de l'approche rapide de ce véhicule, les tiers exposés au danger ne jouissent que d'un temps réduit pour percevoir ces signaux, y réagir et adapter leur propre comportement. Un excès de vitesse très important ne se justifie donc pas davantage en cas de course urgente selon l'art. 100 ch. 4 LCR que dans le cas d'un déplacement exécuté en état de nécessité avec un véhicule privé (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1224/2019 du 24 janvier 2020 consid. 3.1 in SJ 2020 I 273; 6B_1102/2016 du 12 décembre 2017 consid. 6.1).

Le conducteur qui crée un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, en atteignant une vitesse largement supérieure à la limite autorisée, en pleine nuit et dans une zone d'habitation, ne peut pas prétendre à une impunité fondée sur l'art. 100 ch. 4 LCR. Le fait que l'excès de vitesse litigieux soit limité dans l'espace et le temps ne saurait non plus conduire à un autre résultat, étant observé que le danger créé est d'autant moins justifiable qu'il pouvait au mieux lui faire gagner quelques instants (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1224/2019 du 24 janvier 2020 consid. 2.5).

Le Tribunal fédéral a eu l'occasion d'expliquer, dans un ATF 6B_1224/2019 qu'une assistance apportée par un passager sécurisant visuellement le parcours n'était pas de nature à diminuer sensiblement le risque d'accident ou de perte de maîtrise du véhicule, puisque le passager - à supposer qu'il perçoive un danger qui aurait échappé au conducteur - doit lui signaler celui-ci avant que l'intéressé soit en mesure de réagir utilement. C'est à plus forte raison lorsque ledit passager n'est pas uniquement affairé à observer la route, mais tente aussi de joindre par radio la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme de la police.

2.1.4. L'Ordre de service de la police "Véhicules prioritaires-conduite en urgence" (OS PRS.07.09) définit, en son article 3, la notion d'urgence, laquelle doit être compris dans son sens le plus strict. Cette notion est réalisée pour sauver des vies humaines, écarter un danger pour la sécurité ou l'ordre public, préserver des choses de valeur importante ou poursuivre des fugitifs. L'article 6 de ce même ordre énonce en son paragraphe 2 qu'aux intersections, l'allure doit permettre de pouvoir s'arrêter si d'autres usagers de la route n'aperçoivent pas les signaux avertisseurs spéciaux ou ne s'y conforment pas. Le conducteur d'un véhicule prioritaire doit circuler avec la prudence imposée par les circonstances, sans exposer inutilement les tiers qu'il transporte aux dangers de la circulation (art. 6 § 5).

2.1.5. A teneur de la Notice d'utilisation des feux bleus et des avertisseurs à deux sons alternés du Département fédéral de l'Environnement, des Transports, de l'Energie et de la Communication du 6 juin 2005 (Notice du DETEC), sont réputées urgentes les courses qui, dans les cas graves, ont lieu pour permettre à la police d'intervenir aussi rapidement que possible, afin de sauver des vies humaines, d'écarter un danger pour la sécurité ou l'ordre public, de préserver des choses de valeur importante ou de poursuivre des fugitifs. La notion d'urgence doit être comprise dans le sens étroit. Ce qui est déterminant, c'est la mise en danger de biens juridiquement protégés, dont les dommages peuvent être considérablement aggravés par une petite perte de temps (ch. 1 §3).

Le fait d'avertir à temps les autres usagers de la route ne dispense pas le conducteur du véhicule prioritaire d'adapter sa conduite aux conditions de circulation du moment (ch. 3 §2). Le conducteur doit tenir compte du fait que quelques usagers de la route ne percevront peut-être pas ou pas suffisamment tôt les signaux avertisseurs spéciaux, ou qu'ils pourront réagir de façon inappropriée (ch. 3 §3).

La prudence particulière exigée explicitement par la LCR requiert du conducteur circulant dans une intersection qu'il ait des égards spéciaux envers les usagers de la route qui bénéficieraient de la priorité en fonction des règles générales de la circulation, des signaux de priorité ou des signaux lumineux et qui se fient à leur droit s'ils n'ont pas perçu les signaux avertisseurs spéciaux (art. 26 al. 2 LCR). Circuler dans une intersection bien que le signal lumineux ordonner l'arrêt et laisse la voie libre à d'autres usagers de la route exige une toute particulière prudence (ch. 4 §1).

2.1.6. L'ordre général du Ministère public concernant les courses officielles urgentes du 29 août 2019 répète que sont réputées courses officielles urgentes les courses qui, dans les cas graves, ont lieu pour permettre à la police d'intervenir aussi rapidement que possible afin de sauver des vies humaines, d'écarter un danger pour la sécurité ou l'ordre public, préserver des biens de valeur ou poursuivre des fugitifs. La notion d'urgence doit toutefois s'entendre au sens étroit. Sont déterminants la menace qui pèse sur des biens juridiques et le fait qu'une perte de temps, même minime, peut aggraver les dommages ou en augmenter le risque (ch. 2.1.1).

Le policier ne peut être mis au bénéfice de l'art. 100 ch. 4 LCR que s'il fait usage simultanément des deux avertisseurs spéciaux, soit les feux bleus et l'avertisseur à deux sons alternés, et qu'ils ont été enclenchés suffisamment tôt. La vitesse admissible étant régie par le principe de proportionnalité, doivent être mis en balance l'importance du bien juridique protégé dont la sauvegarde justifie la course officielle urgente, d'une part, et le risque créé pour les usagers de la route, d'autre part. La prudence a été respectée lorsque la vitesse n'excède pas 1.5 fois la limitation de vitesse. Exceptionnellement, lorsque la course officielle a pour but de sauver des vies humaines ou de poursuivre un fugitif suspecté d'avoir porté atteinte à la vie humaine, une vitesse atteignant deux fois la limitation peut être entreprise (points 2.1.2 et 2.1.4.1).

Une prudence particulière est exigée en cas de franchissement d'une intersection. Le conducteur doit rouler suffisamment lentement pour pouvoir s'arrêter à temps si d'autres conducteurs n'aperçoivent pas les signaux avertisseurs spéciaux ou ne s'y conforment pas (ch. 2.1.4.2).

2.1.7. Plusieurs arrêts genevois ont été rendus en matière de courses officielles urgentes impliquant des policiers, notamment les arrêts pertinents suivants:

Dans un arrêt AARP/91/2023 du 17 mars 2023, la Cour de justice de Genève a condamné un policier pour violation grave des règles de la circulation routière à une amende de CHF 600.-, pour avoir roulé à une vitesse entre 90 et 95 km/h sur 72 mètres et durant 2.5 secondes, alors de la vitesse limitée était de 50 km/h, lors d'une course-poursuite en plein centre-ville en milieu de journée sur une chaussée humide. Dite course-poursuite n'avait jamais eu pour objectif de sauver la vie de tiers et le poursuivi n'avait pas préalablement lésé ce bien juridique.

L'AARP/70/2022 du 22 mars 2022 dans lequel la Cour de justice a rappelé que l'ordre général du MP concernant les courses officielles urgentes, bien qu'étant une simple directive, était largement raisonnable lorsqu'il prévoyait qu'un policier pouvait circuler à deux fois la limite autorisée lorsqu'il s'agissait de sauver des vies humaines ou de poursuivre un fugitif suspecté d'avoir porté atteinte à la vie humaine. Les faits concernaient un policier ayant, sur une distance de 211 mètres, circulé à une vitesse allant jusqu'à 117.9 km/h (marge de sécurité déduite) sur un tronçon limité à 50 km/h. Le véhicule avait ainsi circulé à une vitesse supérieure à 114 km/h, marge de sécurité non déduite, durant 1.3 seconde. L'intéressé a été condamné à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 140.- le jour, pour infraction à l'art. 90 al. 3 LCR, la peine ayant été atténuée en application de l'art. 100 ch. 4 in fine LCR.

L'AARP/82/2022 du 30 mars 2022 traitait du cas d'un policier ayant commis un excès de 48.5 km/h (marge de sécurité déduite) sur un tronçon limité à 50km/h alors qu'il poursuivait un motard sur une distance de 261.71 mètres au-dessus de 100 km/h. Il a été reconnu coupable de violation grave des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 2 LCR et l'a condamné à une amende de CHF 400.-.

2.2.1. En l'espèce, il est admis et établi que, le 26 décembre 2019 aux alentours de 6h20, le prévenu a engagé une course-poursuite avec le véhicule conduit par A______, lors de laquelle il a, après avoir actionné les feux bleus et la sirène, largement dépassé les vitesses maximales autorisées, roulant à plus de 100 km/h, marge de sécurité non déduite, pendant au total environ 28 secondes et 730 mètres, et en particulier:

- en franchissant le carrefour entre la rue François-Versonnex et la rue des Eaux-Vives à une vitesse comprise entre 91.7 et 100.2 km/h, soit un dépassement compris entre 27.7 et 36.2 km/h (marge de sécurité déduite), la vitesse maximale autorisée étant de 50 km/h;

- en franchissant le carrefour entre l'avenue Pictet-de-Rochemont et la place de Jargonnant à une vitesse de 113.2 km/h, soit un dépassement de 49.2 km (marge de sécurité déduite), la vitesse maximale autorisée étant de 50 km/h;

- en ayant roulé, à la hauteur de la route de Chêne n° 46-48 à une vitesse de 113.2 km/h, soit un dépassement de 49.2 km/h (marge de sécurité déduite), la vitesse maximale autorisée étant de 50 km/h.

Ces excès de vitesses, commis notamment lors de franchissement de carrefours à la phase rouge, remplissent incontestablement les conditions objectives et subjectives d'infractions graves à la Loi sur la circulation routière au sens de l'art. 90 al.2 LCR. Subjectivement, le prévenu a agi consciemment et volontairement, mettant par-là en danger la sécurité d'autrui, ou à tout le moins en prenant le risque.

2.2.2. Il convient ensuite de déterminer si le prévenu peut bénéficier de l'application de l'art. 100 ch. 4 LCR.

Il est tout d'abord établi et non contesté que le prévenu a agi dans le cadre d'une course officielle urgente, visant à poursuivre un fuyard, et que les feux bleus et l'avertisseur à deux sons alternés étaient enclenchés pendant toute la durée de cette course.

L'objectif du prévenu était d'écarter un danger pour la sécurité publique en interpellant le fuyard, dont la conduite créait un danger pour les autres usagers de la route.

S'agissant du caractère proportionné de la course officielle urgente, le Tribunal souligne, à titre préalable, que la proportionnalité ne se réduit pas à la teneur formelle des règlements susmentionnés mais que ceux-ci fournissent une base de raisonnement, laquelle était connue du prévenu.

Il est certes humainement compréhensible que le prévenu ne se soit pas, sur le moment, consciemment posé la question de la proportionnalité de la course-poursuite, tant l'urgence et le stress rendent ardue une froide analyse en un bref laps de temps. Néanmoins, il ne pouvait en faire l'économie. Il appartient en effet à tout conducteur entamant puis poursuivant une course officielle urgente de s'assurer, tant au début que durant celle-ci, que les conditions en sont et demeurent remplies. Retenir le contraire reviendrait à dire que la mission serait toujours prioritaire peu importe les risques pris, ce qui serait parfaitement incompatible avec le critère de proportionnalité ancré à l'art. 100 ch. 4 LCR.

Au moment de débuter la course-poursuite, le prévenu savait uniquement que l'automobiliste visé par le contrôle avait mis de la musique à un volume trop élevé, circulé dangereusement en sens interdit et l'a vu se soustraire à son interpellation. Il n'avait toutefois aucune indication sur son éventuelle dangerosité. Durant la course-poursuite, il n'a pas davantage obtenu d'informations supplémentaires aggravant ses soupçons initiaux, en alimentant une éventuelle suspicion de délit grave ou de crime. En particulier, aucun élément ne lui a été communiqué pouvant lui faire suspecter la commission d'un crime ou d'un délit, et encore moins que le fugitif aurait pu attenter à la vie humaine ou que des vies humaines auraient pu être en jeu. Ceci est au demeurant admis par le prévenu, qui a constamment déclaré que le motif de la course-poursuite était un simple refus d'obtempérer.

Dans ces circonstances, le prévenu pouvait tout au plus suspecter des délits tels que conduite malgré une incapacité et violation de l’interdiction de conduire sous l’influence de l’alcool au sens de l'art. 91 LCR, entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire au sens de l'art. 91A LCR, empêchement d'accomplir un acte officiel au sens de l'art. 286 CP, voire conduite sans autorisation au sens de l'art. 95 LCR. Sans autres soupçons, il ne pouvait donc valablement se prévaloir de la pratique du Ministère public, formalisée dans son ordre général précité, consistant à considérer comme proportionné un dépassement du double de la vitesse lorsque la course officielle a pour but de sauver des vies humaines ou de poursuivre un fugitif suspecté d'avoir porté atteinte à la vie humaine.

Ainsi, en lien avec la théorie de la différence, le Tribunal retiendra qu'au début de la poursuite, et tenant compte des soupçons précités, le prévenu était fondé à entamer une course-poursuite pour appréhender le fuyard et dépasser pour ce faire la vitesse de l'ordre de 1.5 fois. Néanmoins, au vu de la tournure prise ensuite par la poursuite, impliquant le slalom de véhicules par le fuyard, des trajectoires absurdes, des heurts avec d'autres véhicules, la question de la proportionnalité devenait de plus en plus cruciale, tant la mise en danger inhérente à la continuation de la poursuite dans ces circonstances s'accroissait. Le prévenu ne pouvait ainsi se contenter d'accélérer davantage, augmentant le risque, mais devait bien constamment analyser la situation et, par conséquent, s'en tenir à la proportion précitée, même si cela signifiait de devoir abandonner la poursuite.

Certes, il ne peut être établi qu'en renonçant à la poursuite le fuyard aurait respecté pleinement les règles de circulation routière, ce qui est même tout à fait improbable. Il n'en demeure pas moins que continuer la course-poursuite tendait plutôt à augmenter le risque d'accident qu'à le diminuer. Si la vitesse du fuyard était susceptible de constituer des délits, voire des crimes, elle était du moins partiellement liée à celle de son poursuivant auquel il tentait d'échapper, de sorte que la poursuite elle-même contribuait à alimenter le danger combattu et que l'abandonner aurait permis de le réduire.

Le fait qu'aucun accident – impliquant le véhicule de police – ne soit survenu et que ses passagers ne se soient pas sentis en danger n'est pas déterminant pour apprécier la proportionnalité. En effet, celle-ci doit être appréciée ex ante, à un moment où l'on ignore si les risques pris vont ou non se traduire par un accident, et non pas ex post une fois que l'on connaît l'issue, en l'occurrence favorable, de la course-poursuite, étant rappelé qu'il n'est pas reproché au prévenu d'infraction de lésion, mais de mise en danger. L'absence de tout accident ne signifie ainsi pas que la course était proportionnée – tant une mise en danger, même élevée, peut très bien ne pas se concrétiser par un accident – mais pourra être prise en compte dans la peine. Raisonner différemment reviendrait pratiquement à faire dépendre la punissabilité d'un comportement du hasard d'une inattention d'un usager de la route se terminant par un accident.

Le Tribunal note qu'en l'occurrence, la vitesse atteinte par le prévenu frôle la limite de la violation fondamentale de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR. Elle doit de surcroit être appréciée au regard des circonstances concrètes, soit notamment du franchissement de carrefours à deux reprises à la phase rouge des feux de signalisation, alors que de tels lieux, particulièrement accidentogènes, imposent obligatoirement une réduction de la vitesse.

S'il est vrai que le passager avant du véhicule contrôlait la présence d'autres véhicules lors du franchissement des carrefours, précaution dont il sera tenu compte, celle-ci est tout à fait insuffisante, selon la jurisprudence précitée. En effet, elle n'aurait pas permis, en cas de problème, au véhicule de police lancé à près de 100 km/h de s'arrêter à temps, étant précisé que la distance de freinage à cette vitesse est de l'ordre de 100 mètres, soit davantage que la largeur d'un carrefour.

Partant, à la lumière des circonstances concrètes du cas d'espèce, la vitesse atteinte par le prévenu était disproportionnée. Le prévenu ne peut dès lors bénéficier de l'impunité prévue à l'art. 100 ch. 4 LCR.

Cela étant, le prévenu ayant bien agi dans le cadre d'une course officielle urgente, au vu de la fuite du véhicule et de la nécessité de le contrôler, il pourra bénéficier d'une atténuation de peine en application de l'art. 100 ch. 4 3ème phrase LCR cum 48a CP, comme cela sera ci-après exposé.

Peine

3.        3.1.1. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.1.2. Le juge qui atténue la peine n'est pas lié par le minimum légal de la peine prévue pour l'infraction (art. 48a al. 1 CP). Il peut prononcer une peine d'un genre différent de celui qui est prévu pour l'infraction mais il reste lié par le maximum et par le minimum légal de chaque genre de peine (art. 48a al. 2 CP).

3.1.3. Aux termes de l'art. 106 al. 1 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.-. Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au mois et de trois mois au plus (art. 106 al. 2 CP). Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (art. 106 al. 3 CP).

3.2. En l'espèce, la faute du prévenu est moyennement grave. Il a commis plusieurs excès de vitesse, lesquels forment un tout, dans la mesure où ils découlent d'une décision unique, celle de poursuivre le fuyard. Dans une zone limitée à 50 km/h, la vitesse atteinte a frôlé le seuil du délit de chauffard. La durée des excès de vitesse et la distance ainsi parcourue n'est pas négligeable, cette course-poursuite s'étant étendue de 6:21:08 à 6:24:50, soit sur environ 3 minutes 30 pendant lesquelles les véhicules ont traversé la ville de Genève. Le véhicule conduit par le prévenu a dépassé plusieurs fois les 100 km/h (marge de sécurité non déduite), pendant environ 28 secondes et 730 mètres, effectuant les trois pointes de vitesses spécifiquement décrites par l'ordonnance pénale, deux d'entre elles ayant lieu lors du franchissement d'un carrefour à la phase rouge.

S'agissant de la vitesse que le prévenu aurait dû respecter lors de sa course urgente, il est particulièrement périlleux de l'estimer, dès lors qu'il ne s'agit pas uniquement d'un excès de vitesse ponctuel mais d'une course-poursuite d'une durée non négligeable, présentant des variations notables de vitesse et de circonstances, que ce soit en termes de limitation de vitesse, de trafic présent, de configuration de la chaussée ou de signalisation.

Globalement, le Tribunal estime toutefois qu'au début de la poursuite, le prévenu aurait pu rouler à une vitesse de 1.5 fois la vitesse maximale autorisée, tout en faisant par ailleurs preuve de la prudence requise. Si malgré cette vitesse, il n'était pas parvenu pas à ses fins, il aurait dû alors abandonner la poursuite. Il ne pouvait toutefois pas s'abstenir de marquer un ralentissement dans les carrefours franchis à la phase rouge, de manière à pouvoir s'arrêter suffisamment tôt si un usager au bénéfice de la phase verte usait de son droit apparent sans repérer le véhicule de police.

Quant aux circonstances concrètes des faits, la course-poursuite a eu lieu en hiver, de nuit, tôt le matin un jour ouvrable, dans une tranche horaire où l'on est déjà susceptible de rencontrer du trafic de personnes se rendant par exemple au travail, mais qui présentait exceptionnellement moins d'affluence puisqu'il s'agissait du lendemain de Noël. Les images de vidéosurveillance montrent la présence de quelques véhicules, mais pas d'un trafic dense, de sorte qu'il sera retenu que la circulation était fluide.

Le mobile du prévenu est honorable, soit celui d'accomplir son travail de policier, ce qui est tout à son honneur, même si son comportement présente néanmoins un défaut de proportionnalité. Le prévenu n'a pas réfléchi sur le moment à la mise en danger qu'il causait par son propre comportement, alors qu'il aurait dû le faire et en tirer les conséquences qui s'imposaient.

Sa collaboration a été plutôt bonne, dès lors qu'il a reconnu les faits mais également, a posteriori, que son comportement n'avait pas été proportionné et qu'il conduirait moins vite s'il se trouvait à nouveau confronté à une situation similaire.

Sa prise de conscience semble amorcée.

Au vu de l'infraction retenue par le Tribunal, soit une violation de l'art. 90 al. 2 LCR, le prévenu est théoriquement passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Au vu de l'atténuation obligatoire de peine prévu par l'art. 100 al.4 LCR nouvelle teneur, il se justifie de faire usage de l'art. 48a CP et de réduire la peine en prononçant une amende en lieu et place d'une peine pécuniaire, type de peine apparaissant conforme à la jurisprudence, même si rendue sous l'empire de l'ancien art. 100 al.4 LCR. Du point de vue de la prévention spéciale, il n'apparait en effet pas nécessaire de prononcer une peine-pécuniaire – laquelle est susceptible d'impacter la situation professionnelle du prévenu – afin de le dissuader de récidiver, la procédure pénale en elle-même ayant déjà permis au prévenu de prendre conscience et de regretter de son excès.

Afin de fixer ladite amende, il sera tenu compte du fait qu'il n'est pas uniquement reproché au prévenu un excès de vitesse, mais plusieurs comportements dangereux, particulièrement le franchissement de carrefour à la phase rouge à grande vitesse, ce qui ne correspond pas aux cas visés par le barème du Procureur général pour le simple excès de vitesse.

Compte tenu des éléments qui précèdent, et en particulier de la durée de la poursuite, de la répétition des excès de vitesse et de leurs circonstances, une amende de CHF 1'500.- apparaît proportionnée à la faute commise et suffisante afin de réprimer le comportement du prévenu.

Indemnités et frais

4.        Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

En l'espèce, au vu de l'issue de la procédure, les conclusions en indemnisation déposées par le prévenu seront rejetées. Ce dernier n'a en effet pas obtenu d'acquittement, même partiel, mais une atténuation de peine, laquelle n'a pas d'incidence sur les indemnités au sens de la disposition précitée.

5.        Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné.

En l'espèce, au vu de l'issue condamnatoire de la procédure, les frais de procédure seront mis à la charge du prévenu. Il sera néanmoins tenu compte de l'atténuation de peine dont ce dernier a bénéficié. Les frais seront par conséquent réduits de CHF 1'059.- à CHF 800.-.

Vu l'annonce d'appel du prévenu à l'origine du présent jugement motivé, celui-ci sera condamné à un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- (art. 82 al. 2 let. b CPP et 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP; E 4.10.03]).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 12 mai 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 16 mai 2023.

et statuant à nouveau et contradictoirement :

Déclare X______ coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR).

Condamne X______ à une amende de CHF 1'500.- (art. 106 CP cum 100 ch.4 et 5 LCR et 48a CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 15 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'059.-, mais réduits à CHF 800.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Stéphanie OÑA

Le Président

Yves MAURER-CECCHINI

 

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de X______.

 

La Greffière

Stéphanie OÑA

Le Président

Yves MAURER-CECCHINI

 

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais de l'ordonnance pénale

CHF

650.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

1059.00, réduits à CHF 800.00

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

600.00

==========

Total des frais

CHF

1400.00

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

 

Notification à X______, soit pour lui son Conseil

par voie postale

Notification au Ministère public
par voie postale