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Décisions | Tribunal pénal

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P/13524/2017

JTDP/301/2023 du 13.03.2023 sur OPMP/2092/2022 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.305ter
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 21


13 mars 2023

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X______, né le ______1974, domicilié ______ St. Gallen, prévenu, assisté de Me A______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité pour les faits visés dans son ordonnance pénale, à ce que X______ soit condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis, délai d'épreuve fixé à 3 ans, à une amende de CHF 9'000.- et à la moitié des frais de la procédure.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à la constatation de l'illicéité des écoutes mises en œuvre et à ce qu'elles soient écartées de la procédure, à son acquittement de tous les chefs d'infraction, persiste dans ses conclusions en indemnisation, conclut à la restitution des sûretés et à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat.

B______, par la voix de son Conseil, persiste dans ses conclusions en indemnisation.

*****

Vu l'opposition formée le 25 mars 2022 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 15 mars 2022;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 27 juin 2022;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 15 mars 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à Bâle, Saint-Gall et ailleurs en Suisse, à tout le moins dès le mois de décembre 2015 et jusqu'au jour de son interpellation le 3 septembre 2019, à intervalles réguliers,

- réceptionné des sommes d'argent en espèces, directement auprès de tiers ;

- réceptionné des sommes d'argent préalablement récoltées par des "collecteurs" d'origine érythréenne ;

- confié ensuite ces sommes d'argent à C______ afin qu'il les achemine aux bénéficiaires finaux via Beyrouth et Dubaï, notamment les sommes de CHF 15'000.- le 8 décembre 2015 et CHF 17'600.- le 9 décembre 2015 ;

et/ou

- réceptionné en Suisse des sommes d'argent en espèces de la part de "collecteurs" ou directement auprès de tiers, puis d'avoir instruit sa famille en Erythrée de remettre ces fonds aux bénéficiaires finaux qui se trouvaient déjà en Erythrée ;

- procédé de la sorte de manière régulière pendant plusieurs années, récoltant des sommes d'argent auprès de plus de vingt collecteurs et percevant plus de CHF 50'000.- de commissions par année.

Il lui est également reproché d'avoir, pour la période de décembre 2015 à septembre 2019, à titre professionnel, occupé la fonction d'intermédiaire financier, chargé de transférer d'importantes sommes d'argent appartenant à des tiers à destination de bénéficiaires déterminés dans des pays étrangers, ceci sans s'enquérir de l'identité des ayants droit économiques des valeurs confiées et d'avoir, dans ces circonstances, sciemment caché l'identité des ayants droit économiques des valeurs patrimoniales confiées ainsi que son rôle de manière générale pour poursuivre ses agissements sans être inquiété par les autorités de régulation du marché financier,

faits qualifiés de défaut de vigilance en matière d'opérations financières au sens de l'art. 305ter al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure:

Premiers actes d'enquête et surveillance téléphonique

a. A teneur d'un rapport de renseignements du 29 juin 2017, la brigade financière a appris de la brigade de l'aéroport que, le 6 mars 2017, C______, ressortissant libanais domicilié à Genève, au bénéfice d'un permis B, avait passé la sécurité de l'aéroport de Genève en possession de nombreux lingots d'or, lesquels se trouvaient dans son bagage à main. Selon les recherches effectuées par la police, entre les années 2013 et 2017, le précité avait été contrôlé à plusieurs reprises à son arrivée en Suisse, respectivement au départ de ce pays, en possession d'importantes sommes d'argent en espèces – jusqu'à CHF 500'000.- – ou d'or – jusqu'à plusieurs kilogrammes. En l'absence de véritables explications quant à l'origine de ces valeurs, la police soupçonnait l'existence d'un cas de blanchiment d'argent.

b.a. Dès le 28 août 2017, des mesures de surveillance rétroactive ont été mises en œuvre en relation avec les raccordements téléphoniques utilisés par C______. Des mesures de surveillance active des télécommunications, relatives aux numéros d'appel utilisés par l'intéressé, ont également été mises en place dès le 10 octobre 2017.

b.b.a. Selon les rapports des 6 octobre 2017, 20 décembre 2017, 13 février 2018, 22 mars 2018, 24 avril 2018, 12 juin 2018, 30 juillet 2018, 10 septembre 2018 et 31 octobre 2018, fondés notamment sur l'analyse des données rétroactives et actives des raccordements utilisés par C______, ce dernier récoltait de l'argent en Suisse. Dans ce cadre, il effectuait, de manière quasi-quotidienne, de nombreux trajets entre Genève et d'autres villes suisses telles que Lausanne, Fribourg, Neuchâtel, Berne, Zurich, Bâle, Saint-Gall, Soleure, Winterthur et Olten. Dans la mesure où les bornes activées par ses appareils étaient localisées le long de la ligne ferroviaire, tout portait à croire qu'il se déplaçait en train à l'intérieur du pays. Environ deux fois par mois, il amenait l'argent ainsi récolté, ainsi que de l'or, à destination du Liban, en voyageant par voie aérienne au départ de l'aéroport de Genève. Une fois à Beyrouth, l'argent était transféré à Dubaï par le bureau de change ______. Depuis Dubaï, l'argent était une nouvelle fois transféré à ses destinataires par l'intermédiaire de diverses sociétés de transfert d'argent, via l'associé de C______, soit D______.

Les données rétroactives relatives à l'un des numéros (______) utilisés par C______ révélaient que les principaux correspondants de celui-ci étaient des personnes issues de la communauté érythréenne ou somalienne résidant en Suisse. En effet, parmi les numéros suisses en contact avec le numéro de C______, 149 étaient enregistrés aux noms de personnes d'origine érythréenne ou somalienne, ou des prête-noms de consonance similaire. Par ailleurs, les adresses desdites personnes étaient situées dans des régions de Suisse dans lesquelles C______ se rendait régulièrement en train. Aussi, tout portait à croire que ce dernier rencontrait, en personne, ces correspondants appartenant à la communauté érythréenne et somalienne.

Selon la police, C______ semblait participer à un système de "hawala", soit un système traditionnel de paiement informel. Selon les informations disponibles sur le site WIKIPEDIA, le principe est de faire circuler l'argent dans un réseau d'agents de change: un client donne une somme d'argent à l'un de ces agents, qui contacte l'agent le plus proche du destinataire de cette somme et lui demande de lui verser cette somme (moins une commission, généralement) en échange de la promesse de la lui rembourser plus tard. Ce système fonctionne sans transmission physique de moyen de paiement. Il n'y a pas de registre centralisé et les transactions passant par ce système ne sont généralement pas consignées: la seule information requise pour le fonctionnement est de tenir à jour le montant total de la dette courante entre deux agents du réseau, dettes qui peuvent être réglées de n'importe quelle façon choisie par les agents.

b.b.b. Selon les rapports des 12 juin 2018, 30 juillet 2018, 10 septembre 2018 et 31 octobre 2018, entre le 25 octobre 2017 et le 18 octobre 2018, C______ avait été en contact, notamment, avec ______ – en réalité E______ –, localisé à Genève, F______, localisé à Lausanne, G______ (surnommé GA______), localisé à Fribourg, ______, localisée à Sion, H______ (surnommé HA______) localisé dans la région de Berne, et I______, localisé dans le canton de Zurich, en lien avec la remise de sommes d'argent.

b.b.c. Entre le 13 novembre 2017 et le 18 octobre 2018, C______ a été en contact avec trois raccordements suisses enregistrés aux noms d'B______ (1______), de ______ (______) et de J______ (2______), lesquels étaient utilisés, dans les faits, par X______.

c.a. Dès le 14 janvier 2019, X______ a lui-même fait l'objet de mesures de surveillance active sur les raccordements 1______ et 2______, enregistrés aux noms de son épouse B______, respectivement de J______. Une surveillance active a également été mise en place, dès le 7 août 2019, sur le numéro 3______ enregistré au nom de l'identité fictive K______, utilisé dans les faits par X______. Lesdites mesures ont pris fin le 4 septembre 2019.

c.b.a. Selon les rapports de renseignements des 13 mars 2019, 24 juin 2019 et 29 août 2019, X______, de nationalité suisse, vivait dans la région de Saint-Gall avec sa femme et leur fille. Il disposait d'un titre de séjour aux Emirats arabes unis, pays dans lequel il ne s'était toutefois rendu qu'à deux reprises, soit du 26 janvier au 2 février 2019 et du 24 au 31 mars 2019, au cours de la période de surveillance, quand bien même il avait officiellement annoncé son départ de Saint-Gall pour Dubaï au mois de septembre 2018. L'un de ses frères, soit F______, vivait également en Suisse, à Lausanne. X______ exerçait officiellement la profession de chauffeur de taxi, qu'il avait toutefois quasiment abandonnée au début de l'année 2019. D'après les agents, X______ revêtait trois casquettes dans le réseau de "hawala" en Suisse. Il était lui-même collecteur de fonds dans la région de Saint-Gall, coordinateur du réseau et transporteur de liquidités à l'étranger.

c.b.b. S'agissant de son rôle de collecteur, la police relevait l'existence de conversations survenues entre le 17 janvier 2019 et le 17 février 2019, dans lesquelles il indiquait à des tiers, dont son épouse, qu'il était en train de "collecter l'argent", respectivement qu'il devait "faire la collecte".

c.b.c. Par ailleurs, sur la base des conversations tenues par l'intéressé dès le 19 janvier 2019, la police considérait qu'X______ jouait un rôle central dans la coordination du réseau de transfert d'argent. Les nouvelles personnes qui souhaitaient envoyer des fonds via ledit réseau, soit notamment des personnes d'origine érythréenne domiciliées en Suisse désirant envoyer de l'argent à des familiers, contactaient initialement X______ car son numéro de téléphone était connu dans le milieu. Ces mêmes personnes étaient ensuite redirigées vers les collecteurs les plus proches. Les informations relatives aux mouvements de fonds transitaient systématiquement par X______. A cet effet, il était quotidiennement en contact avec les collecteurs et les sous-collecteurs afin de procéder à des vérifications d'ordres de "hawala", notamment. Selon certaines conversations tenues par l'intéressé, ledit réseau comptait, en Suisse, 27 collecteurs au total. Ces derniers avaient un quota minimum d'argent à récolter pour pouvoir travailler avec X______ – soit CHF 50'000.- par mois. Dans un cas au moins, X______ avait fourni une carte SIM, correspondant à une identité fictive, à l'un de ces collecteurs. Il était également souvent question pour X______ de s'assurer que le bénéficiaire avait bien reçu l'argent qui lui était destiné ou de rectifier, voire d'annuler, un ordre de paiement. X______ se chargeait de joindre les distributeurs à l'étranger afin que les informations utiles leur parviennent. Dans ce contexte, il était régulièrement en contact avec quatre principaux distributeurs œuvrant en Erythrée. Ainsi, pour les agents, X______ était le "point de focal" dans la coordination des flux financiers au sein du réseau de "hawala". Il avait également été en contact téléphonique avec D______, à Dubaï. Lorsque des problèmes survenaient, X______ s'occupait de les résoudre au plus vite, toujours en intervenant comme intermédiaire entre les collecteurs et les distributeurs.

Il ressortait des écoutes qu'X______ contactait la plupart des collecteurs de fonds pour se faire transmettre un "compte-rendu" de l'activité, respectivement faire les comptes directement avec les collecteurs. De tels comptes avaient été effectués, notamment, avec E______, G______, I______, L______ (surnommé LA______) et H______. Dans plusieurs de ces conversations, X______ abordait, en la calculant, la question de la commission revenant à son interlocuteur pour son intervention de collecteur. Afin d'assurer un suivi, X______ centralisait toutes les transactions enregistrées par ses collecteurs et les transmettait ensuite, par courriels – voire par téléphone –, à ses distributeurs. Une liste était ainsi tenue par le précité dans laquelle à chaque transaction correspondaient un numéro, un expéditeur, un bénéficiaire et un montant. Parfois, des codes étaient également transmis aux expéditeurs pour que ceux-ci les transmettent aux bénéficiaires, lesquels devaient les remettre aux distributeurs des fonds pour se faire payer. Selon le rapport de police du 29 août 2019, M______, résidant dans le nord de l'Italie, avait également accès aux courriels destinés aux distributeurs. X______ et le précité révisaient parfois ensemble les comptes.

X______ coordonnait encore la remise des fonds à C______. En effet, les conversations survenues entre X______ et les collecteurs témoignaient de ce que ces derniers ne remettaient d'argent à C______ que sur instruction du premier, lequel décidait également des montants à remettre. Des contacts téléphoniques avaient lieu quotidiennement entre C______ et X______. Lors de ces conversations, X______ informait C______ des collecteurs auprès desquels ce dernier devait récupérer de l'argent, afin que son interlocuteur puisse planifier ses collectes de fonds. X______ vérifiait également si les intermédiaires émiratis, lesquels avançaient de l'argent aux distributeurs des fonds, étaient bien remboursés. Il interpellait, au besoin, C______ à cet égard. Des conversations avec le fils de ce dernier avaient aussi eu lieu à ce propos. Il ressortait encore des discussions entre les précités qu'une comptabilité était tenue entre C______ et X______ afin de garder un suivi sur les remboursements aux Emirats arabes unis. A teneur d'une discussion du 7 mars 2019, les deux hommes travaillaient ensemble, à l'époque, depuis déjà 6 ou 7 ans, selon les propos tenus par X______.

Selon le rapport du 13 mars 2019, il ressortait des premières conversations tenues avec des clients, respectivement avec des collecteurs ou des sous-collecteurs, que son activité dans le "hawala" procurait à X______ un revenu correspondant à une commission, ou des frais, pouvant aller de 2.5 à 8% sur chaque envoi de fonds. Lors de discussions avec des sous-collecteurs, il indiquait que le pourcentage de la commission globale était, s'agissant de l'Erythrée, de 5%, respectivement 10%, soit 2.5%, respectivement 5%, pour le collecteur et pour lui-même. A teneur des rapports des 24 juin 2019 et 29 août 2019, les conversations mettaient en évidence le fait que les collecteurs percevaient en moyenne une commission légèrement supérieure à 3%, respectivement de 2.5%. S'agissant des revenus réalisés par X______ lui-même, les agents avaient pu développer une meilleure compréhension de la manière dont il parvenait à dégager des bénéfices. A cet égard, en fonction du pays de destination des fonds, une commission n'était pas systématiquement demandée aux expéditeurs. En effet, X______ pouvait proposer, pour certains pays dont faisait partie l'Erythrée, un taux de change qui se situait entre le taux officiel – peu favorable – et celui, plus avantageux, offert sur le marché noir, générant ainsi un bénéfice correspondant à la différence entre le taux proposé par ses soins et celui obtenu en parallèle sur le marché noir. Pour l'Erythrée, ce bénéfice était de l'ordre de 12 à 14%. Dans une discussion avec un distributeur érythréen, l'existence de 150 "bénéficiaires" était mentionnée.

c.b.d. A teneur des rapports des 13 mars 2019 et 24 juin 2019, X______ souhaitait que son activité de "hawala" soit la plus discrète possible. A cet égard, il ressortait de certaines conversations qu'il utilisait quatre numéros de téléphones sur l'application VIBER et qu'il avait le souci de changer de carte SIM lorsque son numéro devenait trop connu, quand bien même il savait que ladite carte n'était pas enregistrée sous son identité. Il a émis le même souhait à la suite du contrôle, par la police, d'un bureau de change zurichois, avec lequel il avait collaboré. Par ailleurs, au lendemain dudit contrôle de police, il a également cherché à mettre en sécurité de l'argent qu'il détenait à son domicile afin d'éviter toute saisie. Par ailleurs, X______ demandait aux collecteurs de fonds de faire attention et de ne pas mentionner les devises dans leurs communications, ajoutant que cela pourrait être un "risque pénal". Il ressort encore d'un appel du 3 avril 2019 avec C______ qu'X______ souhaitait savoir si les conversations téléphoniques étaient enregistrées en Suisse tout en se demandant ce qui leur arriverait, s'agissait de leur travail de transferts d'argent ("transactions au noir"), en cas d'arrestation. Il se posait également la question de savoir si cette activité ne constituait pas "un grand délit" et indiquait à son interlocuteur qu'il fallait effacer quotidiennement le contenu de leurs téléphones, précisant qu'il le faisait déjà. A l'occasion d'autres conversations avec des tiers, lors desquelles étaient évoquées des possibilités de transferts de fonds via des bureaux de change, X______ faisait état de sa réticence quant au fait que les clients devaient désormais fournir des données personnelles, notamment remettre une pièce d'identité. Lors d'une conversation avec un intermédiaire émirati, il a également demandé à ce que son propre nom n'apparaisse pas comme expéditeur des fonds.

c.b.e. Selon les rapports des 24 juin 2019 et 29 août 2019, X______ détenait des comptes bancaires en Suisse, auprès de N______, et aux Emirats arabes unis, auprès de O______. Ce dernier compte avait été crédité d'un total de AED 256'900.- (soit environ CHF 70'000.-) entre le 7 et le 31 mars 2019 et présentait, au mois d'août 2019, un solde équivalent à USD 50'000.-. X______ détenait en outre 33% des parts sociales d'une société sise en Angleterre, soit vraisemblablement P______ LTD. Selon les conversations tenues par l'intéressé, ce dernier avait reçu, en avril 2019, un nouveau véhicule TOYOTA d'une valeur d'environ CHF 50'000.-, véhicule qui ne faisait pas l'objet d'un leasing selon les contrôles de police.

c.c. Le rapport de renseignements du 11 octobre 2019 porte sur les conversations tenues par X______ à l'époque durant laquelle C______ et E______ ont tous deux été interpellés par la police. Le 28 août 2019, il a informé son épouse de cette double arrestation, tout en lui demandant de ne pas paniquer et en recherchant avec elle une solution pour sécuriser une somme de 20'000.- (devise inconnue) qui se trouvait à leur domicile saint-gallois. Il a également indiqué à son épouse qu'il "[s]'inquiéterai[t] vraiment" si E______ devait transmettre "[leur] email", quand bien même le précité ne remettait "pas beaucoup", ce qui était bien pour "eux". Il exprimait l'envie de se rendre en Suède pour quelques jours et déclarait qu'il devait trouver des explications quant à la provenance de l'argent, "au cas où", par exemple en disant qu'il disposait de liquidités en Erythrée ou dans les pays voisins. Le 28 août 2019, X______ a également pris contact avec Q______, compagne de E______, pour savoir si les affaires de ce dernier avaient été saisies. Q______ a répondu qu'elle se rendrait au foyer où logeait le précité pour tenter de récupérer ses effets personnels et que si cela fonctionnait, elle brûlerait les éventuels papiers compromettants. Les 28 et 29 août 2019, X______ a encore contacté son frère F______, L______, I______ et G______ en leur indiquant qu'il fallait effacer "toutes les traces", respectivement les "éléments compromettants" et qu'il fallait être prudent, en précisant que "CA______", respectivement "[leur] gars" ou "l'un des [leurs]… un collecteur à [eux] à Genève" avaient été interpellés. Dans une autre discussion, X______ indiquait que 30 ou 40 personnes étaient bloquées, respectivement devenues inactives, à cause de cette histoire d'arrestation. Enfin, en raison de l'arrestation de C______, X______ avait changé "son" email, par précaution, au cas où le téléphone du précité serait analysé. Il indiquait par ailleurs qu'"ils" avaient désormais une nouvelle adresse email, soit "______".

c.d. A teneur d'un rapport de renseignements du 11 mars 2020, la population érythréenne en Suisse, au bénéfice d'un titre de séjour L, B ou C, a plus que triplé entre 2012 et 2020, passant de 9'030 à 29'286. Les ressortissants érythréens les plus nombreux se trouvaient dans les cantons d'Argovie, Berne, Bâle, Genève, Lucerne, Soleure, Vaud et Zurich.

Arrestations de C______, E______ et X______

d.a.a. Selon un rapport du 27 août 2019, C______ a été interpellé le même jour à l'aéroport de Genève, après avoir passé la zone de contrôle X-RAY. Interrogé sur le contenu de ses sacs, il a indiqué qu'il transportait 13.5 kg d'or, ainsi que de l'argent liquide. Les contrôles opérés par la police ont permis d'établir que C______ transportait quatre sacs contenant, au total, CHF 200'000.-, EUR 108'100.- et USD 20'000.-, ainsi que 13.5 kg d'or en lingots. Compte tenu du cours de l'or au moment des faits, soit CHF 48'000.- par kg, la quantité transportée représentait une valeur marchande totale de CHF 648'000.-. C______ était en possession de plusieurs téléphones portables, de souches de cartes SIM, de clés USB et de divers documents en arabe.

d.a.b. Lors de la visite effectuée à son domicile sis ______ Genève, la police a saisi d'autres téléphones, un ordinateur portable, une tablette SAMSUNG, deux clés USB, ainsi qu'un grand nombre de calepins et de documents.

d.a.c. A teneur des rapports de police établis entre 15 août 2017 et 19 septembre 2019, C______ avait effectué 58 passages au départ de l'aéroport de Genève, soit deux départs par mois environ, entre le 17 mai 2017 et le 26 août 2019. A la lecture des images X-RAY, la présence de liasses de billets était presque systématiquement présumée. Des masses correspondant à de l'or avaient été mises en évidence à 16 reprises. En retenant que lors de chaque transport, C______ détenait autant d'espèces que lors de son interpellation (soit l'équivalent de CHF 339'000.-), cela représenterait, au total, plus de CHF 19'000'000.-, sans compter l'or.

d.b.a. Selon un rapport du 27 août 2019, E______ a été arrêté à cette même date après qu'un mandat d'amener a été délivré par le Ministère public. L'interpellation a eu lieu dans la chambre de l'intéressé au Foyer ______, sis ______ Genève.

d.b.b. La perquisition de sa chambre a permis de saisir CHF 2'600.-, un téléphone, un lot de carnets et de documents, comportant des chiffres et des noms et s'apparentant à une forme de comptabilité, un ordinateur portable, une carte MICRO SD, ainsi qu'un relevé de compte ______ au nom de E______.

d.c.a. Selon le rapport du 4 septembre 2019, à la suite de la délivrance d'un mandat d'amener, la police s'est rendue, la veille, au domicile d'X______ à Saint-Gall pour interpeller ce dernier et procéder à la perquisition de son logement. Sur place, les agents ont été mis en présence d'B______, épouse du précité, et de la fille du couple. B______ a dans un premier temps affirmé que son époux se trouvait à Dubaï, avant de révéler qu'il était à Bâle. X______ a finalement été interpellé dans cette dernière ville, alors qu'il se trouvait chez une connaissance. Dans ce logement, la police a saisi deux téléphones portables SAMSUNG, correspondant aux numéros d'appel 1______et 2______ et, sur l'intéressé, les sommes d'EUR 5'000.- et CHF 2'950.-.

d.c.b. Lors de la perquisition du domicile d'X______, la police a saisi une déclaration fiscale 2017, une tour d'ordinateur et de la documentation bancaire relative à des comptes suisses. Il ressort également de la documentation retrouvée sur place qu'X______ était propriétaire de son logement suisse, comptant trois chambres et deux salles d'eau, qu'il avait acquis en 2014 pour une somme de CHF 625'000.-. Des photographies de l'appartement figurent à la procédure. La police a encore découvert, dans le garage, les deux véhicules détenus par le couple, soit un TOYOTA ______ et un PEUGEOT ______, lesquels ont été fouillés.

Analyse du téléphone portable ainsi que des carnets et documents retrouvés au domicile de E______

e.a.a. Selon le rapport de renseignements du 17 septembre 2019, il ressort de l'analyse du téléphone portable de E______, en particulier de l'application VIBER, que de nombreux messages ont été échangés entre le précité et X______ du 5 décembre 2017 au 21 août 2019. X______ était enregistré dans le répertoire dudit téléphone sous deux raccordements différents, soit "______" (3______), respectivement "______" (2______). A teneur desdits messages, E______ informait X______ du lieu et de la somme collectée. En additionnant tous les montants mentionnés dans ces échanges, la police parvenait à la conclusion que E______ avait récolté un montant total de 521'100.-, soit une moyenne mensuelle de 26'055.-, au cours de la période précitée (la devise n'était pas mentionnée, mais elle correspondait probablement à des francs suisses).

e.a.b. A teneur du même rapport, l'analyse des données du téléphone portable de E______ a révélé que ce dernier avait envoyé des courriels à l'adresse électronique "XA______@gmail.com" entre le 11 juillet 2019 et le 25 août 2019.

e.a.b.a. Il ressort de ces emails que E______ informait, d'une part, son destinataire des transactions de "hawala" effectuées. Plus précisément, l'objet du courriel mentionnait la destination géographique des fonds. Dans le corps du message, figuraient le numéro de transaction suivi du nom et prénom du destinataire et d'un numéro de téléphone, le montant collecté avec le prénom de l'envoyeur, ainsi que le montant, en devise locale, qui sera perçu par le bénéficiaire. La devise du montant collecté n'était jamais indiquée, mais les agents parvenaient à la conclusion qu'il s'agissait de francs suisse, en prenant en compte les taux de change. Les montants collectés variaient en moyenne entre CHF 50.- et CHF 500.-. Ainsi, il ressortait des emails envoyés au cours de la période précitée que le total des transactions enregistrées par E______ correspondait à CHF 55'000.- environ.

Durant cette période, le taux de change moyen appliqué pour les transactions à destination d'Erythrée était de CHF 100.- = ERN 1'600.-, alors que selon le taux officiel, CHF 100.- s'échangeaient contre ERN 1'510.- à 1'540.-.

e.a.b.b. E______ informait, d'autre part, l'utilisateur de l'adresse "XA______@gmail.com", des montants remis à C______, que le précité appelait "______". A teneur de ces courriels, la somme de CHF 45'000.- (soit CHF 7'000.-, CHF 6'000.-, CHF 16'600.-, CHF 6'000.- et CHF 9'400.-) a été remise, au total, à C______ entre le 12 juillet 2019 et le 21 août 2019. Ces montants correspondaient par ailleurs à ceux mentionnés au cours de la même période dans les conversations VIBER survenues entre E______ et X______.

e.b. Selon le même rapport de police, les carnets de comptabilité saisis chez E______ ont également été analysés. Ne contenant aucune date, ils étaient cependant difficilement exploitables. Cela étant, la police relevait qu'ils permettaient de confirmer les informations découlant de l'analyse du téléphone portable du précité s'agissant des montants envoyés par les expéditeurs, soit CHF 50.- à CHF 500.-, en moyenne.

Analyse des documents et des téléphones portables retrouvés au domicile de C______

e.c. D'après le rapport de renseignements du 24 octobre 2019, les nombreux documents papiers, soit les différents carnets et agendas, notamment en arabe, saisis au domicile de C______ ainsi que sur sa personne, comprenaient des inscriptions correspondant principalement à une sorte de comptabilité, liée à son activité de récolte et transfert de fonds, entre 2013 et 2019.

e.c.a. Dans un carnet bleu, C______ semblait avoir inventorié, en arabe, les sommes reçues durant le mois de janvier et le début du mois de février 2019. Après chaque jour de collecte était également inscrit un nouveau solde. Au 14 janvier 2019, ce dernier semblait être de CHF 548'500.-, EUR 41'010.- et USD 485.-. Au 26 janvier 2019, le solde inscrit était de CHF 360'360.-, respectivement EUR 58'320.- et USD 3'199.-. La police relevait qu'à ces deux dernières dates, C______ avait pris l'avion à destination de Beyrouth.

Le nom "XB______" figurait dans ce même carnet, associé à certains montants reçus par C______ à la période précitée. En particulier, à la troisième page, la mention "Lausanne XB______" apparaissait, laquelle pouvait s'apparenter à F______, frère d'X______ qui exerçait une activité de collecteurs de fonds à Lausanne. La police en concluait que les sommes répertoriées dans ledit carnet pouvaient provenir du réseau de collecteurs érythréens ou d'X______ lui-même.

e.c.b. Selon ce même rapport, C______ avait inscrit, en arabe dans un carnet rouge, les transactions liées à D______.

e.c.c. La police a encore découvert, dans un agenda bleu foncé, relatif au mois de décembre 2015, des inscriptions en arabe relatives à des opérations comportant les noms "XB______ Lausanne", "XB______ Neuchâtel" et "XB______ Fribourg". D'après les agents, ces annotations pouvaient correspondre aux premières opérations notées par C______ en lien avec le réseau en question.

e.d. D'après le rapport de renseignements du 18 septembre 2020, les trois téléphones portables de C______ ont été analysés.

e.d.a. Entre le 13 février 2017 et le 21 décembre 2018, C______ et X______ (1______) se sont adressé des messages sur l'application VIBER, C______ étant le principal expéditeur. Ces messages contenaient des chiffres, des inscriptions en arabe ainsi que l'expression "& in doubi", lesquels relataient, selon la compréhension de la police, les montants récoltés par C______ en Suisse auprès des collecteurs du réseau d'X______ et l'équivalent, en dollars américains, à la réception à Dubaï, selon le taux indiqué.

e.d.b. De nombreux messages ont également été échangés sur l'application VIBER, du 26 avril 2019 au 26 août 2019, entre X______ (3______) et C______, principal expéditeur. Ce dernier indiquait à X______, de manière codée, le lieu de la collecte ainsi que le nom du collecteur, la somme collectée en francs suisses puis son équivalent en dollars américains. A titre d'exemple, le 26 avril 2019, C______ a adressé à X______ le message suivant: "G-B 52009995025", ce qui signifiait, selon la compréhension des agents, que le collecteur genevois E______ avait remis la somme de CHF 5'200.- à C______, convertie en USD 5'025.-. D'après la police, selon la même logique, les codes "L-M" et "F-G" pouvaient ainsi correspondre à F______, collecteur à Lausanne, respectivement à G______ (surnommé GA______), collecteur à Fribourg. Selon la police, il en découlait qu'au cours de la période précitée, correspondant à quatre mois, C______ avait récolté environ CHF 2'000'000.- auprès du réseau d'X______. Dans le cadre de ces échanges de messages, apparaissaient notamment les noms de R______ et de S______, avec leurs coordonnées respectives.

e.d.c. C______ avait inscrit diverses données sur l'application NOTE de son téléphone portable. Il avait ainsi créé le 3 décembre 2015 un fichier nommé "______ 2015", lequel avait été modifié pour la dernière fois le 22 mars 2019. Les lignes contenues dans ce fichier mentionnaient majoritairement une somme, une date et un solde. Selon la compréhension de la police, il pouvait s'agir des sommes récoltées par C______ auprès du réseau d'X______ durant l'année 2015.

Analyse des documents et des téléphones portables d'X______

e.e.a. Selon le rapport de renseignements du 23 juillet 2020, il ressort de l'analyse des données des téléphones portables d'X______ que deux comptes utilisateurs ("user accounts") ont été enregistrés dans lesdits appareils, soit "______@gmail.com" et "XA______@gmail.com". Ce dernier compte avait toutefois été supprimé.

e.e.b.a. Deux versions d'un fichier Excel intitulé "Keren", l'une datée du 30 août 2019 et du 2 septembre 2019, l'autre datée du 30 août 2019, ont été retrouvées dans les deux téléphones portables d'X______. Les deux documents ayant une structure relativement similaire, seule la version la plus ancienne a été analysée par la police, car elle contenait davantage de données. En substance, ces tableaux représentaient les envois d'argent de "hawala" en Erythrée. Ledit fichier contenait en particulier un feuillet nommé "CC______", lequel contenait un tableau relatif à "CB______", soit C______. Ce dernier tableau indiquait le nom du collecteur, la date de la collecte, les montants récoltés en francs suisses ainsi que les intermédiaires émiratis et/ou les montants avancés par ces derniers. L'analyse de ce tableau, qui couvrait la période du 13 novembre 2017 au 9 janvier 2019, a révélé que pour la seule année 2018, C______ avait collecté un montant total d'environ CHF 5'000'000.- pour le compte d'X______. Sur ce même tableau, la police avait constaté la présence de neuf collecteurs en Suisse, en plus d'X______ lui-même. Ces derniers étaient désignés comme "FA______", qui correspondait à F______, "EA______" ou "______", soit E______, "______" soit G______, "______" soit L______, "HA______" soit H______, "______" soit ______, "______" ou "______" soit ______, "______" ou "______" correspondant à I______ et "______", soit ______.

e.e.b.b. Un fichier Excel intitulé "X-AA______", daté du 30 août 2019 et comportant 22 feuillets portant le nom de certains collecteurs, a également été retrouvé dans l'un des téléphones portables d'X______. Selon la police, la première de ces feuilles, nommée "FA______" faisait référence à F______. Ce document mentionnait les entrées et les sorties de fonds entre le 22 avril 2019 et le 27 août 2019. En substance, les entrées étaient en relation avec les noms d'autres collecteurs. Les sorties étaient, quant à elles, principalement liées à C______. A teneur de ce document, F______ aurait remis un montant total de CHF 423'700.- à C______ entre le 2 mai 2019 et le 7 août 2019.

Les 21 autres fichiers, hormis 5 d'entre eux, correspondaient vraisemblablement aux calculs des commissions revenant aux collecteurs. Celles-ci variaient entre 2.5% et 3% en fonction de la destination des fonds collectés et du collecteur en question.

e.e.c. Les téléphones portables contenaient des documents en lien avec la société émiratie T______ LLC, soit un "Memorandum of Agreement" (MOA), daté du 7 septembre 2018, et un "Announcement of Dividend Payment", daté du 22 janvier 2019. Le MOA, non signé, portait sur le financement à hauteur d'USD 150'000.-, par X______, d'une opération d'achat/vente de "hardware/software" à destination de l'Erythrée pour un montant total de USD 788'652.90. Le nom de R______ apparaissait parmi les signataires. Le second document, signé par le dénommé S______, prévoyait le versement, à X______, d'un dividende de USD 50'000.-, conformément au MOA ("In accordance with the MOA").

e.e.d. Deux relevés de compte auprès de U______, dont la titulaire était P______ LTD, datés des 1er juin 2018 et 1er novembre 2018, ont été découverts. En l'espace de quatre mois, le solde dudit compte a plus que doublé, passant de GBP 74'997.- à GBP 159'308.11.

Analyse des comptes bancaires détenus par X______

e.f. Il ressort du rapport de renseignements du 26 août 2021 que les agents ont procédé à l'analyse de la documentation obtenue de divers établissements bancaires s'agissant de comptes ouverts au nom, ou liés, à X______.

e.f.a. X______ disposait d'un compte bancaire personnel auprès d'N______ depuis le mois de mars ou avril 2014. Le 24 février 2020, ledit compte affichait un solde positif de CHF 21'045.-.

S'agissant des entrées de fonds, ledit compte a été crédité, entre le 6 juin 2014 et le 4 septembre 2018, de diverses sommes, probablement des versements de salaire de ______ GmbH, pour un total de CHF 143'749.-. Plus particulièrement, il a reçu CHF 29'787.90 en 2017 et CHF 23'160.30 en 2018 de cette dernière société. Après le 4 septembre 2018, X______ n'a plus reçu de salaire de cette société – que ce soit sur ce compte bancaire ou un autre. Du 4 septembre 2018 au 26 février 2019, les sommes de CHF 250.- et CHF 500.- ont été créditées depuis le compte bancaire d'X______ auprès de O______ à Dubaï. Les entrées de fonds entre le 26 février 2019 et le 24 février 2020 correspondaient soit à des paiements de dividendes à hauteur d'un total de USD 60'000.- (provenant du compte de T______ LLC auprès de ______ à Dubaï), soit à du "Family Support" en dirhams émiratis pour un montant total de CHF 17'000.- (provenant de son compte bancaire auprès de O______ à Dubaï). La police n'a pas pu déterminer à quoi correspondaient les dividendes en question, ni l'origine des fonds utilisés dans le cadre de virements depuis le compte O______ à destination du compte N______ d'X______.

e.f.b. X______ et B______ détenaient un compte bancaire en commun auprès d'N______, depuis le mois de mars ou avril 2014. Au 24 février 2020, le compte affichait un solde positif de CHF 90'295.-.

Du 7 avril 2014 au 22 mai 2014, ledit compte a été crédité de CHF 104'116.- provenant du compte bancaire d'B______ auprès de ______ SA, puis N______, respectivement de CHF 26'376.- provenant d'autres membres de la famille X______. Ces fonds ont été transférés à hauteur de CHF 82'000.- en faveur d'une société de biens immobiliers, ______ AG, entre le 28 avril 2014 et le 23 juin 2014, et à hauteur de CHF 45'000.- en faveur d'N______, apparemment comme fonds propres dans le contexte de l'achat d'un bien immobilier.

Le 26 mai 2015, ce compte a été crédité du montant de CHF 30'000.-, lequel provenait du compte bancaire d'B______ chez N______, puis le 10 juin 2015 de la somme de CHF 20'000.- provenant du compte bancaire personnel d'X______ auprès d'N______. A partir du 30 juin 2015, CHF 1'500.- ont été crédités mensuellement sur ce compte en provenance du compte personnel d'X______ auprès d'N______. Entre le 30 juin 2015 et 30 juillet 2018, B______ a également versé CHF 1'000.- par mois sur ce compte depuis son compte bancaire auprès d'N______.

e.f.c. B______ avait détenu un compte bancaire auprès d'N______ du 26 février 1999 au 9 avril 2020, date de sa clôture. X______ avait été au bénéfice d'une procuration sur cette même relation depuis le 19 février 2016.

Les fonds crédités sur ce compte provenaient principalement d'______ et correspondaient visiblement à des versements de salaire. Aux mois de février et d'août 2019, le compte a par ailleurs été crédité de deux fois CHF 10'000.-en provenance du compte bancaire d'X______ auprès d'N______. Enfin, CHF 35'000.- ont été versés en espèces le 8 novembre 2019, ladite somme ayant été préalablement retirée du compte bancaire personnel d'X______ auprès d'N______.

Selon les constatations de la police, dès le 12 mars 2018, des mouvements de fonds inhabituels ont eu lieu sur ce compte. En effet, à cette date, un apport en espèces de CHF 40'000.- a été effectué après un prélèvement en espèces, du même montant, effectué le même jour sur le compte bancaire du couple X______-B______ auprès d'N______. Deux jours plus tard, un transfert de GBP 30'000.- (soit CHF 40'223.28) a été effectué en faveur de P______ LTD. Par la suite, soit du 24 mai 2018 au 28 mars 2019, le compte a été crédité, en espèces, d'une somme totale de CHF 21'000.-, l'origine de ces fonds n'ayant pas pu être déterminée par la police. Deux transferts d'USD 10'000.- ont été effectués en faveur d'un compte d'X______ auprès de V______ aux Etats-Unis, à Silver Spring, les 24 septembre 2018 et 19 décembre 2018. Finalement, entre le 6 novembre 2018 et le 8 mai 2019, le compte d'B______ a été approvisionné par cinq transferts effectués depuis le compte d'X______ auprès de O______ à Dubaï, pour un montant total de CHF 16'300.-, avec la remarque "Family Support".

Peu de temps avant la clôture du compte, la somme de CHF 90'000.- a été virée, le soit le 24 mars 2020, en faveur du compte d'B______ auprès de ______.

Auditions par la police de C______, E______ et X______

f.a. Entendu par la police les 26 et 27 août 2019, C______ a indiqué, concernant sa situation professionnelle, qu'il avait deux sociétés basées à Beyrouth, l'une s'occupant du transfert d'argent et de change, tandis que l'autre avait une activité d'importation et d'exportation d'or.

Il a en substance expliqué que, parallèlement à ces activités, il participait, depuis 2013 ou 2014, à un "système de compensation", dans lequel il jouait un rôle d'intermédiaire. En effet, lorsqu'une personne à Dubaï avait besoin d'argent, il lui en envoyait depuis Beyrouth à travers des bureaux de change – auxquels il vendait de l'or ou donnait de l'argent de tiers. Il ne se déplaçait pas lui-même à Dubaï. L'argent transitait d'un bureau de change à Beyrouth vers un bureau de change de Dubaï et le destinataire des fonds les récupérait auprès de ce dernier. Pour cette activité d'intermédiaire, il percevait une commission de 1.25%.

C______ a précisé qu'environ deux fois par semaine, il quittait son domicile genevois pour récupérer de l'argent, soit des francs suisses ou des euros, auprès de personnes – des collecteurs – localisées à Lausanne, Neuchâtel, Soleure, Berne, Bienne, Fribourg ou Zurich. Ces collecteurs lui remettaient de gros montants qui correspondaient à la somme de plusieurs petits montants. Parallèlement, une fois qu'il avait récupéré l'argent, il contactait son fils, qui se trouvait à Beyrouth pour lui dire d'envoyer de l'argent à Dubaï. Son fils prenait alors des dollars américains en espèces lui appartenant et allait dans un bureau de change. Au final, le bureau de change à Beyrouth transférait les dollars américains à un bureau se situant à Dubaï, lequel remettait ensuite des dirhams émiratis à D______, lequel était son associé à Dubaï. Ces espèces étaient ensuite remises à un intermédiaire, lequel allait finalement transférer l'argent au destinataire final. Il ne connaissait pas le parcours de l'argent depuis le bureau à Dubaï. Le collecteur était toutefois en contact avec la personne qui récupérait l'argent auprès d'D______. Lui-même contactait ce dernier à travers l'application WHATSAPP ou par téléphone pour lui indiquer le nom du destinataire et le montant.

Lorsqu'il se rendait par la suite à Beyrouth, il prenait avec lui l'argent collecté en Suisse et se remboursait ainsi, avec une commission. Depuis environ trois ans, il effectuait de tels voyages entre Genève et Beyrouth à raison de deux fois par mois. Depuis un an ou un an et demi, il transportait, en lingots d'or ou en espèces, l'équivalent d'USD 650'000.- à USD 750'000.- lors de chaque voyage. Auparavant, il s'agissait plutôt de montants situés entre USD 450'000.- à USD 750'000.-. Les sommes étaient plus élevées pendant les périodes de fêtes. Il percevait 1.25% de commission sur ces sommes, étant précisé qu'il devait rémunérer D______ – USD 750.- à USD 1'000.- par mois – et payer les frais des bureaux de change – 0.25 ou 0.35% de la somme transférée. Il pouvait également faire un bénéfice – respectivement perdre de l'argent – en fonction des taux de change. Il suivait ces derniers dans le but d'en tirer un bénéfice.

C______ a indiqué travailler principalement avec des Erythréens et des Somaliens, lesquels ne disposaient pas d'autres moyens pour envoyer de l'argent dans leur pays d'origine. S'agissant de la communauté érythréenne en Suisse, il connaissait un homme de cette origine nommé "XC______" – soit X______ –, domicilié à Saint-Gall, lequel l'avait contacté via le bouche-à-oreille. Ce dernier travaillait avec plusieurs personnes d'origine érythréenne qui résidaient dans plusieurs villes de Suisse. "XC______" le prévenait lorsqu'il y avait de l'argent disponible chez l'une ou l'autre personne de son "groupe", composé de sa famille et de ses amis. Il se rendait alors au contact de cette personne pour collecter l'argent. Le précité lui remettait également de l'argent. Le groupe d'"XC______" lui remettait environ CHF 200'000.- par semaine.

C______ rédigeait des notes relatives à ces transactions, lesquelles se trouvaient dans son bureau à Beyrouth, respectivement dans des carnets dans son appartement à Genève. Dans ces carnets, il notait le nom de la personne lui ayant remis l'argent ainsi que la somme en question. S'agissant du nom du destinataire des fonds, il le mentionnait uniquement dans des messages envoyés sur l'application WHATSAPP. Il ignorait l'origine des fonds et à quoi devaient servir ces derniers. Cela étant, les collecteurs, auxquels il faisait confiance, lui disaient que l'argent était destiné à la famille des expéditeurs. Une fois l'opération effectuée, aucune trace de celle-ci n'était gardée.

f.b. Entendu par la police le 27 août 2019 dans le cadre de la procédure P/4______, E______ a déclaré être actif dans le "hawala" depuis la fin 2017, début 2018, activité pour laquelle il était "très connu" à Genève.

Au départ, il avait souhaité envoyer de l'argent à sa sœur, au Soudan. Il avait fait la connaissance de C______ – connu sous le nom "______" –, lequel était actif dans le "hawala", dont le numéro de téléphone circulait parmi les occupants des foyers à Genève. Il avait dès lors contacté le précité au début de l'année 2018. C______ lui avait remis le numéro de téléphone d'X______. Les deux hommes étaient partenaires et travaillaient ensemble dans le cadre du "hawala". Dès son premier contact avec X______, ce dernier lui avait demandé s'il avait des clients pour le "hawala" et lui avait proposé une rémunération correspondant à CHF 20.- sur CHF 1'000.-, soit de 2%. Il avait accepté. Il n'avait toutefois jamais rencontré X______.

Ainsi, depuis août 2018, il avait aidé ses compatriotes à effectuer des transferts de "hawala". Son rôle consistait à collecter de l'argent, puis à le remettre à C______, étant précisé qu'il avait également des contacts avec X______ par messages – le système était triangulaire. Il avait environ 25 clients dans son réseau. Plus précisément, il retrouvait ses clients en ville de Genève, qui lui remettaient l'argent en francs suisses, les coordonnées du bénéficiaire (soit le prénom, le nom et le numéro de téléphone) ainsi que le pays destinataire. Aucune quittance n'était établie, le système fonctionnant sur la confiance. Il notait toutefois ces informations et les envoyait, via l'application VIBER, à X______. Par la suite, C______ le contactait, après s'être entretenu avec X______, afin d'organiser la remise des fonds collectés. En moyenne, il remettait l'argent récolté deux fois par semaine à C______. Il avait toutefois besoin de l'autorisation d'X______ pour ce faire. Il ne remettait pas d'argent à d'autres personnes. Il avait récolté, en moyenne, CHF 4'000.- par semaine. La police ayant évoqué différentes remises portant sur des montants de CHF 5'000.- à CHF 8'500.- entre les mois de septembre et de novembre 2018, il a indiqué que ces montants étaient cohérents. Il n'avait pas de quota imposé s'agissant des sommes à collecter. Il ne savait pas comment C______ procédait par la suite ni comment l'argent arrivait à destination. Les bénéficiaires recevaient toutefois l'argent en monnaie locale. Le taux de change était défini par X______. Il ne savait pas si ces taux étaient préférentiels ou non, précisant qu'il était quelqu'un "qui écout[ait] et exécut[ait]".

Il communiquait avec X______ par téléphone, à travers l'application VIBER ou encore par courriels. Par téléphone, il discutait des moments auxquels il fallait remettre l'argent à C______ et, par la suite, si l'argent était arrivé à destination. Par VIBER, il lui envoyait essentiellement les coordonnées des envoyeurs et des bénéficiaires. Enfin, il envoyait à X______, sur une adresse électronique "gmail", sa comptabilité. Cela fait, tous deux passaient en revue les comptes, car lui-même commettait des erreurs. Il s'agissait de comparer les montants collectés et la somme remise à C______. X______ était la source de toutes les informations et procédait à des calculs de son côté. Compte tenu de ses rapports avec X______, il considérait ce dernier comme son chef et le "cerveau du réseau". Le précité avait défini les règles dès le départ.

E______ a encore indiqué qu'il tenait une comptabilité dans les carnets qui avaient été saisis dans sa chambre. Il y dressait une liste numérotée, en fonction du pays destinataire, avec les noms et prénoms des envoyeurs ainsi que le montant collecté. Il tenait cette comptabilité depuis longtemps, mais pas depuis le début de son activité.

f.c. Entendu par la police le 3 septembre 2019, X______ a indiqué, concernant sa situation personnelle, avoir quitté l'Erythrée en 2000 pour rejoindre le Soudan. Il avait par la suite obtenu un visa pour se rendre aux Emirats arabes unis, plus particulièrement à Dubaï. Il s'y était rendu afin de faire du commerce et avait débuté une activité consistant à envoyer des containers de marchandises à destination de l'Erythrée ou de l'Ethiopie. Il avait travaillé ainsi jusqu'en 2008, puis avait rejoint B______, son épouse, en Suisse. En 2010, il avait commencé une activité de chauffeur de taxi indépendant, qu'il avait finalement arrêtée en septembre 2018. En effet, le travail de nuit était difficile et les revenus, situés entre CHF 3'500.- et CHF 5'000.- par mois, n'étaient "pas encourageants". Depuis, il était officiellement retourné à Dubaï pour faire du "business", soit exporter des marchandises en Erythrée et en Ethiopie. Il s'était associé pour ce faire à une société, soit T______ LLC. Il n'était pas en mesure de définir ses revenus mensuels. Il était également associé, avec son frère et son beau-frère, dans une société basée en Angleterre, P______ LTD. Ladite société, qui aurait dû être active dans la promotion immobilière, n'avait toutefois jamais eu d'activité. En réalité, ils avaient tenté de lancer l'activité, sans résultats pour l'instant. En 2014, il avait acheté, avec son épouse, l'appartement dans lequel ils vivaient, en apportant 20% de fonds propres. Il était détenteur d'un compte bancaire en Suisse auprès d'N______ et à Dubaï auprès de O______. Son compte bancaire auprès d'N______ était alimenté par son travail de chauffeur de taxi indépendant et également par les bénéfices que généraient ses activités à Dubaï. En effet, ces bénéfices étaient crédités, depuis son compte bancaire auprès de O______ – lequel était alimenté par les profits générés par la société T______ LLC. L'argent retrouvé sur lui lors de son arrestation appartenait à son épouse.

S'agissant des faits, X______ a, dans un premier temps, contesté pratiquer le "hawala". Il lui arrivait, depuis sept ou huit mois, de "venir en aide à des compatriotes". En d'autres termes, il aidait des compatriotes à envoyer de petits montants en faveur de leurs familles, lesquelles se trouvaient en Erythrée, en Ethiopie ou au Soudan. A cet égard, il a expliqué que les familles savaient qu'il se trouvait en Suisse et qu'il avait de l'argent en Erythrée, où il disposait effectivement de liquidités sur un compte bancaire, au nom de son frère. Partant, elles contactaient sa famille, qui se trouvait en Erythrée, pour obtenir son numéro de téléphone, lequel était transmis par la suite à l'envoyeur en Suisse, qui le contactait. L'argent n'était jamais transféré physiquement. Il prenait l'argent en Suisse et sa famille remettait l'équivalent en monnaie locale aux bénéficiaires. Il se basait sur le taux de change USD/ERN appliqué en Erythrée. Il faisait cela gratuitement. Il n'avait pas d'envoyeurs réguliers, il s'agissait toujours de nouvelles personnes, d'origine érythréenne, pour la plupart basées à Zurich.

Interrogé sur C______, il a expliqué qu'en janvier 2019, il avait eu besoin de liquidités pour acheter des marchandises pour son activité à Dubaï. Il en avait fait part à un prénommé "W______", lequel lui avait prêté, au nom de C______, USD 10'000.-. Ce prêt devant être remboursé à C______ directement, il l'avait rencontré en janvier 2019 à Zurich. Quelques mois plus tard, ayant à nouveau eu besoin de liquidités, il avait contacté C______. Ils n'avaient pas développé de relation amicale, mais étaient régulièrement en contact, par téléphone, à raison de trois ou quatre fois par semaine. En effet, ils avaient eu le projet de fonder un bureau de change à Zurich, projet qui n'avait toutefois jamais abouti. Questionné sur E______, il a indiqué ne jamais l'avoir rencontré, mais tous deux étaient en contact téléphonique depuis quelques mois. En effet, le précité avait voulu envoyer de l'argent en Erythrée. E______ n'avait jamais travaillé pour lui et il n'avait jamais reçu de courriels de sa part.

Dans un second temps, X______ a indiqué que C______ avait effectivement participé à des transactions de "hawala". Le précité lui permettait de s'approvisionner en liquidités à Dubaï, étant précisé qu'il le remboursait en Suisse. Avec l'argent remis par C______, il achetait des marchandises à Dubaï, qu'il exportait ensuite en Erythrée, afin de "compenser" sa famille qui avançait l'argent aux bénéficiaires. Il ne savait pas comment C______ acheminait l'argent jusqu'à Dubaï.

Après réflexion, il a admis pratiquer le "hawala" depuis début 2019, tout en précisant qu'il ne retirait aucun profit de cette activité. Ses revenus provenaient uniquement de l'achat et de la vente de marchandises à Dubaï. Il pratiquait le "hawala" dans le seul but d'aider ses compatriotes, ce n'était pas son travail. Il lui était arrivé de remettre de l'argent à C______ ou de demander à ce dernier d'aller récupérer de l'argent auprès de compatriotes à Genève et dans d'autres villes suisses, soit Berne et Lausanne. Il ignorait ce qu'il advenait ensuite de l'argent remis à C______, mais savait uniquement que les fonds arrivaient finalement chez "W______" à Dubaï. L'argent remis en Suisse était toujours en francs suisses. Les transactions à Dubaï relatives aux marchandises destinées à l'exportation se faisaient en dirhams émiratis ou en dollars américains. Le taux de change était défini d'après la monnaie du pays de destination, étant précisé qu'il ne dégageait pas de bénéfice avec ces opérations de change. En Erythrée, ses frères étaient ses contacts principaux dans le cadre des transferts d'argent. Il procédait à des vérifications auprès de sa famille en Erythrée pour savoir si l'argent était arrivé à destination. Sinon, il remboursait ces sommes.

Il n'était pas le chef de E______ et ne lui donnait pas d'ordres. Il n'était pas non plus le "cerveau du réseau", précisant ne pas avoir de réseau. Il avait seulement "dépanné" E______. Avant de récupérer l'argent du précité, il lui communiquait le taux de change puis, à sa demande, E______ remettait les fonds à C______. Les sommes en question ne dépassaient pas les CHF 10'000.- par mois. Le prénommé "M______", qui vivait en Italie, s'occupait de communiquer le taux de change en son absence, étant précisé que le taux de change était, dans tous les cas, fixé par ses soins. Il avait un frère, nommé "F______", qui vivait à Lausanne. Malgré l'absence de bonnes relations avec celui-ci, tous deux étaient parfois en contact téléphonique lorsque "F______" avait besoin d'envoyer de l'argent en Erythrée. A sa connaissance, son frère n'avait collecté de l'argent qu'à une seule reprise, étant précisé qu'à cette occasion, plusieurs personnes localisées à proximité de Lausanne avaient voulu envoyer de l'argent en Erythrée, de sorte qu'il les avait toutes dirigées vers son frère, pour des raisons pratiques. Sur son instruction, "F______" avait ensuite remis l'intégralité des fonds à C______.

La police lui ayant fait remarquer qu'il était en contact à la fois avec les envoyeurs de fonds en Suisse, avec C______, qui était le transporteur de fonds, avec les intermédiaires à Dubaï et avec les distributeurs de fonds en Afrique, il a finalement reconnu être au centre du réseau de "hawala" s'agissant de l'Erythrée. Interrogé sur la tenue d'une comptabilité, X______ a indiqué qu'il tenait une sorte de liste sur son téléphone, sur laquelle figuraient les montants totaux des transactions. Par ailleurs, les expéditeurs lui donnaient leur nom, le montant qu'ils voulaient envoyer, le nom du bénéficiaire, le pays de destination et, parfois, le numéro de téléphone du bénéficiaire. Ces informations pouvaient lui être communiquées sous toutes les formes. Elles étaient ensuite transmises aux distributeurs oralement ou à travers l'application VIBER, lorsque celle-ci était accessible. Il était exact de dire qu'il était le seul à connaitre le détail de l'ensemble des transactions de "hawala" enregistrées au sein de son "réseau".

X______ a répété ne percevoir aucune rémunération dans le cadre de ces transferts d'argent. Il appliquait le taux de change du marché, sans commission ou taxe. Le seul bénéfice qu'il dégageait provenait de son activité de commerçant à Dubaï, étant précisé qu'une partie des fonds servant à financer ladite activité provenait du "hawala" en Suisse. Il était exact que lorsqu'il se trouvait en Suisse, le "hawala" était son activité principale. Il avait commencé à le pratiquer au début de l'année 2019 sous l'impulsion de C______, qu'il avait rencontré à la même époque.

Après avoir été informé du fait qu'il avait fait l'objet d'écoutes téléphoniques depuis le mois de janvier 2019, il a finalement admis que plusieurs personnes, telles que "______", "GA______", "F______" ou "EA______", avaient collecté de l'argent auprès ressortissants érythréens en Suisse. Il ignorait le nombre total de collecteurs mais il pensait qu'ils n'étaient pas 26. L'argent collecté était ensuite remis à C______, directement ou par son intermédiaire. Il était exact qu'il passait en revue les transactions avec les collecteurs afin de connaître le solde de l'argent collecté en Suisse, ainsi que les montants remis en Afrique. Selon lui, les montants récoltés par les collecteurs étaient au maximum de CHF 8'000.- pour une période de 2 à 3 mois. Il a encore affirmé que ni les collecteurs, ni les distributeurs n'étaient rémunérés dans le cadre du "hawala". Si tous les raccordements téléphoniques qu'il utilisait en Suisse n'étaient pas à son nom, cela était le "fruit du hasard". S'agissant des identités fictives associées à plusieurs de ces numéros, il ne se les expliquait pas.

Auditions des collecteurs de fonds

g.a. Entendu le 13 septembre 2019 par le Ministère public dans le cadre de la procédure P/4______, en présence de C______ et d'X______, E______ a, en substance, confirmé ses déclarations à la police. Il avait initialement pris contact avec X______ car il souhaitait envoyer de l'argent à sa sœur, puis il avait continué à collecter des fonds et à les remettre à C______, dans le but de venir en aide à ses compatriotes. C'était X______ qui, au départ, lui avait transmis les coordonnées de C______, et non l'inverse. Il transmettait les informations relatives aux noms des destinataires à X______. Après avoir indiqué qu'il le contactait par la messagerie "gmail", il a déclaré qu'ils discutaient par téléphone et via l'application VIBER. Il récoltait environ CHF 2'000.- par mois. Il remettait les sommes collectées à C______, étant précisé qu'il rencontrait ce dernier environ 2 fois par mois. Il a confirmé qu'il était rémunéré par une commission correspondant à 2% des sommes collectées.

g.b. ______, entendue par la police sur délégation du Ministère public le 9 septembre 2019, a déclaré avoir envoyé de l'argent par le biais du "hawala". Elle avait remis les fonds notamment à E______ et avait eu son contact à travers X______.

g.c.a. G______, entendu par la police sur délégation du Ministère public en date du 22 janvier 2020, a déclaré avoir envoyé de l'argent à sa famille, en Erythrée, depuis qu'il était arrivé en Suisse, soit en 2008. Il avait entendu dire qu'X______ pouvait envoyer des fonds à destination de ce pays. Il l'avait alors contacté, après avoir obtenu son numéro de téléphone à travers des compatriotes. X______ lui avait demandé le numéro érythréen de sa famille et le montant exact, en francs suisses, qu'il souhaitait envoyer, puis le précité avait fixé le taux de change. Il avait remis les fonds à un Erythréen, envoyé par X______. Les fois suivantes, il avait procédé de la même manière, mais avait remis l'argent à C______, envoyé par X______.

Depuis environ un an et demi, il avait commencé à collecter des fonds pour X______, à sa demande. Il n'avait jamais rencontré physiquement le précité, lequel l'appelait "GA______". Il avait eu deux types de clients: ceux envoyés par X______ et ceux qui le connaissaient directement comme collecteur. Dans les deux cas, les fonds étaient envoyés à travers le réseau d'X______. S'agissant de l'existence d'une comptabilité, il a indiqué qu'il notait, sur papier, le nom du destinataire, son numéro de téléphone, le nom de l'envoyeur et le montant envoyé en francs suisses. En fonction du raccordement du numéro de téléphone du bénéficiaire, il pouvait déterminer le pays de destination. Une fois l'argent arrivé, il jetait le papier en question. Dans l'hypothèse où il s'agissait d'un client envoyé par X______, il devait lui communiquer lesdites informations, soit oralement, soit par message. Dans tous les cas, il ne remettait l'argent collecté à C______ que sur instruction d'X______, lequel l'informait du montant à remettre. M______ faisait partie du réseau d'X______. Lorsqu'il y avait un problème avec une transaction, et qu'X______ n'était pas disponible, ce dernier lui donnait l'instruction de contacter M______. Il considérait X______ comme son chef au sein du réseau de "hawala". Il récoltait en six semaines environ CHF 3'000.- à CHF 5'000.-. Après réflexion, il était bien possible qu'il ait remis, en moyenne, CHF 40'000.- par mois à C______. Aucun quota n'avait été fixé. Sa rémunération dépendait des fonds collectés. X______ lui remettait un pourboire variant de CHF 0.- à CHF 400.- tous les 3 mois.

Il pensait que l'adresse électronique "XA______@gmail.com" était utilisée par X______. Ce dernier la lui avait transmise. Il avait peut-être transmis les informations relatives aux envois de fonds au précité par ce biais, mais cela avait été rare. X______ lui avait effectivement demandé d'éliminer les papiers et les traces des envois lorsque C______ avait été arrêté. Il n'avait aucune information sur la manière dont fonctionnait le réseau.

g.c.b. G______ a indiqué, devant le Ministère public, confirmer ses déclarations à la police. Il a précisé qu'en réalité, il ne notait pas l'identité des personnes auprès desquelles il récoltait de l'argent, car il les connaissait déjà, de sorte qu'il connaissait leur prénom et nom de famille. Ces mêmes personnes ne connaissaient toutefois ni X______, ni C______. Il n'y avait pas eu deux types de clients, dans la mesure où il ne récoltait l'argent qu'auprès des personnes qu'il connaissait. Ce qui l'intéressait était le numéro de téléphone du destinataire pour s'assurer que les fonds parvenaient bien à destination.

Le nombre d'expéditeurs, tous ressortissants érythréens, était variable. Il récoltait environ CHF 200.- à CHF 400.- auprès de chaque personne. Les mois particuliers, où il y avait par exemple une fête, il pouvait récolter jusqu'à CHF 40'000.-. En dehors de ces périodes, il récoltait généralement entre CHF 5'000.- et CHF 8'000.- par mois. Il n'avait pas eu connaissance de problèmes liés à l'arrivée des fonds à destination.

g.d.a. F______, entendu par la police sur délégation du Ministère public le 29 janvier 2020, a déclaré être le frère d'X______, précisant ne pas être en bons termes avec ce dernier. Malgré cela, depuis environ une année, il faisait appel aux services d'X______ pour envoyer de l'argent à son fils en Erythrée.

Lui-même aidait également ses compatriotes à envoyer de l'argent à leurs familles depuis novembre 2017. La plupart de ces personnes faisaient partie de son entourage et une autre partie était envoyée par X______. Il mettait systématiquement les envoyeurs en relation avec X______. Après discussion, X______ lui donnait l'ordre de récupérer l'argent auprès de ces personnes. En substance, son rôle consistait uniquement à collecter de l'argent: il récupérait l'argent ainsi que le nom et le numéro de téléphone du bénéficiaire, étant précisé que, pour les "petits montants", il ne demandait pas l'identité du bénéficiaire. Il lui arrivait également de se voir remettre l'argent récolté par d'autres collecteurs – en tout cas quatre. Hormis une fois, il remettait systématiquement l'argent récolté à "CA______", soit C______, qu'il rencontrait en moyenne une à deux fois par mois, sur instruction d'X______. Parfois il remettait seulement un montant précis, déterminé par son frère, et d'autre fois le montant total collecté. X______ fixait le taux de change. En moyenne, il pensait avoir récolté environ CHF 10'000.- par mois à travers le réseau de son frère, mais n'avait pas de quota. Après que la police a évoqué un montant mensuel de CHF 78'000.-, il a indiqué qu'après réflexion, il était possible qu'il lui ait remis un montant total proche de ce chiffre. De manière générale, X______ était la seule personne qui lui donnait des instructions dans le cadre du "hawala". Sur demande de son frère, il lui transmettait au fur et à mesure les transactions qu'il enregistrait, soit par messagerie, soit par téléphone. X______ lui avait effectivement demandé d'effacer les listes de envoyeurs de fonds, par précaution, après l'interpellation de C______. Il percevait des petits montants à titre de rémunération, soit de CHF 50.- ou CHF 150.- par mois, en moyenne. C'était X______ qui décidait du montant.

g.d.b. Devant le Ministère public, F______ a confirmé ses déclarations faites devant la police. Il a précisé avoir récolté l'argent auprès d'amis et de collègues. Il ne connaissait pas leurs adresses, mais avait leurs numéros de téléphone. Ces personnes étaient uniquement d'origine érythréenne. X______ ne connaissait pas tous les envoyeurs de fonds, mais uniquement ceux avec lesquels il avait grandi.

Il ne récoltait pas CHF 78'000.- par mois. Il y avait eu une erreur, en ce sens que le montant en question était de ERN 78'000.-. Il a précisé qu'au moment des faits, CHF 100.- représentaient environ ERN 4'000.- à ERN 6'000.-. Il notait les petits montants qu'il recevait, l'argent récolté allant de CHF 20.- à CHF 200.-.

g.e.a. Entendu par la police sur délégation du Ministère public, en date du 2 mars 2020, L______ a déclaré avoir rencontré X______ en 2017. Ils se parlaient uniquement par téléphone et ne s'étaient jamais rencontrés. Au départ, il avait cherché à envoyer de l'argent à sa famille en Erythrée et un compatriote lui avait donné le numéro de téléphone d'X______.

Par la suite, X______ lui avait proposé de collecter de l'argent auprès de compatriotes pour l'envoyer en Afrique, ce qu'il avait accepté de faire entre 2017 et septembre 2019. Il récoltait de l'argent, en francs suisses uniquement, dans la région de Berne. Les envoyeurs, qui le nommaient "LA______", l'appelaient directement sur son téléphone portable ou étaient redirigés vers lui par X______. Lorsqu'il avait récolté l'argent, il notait les informations utiles sur une feuille avant de les transmettre à X______ par l'application WHATSAPP ou VIBER. Il a précisé qu'il ne demandait pas lui-même aux envoyeurs qui étaient les destinataires des fonds ni le motif du transfert. Il s'agissait du genre de questions posées par la police. Ensuite, il remettait les sommes collectées à C______, lequel s'était au préalable mis d'accord avec X______. C______ le contactait pour fixer le rendez-vous. Parallèlement, X______ l'informait de la somme exacte à remettre à C______, laquelle ne correspondait pas toujours au total collecté. Les bénéficiaires recevaient l'argent dans la monnaie locale. Le taux de change était fixé par X______. X______ lui avait transmis l'adresse électronique "XA______@gmail.com" pour échanger les informations relatives aux ordres de "hawala", mais il ne l'avait jamais utilisée. Les problèmes étaient réglés par X______, lequel était "l'acteur principal". Il lui était arrivé de contacter M______, uniquement sur instruction d'X______, afin de résoudre certains problèmes.

Il percevait d'X______ un pourboire, d'un montant maximal de CHF 100.-. Aucun accord n'avait été conclu à ce sujet. La plupart du temps, il collectait entre CHF 5'000.- et CHF 6'000.- sur une période de deux mois et percevait lui-même CHF 25.- par mois dans ce contexte. Les mois de fêtes, il pouvait collecter jusqu'à CHF 7'000.- par mois. Après que la police a évoqué des sommes collectées nettement supérieures à celles avancées par ses soins, soit jusqu'à CHF 53'800.- par mois, il a répondu que cela était possible mais qu'il ne s'en était pas rendu compte. Il n'y avait aucun quota imposé.

X______ était son chef, il avait suivi ses instructions sans les discuter. Suite à l'arrestation de C______, X______ lui avait conseillé de faire disparaitre tout élément compromettant. Il avait alors supprimé de son téléphone toutes leurs conversations à travers WHATSAPP et VIBER, dans desquelles étaient évoquées les informations relatives aux envois d'argent.

g.e.b. Entendu par le Ministère public, L______ a confirmé ses déclarations faites à la police, tout en précisant qu'il avait pu collecter un montant de CHF 25'000.- uniquement durant les mois de fêtes. Le reste du temps, il s'agissait plutôt de CHF 3'000.- environ.

Il récoltait l'argent auprès d'Erythréens uniquement, soit des amis ou des gens qu'il connaissait. Plus précisément, il connaissait leurs noms, prénoms et adresses – mais pas leurs dates de naissance –, car ils vivaient dans les mêmes environs que lui. Cela étant, la seule information qu'il transmettait à X______ par l'application WHATSAPP était le montant à envoyer au bénéficiaire. X______ ne connaissait pas les gens qui envoyaient de l'argent. La plupart des montants récoltés étaient de CHF 200.- maximum, mais ils pouvaient parfois aller jusqu'à CHF 400.-.

g.f. H______ a été entendu par la police, sur délégation du Ministère public, le 4 mars 2020. Il a indiqué que, trois ans plus tôt, un compatriote lui avait donné le numéro d'X______, car lui-même cherchait à envoyer de l'argent à sa famille en Erythrée. Le précité, qu'il n'avait jamais rencontré, lui avait indiqué le taux de change. Après avoir transmis, par l'application VIBER, les informations relatives au bénéficiaire à X______, il avait remis la somme en question à C______ à Berne. Par la suite, tous les deux à quatre mois, il avait effectué d'autres envois à titre personnel à travers X______. Le processus était toujours identique.

Il avait également envoyé de l'argent pour le compte d'autres personnes, soit deux amis, mais toujours pour des petits montants de l'ordre de CHF 50.- à CHF 200.-. Il transmettait à X______ les informations relatives aux bénéficiaires, mais ne connaissait pas le motif du transfert. Si le taux de change fixé par X______ convenait aux envoyeurs, il récoltait alors l'argent et le remettait à C______. Il avait procédé de la sorte à trois ou quatre reprises. Il n'était pas un collecteur régulier. Il n'avait pas collecté un total d'environ CHF 760'000.-, correspondant à CHF 47'000.- par mois depuis le mois de novembre 2017. Aucun envoyeur n'avait été redirigé vers lui par X______. Il était exact que ce dernier et C______ l'appelaient "______" ou "______".

L'argent remis à C______ l'était toujours sur instruction d'X______. Il n'avait perçu aucun pourboire. Il avait communiqué, via l'application VIBER, le détail des ordres le concernant à X______. Il ne connaissait pas l'adresse électronique "XA______@gmail.com".

Auditions de C______ devant le Ministère public, respectivement devant la police sur délégation du Ministère public

h.a. Entendu par le Ministère public en date du 13 septembre 2019 dans le cadre de la procédure P/4______, C______ a indiqué avoir débuté cinq ou six ans auparavant son activité avec X______. Ce dernier était le responsable des activités de E______. Lui-même avait rencontré E______ à travers X______ depuis deux ou trois ans, peut-être plus. X______ organisait les rendez-vous entre lui et E______ et l'en informait par message. E______ lui remettait l'argent collecté plus souvent que deux fois par mois. Tout l'argent était par la suite remis à X______ à Dubaï.

h.b. C______ a déclaré, le 20 septembre 2019 devant le Ministère public, pratiquer le "hawala" avec X______ depuis 2014 ou 2015. Ce dernier avait trois numéros de téléphone et était enregistré dans son téléphone portable sous "XB______", "______" et "______". Les collecteurs travaillaient pour X______, lequel était leur responsable. En particulier, X______ fixait les dates de ses rendez-vous avec lesdits collecteurs. Sur ses instructions, il allait ainsi récupérer l'argent. Depuis l'été 2017, il prenait le train chaque jour, respectivement un jour sur deux, pour rencontrer les collecteurs. Il se rendait à Zurich, Saint-Gall, Lausanne, Neuchâtel, Fribourg et Berne. Il devait ensuite transporter cet argent depuis la Suisse vers le bureau de change à Beyrouth. L'argent était finalement transféré à destination de Dubaï. Les espèces retrouvées sur lui lors de son arrestation provenaient d'X______ à hauteur de CHF 70'000.-, respectivement de CHF 50'000.-. La somme de CHF 70'000.- correspondait à celle qu'il avait préalablement mise à disposition d'X______ à Dubaï et qui lui avait été rendue peu avant son interpellation. En dehors de l'activité de "hawala", il n'avait jamais prêté de l'argent à X______ à titre personnel.

S'agissant de ses revenus, il était exact de dire qu'il touchait, lors de chaque transport de fonds à destination de Beyrouth, environ CHF 8'000.-, sous déduction de ses frais de voyage et des frais encourus à Dubaï. Cela représentait, selon lui, une commission située entre 1.3% et 1.6%. Questionné sur les revenus d'X______, il a indiqué penser que ce dernier prenait une commission de l'ordre de 2% sur les transferts.

h.c. Le 27 septembre 2019, devant le Ministère public, C______ a indiqué que, lorsqu'il évoquait des sommes d'argent lors de ses conversations téléphoniques avec X______, il s'agissait de francs suisses et de l'équivalent, en dollars américains, de ces francs suisses. Il avait eu, quotidiennement, plusieurs conversations téléphoniques avec X______ car ce dernier avait beaucoup de collecteurs, soit environ 10 ou 12. En effet, X______ l'appelait pour lui dire qu'il y avait de l'argent à tel endroit. Ainsi, lorsque les collecteurs étaient prêts, il devait aller chercher l'argent, soit presque tous les jours ou un jour sur deux.

Dans l'avion de Genève à Beyrouth, il transportait essentiellement des francs suisses et des euros. A Beyrouth, cet argent était changé en dollars américains auprès d'un bureau de change, puis transféré, depuis ce même bureau, vers Dubaï où il arrivait en dirhams émiratis chez D______, pour le compte d'X______.

Il ignorait quel pourcentage X______ retirait de cette activité. Il ne connaissait pas les détails, mais pensait qu'X______ ne faisait pas ce travail "pour rien". Selon lui, X______ touchait une partie de ses commissions en Suisse et l'autre partie, à Dubaï.

h.d. Lors de son audition au Ministère public du 11 octobre 2019, C______ a confirmé que son rôle était de faire parvenir les fonds jusqu'à Dubaï, via Beyrouth, afin qu'il soit au final récupéré sur place par des tiers qui collaboraient avec X______. D______ leur remettait les sommes en question au fur et à mesure, à raison d'une à deux fois par semaine. Lui-même était en contact régulier avec D______ et X______, de sorte qu'il était informé lorsque ce dernier avait reçu l'argent.

Il a répété qu'en Suisse, il récoltait l'argent chaque jour ou un jour sur deux auprès des collecteurs d'X______, lesquels étaient d'origine érythréenne. En parallèle, il se rendait deux fois par mois à Beyrouth pour y apporter cet argent. Cela étant, il faisait en sorte que l'argent soit transféré de Beyrouth à Dubaï en fonction de la demande des clients. Par exemple, si un client en Suisse souhaitait transférer des espèces vers l'Erythrée, il contactait immédiatement le bureau à Beyrouth pour faire acheminer la somme en question vers Dubaï, afin qu'X______ puisse la récupérer et l'acheminer vers l'Erythrée. Ensuite, lors de ses voyages, il apportait l'argent à Beyrouth. En d'autres termes, les bureaux de change lui faisaient un crédit pendant une ou deux semaines, soit jusqu'à son prochain voyage à Beyrouth.

h.e. Entendu par la police sur délégation du Ministère public en date du 4 novembre 2019, C______ a confirmé être l'auteur du carnet bleu, lequel correspondait, en substance, à une forme de comptabilité quotidienne de ses activités liées au "hawala", notamment les sommes collectées en Suisse et celles devant être remises à l'étranger. De manière générale, il avait retranscrit l'ensemble des opérations effectuées dans les carnets, à l'exclusion de notes établies sur son téléphone portable. Le carnet relatif aux dernières opérations ayant précédé son interpellation se trouvait toutefois à Beyrouth.

Contrairement à ses précédentes déclarations, C______ a soutenu pour la première fois que, de manière générale, lors de ses voyages à destination du Liban, il ne transportait pas d'espèces mais uniquement de l'or. L'argent remis par les collecteurs restait en effet au bureau de change Y______ à Genève, étant précisé que la somme en question correspondait à la valeur de l'or qui lui était prêté par Y______.

Lors de son arrestation, l'argent retrouvé sur sa personne lui appartenait, à l'exception des sommes de "USD 20'000.- ou CHF 37'000.-" qui étaient pour X______.

h.f. C______ a confirmé, devant le Ministère public le 12 juin 2020, qu'il avait commencé à travailler avec X______ en 2014 ou 2015. Son travail avec X______ et le réseau de ce dernier représentait 70% à 75% de son activité – le solde correspondait à la Somalie. X______ avait plusieurs collecteurs dans toutes les régions de Suisse, qui eux-mêmes avaient leurs propres collecteurs. X______ était responsable de son groupe, soit celui de la communauté érythréenne. Il n'avait pas travaillé avec d'autres groupes d'Erythréens – il n'en connaissait pas d'autres.

Il avait connu E______ à travers X______. Si ce dernier ne donnait pas l'ordre à E______ de lui donner de l'argent, le précité ne le faisait pas. C'était pareil pour toutes les autres personnes qui collectaient de l'argent. De manière générale, chaque collecteur donnait approximativement à X______ entre CHF 10'000.- et CHF 15'000.-. Contrairement à ses précédentes déclarations, il a affirmé avoir toujours interrogé ses interlocuteurs sur l'origine, respectivement la destination, des fonds qui lui étaient remis. Les collecteurs ainsi qu'X______ lui répondaient que l'argent était destiné aux familles des expéditeurs.

h.g. Lors de l'audience du 16 juin 2020, C______ a déclaré connaître X______ depuis 2015, "par téléphone". Tous deux avaient travaillé "un peu" ensemble en 2016 et 2017. Il a confirmé "à 100%" que sa collaboration avec le précité et son réseau représentait 75% de son activité dans le "hawala". Il a évoqué une commission, pour lui-même, de 1.30%, sous déduction de ses frais. Dans l'ensemble, il y gagnait "plus ou moins".

h.h. Le 3 août 2021, devant le Ministère public, C______ a déclaré avoir commencé son activité avec X______ au milieu de l'année 2016, étant précisé que leurs relations avaient démarré "tout doucement". Interpellé sur le carnet bleu comportant les inscriptions "XB______ Neuchâtel", respectivement "XB______ Fribourg", associées à la période du mois de décembre 2015, il a indiqué que celle-ci pouvait correspondre au début de leurs activités communes. Il ne connaissait qu'un seul "XB______".

Lui-même connaissait uniquement l'identité des collecteurs. Contrairement à lui, ces derniers étaient responsables de connaitre l'identité des personnes qui leur confiaient de l'argent. Lorsqu'il faisait référence à un collecteur, il pensait par exemple à X______. Son travail à lui consistait à transférer l'argent à Dubaï. Ce système était juste une "histoire de compensation". On lui avait expliqué qu'il s'agissait de transferts d'argent de famille à famille. Il a contesté avoir transporté des "liasses de billets" à destination du Liban avant son dernier voyage. Avant celui-ci, il ne s'agissait que de sommes de CHF 7'000.- à CHF 9'000.-. Sa commission avait été, en moyenne, de 1.25% des sommes collectées. Après déduction de ses frais, cela représentait un revenu mensuel net de l'ordre de CHF 3'000.- à CHF 3'250.-.

Auditions d'X______ devant le Ministère public, respectivement devant la police sur délégation du Ministère public et le Tribunal des mesures de contrainte

i.a. Lors de son audition devant le Ministère public le 4 septembre 2019, X______ a indiqué confirmer les déclarations qu'il avait faites devant la police. Il a contesté faire partie d'une organisation avec C______, ou d'autres personnes, transportant de l'argent en espèces depuis Genève vers Beyrouth. Il ne connaissait ni les sommes récoltées chaque semaine par C______, ni le fait que ce dernier se rendait environ deux fois par mois à Beyrouth. Tous deux se parlaient, au téléphone, deux ou trois fois par semaine.

i.b. Entendu par le Ministère public dans le cadre de la P/4______ en date du 13 septembre 2019, X______ a indiqué faire du "hawala" essentiellement avec ses compatriotes. Les déclarations de E______ étaient correctes, sous les réserves suivantes: il n'avait commencé à travailler avec E______ qu'une année auparavant et il n'avait jamais convenu d'une commission de 2% en faveur du précité. A une seule reprise, il lui avait dit de garder CHF 300.-, car il était satisfait.

i.c. X______ a déclaré, lors de son audition au Ministère public le 20 septembre 2019, qu'il faisait du "hawala" depuis le mois d'août 2018, selon ses souvenirs. Selon lui, cette activité consistait à aider des compatriotes érythréens à envoyer de l'argent à leurs familles, précisant qu'il était impossible de transférer de l'argent légalement en Erythrée. Concrètement, il recevait de l'argent en Suisse d'un compatriote qui voulait l'envoyer en Erythrée. Il le remettait ensuite à C______, lequel le lui rendait, à lui-même ou à d'autres personnes, à Dubaï. Il ne savait pas comment C______ s'y prenait pour que l'argent remis à celui-ci en Suisse soit rendu à Dubaï. Entre Dubaï et l'Erythrée, l'argent était transféré via des "transactions économiques", par exemple du commerce de pièces de rechange de voitures ou des habits. L'argent était finalement remis au destinataire en Erythrée grâce à l'aide de sa famille. Il était informé lorsque les destinataires avaient reçu l'argent.

Dans ce contexte, il avait transféré CHF 20'000.- par mois, en moyenne. Certains mois, cela avait été CHF 10'000.- et, pendant les mois de fêtes, peut-être CHF 60'000.-. Il ignorait le nombre de compatriotes qu'il avait aidés, car il avait 4 ou 5 collecteurs, étant précisé que c'étaient ces derniers qui avaient des contacts directs avec les expéditeurs. Cependant, des compatriotes le contactaient également directement. Il n'avait pas 50 collecteurs – en tout cas pas des collecteurs réguliers. Dans tous les cas, l'argent était ensuite remis à C______. A la question de savoir s'il conservait un carnet avec le détail des compatriotes ainsi que les sommes acheminées en Erythrée, il a répondu qu'il ne tenait pas de comptabilité. Il vérifiait toutefois les comptes. Les collecteurs avaient leurs propres carnets.

Interrogé sur les gains qu'il avait retirés du "hawala", il a déclaré qu'il devait "faire des calculs, avec [sa] famille" – il n'était pas en mesure d'articuler des chiffres en l'état. Dans tous les cas, sa rémunération n'était pas égale ou supérieure à celle de C______, il en était "extrêmement loin".

i.d. Lors de son audition devant le Ministère public du 27 septembre 2019, X______ a déclaré, s'agissant de ses nombreux contacts téléphoniques avec C______, que tous deux étaient en contact deux à trois fois par semaine, "toujours pour des histoires d'argent". Les sommes d'argent évoquées à ces occasions étaient en dirhams émiratis. Il avait essentiellement six (sic) collecteurs réguliers, à savoir E______ à Genève, F______ à Lausanne, ______ à Fribourg, ______ à Neuchâtel, L______ à Berne, H______ à Berne et I______ à Zurich.

Interrogé sur sa rémunération, il a indiqué qu'à Dubaï, il achetait et revendait des objets. Lorsqu'il revendait des objets en Erythrée, il gagnait de l'argent. Interrogé sur les montants touchés mensuellement de la sorte, il a répondu qu'il n'avait "pas fait le calcul". Il ne pensait toutefois pas avoir perdu de l'argent.

i.e. Entendu par le Ministère public en date du 11 octobre 2019, X______ a déclaré qu'après avoir remis de l'argent à C______, il récupérait, en personne ou via des tiers, les sommes en question auprès d'D______ à Dubaï. Lesdits montants étaient récupérés, en espèces et en dirhams émiratis, à raison d'une fois par semaine environ.

X______ a expliqué, s'agissant de l'utilisation de raccordements téléphoniques associés aux noms de tiers, que son épouse avait souscrit une offre globale pour toute la famille, respectivement qu'il avait lui-même acquis, pour CHF 5.-, une carte SIM rechargeable sur un stand LYCA. Il ignorait qui étaient J______ et K______.

Sa famille n'avait jamais bénéficié de l'aide sociale en Suisse.

i.f. Entendu par le Tribunal des mesures de contrainte le 5 novembre 2019, X______ a déclaré avoir remis à C______, chaque mois, un montant de l'ordre de CHF 10'000.- à CHF 60'000.-, que ce dernier acheminait à Dubaï. C______ touchait entre 1.6 et 2% de ces sommes à titre de commission. Selon ses estimations, lui-même touchait 0.6% – soit tout au plus CHF 360.- par mois. En outre, il faisait du commerce – notamment de lessive, pièces de rechange et habits – depuis Dubaï à destination de l'Erythrée. Il ignorait combien il gagnait via ses activités, il devait encore faire le calcul. Il ne contestait toutefois pas avoir touché CHF 9'000.- par mois, mais cette somme provenait de son entreprise T______ LLC à Dubaï. Il a ensuite précisé ensuite que son revenu mensuel, provenant de cette entreprise, était plutôt de l'ordre de CHF 5'000.- à CHF 5'500.-.

i.g. En date du 12 juin 2020, devant le Ministère public, X______ a indiqué avoir rencontré C______ en 2019. Il n'était pas le seul Erythréen avec lequel celui-ci travaillait – l'intéressé le lui avait dit et cela ressortait des écoutes téléphoniques. C______ travaillait avec plusieurs groupes différents et avait ses propres collecteurs mais il essayait de le faire passer, à tort, pour le responsable de tous les groupes et de l'ensemble de la récolte des fonds. Il n'était responsable que d'un seul groupe, soit celui de compatriotes lui ayant demandé d'envoyer de l'argent. A sa connaissance, ces sommes étaient destinées à aider les familles en Erythrée, à des soins médicaux et à l'achat de nourriture. Les montants remis à C______ avaient été, dans un premier temps, inférieurs à CHF 10'000.-. Par la suite, surtout lors des périodes de fêtes en Erythrée, ce montant avait eu tendance à augmenter. Lui-même ne s'était pas rendu à Dubaï en lien avec les transports de fonds effectués par C______, mais pour d'autres raisons. A la question de savoir pourquoi il ne transportait pas lui-même ces fonds, il a répondu que transporter de l'argent n'était pas quelque chose de légal.

i.h. Entendu par le Ministère public le 16 juin 2020, X______ a indiqué s'être rendu en Angola en 2017 pour le travail. En effet, il avait investi USD 40'000.- dans un supermarché vendant des produits alimentaires, tenu par un membre de sa famille dans ce pays. A l'époque de l'audience, il pensait avoir perdu de l'argent. Son prénom était communément utilisé en Erythrée.

i.i. X______ a été entendu par la police, sur délégation du Ministère public, en date du 23 juillet 2020, à la suite de l'analyse des données extraites de ses deux téléphones portables.

L'adresse électronique "XA______@gmail.com" n'était pas la sienne et il n'y avait pas eu accès. L'utilisateur était Z______, soit son beau-frère vivant à Asmara, lequel travaillait pour lui dans le cadre du "hawala". Il a précisé que Z______ était décédé au cours de la procédure. Cette adresse lui avait été communiquée par des "clients" en Suisse. Lorsque lui-même était absent, le "client" pouvait envoyer directement les informations relatives aux transactions sur ce courriel. Informé que le compte correspondant à l'adresse précitée avait été supprimé sur ses deux téléphones, il a nié l'avoir supprimé. Il ne savait pas si ce compte s'était trouvé sur ses téléphones. A la question de savoir si cela était possible, il a répondu qu'il l'ignorait, tout comme il ignorait s'il y avait eu accès ou non. Il était toutefois certain d'avoir transmis cette adresse électronique à E______, pour que ce dernier puisse "envoyer de l'argent en Erythrée directement". Tous deux communiquaient essentiellement via l'application VIBER mais en cas d'absence de sa part, E______ pouvait contacter Asmara directement. Il ne se rappelait pas s'il avait transmis cette adresse à d'autres collecteurs en Suisse.

Le fichier Excel intitulé "Keren" représentait les envois d'argent de "hawala" en Erythrée. Il reconnaissait les noms qui y figuraient. Z______ avait préparé ce document, avant de le lui envoyer. Lui-même devait en vérifier le contenu, à savoir comparer le montant total des fonds collectés en Suisse par son réseau – qu'il connaissait via les messages VIBER envoyés par les collecteurs – avec le total distribué en Erythrée. Il n'y avait jamais eu de problème. Il a précisé ne pas avoir tenu de comptabilité personnelle.

Il n'était pas non plus l'auteur du feuillet intitulé "CC______". La première colonne de ce document correspondait aux noms des collecteurs de son réseau en Suisse. Il ignorait à quoi correspondaient les autres colonnes, mais la quatrième colonne pouvait correspondre à des personnes auxquelles il achetait des marchandises à Dubaï. Interrogé sur la manière dont Z______ avait obtenu des informations relatives aux collecteurs en Suisse, il a indiqué qu'il les lui avait transmises, par téléphone, en particulier les montants et les coordonnées des réceptionnaires des fonds. S'agissant des noms figurant sur ce document, X______ a indiqué qu'ils correspondaient notamment à huit collecteurs appartenant à son réseau, soit F______, E______, G______, "LA______", H______, "______", "______", "______", ainsi qu'à lui-même. Il ignorait quelle était la devise des montants inscrits sur ce tableau. Il était toutefois exact que l'argent collecté en Suisse l'était en francs suisses. Il ne se rappelait pas avoir vu les fichiers Excel "______", respectivement "X-AA______". Il n'en était pas l'auteur et ne se rappelait pas les avoir lus. S'agissant du dernier fichier, il ignorait à quoi correspondaient les pourcentages de 2.5 et 3% qui figuraient sur les premières lignes de certains feuillets. Il ne s'agissait pas de commissions perçues par les collecteurs – il n'en donnait jamais.

Il détenait entre 12% et 20% des parts sociales de la société T______ LLC, société d'import/export. Il les avait acquises en 2018 moyennant un investissement de USD 100'000.-, financé avec "les fruits de [son] fonds de commerce", à l'exclusion de fonds provenant de la collecte d'argent en Suisse. Interrogé sur son éventuelle activité professionnelle en lien avec celle-ci, il a indiqué qu'il était un apporteur d'affaires. Son activité professionnelle à Dubaï n'était pas liée au "hawala" pratiqué en Suisse.

Interrogé sur le MOA daté du 7 septembre 2018, il a indiqué que les USD 100'000.- qu'il avait investis dans T______ LLC devaient servir à une opération d'achat/vente de hardware et de software, étant précisé que Z______ devait apporter le solde de USD 50'000.-. Le document en question n'avait pas été signé et l'opération prévue n'avait finalement pas eu lieu. Il avait régulièrement touché des dividendes de la société précitée. Le document "Announcement of Dividend Payment" avait été établi à sa demande, pour justifier ses revenus auprès des autorités fiscales saint-galloises. Quand bien même ce document mentionnait que le versement en sa faveur d'un montant total d'USD 50'0000.- était fondé sur le MOA, ledit versement n'avait aucun rapport avec ce dernier.

X______ a confirmé que P______ LTD, constituée en 2017, n'avait jamais eu d'activité. Sur présentation de l'extrait de compte de U______, relatif à cette société, il a toutefois indiqué que ______, le mari de sa sœur, en gérait concrètement les activités et que celui-ci avait dû trouver des investisseurs pour lancer l'activité. Lui-même avait transféré, dans ce même but, CHF 40'000.- sur le compte de ladite société.

i.j. Lors de ses auditions au Ministère public des 3 août 2021 et 25 avril 2022, X______ a contesté avoir débuté sa collaboration avec C______ en 2015. Celle-ci avait commencé en 2018. Il n'avait pas exercé d'autre activité dans le "hawala" avant cette époque.

De manière générale, il n'avait pas perçu de commission à travers son activité de "hawala". Il n'avait pas agi à titre professionnel. Il connaissait les personnes qui lui remettaient l'argent. En effet, il s'agissait de gens avec lesquels il avait grandi, respectivement avec lesquels il avait des liens de parenté. Ces personnes étaient exclusivement de nationalité érythréenne. Il était exact qu'au sein de la communauté, tous les membres se connaissaient bien et connaissaient les lieux de travail et activités de chacun. Partant, il connaissait l'identité des personnes qui lui remettaient l'argent et l'origine de cet argent. Il connaissait également les adresses et les lieux de travail de ces expéditeurs. Les montants étaient faibles, soit entre CHF 50.- et CHF 100.-.

A la question de savoir pourquoi, s'il n'était pas rémunéré, il avait continué cette activité, il a indiqué avoir voulu aider la communauté. En effet, il était très difficile, depuis la Suisse, d'envoyer de l'argent à sa famille en Erythrée. En Suisse, il se faisait uniquement remettre des francs suisses. La somme que recevait le destinataire en monnaie érythréenne était fixée en appliquant le taux de change officiel, fixé par l'Etat érythréen – le respect dudit taux était une question de vie ou de mort. Lorsqu'il arrivait à Dubaï, l'argent était changé en dirhams émiratis. A ce même endroit, du matériel était acheté, lequel était ensuite transporté en Erythrée. Une fois dans ce pays, le matériel était vendu et le prix de vente distribué aux familles sur place. A la question de savoir s'il percevait une marge entre l'achat et la vente de ce matériel, il a indiqué que celui-ci était finalement vendu en monnaie érythréenne, raison pour laquelle il pouvait y avoir une "différence en [sa] faveur" mais ce n'était "pas grand-chose". Cette différence était calculée par rapport au niveau de vie des Erythréens de sorte que cela représentait "très peu".

En Suisse, il avait été chauffeur de taxi. En cette qualité, il percevait un revenu mensuel brut d'environ CHF 3'000.-, lequel pouvait être plus important lors des périodes de fêtes. Il avait arrêté cette activité avant l'année 2019. Il s'était alors rendu à Dubaï dans l'idée de développer une activité dans le commerce.

C. Lors de l'audience de jugement:

a. X______ a exercé son droit au silence. Sur le conseil de son avocate, il a néanmoins indiqué qu'il connaissait personnellement les personnes qui avaient fait appel à ses services, dans la mesure où il s'agissait de membres de sa famille ou d'amis proches. Il avait rencontré physiquement toutes ces personnes, en ce sens que, étant amis proches, ils se rencontraient pour différentes occasions.

b. B______ a déclaré être l'épouse d'X______, qu'elle avait rencontré en 2006. Avant son arrestation, son époux était une personne honnête et respectueuse, proche de sa famille. Son arrestation et sa détention avaient eu un énorme impact négatif sur leur famille. Il y avait eu des tensions au sein même de la famille et de leur couple. La procédure pénale avait également terni leur image et leur réputation. Elle-même n'avait plus pu travailler en sa qualité d'interprète en amharique, tigrinya et allemand, à la suite d'un courrier reçu de la police saint-galloise. Cette procédure avait également été un choc pour leur fille.

D. a. X______ est né le ______1974 à Keren/Erythrée, pays dont il est originaire. Il a également la nationalité suisse depuis 2014. Il est marié et a un enfant, âgé de 11 ans, dont il subvient aux besoins. Ses parents se trouvent en Erythrée et il a 4 frères et 4 sœurs. Il a terminé l'école secondaire en Erythrée, puis a rejoint l'armée dans ce pays, durant deux ans. Il s'est installé en 2008 en Suisse, à Saint-Gall, avec son épouse B______. Après avoir passé son permis de conduire, il a exercé en qualité de chauffeur de taxi indépendant de 2010 à septembre 2018. Il gagnait entre CHF 3'500.- et CHF 5'000.- par mois. En septembre 2018, il est retourné vivre officiellement à Dubaï, où il a exporté des marchandises à destination de l'Erythrée principalement, parfois également en Ethiopie. Depuis le mois de mars 2020, il travaille à nouveau en qualité de chauffeur de taxi. Son salaire mensuel net s'élève à environ CHF 3'000.-.

Avec son épouse, ils sont propriétaires de leur appartement à Saint-Gall. L'hypothèque s'élève à CHF 250'000.- et CHF 198'000.-. Les charges hypothécaires, soit les intérêts et les charges, s'élèvent mensuellement à CHF 966.39. Sa prime d'assurance-maladie est de CHF 283.15. Il a des comptes bancaires, notamment celui qui a été séquestré ainsi qu'un compte auprès de la banque ______, sur lequel il y a environ CHF 43'000.-. Il n'a pas de dette, hormis la dette hypothécaire.

b. A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, X______ n'a pas d'antécédent.

 

EN DROIT

Mesures de surveillance secrètes

1. A titre liminaire, s'agissant de la conclusion préalable du prévenu visant à la constatation de l'illicéité des écoutes mises en œuvre et à ce qu'elles soient écartées de la procédure, le Tribunal se réfère intégralement à la motivation rendue sur question préjudicielle et sur question incidente, laquelle figure au procès-verbal de l'audience de jugement.

Culpabilité

2. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst., concerne tant le fardeau de la preuve, qui incombe à l'accusation, que l'appréciation des preuves. Comme règle de l'appréciation des preuves, ce principe interdit au juge de se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective des éléments de preuve recueillis laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent certes pas à exclure une condamnation. La présomption d'innocence n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur sa culpabilité (ATF 124 IV 86 consid. 2a).

Il n'est pas contraire à la présomption d'innocence d'acquérir une conviction de culpabilité sur la base d'un faisceau d'indices, à moins que cette appréciation ne soit arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_918/2010 du 14 mars 2011 consid. 1.2).

3. Selon l'art. 305ter al. 1 CP, celui qui, dans l'exercice de sa profession, aura accepté, gardé en dépôt ou aidé à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à un tiers et qui aura omis de vérifier l'identité de l'ayant droit économique avec la vigilance que requièrent les circonstances, sera puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

Sur le plan objectif, cette infraction suppose la réalisation de trois conditions. L'auteur doit avoir agi dans l'exercice d'une profession en rapport avec la gestion du patrimoine d'autrui; il s'agit d'une notion large, englobant toute activité exercée régulièrement dans le secteur financier (ATF 129 IV 338 consid. 2.3; ATF 129 IV 329 consid. 2.2). Il faut en outre qu'il ait accompli un acte de gestion du patrimoine d'autrui; à cet égard, l'art. 305ter CP mentionne la réception, la conservation ainsi que l'aide au placement ou au transfert de valeurs patrimoniales, mais cette liste n'est pas exhaustive (ATF 134 IV 307 consid. 2.3). Il faut encore qu'il ait omis de vérifier l'identité de l'ayant droit économique, malgré l'existence d'indices donnant à penser que le contractant n'est pas l'ayant droit économique des valeurs patrimoniales (ATF 134 IV 307 consid. 2.1; ATF 125 IV 139 consid. 3b). Du point de vue subjectif, l'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant.

3.1.1. L'art. 305ter al. 1 CP réprime un délit propre pur (echtes Sonderdelikt): seule la personne qui, dans l'exercice de sa profession, accepte, garde en dépôt ou aide à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers, peut commettre cette infraction comme auteur à titre principal; est donc visée la personne qui exerce une activité professionnelle dans le secteur financier (Cassani, Commentaire du droit pénal suisse, vol. 9, 1996, art. 305ter CP n. 6; Kistler, La vigilance requise en matière d'opérations financières, thèse Lausanne 1994, p. 141 ss; Pieth, BK Strafgesetzbuch II, 2003, art. 305ter CP n. 8 ss).

3.1.1.1. La notion de "professionnel du secteur financier" est considérée comme équivalente à celle d'"intermédiaire financier" au sens de la Loi fédérale concernant la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme dans le secteur financier du 10 octobre 1997 (LBA; RS 955.0) – entrée en vigueur le 1er avril 1998 (Cassani, CR CP II, 2017, art. 305ter CP n. 6).

D'après l'art. 2 al. 3 let. b et c LBA, sont en outre réputés intermédiaires financiers les personnes qui, à titre professionnel, acceptent, gardent en dépôt ou aident à placer ou à transférer des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers, en particulier les personnes qui fournissent des services dans le domaine du trafic de paiements, notamment en procédant à des virements électroniques pour le compte de tiers, ou qui émettent ou gèrent des moyens de paiement comme les cartes de crédit et les chèques de voyage, ainsi que les personnes qui font le commerce, pour leur propre compte ou pour celui de tiers, de billets de banque ou de monnaies, d'instruments du marché monétaire, de devises de métaux précieux, de manières premières ou de valeurs mobilières (papiers-valeurs et droits-valeurs) et de leurs dérivés.

Compte tenu du caractère vague de l'art. 2 al. 3 LBA et des conséquences pénales rattachées à l'exercice d'une activité sans autorisation ou affiliation, la clause générale doit être interprétée de manière restrictive, ce qui implique notamment les trois réserves suivantes: l'art. 2 al. 3 LBA n'est applicable qu'aux activités qui présente un risque effectif de blanchiment d'argent, la clause générale doit faire l'objet d'une interprétation conforme au principe de la liberté économique, dont l'assujettissement à un régime réglementaire constitue une restriction et la clause générale n'a pas pour objet d'élargir le champ d'application des hypothèses visées par les let. a à g, lesquelles constituent des dispositions spéciales par rapport à la clause générale et règlent exhaustivement les activités qui y sont traitées (Bovet, Bacharach, CR LBA, 2022, art. 2 LBA, n. 76).

En substance, l'art. 2 LBA concrétise l'art. 305ter CP en définissant la notion d'intermédiaire financier; cette définition n'est toutefois pas exhaustive (Dupuis, Moreillon, Piguet, Berger, Mazou, Rodigari, Petit Commentaire du Code pénal, 2ème éd., 2017, art. 305ter CP n. 11 et les références citées). Il peut s'agir notamment de banquiers, de fiduciaires, de conseillers en placement, d'administrateurs financiers, d'agents de change, de marchands de métaux précieux ou encore d'avocats d'affaires (Dupuis, Moreillon, Piguet, Berger, Mazou, Rodigari, op. cit., art. 305ter CP n. 12 et les références citées). En revanche, les représentants des professions commerciales qui ne font pas partie du secteur financier ne tombent pas sous le coup de l'art. 305ter CP (Dupuis, Moreillon, Piguet, Berger, Mazou, Rodigari, op. cit., art. 305ter CP n. 14 et les références citées). Ainsi, pour déterminer si une personne est un auteur au sens de l'art. 305ter CP, interprété à la lumière de l'art. 2 al. 3 LBA, il convient de tenir compte de son activité effective, et non de son titre professionnel (Cassani, CR CP II, art. 305ter CP n. 10).

3.1.1.2. L'art. 305ter al. 1 CP ne renvoie pas à l'Ordonnance fédérale sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (OBA; RS 955.01), ni à l'Ordonnance fédérale sur l'activité d'intermédiaire financier exercée à titre professionnel avant elle. Ces normes lui sont postérieures et de rang inférieur, de sorte que le juge pénal pourrait en théorie s'affranchir des précisions qui en découlent, tout comme de celles en vertu de la circulaire précitée de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Toutefois, les critères proposés dans ces textes normatifs semblent pertinents, et ils apportent des précisions favorisant le respect du principe de la légalité et non des extensions non couvertes par le sens raisonnable de la loi. Dès lors, il paraît devoir être pris en compte par le juge pénal (Cassani, CR CP II, art. 305ter CP n. 13).

Selon l'art. 4 al. 1 let. a OBA, il y a service dans le domaine du trafic des paiements au sens de l'art. 2 al. 3 let. b LBA notamment lorsque l'intermédiaire financier, sur mandat de son cocontractant, transfère des valeurs financières liquides à un tiers et prend lui-même physiquement possession de ces valeurs, les fait créditer sur son propre compte ou ordonne un virement au nom et sur ordre du cocontractant.

3.1.2. L'activité dans le secteur financier est réputée exercée à titre professionnel au sens de l'art. 305ter CP si elle n'est pas occasionnelle et qu'elle procure à l'auteur des revenus réguliers. Il peut s'agir d'une activité accessoire. Le texte légal de l'art. 305ter al. 1 CP ne contient aucune valeur seuil pour définir le caractère professionnel de l'activité exercée par l'auteur (Cassani, CR CP II, art. 305ter CP n. 15).

Le Message du Conseil fédéral précise qu'il n'est pas nécessaire que celui qui exerce l'activité cherche à assurer son entretien par cette seule source de revenus. Mais elle ne doit pas non plus se résumer à une source insignifiante de gains accessoires. La définition de l'auteur est étroitement liée à la description de son activité. Elle cherche à englober en tant que branche les personnes qui ont une activité dans le secteur financier (FF 1989 II 961).

3.1.2.1. Pour délimiter l'activité professionnelle accessoire de celle qui est purement ponctuelle, les critères quantitatifs découlant de l'art. 7 OBA sont pertinents, même si cette ordonnance est postérieure et de rang inférieur à l'art. 305ter CP (Cassani, CR LBA, art. 2 LBA n. 83). Aux termes de l'art. 7 al. 1 OBA, un intermédiaire financier exerce son activité à titre professionnel dès lors qu'il en tire un produit brut (Bruttoerlös) de plus de CHF 50'000.- durant une année civile (let. a), établit des relations d'affaires ne se limitant pas à une activité unique avec plus de 20 cocontractants durant une année civile ou entretient au moins 20 relations de ce type durant une année civile (let. b), a un pouvoir de disposition d'une durée illimitée sur des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers dont le montant dépasse 5 millions de francs à un moment donné (let. c) ou effectue des transactions dont le volume total dépasse 2 millions de francs durant une année civile (let. d). Concernant l'art. 7 al. 1 let. b OBA, il est précisé que s'agissant de l'établissement de relations d'affaires, cette disposition précise que cela ne doit pas se limiter à "une activité unique(eine einmalige Tätigkeit). À la lumière des indications données par le Conseil fédéral ("afflux de valeurs patrimoniales") et par la FINMA ("transaction unique") en rapport avec l'art. 7 al. 1 let. d OBA, cette précision signifie que l'activité doit ensuite revêtir une certaine intensité et, en particulier, aller au-delà de la simple réception de fonds (Bovet/Bacharach, op. cit., art. 2 LBA n. 265).

S'agissant du critère du produit brut de plus de CHF 50'000.- durant une année civile, selon la Circ. 11/1 "Activité d'intermédiaire financier au sens de la LBA", cet élément "se compose de toutes les recettes générées par des activités soumises à la LBA. On se base sur le produit brut hors diminutions de produits. Pour les entreprises commerciales qui établissent leur compte de résultat selon la méthode des chiffres bruts, c'est le bénéfice brut qui est déterminant. Si un intermédiaire financier fournit à la fois des prestations soumises et des prestations non soumises à la LBA, les recettes provenant de l'activité soumise à la LBA doivent être ajoutées au produit brut. Comptablement, ceci suppose de distinguer clairement entre produits d'activités soumises à la LBA et produits d'activités non soumises à la LBA" (Cm 143).

3.1.2.2. Lorsque l'intermédiaire financier fournit des services tombant dans le champ d'application de la LBA et d'autres qui n'y seraient pas soumis, il lui appartient de distinguer clairement ces deux activités dans sa comptabilité. Par ailleurs, l'activité exercée pour des personnes proches n'est prise en considération que si le produit brut réalisé par année civile est supérieur à CHF 50'000.- (art. 7 al. 4 OBA) (Bovet/Bacharach, CR LBA, art. 2 LBA n. 265).

3.1.2.3. Selon l'art. 7 al. 4 et 5 OBA, l'activité exercée pour des personnes proches n'est prise en considération pour l'évaluation visant à déterminer si elle est exercée à titre professionnel que si le produit brut réalisé par année civile est supérieur à CHF 50'000.-. Sont considérés comme des personnes proches les parents et alliés en ligne directe, les parents en ligne collatérale jusqu'au troisième degré, les conjoints ou les partenaires enregistrés, les cohéritiers jusqu'à la clôture du partage successoral, les appelés et les substituts du légataire au sens de l'art. 488 CC et les personnes qui vivent avec un intermédiaire financier dans une communauté de vie établie sur le long terme.

Il ressort de l'art. 9 OBA que la transmission de fonds ou de valeurs est toujours considérée comme étant exercée à titre professionnel, sauf si elle est effectuée pour une personne proche et que son produit brut ne dépasse pas 50'000 francs par année civile.

3.1.3. La jurisprudence a précisé que celui qui, mandaté par une autre personne, transporte depuis l'étranger à destination de la Suisse de grosses sommes d'argent appartenant à un tiers, les change en Suisse en francs suisses, les verse sur le compte d'une entreprise qu'il domine – compte pour lequel il a une signature – et fait virer ces sommes sur les comptes d'autres personnes conformément aux instructions du mandant, effectue une affaire financière et fait ainsi partie du cercle des auteurs visés par l'art. 305ter al. 1 CP (ATF 129 IV 338 consid. 2).

3.2.1. L'art. 305ter CP sanctionne un délit de mise en danger abstraite. Le comportement incriminé consiste à effectuer des opérations financières sans identifier l'ayant droit économique. La violation du devoir d'identification est à elle seule suffisante. La question de savoir si les valeurs patrimoniales ont été acquises par l'ayant droit économique de manière répréhensible est sans pertinence (ATF 125 IV 139 consid. 3b). L'objet du devoir de diligence visé par l'art. 305ter al. 1 CP est la constatation ou l'identification de l'ayant droit économique, qui est la personne physique ou morale qui a la possibilité de fait de disposer des valeurs patrimoniales et donc celui à qui ces valeurs appartiennent sous l'angle économique (ATF 125 IV 139 consid. 3c). Cette disposition définit un délit continu. Le financier doit procéder à de nouvelles vérifications si, au cours des relations d'affaires, il se rend compte – par la découverte ou la survenance de faits nouveaux – que l'identification est incorrecte, soit par exemple parce que le client l'a trompé ou que l'ayant droit économique a changé (ATF 134 IV 307 consid. 2.4).

3.2.2.1. L'obligation de documentation concrétise le devoir de vérification et son manquement constitue une violation de l'art. 305ter al. 1 CP. En revanche, les modalités de cette documentation relèvent de la compétence des établissements bancaires et ne sauraient constituer une violation de la disposition précitée. L'obligation de documentation qui concrétise le devoir de vérification porte ainsi essentiellement sur les nom, prénom, adresse, date de naissance et nationalité des personnes physiques, clients et éventuels ayant droit économiques (ATF 136 IV 127).

En effet, l'art. 305ter CP a pour objet la réunion d'informations susceptibles de faciliter les enquêtes pénales sur l'origine des valeurs. Il doit permettre aux autorités, notamment de poursuite pénale, de reconstituer le puzzle des transactions financières et de remonter plus facilement jusqu'aux cerveaux des organisations. Pour ce faire, l'intermédiaire financier doit conserver une trace écrite de l'identité de ses clients et des ayants droit économiques des comptes, de manière à pouvoir communiquer ces renseignements aux autorités compétentes en cas de demande. En effet, même un homme diligent ne saurait se souvenir du nom, du prénom, de l'adresse, de la date de naissance et de la nationalité de tous ses clients et encore moins de ceux des ayants droit économiques, de sorte qu'une trace écrite de ces données doit être conservée. Cette obligation de documentation constitue la concrétisation du devoir de vérification et son manquement constitue par conséquent une violation de l'art. 305ter CP. Cette interprétation est conforme au but de la loi de même qu'aux textes légaux et à la CDB-08 (ATF 136 IV 127, consid. 3.1.3.2 et les références citées).

Ainsi, cette norme pénale tend à assurer la transparence dans le secteur financier afin d'éviter que les blanchisseurs de capitaux ne tirent profit de l'anonymat des relations pour se livrer à leurs activités criminelles. La connaissance du réel propriétaire économique des valeurs doit faciliter les enquêtes pénales. Le but ultime de la norme réside dans la protection de l'administration de la justice pénale. On peut ainsi en déduire que l'objectif visé par la norme pénale est atteint lorsque l'ayant droit économique est identifié. Cette identification implique certes de procéder à des mesures de vérification avec toute la vigilance requise. Reste que si en fin de compte une identification correcte a lieu, il ne paraît guère approprié, dès lors que le but recherché est atteint, d'appliquer l'art. 305ter CP à celui qui a accompli des vérifications insuffisantes. En ce sens, le résultat importe plus que la manière. En conséquence, cette norme ne saurait être appliquée en cas d'identification correcte de l'ayant droit économique, même si l'intermédiaire financier est parvenu à cette identification sans procéder avec toute la vigilance requise par les circonstances concrètes (ATF 129 IV 329 consid. 2.5).

3.2.2.2. La notion de "vigilance requise par les circonstances" impose au financier un devoir d'identification dont les limites résident dans le principe de la proportionnalité. Le degré de diligence requis n'est pas défini par la loi pénale. Le message du Conseil fédéral de 1989 renvoie à cet égard aux règles internes gouvernant les professions concernées, à savoir, en matière bancaire, à la Convention relative à l'obligation de diligence des banques (Message concernant la modification du code pénal suisse, Législation sur le blanchissage d'argent et le défaut de vigilance en matière d'opérations financières du 12 juin 1989 in FF 1989 II). Selon le message du Conseil fédéral, le processus d'identification exige un minimum de règles écrites (FF 1989 II).

Aujourd'hui, les devoirs de diligence des intermédiaires financiers sont ancrés dans la LBA. L'art. 3 al. 1 première phrase LBA impose de vérifier l'identité du cocontractant sur la base d'une pièce justificative, tandis que l'art. 4 LBA impose d'exiger du cocontractant une déclaration (formulaire A) indiquant qui est l'ayant droit économique dans certaines situations.

D'après l'art. 7 LBA, l'intermédiaire financier doit établir des documents relatifs aux transactions effectuées ainsi qu'aux clarifications requises en vertu de la présente loi de manière à ce que des tiers experts en la matière puissent se faire une idée objective sur les transactions et les relations d'affaires ainsi que sur le respect des dispositions de la présente loi (al. 1). Il conserve les documents de manière à pouvoir satisfaire, dans un délai raisonnable, aux éventuelles demandes d'informations ou de séquestre présentées par les autorités de poursuite pénale (al. 2). Il conserve les documents dix ans après la cessation de la relation d'affaires ou après la fin de la transaction (al. 3).

L'art. 23 de l'Ordonnance de l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers sur la prévention du blanchiment d'argent et du financement du terrorisme dans le domaine des banques, des négociants en valeurs mobilières et des placements collectifs du 18 décembre 2002 (OBA-FINMA 1; RS 955.022), entrée en vigueur le 1er juillet 2003, prévoit que l'intermédiaire financier organise sa documentation de façon à être en mesure d'indiquer dans un délai raisonnable, documents à l'appui, aux autorités de poursuite pénale ou à d'autres autorités habilitées qui est le donneur d'ordre d'un virement sortant et si une entreprise ou une personne: est un cocontractant ou un ayant droit économique (let. a); a effectué une opération de caisse exigeant la vérification de l'identité des personnes concernées (let. b); dispose d'une procuration durable sur un compte ou un dépôt, dans la mesure où celle-ci ne ressort pas déjà d'un registre officiel (let. c).

D'après le ch. 22 de la Convention relative à l'obligation de diligence des banques du 7 avril 2008 (CDG 08), qui concerne l'obligation de documentation, et qui reprend le ch. 22 de la Convention relative à l'obligation de diligence des banques du 2 décembre 2002 (CDB 03), il y a lieu de conserver de manière appropriée le nom, le prénom, la date de naissance, la nationalité et l'adresse du domicile (la raison sociale et le siège, s'il s'agit d'une personne morale ou d'une société) du cocontractant, ainsi que les moyens utilisés pour vérifier son identité. Lorsque le cocontractant provient d'un pays dans lequel les dates de naissance ou les adresses de siège ou de domicile ne sont pas utilisées, l'exigence relative à ces données ne s'applique pas. La photocopie de la pièce de légitimation officielle et les autres documents ayant servi à vérifier l'identité doivent être conservés. Le ch. 23 de la CDG 08 précise que la banque doit prendre des dispositions pour s'assurer que la procédure de vérification de l'identité du cocontractant a été correctement et suffisamment documentée (al. 1). Ces dispositions impliquent notamment que l'arrivée des documents relatifs à la vérification de l'identité du contractant auprès de la banque, ou leur disponibilité dans le système de la banque, puisse être retracée (al. 2).

Reste que la loi pénale et la LBA ne précisent pas la manière dont les actes doivent être documentés, ni n'obligent les banques à tenir un fichier précis ou informatisé. Selon la CDB, les banques restent d'ailleurs libres d'utiliser leurs propres formulaires, même si le contenu de ceux-ci doit être équivalent au formulaire A (ch. 31 CDB 08 et CDB 03). Les modalités de la documentation restent donc de la compétence des établissements bancaires et ne sauraient par conséquent constituer une violation de l'art. 305ter CP. De plus, conformément à la jurisprudence exposée à l'ATF 129 IV 329, l'objectif visé par l'art. 305ter CP est atteint lorsque l'ayant droit économique est identifié, le résultat important plus que la manière.

3.3. L'art. 305ter CP est un délit intentionnel, le dol éventuel étant suffisant. La (simple) présomption qu'une personne est l'ayant droit économique ne fait pas tomber le dol éventuel, pas plus que la supposition erronée que sa propre activité ne tombe pas sous le coup de l'art. 305ter CP (Graf Damian, StGB Annotierter Kommentar, 2020, art. 305ter CP, Mangelnde Sorgfalt bei Finanzgeschäften und Melderecht n. 10 et les références citées.).

Viole intentionnellement son devoir de vigilance, l'intermédiaire financier qui se rend compte qu'il est en présence d'éléments qui devraient le conduire à faire des vérifications supplémentaires, mais y renonce (Cassani, CR CP II, art. 305ter n. 42).

4.1.1. En l'espèce, il est établi par la surveillance active des télécommunications ordonnée à l'encontre du prévenu, par l'analyse du contenu de ses téléphones, par celle des effets personnels et des téléphones de C______, par les autres constatations de police, ainsi que par les déclarations des nombreuses personnes entendues au cours de la procédure, soit des collecteurs de fonds, de C______ et du prévenu lui-même, que ce dernier s'est trouvé à la tête d'un véritable réseau actif dans les transferts internationaux de fonds.

Plus précisément, le prévenu a été le principal, voire le seul, organisateur et coordinateur de ce réseau, dont il s'est assuré au quotidien du bon fonctionnement, en particulier en maintenant un contact permanent avec tous les différents échelons du système mis en place – expéditeurs, collecteurs, transporteurs et distributeurs.

Dans ce contexte, X______ a notamment récolté, respectivement supervisé la récolte par des collecteurs, de sommes en francs suisses remises par des personnes localisées dans toute la Suisse romande et alémanique, désireuses de transférer des fonds à destination de l'Erythrée. Il a organisé quotidiennement la remise des montants ainsi collectés à C______ et s'est assuré que ce dernier faisait le nécessaire pour que les sommes convenues parviennent à Dubaï. Il a encore maintenu un contact régulier avec plusieurs distributeurs situés en Erythrée afin de vérifier que les sommes convenues étaient retirées et parvenaient effectivement à leurs destinataires sur place. Enfin, le prévenu assurait lui-même la bonne tenue de la comptabilité de l'ensemble du système, puisqu'il vérifiait l'exactitude des montants en cause tant avec les collecteurs, qu'avec C______ et les distributeurs.

Ainsi, il est établi, et au demeurant non contesté par le prévenu, que ce dernier a exercé une activité permettant le transfert de valeurs patrimoniales appartenant à des tiers à destination de l'étranger.

4.1.2.1. Le Tribunal doit ensuite examiner si l'activité déployée par le prévenu dans ce contexte doit être qualifiée de professionnelle.

A cet égard, il est d'abord relevé que, malgré les propos du prévenu selon lesquels sa collaboration avec C______ n'aurait débuté qu'en 2018 ou en 2019 – il n'a pas été constant à ce sujet –, la procédure établit que celle-ci a débuté plusieurs années auparavant. Il ressort en effet des propos tenus par le prévenu lui-même, à l'occasion d'une conversation téléphonique avec C______ du mois de mars 2019, que tous deux travaillaient ensemble, à l'époque, depuis 6 ou 7 ans déjà. L'existence d'une collaboration largement antérieure à l'année 2018 est corroborée par les inscriptions figurant dans un agenda bleu foncé, saisi au domicile de C______, selon lesquelles des opérations, associées aux noms "XB______ Lausanne", "XB______ Neuchâtel" et "XB______ Fribourg", auraient eu lieu en décembre 2015.

Si l'existence d'une activité de transfert de fonds, exercée par le prévenu, est établie dès la fin de l'année 2015 au plus tard, le Tribunal relève néanmoins que les éléments figurant à la procédure ne permettent pas de quantifier l'ampleur de cette activité pour les années 2015 et 2016.

Il en va toutefois différemment pour la période allant du courant de l'année 2017 à l'époque de l'interpellation de C______, respectivement du prévenu, durant laquelle le dossier démontre l'existence d'une activité de grande ampleur, tant s'agissant de la fréquence des collectes que des sommes récoltées à ces occasions.

En effet, dès le 13 février 2017, C______ et le prévenu ont échangé des messages via l'application VIBER, en relation avec la remise de montants conséquents, de l'ordre de plusieurs milliers – voire plusieurs dizaines de milliers – de francs suisses. Il sera précisé ici qu'il n'y a pas lieu de douter que les montants collectés et remis à C______ étaient des francs suisses, les collecteurs et le prévenu ayant indiqué que les sommes récoltées en Suisse l'étaient dans cette devise. C______ a par ailleurs affirmé devant le Ministère public que dès l'été 2017, il avait pris le train chaque jour, respectivement un jour sur deux, pour rencontrer les collecteurs du réseau du prévenu, selon les rendez-vous fixés par celui-ci. Ces déclarations sont corroborées par celles de plusieurs collecteurs, soit E______, F______, L______ et H______, lesquels ont affirmé avoir débuté leur activité, pour le prévenu, dans le courant de l'année 2017.

Les messages échangés, via l'application VIBER, par X______ et E______ dès le mois de décembre 2017, témoignent encore de la fréquence et de l'importance des sommes collectées dès cette époque. A ce sujet, à teneur des calculs effectués par la police, fondés sur lesdits échanges, E______ a récolté un montant total de CHF 521'100.- entre le 5 décembre 2017 et le 21 août 2019, soit une moyenne mensuelle de CHF 26'055.-. Il y a lieu de souligner que selon les propos tenus, au téléphone, par le prévenu lui-même à la suite de l'interpellation de E______, ce dernier n'était pas un collecteur important au sein du réseau – il ne remettait "pas beaucoup". Dès lors, il peut raisonnablement être retenu que les autres collecteurs du réseau récoltaient des sommes supérieures, ou à tout le moins égales, à celles rapportées par E______.

La collecte de sommes importantes est également corroborée par le fichier Excel "Keren" retrouvé dans les deux téléphones du prévenu, relatif aux envois d'argent en Erythrée. Ce document comporte notamment un feuillet "CC______" avec un tableau nommé "CB______", lesquels recensent, pour la période du 13 novembre 2017 au 9 janvier 2019, les sommes remises à C______ par les collecteurs du réseau du prévenu – ce dernier a reconnu les noms de huit de ses collecteurs, en plus de son propre nom –. Or, l'analyse de ce tableau a révélé que pour la seule année 2018, C______ s'est fait remettre un montant total d'environ CHF 5'000'000.- par les collecteurs du réseau d'X______.

Il ressort encore des messages échangés sur VIBER par C______ et le prévenu, dont le système de code a été décrypté de manière convaincante par la police, qu'entre le 26 avril 2019 et le 26 août 2019, soit une période de seulement quatre mois, C______ a récupéré environ CHF 2'000'000.- auprès du réseau d'X______. Dans le même ordre d'idée, le fichier Excel intitulé "X-AA______" (feuillet "FA______"), également retrouvé dans l'un des téléphones du prévenu, démontre qu'entre le 2 mai 2019 et le 7 août 2019, F______ a remis, à lui seul, un montant total de CHF 423'700.- à C______.

S'agissant des éléments qui précèdent, il y a encore lieu de souligner que dans plusieurs cas, il existe une correspondance entre les montants mentionnés dans les messages adressés, sur VIBER, par C______ au prévenu, et le contenu de conversations téléphoniques s'étant tenues entre ce dernier et les collecteurs et, parfois, également avec le contenu des fichiers Excel. A titre d'exemple, l'on retrouve un montant de CHF 30'000.- mentionné dans un message – codé – envoyé le 2 mai 2019 par C______ au prévenu ("L-M30000(…)") dans une conversation, du même jour, survenue entre ce dernier et F______ ("Donne-lui 30") et, enfin, dans le fichier Excel "X-AA______", feuillet "FA______".

Enfin, la remise, fréquente, de sommes importantes au prévenu, respectivement à ses collecteurs, au cours des années 2017 à 2019 est accréditée par les nombreux voyages – 58 au total –, effectués de manière régulière par C______ à destination de Beyrouth entre le 17 mai 2017 et le 26 août 2019. A cet égard, outre le fait que le précité transportait, en espèces, l'équivalent de CHF 339'000.- le jour de son interpellation, la lecture des images X-RAY permet de retenir que C______ a, de manière quasi systématique, transporté d'importantes sommes d'argent dans ses bagages. S'il ressort du dossier que le précité a collaboré avec d'autres réseaux que celui du prévenu – en particulier un réseau somalien –, il n'en demeure pas moins que le réseau du prévenu constituait une part importante de sa clientèle, C______ ayant soutenu, en fonction de l'avancement de la procédure, que ledit réseau représentait entre environ 45 et 75% de son activité.

Ainsi, il découle de l'ensemble des éléments qui précèdent que, à tout le moins entre le courant de l'année 2017 et le moment de son interpellation, le prévenu a pratiqué le "hawala" de manière intensive, puisqu'il a transféré de la sorte des sommes considérables à l'étranger, soit au minimum plusieurs millions de francs suisses.

4.1.2.2. Le prévenu soutient n'avoir touché aucune rémunération dans le cadre de cette activité, qu'il aurait exercée uniquement dans le but d'aider les membres de la communauté érythréenne.

Le Tribunal ne peut toutefois le suivre sur ce point.

En premier lieu, le prévenu a adopté une position contradictoire à ce sujet. En effet, s'il affirme, au terme de la procédure, n'avoir tiré aucun revenu de son activité de "hawala", il a néanmoins indiqué, devant le Tribunal des mesures de contrainte, qu'il touchait une commission correspondant à 0.6% des montants transférés. En outre, il a également soutenu retirer un bénéfice de son activité d'achat et de vente de marchandises en Erythrée, dans le cadre de laquelle les fonds du "hawala" étaient utilisés. Interpellé à plusieurs reprises sur les montants en question, il a indiqué que son revenu mensuel, en lien avec l'activité de son entreprise T______ LLC, était de l'ordre de CHF 5'000.- à CHF 5'500.-.

Il ressort ensuite du dossier, en particulier des fichiers informatiques retrouvés dans les téléphones du prévenu – notamment des feuillets composant le fichier "X-AA______" –, des conversations tenues par ce dernier avec les collecteurs, des déclarations de C______, et des déclarations de certains collecteurs, en particulier E______, que tant C______ que les collecteurs en Suisse étaient rémunérés pour leur activité dans le "hawala".

Il parait dès lors plus que douteux que le prévenu, qui se trouvait à l'échelon le plus élevé du réseau, qui tenait les comptes et devait rémunérer les différents intermédiaires, n'ait pas eu la volonté de tirer le moindre profit de cette activité, dont le dossier démontre qu'elle était pourtant chronophage. Une telle position apparait d'autant moins crédible que, selon ses propres déclarations, le prévenu s'engageait personnellement à rembourser les éventuelles pertes aux expéditeurs, s'agissant des montants qui ne seraient, par hypothèse, pas parvenus à destination. L'absence de rémunération apparait également peu crédible dans la mesure où, du propre aveu du prévenu, celui-ci avait cessé son activité de chauffeur de taxi au mois de septembre 2018 au motif que les revenus, situés mensuellement entre CHF 3'500.- et CHF 5'000.-, n'étaient "pas encourageants". Or, au cours des mois suivants, le dossier, en particulier les écoutes actives mises en œuvre au mois de janvier 2019, démontre que le "hawala" a constitué sa principale activité.

A cet égard, le Tribunal retient que le prévenu n'a pas, comme il le soutient, exercé de véritable activité professionnelle à Dubaï à partir de la fin de l'année 2018. En particulier, il ressort des constatations de police qu'en 2019, le prévenu ne s'est rendu que deux fois aux Emirats arabes unis, pour des séjours d'une semaine tout au plus – au cours desquels il a d'ailleurs rendu visite à D______. Ses déclarations, relatives à son activité pour T______ LLC, apparaissent par ailleurs contradictoires. En effet, il a soutenu, d'une part, que ladite activité consistait à acheter des marchandises à Dubaï, qu'il exportait ensuite en Erythrée et en Ethiopie, où elles étaient vendues. Alors qu'il était précisément interrogé par la police sur la nature de son activité professionnelle pour cette même société, il a cependant affirmé qu'il n'était qu'un apporteur d'affaires.

La procédure n'a permis la découverte d'aucun document en relation avec une véritable activité exercée pour T______ LLC, en dehors d'un MOA et d'une attestation relative à la distribution de dividendes. Au demeurant, le contenu de ces documents apparait contradictoire, étant rappelé qu'à teneur de l'attestation, la distribution de dividendes est fondée sur le MOA, alors que le prévenu soutient que ce dernier n'a jamais été conclu. En outre, le montant mentionné sur l'attestation au titre des dividendes – USD 50'000.- – ne correspond pas au total des sommes versées, à ce titre, sur le compte N______ du prévenu en 2019 – soit l'équivalent d'USD 60'000.-. Enfin, il est pour le moins troublant de constater que R______ et S______, dont les noms figurent sur le MOA, respectivement sur l'attestation précités, se retrouvent, avec leurs coordonnées, dans les messages échangés par le prévenu et C______ via l'application VIBER, en relation avec les remises d'argent de collecteurs.

Pour le surplus, le prévenu n'a pas travaillé pour P______ LTD, société dont il a indiqué qu'elle n'avait, à sa connaissance, jamais eu d'activité. Enfin, l'exploitation, par ses soins, d'un supermarché en Angola, pour lequel il aurait investi USD 40'000.-, n'apparait pas non plus établie, étant précisé, en tout état de cause, qu'il ressort des déclarations du prévenu que celui-ci n'en a retiré aucun revenu.

Il découle des éléments qui précèdent que dès le courant de l'année 2017, le prévenu n'a pas exercé d'activité en dehors du "hawala" et de sa profession de chauffeur de taxi (laquelle ne lui a rapporté, en moyenne, que CHF 2'521.30 par mois) et que, dès le mois de septembre 2018, le "hawala" constituait sa seule activité.

Pourtant, outre le fait que le prévenu a lui-même mentionné avoir réalisé des revenus de l'ordre de CHF 5'000.- à CHF 5'500.- dès cette dernière époque, le Tribunal constate l'existence de mouvements de fonds, pour des montants conséquents dont l'origine ne peut qu'être en lien avec son activité de transferts de fonds, faute d'autre explication plausible. Il en va ainsi, tout d'abord, de transferts de fonds du compte O______ à Dubaï au compte N______ du prévenu, pour un montant total de CHF 17'500.-, tout comme des montants virés par T______ LLC, à hauteur d'USD 60'000.- au titre de prétendus dividendes. Il apparait également qu'entre les mois de mai 2018 et de mars 2019, le compte bancaire d'B______ a été approvisionné, par des montants en espèces ne provenant pas d'autres comptes du couple connus des autorités, à hauteur de CHF 21'000.- et que la précitée a encore reçu, depuis le compte O______ du prévenu, un total de CHF 16'300.-, associé à la remarque "Family support". Il est en outre particulièrement frappant de constater qu'à teneur de relevés retrouvés dans le téléphone du prévenu, le solde du compte bancaire de P______ LTD auprès de U______ a connu une augmentation de GBP 84'311.11, équivalente à plus de CHF 100'000.-, au cours d'une période de seulement quatre mois. A cet égard, il sera rappelé, une nouvelle fois, que selon les explications fournies par le prévenu, ladite société n'avait pas de réelles activités. La procédure démontre encore que le prévenu détenait un compte bancaire auprès de V______ aux Etats-Unis, dont l'on ignore tout.

Les mouvements de fonds précités représentent, déjà un montant supérieur à CHF 200'000.-.

A cela s'ajoute le fait que les époux X______ ont fait l'acquisition, en 2018, d'un véhicule TOYOTA ______ – sans leasing –, d'une valeur de l'ordre de CHF 50'000.-. Or, à teneur des comptes bancaires du couple, seule une somme de CHF 5'000.- a été versée, par virement, dans le cadre de cette acquisition. Le solde du prix de vente apparait dès lors avoir été réglé au moyen de fonds n'apparaissant pas sur les comptes examinés par les autorités pénales.

Enfin, le prévenu soutient lui-même avoir effectué, en 2017 et en 2018, des investissements d'USD 40'000.-, respectivement d'USD 100'000.-, en Angola et aux Emirats arabes unis.

Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère qu'il existe un faisceau d'indices, convergents et concordants, permettant de retenir, au-delà du doute raisonnable, qu'entre 2017 et l'époque de son interpellation, le prévenu a bénéficié de revenus bruts supérieurs à CHF 50'000.- par année.

En conséquence, il est établi que le prévenu a exercé son activité de transferts de fonds de manière professionnelle.

4.2. Le Tribunal doit ensuite examiner si le prévenu a respecté son devoir d'identification des ayants droit économiques des fonds.

Sur la base des déclarations des collecteurs et du prévenu, de l'analyse des courriels adressés par E______ à ce dernier (en particulier sur l'adresse "XA______@gmail.com", dont il ne fait nul doute qu'elle était gérée principalement par le prévenu), ainsi que des écoutes mises en œuvre sur les raccordements d'X______, en particulier s'agissant de discussions avec les distributeurs, il est retenu ce qui suit:

En premier lieu, les collecteurs, respectivement le prévenu, se limitaient à récolter, dans le contexte du "hawala", le minimum d'informations pour l'exécution des transferts de fonds. En effet, il apparait que de manière générale, les protagonistes relevaient, outre les montants perçus et à verser, tout au plus le prénom de l'expéditeur des fonds, ainsi que les nom et prénom du destinataire, son numéro de téléphone et le lieu de destination. De telles informations, ne comprenant pas le nom de famille, l'adresse et la date de naissance de l'expéditeur, soit des éléments pourtant basiques, apparaissent déjà insuffisantes au regard des exigences fixées par la jurisprudence s'agissant de l'étendue de l'obligation de documentation.

Le prévenu a néanmoins soutenu, lors de ses dernières auditions par le Ministère public et lors de l'audience de jugement, qu'il connaissait l'identité, l'adresse et le lieu de travail de tous les expéditeurs de fonds, dans la mesure où ces derniers étaient des membres de sa famille ou des amis proches, qu'il avait rencontrés physiquement en diverses occasions, tout comme il connaissait l'origine de l'argent.

Compte tenu d'une part de la durée de l'activité d'X______ et de l'importance des sommes récoltées durant celle-ci et, d'autre part, de l'importance de la communauté érythréenne en Suisse, les déclarations du prévenu apparaissent dénuées de crédibilité. En particulier, le recours à des collecteurs, pour récupérer des fonds auprès de clients disséminés dans toute la Suisse romande et alémanique, tend d'ailleurs à démontrer le contraire. Pour le surplus, cette version, soutenue en fin de procédure par le prévenu, apparait en contradiction avec les déclarations des collecteurs (en particulier G______, F______ et L______), lesquels ont affirmé qu'X______ ne connaissait pas les personnes auprès desquelles ils récoltaient des fonds.

En second lieu, il est établi par les constatations de police, en particulier l'analyse des téléphones du prévenu, ainsi que par le contenu des écoutes actives relatives à ses raccordements, qu'X______, respectivement les collecteurs de son réseau – sauf peut-être E______ –, ne conservaient pas les informations relatives aux transferts de fonds, une fois ces derniers exécutés. Au contraire, à teneur des conversations téléphoniques tenues par le prévenu avec C______ et les collecteurs, X______ insistait auprès de ses interlocuteurs sur l'importance de bien effacer le contenu des téléphones, respectivement des "traces" et des "éléments compromettants". En tant que de besoin, il sera d'ailleurs relevé qu'aucun registre détaillé – physique ou électronique – de l'ensemble des mouvements de fonds, comportant les informations utiles s'agissant des expéditeurs et des bénéficiaires, n'a été retrouvé dans le cadre de cette affaire, malgré les importants moyens d'enquête mis en œuvre.

Il découle de ce qui précède que le prévenu n'a pas mis en œuvre les moyens que l'on pouvait pourtant raisonnablement attendre de lui pour identifier les ayants droit économiques dans le cadre de son activité de transferts de fonds, exercée à titre professionnelle. Dans de telles conditions, les autorités, notamment de poursuite pénale, n'étaient pas en mesure de reconstituer les très nombreuses transactions financières opérées par le biais de son activité.

4.3. Enfin, le dossier démontre que le prévenu a agi avec conscience et volonté.

En effet, il ressort des écoutes actives relatives au prévenu, d'une part, que celui-ci était opposé à l'idée de fournir des données personnelles dans le contexte de transferts internationaux de fonds. Elles démontrent d'autre part qu'à l'époque des faits, X______ avait parfaitement connaissance du fait qu'il était susceptible d'évoluer dans l'illégalité en raison de son activité, référence étant faite aux conversations dans lesquelles il désigne les transferts de fonds comme des "transactions au noir", s'inquiète des conséquences pénales de ses agissements, et donne des consignes – voire des ordres – aux collecteurs visant à ce que leur activité commune demeure la plus discrète possible. Le fait que le prévenu ait utilisé plusieurs cartes SIM, établies sous des identités fictives ou au nom de tiers, respectivement qu'il ait eu le souci d'en changer régulièrement à l'époque des faits, ne fait que confirmer ce qui précède.

En conséquence, X______ sera reconnu coupable de défaut de vigilance en matière d'opérations financières au sens de l'art. 305ter al. 1 CP.

Peine

5.1.1. Selon l'art. 47 al. 1 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, en tenant compte des antécédents et de la situation personnelle de ce dernier ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir.

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP).

5.1.2. Sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (art. 34 al. 1 CP). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l'auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d'un minimum de 10 francs. Il peut dépasser le montant maximal du jour-amende lorsque la loi le prévoit. Il fixe le montant du jour amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

5.1.3. Le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure. Un jour de détention correspond à un jour-amende (art. 51 CP).

5.1.4. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

L'art. 42 al. 2 CP précise que si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables.

5.1.5. Le juge peut prononcer, en plus d'une peine avec sursis, une amende conformément à l'art. 106 CP (art. 42 al. 4 CP).

Selon la jurisprudence, la combinaison de peines prévue par l'art. 42 al. 4 CP se justifie lorsque le sursis peut être octroyé mais que, pour des motifs de prévention spéciale, une sanction ferme accompagnant la sanction avec sursis paraît mieux à même d'amener l'auteur à s'amender. Elle doit contribuer, dans l'optique de la prévention tant générale que spéciale, à renforcer le potentiel coercitif de la peine avec sursis. Cette forme d'admonestation adressée au condamné doit attirer son attention (et celle de tous) sur le sérieux de la situation en le sensibilisant à ce qui l'attend s'il ne s'amende pas (ATF 134 IV 60 consid. 7.3.1).

Cette combinaison de peines ne doit pas conduire à une aggravation de la peine globale ou permettre une peine supplémentaire. Pour tenir compte du caractère accessoire des peines cumulées, il se justifie en principe d'en fixer la limite supérieure à un cinquième, respectivement à 20 %, de la peine principale; des exceptions sont possibles en cas de peines de faible importance pour éviter que la peine cumulée n'ait qu'une portée symbolique (ATF 135 IV 188 consid. 3.4.4).

5.2. En l'espèce, la culpabilité du prévenu ne doit pas être minimisée.

Son comportement témoigne d'une désinvolture totale à l'égard de son obligation de vigilance. En raison de son comportement, les autorités, notamment de poursuite pénale, étaient virtuellement empêchées de reconstituer le puzzle des transactions financières rendues possible par son intervention.

Le mobile est difficile à établir, puisque le prévenu le tait. Cela étant, il visait dans tous les cas à la poursuite d'une activité d'intermédiaire financier en marge totale du système et des régulations applications en la matière.

La période pénale est longue, puisqu'elle compte plusieurs années, durant lesquelles le prévenu a exercé son activité financière de manière continue et avec intensité, sans jamais chercher à s'acquitter de ses obligations d'identification et de documentation.

La collaboration est mauvaise. Le prévenu a évolué dans ses déclarations en fonction des éléments apportés à la procédure. Malgré les évidences, il a nié les faits sur certains points, en particulier s'agissant de l'ampleur de son activité et de la rémunération tirée de cette dernière. La prise de conscience est inexistante. Le prévenu n'a pas exprimé de regrets, encore moins présenté des excuses. Il s'est lui-même positionné en victime.

La situation personnelle du prévenu n'explique et n'excuse nullement ses agissements.

La responsabilité, présumée, est pleine et entière.

Son absence d'antécédents judiciaire est sans conséquence sur la peine prononcée.

A la lumière des éléments qui précèdent, le prévenu étant de nationalité suisse et exerçant actuellement une activité professionnelle, le prononcé d'une peine pécuniaire apparait justifié. Cette dernière sera fixée à 180 jours-amende.

Compte tenu de la situation financière actuelle du prévenu, le montant du jour-amende sera arrêté à CHF 30.-.

En l'absence d'antécédents judiciaires, le prévenu réalise indiscutablement les conditions du sursis, de sorte que ce dernier lui sera accordé. Le délai d'épreuve sera fixé à 3 ans.

Cela étant, compte tenu de l'absence de prise de conscience du prévenu, pour attirer son attention sur le caractère sérieux de la situation et pour mieux l'amener à s'amender, le prévenu sera condamné, à titre de sanction immédiate, à une amende dont le montant dépassera le cinquième de la peine principale, pour éviter qu'elle n'ait qu'une portée symbolique. Dès lors, le montant de l'amende sera fixé à CHF 5'000.-.

Sûretés, inventaires et frais

6.1. Selon l'art. 239 al. 1 let. a CPP, les sûretés sont libérées dès que le motif de détention a disparu. L'al. 2 précise que les sûretés fournies par le prévenu qui ont été libérées peuvent être utilisées pour payer les peines pécuniaires, les amendes, les frais et les indemnités mis à sa charge.

6.2. En l'espèce, les sûretés fournies par X______ seront libérées et allouées à due concurrence au paiement de l'amende et des frais de la procédure, tandis que le solde sera restitué au précité.

7.1.1. Selon l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit. L'alinéa 3 de cette disposition prévoit que la restitution à l'ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n'ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation sont statuées dans la décision finale.

7.1.2. Selon l'art. 69 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits.

7.1.3. Selon l'art. 70 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

7.2.1. En l'espèce, l'ensemble des objets et des valeurs figurant aux inventaires de la procédure, relatifs à X______, seront restitués à ce dernier.

7.2.2. Le séquestre portant sur le compte bancaire n° 5______, ouvert aux noms d'X______ et d'B______ auprès d'N______ sera levé.

8.1. Selon l'art. 426 al. 1 CPP, le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné.

Selon l'art. 426 al. 3 let. a CPP, le prévenu ne supporte pas les frais que la Confédération ou le canton ont occasionnés par des actes de procédure inutiles ou erronés.

8.2. Compte tenu du verdict de culpabilité, X______ sera condamné aux frais de la procédure, y compris à un émolument de jugement fixé à CHF 4'000.- compte tenu des spécificités de l'affaire.

Les frais relatifs aux mesures de surveillance ordonnées à l'encontre du prévenu lui-même, exploitables, seront inclus dans les frais portés à la charge du prévenu.

9. Compte tenu de l'issue de la procédure, les conclusions en indemnisation du prévenu fondées sur l'art. 429 CPP seront rejetées.

10.1. Selon l'art. 434 al. 1 CPP, les tiers qui, par le fait d'actes de procédure ou du fait de l'aide apportée aux autorités pénales, subissent un dommage ont droit à une juste compensation si le dommage n'est pas couvert d'une autre manière, ainsi qu’à une réparation du tort moral. L'art. 433, al. 2, est applicable par analogie.

10.2. En l'espèce, s'il apparait qu'B______ n'a plus été autorisée à exercer sa profession d'interprète dès le 16 septembre 2019 à la suite de la procédure pénale ouverte à l'encontre de son époux, il est établi par les pièces produites que ladite décision a été prise par les autorités administratives saint-galloises, et non directement par les autorités de poursuite pénale dans le cadre de la procédure pénale.

Ses conclusions seront dès lors rejetées.

11.1. A teneur de l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès.

11.2. En sa qualité de défenseur d'office, le conseil d'X______ se verra allouer une indemnité de CHF 43'043.10.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 15 mars 2022 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 25 mars 2022.

Et statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de défaut de vigilance en matière d'opérations financières (art. 305ter al. 1 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, sous déduction de 93 jours-amende, correspondant à 93 jours de détention avant jugement (art. 34 et 51 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne X______ à une amende de CHF 5'000.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 90 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne la restitution à X______ des téléphones portables figurant sous chiffre 1 et 2 de l'inventaire n° 23113620190903 du 3 septembre 2019, des documents figurant sous chiffres 2 et 3 de l'inventaire n° 23113820190903 du 3 septembre 2019 et des valeurs figurant sous chiffres 3 et 4 de l'inventaire n° 23113620190903 du 3 septembre 2019 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Lève le séquestre des avoirs déposés au nom d'X______ et B______ sur la relation n° 5______ après de N______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne X______ à payer CHF 21'745.- au titre des frais de la procédure, lesquels s'élèvent au total à CHF 47'327.95, y compris un émolument de jugement de CHF 4'000.- (art. 426 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la libération des sûretés fournies par X______, les alloue à due concurrence au paiement de l'amende et des frais de la procédure (soit CHF 5'000.- et CHF 21'745.-) et en restitue le solde à X______ (art. 239 al. 1 et 2 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation d'X______ (art. 429 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation d'B______ (art. 434 CPP).

Fixe à CHF 43'043.10 l'indemnité de procédure due à Me A______, défenseur d'office d'X______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS), Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Carole PERRIERE

Le Président

Christian ALBRECHT

 

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

43'035.95

Convocations devant le Tribunal

CHF

165.00

Frais postaux (convocation)

CHF

49.00

Emolument de jugement

CHF

4'000.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

28.00

Total

CHF

47'327.95

frais arrêtés à CHF 21'745.-

==========

Indemnisation du défenseur d'office

Bénéficiaire :  

X______

Avocate :  

A____________

Etat de frais reçu le :  

25 octobre 2022

 

Indemnité :

Fr.

33'982.50

Forfait 10 % :

Fr.

3'398.25

Déplacements :

Fr.

2'585.00

Sous-total :

Fr.

39'965.75

TVA :

Fr.

3'077.35

Débours :

Fr.

0

Total :

Fr.

43'043.10

Observations :

- 0h45 à Fr. 150.00/h = Fr. 112.50.
- 5h20 à Fr. 110.00/h = Fr. 586.65.
- 166h25 * à Fr. 200.00/h = Fr. 33'283.35.

- Total : Fr. 33'982.50 + forfait courriers/téléphones arrêté à 10 % vu l'importance de l'activité déployée (art 16 al 2 RAJ) = Fr. 37'380.75

- 1 déplacement A/R à Fr. 75.– = Fr. 75.–
- 2 déplacements A/R à Fr. 55.– = Fr. 110.–
- 24 déplacements A/R à Fr. 100.– = Fr. 2'400.–

- TVA 7.7 % Fr. 3'077.35

* N.B. le temps total couvrant l'activité "chef d'étude" pour le poste "procédure" s'élève à 66h00 et non pas 61h00 comme mentionné dans l'état de frais présenté.

* Ajouts :¨
- 4h15 de temps d'audience de jugement
- 1 forfait déplacement

 

Voie de recours si seule l'indemnisation est contestée

Le défenseur d'office peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours, devant la Chambre pénale de recours contre la décision fixant son indemnité (art. 135 al. 3 let. a et 396 al. 1 CPP; art. 128 al. 1 LOJ).

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.


Notification à X______, soit pour lui son Conseil
Par voie postale

Notification à Me A______, défenseur d'office
Par voie postale

Notification à B______, soit pour elle son Conseil
Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale