Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/609/2024 du 02.12.2024 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/2760/2024-CS DCSO/609/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 28 NOVEMBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/2760/2024-CS) formée en date du 27 août 2024 par A______, représenté par Me Mark SAPORTA, avocat.
* * * * *
Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 3 décembre 2024
à :
- A______
c/o Me SAPORTA Mark
Chemin des Gandoles 2
1244 Choulex.
- B______
______
______ [GE].
- C______, curateur de substitution de D______
[Étude] E______
______
______ [GE].
- Office cantonal des poursuites.
Copie à :
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE ET DE L'ENFANT.
A. a. Par ordonnance du 2 novembre 2009, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après TPAE) a, sous l'empire de l'ancien droit de protection, prononcé l'interdiction de D______ (ci-après D______, le protégé ou le débiteur), né le ______ 1990, incapable de discernement, et replacé celui-ci sous l'autorité parentale de ses père et mère, F______ et G______.
b. Lors de l'entrée en vigueur du nouveau droit de protection, le TPAE a modifié cette mesure en curatelle de portée générale.
Suite au décès du père du protégé en 2013, sa mère est demeurée seule curatrice.
c. Par ordonnance du 17 mars 2017, le TPAE a modifié les modalités de la protection de D______ en lui désignant, en qualité de co-curateurs de portée générale, ses frères et sœurs A______, H______, I______ et J______, pour ce qui est des aspects sociaux et médicaux de la mesure, ainsi que B______, avocat, pour ce qui est des aspects administratifs, juridiques et financiers de la mesure.
Cette décision a été notifiée à diverses administrations cantonales, dont l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office).
Elle précisait que B______ était notamment chargé de récupérer des fonds indûment prélevés sur les avoirs bancaires de son protégé, vraisemblablement par l'un de ses frères, K______.
d. D______ dispose d'une fortune composée de la seule part de liquidation dans la succession indivise de son père, qui a été estimée par le curateur tantôt à 736'000 fr., tantôt à plus d'un million de francs.
Pour le surplus, il vit de rentes liées à son invalidité.
e. Le TPAE a instruit, en 2019, le curateur d'ouvrir action en partage de la succession de feu F______. Le Tribunal a rendu un jugement incident le 19 janvier 2023 rejetant la demande d'une partie des héritiers de suspendre le partage en raison de l'existence alléguée d'une convention d'indivision. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de justice du 7 mai 2024. La procédure de partage est toujours en cours.
f. B______ a déployé une activité qui n'a été que partiellement rémunérée à ce jour et dont il chiffre le solde dû à 8'855 fr. 70 pour la période du 17 mars 2017 au 28 février 2019 (décision de taxation du TPAE CTAE/667/2023), à 13'278 fr. pour la période du 1er mars 2019 au 28 février 2021 (décision de taxation du TPAE CTAE/668/2023) et à 39'312 fr. du 28 février 2021 au 29 février 2023 (décision de taxation du TPAE CTAE/2412/2024).
g. Ne parvenant pas à obtenir le règlement de ses diligences en raison des moyens immédiatement disponibles limités de son protégé, le curateur s'est adressé le 17 mai 2024 au TPAE qui l'a autorisé à procéder au recouvrement de ses honoraires, avec pour conséquence la saisie du seul actif de son protégé, soit sa part héréditaire dans la succession indivise de son père, dont ses frères et sœurs refusaient le partage.
h. B______ a requis le 4 juillet 2024 la poursuite de D______ pour les montants susmentionnés en précisant, sous la mention du débiteur, l'adresse suivante : "Autorité tutélaire, Tribunal de Protection, rue des Glacis-de-Rive 6, 1207 Genève (Curatelle de portée générale)".
i. L'Office a rendu le 12 juillet 2024 une décision de refus de donner suite à la réquisition de poursuite au motif qu'il existait un risque de conflit d'intérêt dans le fait de poursuivre son propre protégé.
j. B______ a transmis le 16 juillet 2024 à l'Office l'autorisation du TPAE d'engager une poursuite contre D______.
k. L'Office est revenu sur sa décision de refus de donner suite à la réquisition de poursuite et a établi le 23 juillet 2024 un commandement de payer, poursuite
n° 1______, mentionnant, sous la rubrique "débiteur", "D______, (…), chemin 2______ no. ______, [code postal] L______ [GE]", et, à la place de l'adresse du destinataire de l'exemplaire du débiteur, "Monsieur D______, Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, Autorité tutélaire, rue des Glacis-de-Rive 6, 1207 Genève".
l. Selon les mentions figurant sur l'exemplaire pour le débiteur du commandement de payer, cet acte aurait été notifié au TPAE le 26 juillet 2024, qui l'aurait fait renvoyer à l'adresse personnelle du débiteur à L______, où il a fait l'objet de tentatives de notifications spéciales par la Poste, les 16 et 19 août 2024, et a été finalement réceptionné le 20 août 2024 par A______, sœur du débiteur, domiciliée à la même adresse que ce dernier.
m. Par pli remis par porteur le 26 août 2024 à l'Office, A______ a invoqué la nullité du commandement de payer ainsi que de sa notification et formé opposition en tant que de besoin.
B. a. Par acte déposé au Greffe universel du Pouvoir judiciaire le 27 août 2024, à l'attention de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte visant à constater la nullité du commandement de payer et de la poursuite n° 1______.
En substance, elle invoquait le fait que le créancier poursuivant n'avait pas correctement rempli la réquisition de poursuite en mentionnant que le débiteur était sous curatelle et en indiquant le nom et l'adresse du curateur et que l'Office aurait en tout état dû notifier les actes de poursuite au curateur puisqu'il avait été informé de l'existence d'une curatelle pour cause d'inaptitude du débiteur. En l'occurrence, il aurait de surcroît appartenu au créancier / curateur, en position de conflit d'intérêt, de prendre les mesures préalables adéquates pour que celui-ci ne se concrétise pas. La notification au TPAE, comme semblait l'avoir envisagée le créancier / curateur, n'était prévue nulle part dans la loi.
b. Par ordonnance DCSO/386/24 du 28 août 2024, la Chambre de surveillance a rejeté la requête d'effet suspensif dont la plainte était assortie au motif qu'elle n'était pas motivée et qu'il n'existait pas de risque de préjudice, la poursuite ayant été immobilisée par l'opposition.
La Chambre impartissait par ailleurs un délai au 19 septembre 2024 à B______ et à l'Office pour déposer leurs déterminations sur la plainte.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties le 29 août 2024 accompagnée d'un courrier du greffe de la Chambre de surveillance mentionnant que le délai pour déposer les déterminations sur la plainte était fixé au 20 septembre 2024.
Toujours dans le cadre de l'ordonnance du 28 août 2024, la Chambre de surveillance a signalé au TPAE l'existence d'un conflit d'intérêts du curateur et invité cette autorité à prendre toute mesure utile en application de l'art. 403 al. 1 CC.
c. Dans ses observations du 20 septembre 2024, B______ s'en est rapporté à justice compte tenu de sa fonction de curateur. Il a souligné que la question du conflit d'intérêts évoqué par la plaignante avait été constatée et traitée par l'Office. En tout état, les droits de son protégé n'avaient pas été mis en péril, le commandement de payer ayant été reçu par sa sœur, laquelle avait fait opposition. Il entendait s'adresser à nouveau au TPAE au moment de requérir la mainlevée de l'opposition.
d. Dans ses observations du 20 septembre 2024, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il a soutenu que le débiteur n'avait subi aucun préjudice d'une éventuelle notification irrégulière du commandement de payer puisque la sœur de l'intéressé avait pu former opposition en sa qualité de co-curatrice et non pas en qualité de représentante du débiteur, ce dernier n'étant pas le destinataire du commandement de payer. Il renvoyait à une jurisprudence récente du Tribunal fédéral parue dans la revue BLSchK 2024, p. 150 selon laquelle lorsque le représentant du débiteur est en conflit d'intérêts avec ce dernier, la notification à ce représentant d'un acte de poursuite est nulle et peut être effectuée à une autre personne neutre.
e. Dans une réplique du 10 octobre 2024, la plaignante a conclu à l'irrecevabilité des observations de l'Office et du créancier, déposées le lendemain du délai fixé par la Chambre de surveillance dans son ordonnance du 28 août 2024. Pour le surplus, elle persistait dans ses conclusions.
f. Le créancier a répliqué le 11 octobre 2024, concluant à la recevabilité de ses observations et persistant pour le surplus dans ses conclusions.
g. La plaignante et le créancier ont encore déposé des répliques les 22 et 25 octobre 2024.
C. Par décision DTAE/8473/2024 du 14 novembre 2024, rendue sur mesures superprovisionnelle, le TPAE a désigné C______ aux fonctions de curateur de substitution de D______ aux fins de le représenter dans la procédure A/2760/2024 ainsi que dans toutes les procédures civiles futures ou autres démarches à effectuer en lien avec la poursuite n° 1______.
1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie. La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). L'autorité de surveillance doit constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).
1.1.2 En l'espèce, la plainte, déposée dans la forme et le délai prévus par la loi, est recevable à ces égards. Elle a été formée par une personne dont les intérêts ne sont pas directement touchés, de sorte que la question de sa recevabilité sous l'angle de la qualité pour agir de la plaignante est discutable. La plaignante invoque toutefois la nullité de la poursuite et du commandement de payer, laquelle peut être constatée en tout temps et en l'absence de plainte par l'autorité de surveillance; dans la mesure où il sera fait droit ci-après au constat de nullité, la question de l'intérêt à agir de la plaignante peut rester ouverte.
1.2 La plaignante conclut à l'irrecevabilité des observations de l'Office et du créancier poursuivant, déposées un jour après l'échéance du délai fixé par l'ordonnance du 28 août 2024.
En l'occurrence, les parties intimées ont été confrontées à des indications contradictoires de la Chambre de céans qui a fixé un délai pour le dépôt de leurs observations au 19 septembre 2024 dans l'ordonnance susvisée et un délai au 20 septembre 2024 dans le courrier d'accompagnement. Elles pouvaient de bonne foi se fier à ce second délai, émanant d'un organe compétent pour le fixer, de sorte que leurs écritures ne sauraient être écartées pour ce motif (principe de la bonne foi et de la confiance fondée sur le comportement des autorités; art. 9 Cst; art. 52 CPC; parmi d'autres : arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2014 du 6 août 2014 consid. 4.2). En tout état, en l'absence d'observations des parties intimées, la Chambre aurait d'office fixé un nouveau délai ou convoqué les parties (art. 20 LP), la nature délicate des problèmes soulevés par la présente cause imposant que l'ensemble des protagonistes se déterminent.
Les écritures des intimées du 20 septembre 2024 sont partant recevables.
2. La plaignante conclut au constat de la nullité du commandement de payer, poursuite n° 1______ – en réalité, elle se prévaut, dans la motivation de sa plainte, de la nullité de la notification du commandement de payer.
2.1.1 En application de l'art. 68d al. 1 LP, si un curateur ou un mandataire pour cause d’inaptitude a la compétence de gérer le patrimoine d’un débiteur majeur et que la nomination en a été communiquée à l’office des poursuites, les actes de poursuite sont notifiés au curateur ou au mandataire pour cause d’inaptitude.
La notification d'un acte de poursuite au débiteur et non pas au curateur, alors qu'une mesure de curatelle de portée générale a été communiquée à l'Office, est nulle au sens de l'art. 22 al. 1 LP, ce que l'autorité de surveillance doit constater d'office, même en l'absence de plainte (Kofmel Ehrenzeller, Basler Kommentar, SchKG, 2021, n° 27 et 29 ad art. 68d LP).
2.1.2 A teneur de l'art. 403 CC, si, dans une affaire, les intérêts du curateur entrent en conflit avec ceux de la personne protégée, l'autorité de protection de l'adulte nomme un substitut ou règle l'affaire elle-même (al. 1). L'existence d'un conflit d'intérêts entraîne de plein droit la fin des pouvoirs du curateur dans l'affaire en cause (al. 2).
2.2.1 En l'espèce, l'Office était informé de la mesure de protection prononcée en faveur du débiteur. L'art. 68d al. 1 LP est par conséquent applicable.
L'Office, tenant compte des indications de la réquisition de poursuite, a tenté une première notification du commandement de payer en mains du TPAE qui a échoué, cette juridiction ayant refusé de recevoir l'acte. L'Office a ensuite tenté de notifier le commandement de payer directement au débiteur sous curatelle selon les mentions figurant sur le commandement de payer, ce qui va à l'encontre de la protection instaurée par l'art. 68d al. 1 LP. Le commandement de payer a finalement été remis à la sœur du débiteur qui est domiciliée à la même adresse que ce dernier.
La notification litigieuse est nulle, faute d'avoir été effectuée en mains du curateur désigné aux fins de gérer les affaires financières, juridiques et administratives du protégé. Elle est également nulle du fait que le commandement de payer a été fortuitement remis à une personne qui, bien qu'également curatrice du débiteur, n'avait pas vocation à intervenir pour ses affaires financières, juridiques et administratives et ne pouvait valablement recevoir cet acte en application de l'art. 68d al. 1 LP. Elle le pouvait d'autant moins qu'elle était elle-même dans un conflit d'intérêt avec le débiteur puisqu'ils s'opposent dans une procédure civile (art. 403 al. 1 CC).
La notification fortuite du commandement de payer en mains d'un autre curateur du débiteur que celui compétent pour la gestion de ses affaires financières, juridiques et administratives n'a donc pas permis de "guérir" la nullité de la notification contrairement à ce que soutiennent l'Office et le créancier.
La nullité de la notification du commandement de payer sera par conséquent constatée.
2.2.2 Le curateur a décelé le problème de conflit d'intérêts dans la notification d'un commandement de payer à son propre protégé et cherché à s'en prémunir en sollicitant une "autorisation" du TPAE pour entreprendre une poursuite. Il a ensuite mentionné dans sa réquisition de poursuite que le débiteur était sous curatelle de portée générale et que le commandement de payer devait être notifié au TPAE, peut-être dans l'optique que ce dernier "règle l'affaire lui-même" selon les termes de l'art. 403 al. 1 CC.
L'Office a dans un premier temps correctement refusé de donner suite à la réquisition de poursuite, ayant constaté le conflit d'intérêts qu'impliquait la poursuite d'un protégé par son curateur et l'impossibilité de conduire une poursuite dans de telles circonstances. Le curateur s'étant prévalu de l'"autorisation" obtenue du TPAE, l'Office a accepté de notifier un commandement de payer au TPAE comme le précisait la réquisition de poursuite. Ce tribunal a toutefois refusé de recevoir le commandement de payer et n'a pris aucune mesure au sens de l'art. 403 al. 1 CC. L'Office – de manière incompréhensible – a finalement pris l'initiative de notifier le commandement de payer directement au débiteur incapable de discernement et protégé par une curatelle de portée générale.
Ces solutions ne sont toutefois pas conformes aux art. 403 CC et 98d LP.
Afin de permettre à la poursuite litigieuse de suivre son cours, seule la voie de la désignation d'un curateur ad hoc au débiteur, en application de l'art. 403 al. 1 CC, est ouverte.
La Chambre de céans a, dans cette optique, signalé au TPAE (art. 443 CC) le conflit d'intérêts rencontré par le curateur du débiteur afin qu'il prenne toute mesure nécessaire permettant la notification du commandement de payer litigieux, dans le respect des mesures de protection du débiteur, ce qui est désormais chose faite.
3. La plaignante conclut également à la constatation de la nullité de la poursuite.
3.1.1 Si la notification du commandement de payer échoue, la réquisition de poursuite, dûment formée, reste valable. Dans un tel cas, il y a lieu de procéder à une nouvelle notification (arrêt du Tribunal fédéral 5A_412/2016 du 14 octobre 2026 consid. 3.4, BlSchK 2017, 77; Kofmel Ehrenzeller, op. cit., n° 47 ad art. 67 LP).
3.1.2 A teneur de l'art. 67 al. 1 ch. 2 LP, la réquisition de poursuite énonce, parmi d'autre mentions obligatoires, le nom et le domicile du débiteur, et, le cas échéant, de son représentant légal.
Le commandement de payer contient notamment les mêmes indications que celles prescrites pour la réquisition de poursuite (69 al. 2 ch. 1 LP).
Si le débiteur a un représentant légal, connu du créancier, ce dernier doit en faire mention dans la réquisition de poursuite (art. 67 al. 1 ch. 2 CC; Kofmel Ehrenzeller, Basler Kommentar, SchKG, 2021, n° 33 ad art. 67 LP).
La désignation inexacte, voire totalement fausse, ou incomplète d'une partie n'entraîne la nullité de la poursuite que lorsqu'elle était de nature à induire les intéressés en erreur et que tel a effectivement été le cas. Si ces conditions ne sont pas réalisées et que la partie qui fait état de la désignation vicieuse n'a pas été lésée dans ses intérêts, la poursuite ne sera pas annulée; on se bornera à ordonner, en cas de besoin, que les actes de poursuite déjà établis soient rectifiés ou complétés (ATF 114 III 62 consid. 1).
Ainsi, selon le Tribunal fédéral, doit être annulée la poursuite introduite par un créancier qui emploie un faux nom ou dont la désignation est imprécise, quand, de ce fait, le débiteur n'est pas au clair sur l'identité réelle du poursuivant. En revanche, le moyen tiré de la nullité d'une poursuite pour cause de désignation inexacte du créancier ne peut plus être invoqué lorsque l'équivoque a été dissipée par la suite et que le poursuivi n'a pas subi de préjudice. Si la désignation défectueuse du créancier permet de reconnaître sans plus le véritable créancier, l'acte doit être rectifié et la poursuite continuée. De même, lorsque l'indication du domicile du créancier fait défaut dans le commandement de payer, l'acte sera complété; on ne l'annulera que si le créancier n'indique pas son domicile dans le délai qui lui aura été fixé (ATF 114 III 62 consid. 1 et les références citées; 102 III 133 consid. 2; 93 III 50; 87 III 59; 82 III 129 consid. 2).
La poursuite visant directement un débiteur sous curatelle de portée générale, sans mention du curateur, n'est pas nulle car le protégé est bien le débiteur soumis à la poursuite malgré la mesure de protection (Kofmel Ehrenzeller, op. cit., n° 27 ad art. 68d LP et n° 25 ad art. 68c LP).
L'office ne donne pas suite à une réquisition de poursuite nulle (art. 22 al. 1 LP); il en informe le poursuivant, qui doit pouvoir recommencer la poursuite (Circ. N 16 du TF du 3 avril 1925, concernant les communautés héréditaires et les indivisions; ATF 80 III 7, JdT 1955 II 30). Il ne donne pas non plus immédiatement suite à une réquisition de poursuite entachée de défauts n'entraînant pas la nullité; s'ils sont réparables, il impartit au poursuivant un délai pour remédier aux défauts (rectification ou complètement des indications défectueuses) ou lui demande les informations nécessaires et ceci dans le délai de notification du commandement de payer (ATF 141 III 173 consid. 2.4; 109 III 4, JdT 1985 II 66; 102 III 133, JdT 1978 II 62; Kofmel Ehrenzeller, op. cit., n° 46a ad art. 67 LP; Ruedin, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 49 ad art. 67 LP).
3.2 En l'espèce, la réquisition de poursuite vise une personne sous curatelle de portée générale, mentionne expressément cette mesure, mais ne précise pas le nom et l'adresse du curateur du débiteur. Pour le surplus, elle comporte le nom et l'adresse du créancier, ainsi que la créance en poursuite dont elle expose la cause. Elle permet par conséquent de déterminer qui sont le créancier et le débiteur, ainsi que la créance dont le recouvrement est requis, de sorte qu'elle est valable et permet d'ouvrir une poursuite. La mention du nom du curateur, qui est nécessaire pour la notification des actes de poursuites, peut être complétée sur interpellation de l'Office, sans que cela ne nuise à la validité de la poursuite dont les éléments essentiels ressortent de la réquisition.
La mention du curateur habilité à recevoir les actes de poursuite était d'ailleurs en l'occurrence malaisée puisque le créancier / curateur, ne pouvait indiquer son nom en raison du conflit d'intérêts et qu'un curateur ad hoc n'avait pas encore été désigné. A vrai dire, il aurait été opportun de solliciter et attendre une telle désignation avant de requérir la poursuite.
En définitive, la poursuite n'est pas nulle, de sorte que les conclusions de plainte en ce sens seront rejetées, mais l'Office devra faire compléter la réquisition de poursuite conformément aux principes rappelés ci-dessus.
4. En définitive, la Chambre de surveillance rejettera la plainte en tant qu'elle tend au constat de la nullité de la poursuite, constatera la nullité de la notification du commandement de payer et invitera l'Office à y procéder à nouveau, après complètement de la réquisition de poursuite par le créancier, maintenant qu'un curateur ad hoc a été désigné au débiteur.
5. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte formée le 27 août 2024 par A______ contre la poursuite et la notification du commandement de payer n° 1______.
Au fond :
Rejette la plainte dans la mesure où elle tend au constat de la nullité de la poursuite n° 1______.
Constate la nullité de la notification du commandement de payer, poursuite n° 1______, à A______ le 20 août 2024.
Invite l'Office à procéder à une nouvelle notification du commandement de payer après avoir fait compléter la réquisition de poursuite, conformément aux considérants de la présente décision.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
Le président : La greffière :
Jean REYMOND Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.