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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1834/2024

DCSO/516/2024 du 07.11.2024 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Séquestre; saisie; prestations insaisissables; épargne; paiement rétroactif
Normes : LP.92.al1.ch9a; LP.93
Résumé : Recours interjeté au TF le 18.11.2024 par le débiteur (5A_791/2024).
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1834/2024-CS DCSO/516/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2024

 

Plainte 17 LP (A/1834/2024-CS) formée en date du 27 mai 2024 par A______, représenté par Me Arnaud MOUTINOT, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 7 novembre 2024
à :

-       A______

c/o Me MOUTINOT Arnaud

Atlas Legal

Boulevard des Philosophes 17

Case postale 89

1211 Genève 4.

- ETAT DE GENEVE, SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA)

Rue Ardutius-de-Faucigny 2

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Statuant le 11 octobre 2023 sur requête du Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après: le SCARPA), le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre, à hauteur de divers montants totalisant 33'026 fr. 50, des comptes bancaires détenus par A______ auprès de [la banque] B______ et de [la banque] C______.

Le séquestre, n° 1______, a été exécuté par l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) auprès des deux établissements bancaires précités en date du 12 octobre 2023.

b. Par courrier du 16 octobre 2023, B______ a informé l'Office qu'elle n'annoncerait que le séquestre avait porté qu'une fois que l'ordonnance de séquestre serait devenue définitive et entrée en force.

C______ a indiqué à l'Office, par courrier du 27 octobre 2023, que le compte dont A______ était titulaire présentait un solde de 4'307 fr. 38.

c. Le 31 octobre 2023, l'Office a communiqué le procès-verbal de séquestre aux parties. A______ l'a reçu le 1er novembre 2023 selon le Track and Trace de la Poste.

Au pied de la deuxième page du procès-verbal de séquestre (correspondant à la deuxième page de l'ordonnance de séquestre), il est indiqué que les objets insaisissables ne peuvent pas être séquestrés, la voie de la plainte au sens de l'art. 17 LP étant ouverte.

d. Le 19 novembre 2023, sur réquisition du SCARPA, l'Office a notifié à A______ un commandement de payer dans la poursuite n° 2______ engagée en validation du séquestre. A______ a formé opposition totale au commandement de payer.

e. Par jugement du 12 février 2024, le Tribunal de première instance a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, l'opposition à séquestre formée par A______ contre l'ordonnance de séquestre du 11 octobre 2024. S'agissant du grief invoqué par le précité sur le caractère insaisissable des avoirs déposés sur ses comptes bancaires, le Tribunal a constaté que cette question aurait dû être soulevée dans le cadre de la plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de séquestre.

e. Le 26 mars 2024, le Tribunal de première instance a prononcé la mainlevée définitive de l'opposition formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 2______.

f. Le 2 avril 2024, le SCARPA a requis la continuation de la poursuite.

g. Dans le cadre des opérations tendant à la conversion du séquestre en saisie, l'Office a interpellé les établissements bancaires. Par courrier du 18 avril 2024, B______ a répondu que les deux comptes dont A______ était titulaire présentaient, au jour du séquestre, à savoir le 12 octobre 2024, 30'530 fr. 11 respectivement 2'940 fr., le second étant un compte de garantie de loyer. C______ a fait savoir que le solde du compte du débiteur était de 4'301 fr. 78.

h. Le 10 mai 2024, l'Office a établi un procès-verbal de saisie, série n° 3______, à laquelle ne participe que la poursuite n° 2______. Etaient saisies les créances de A______ à l'égard de B______ et de C______ à hauteur respectivement de 30'530 fr. 11 et de 4'301 fr. 78. Aucun calcul du minimum vital n'a été effectué et aucun revenu n'a été saisi. Le compte de garantie de loyer n'a pas été saisi.

B. a. Par acte posté le 27 mai 2024, A______ a porté plainte contre le procès-verbal de saisie du 10 mai 2024.

Il expose que les avoirs qui se trouvent sur les deux comptes saisis sont constitués exclusivement de rentes absolument insaisissables au sens de l'art. 92 LP, à savoir de rentes AVS et de prestations complémentaires. Il a notamment joint à sa plainte les relevés de son compte auprès de B______, IBAN CH4______, pour les années 2014, 2015, 2018, 2019 et 2020.

b. Dans sa détermination du 20 juin 2024, le SCARPA relève que la plainte était d'abord tardive, dès lors que A______ n'avait pas attaqué le procès-verbal de séquestre par la voie de la plainte LP. Sur le fond, le SCARPA a observé que le poursuivi n'avait pas produit l'intégralité de ses relevés bancaires. Il n'avait fourni aucun relevé de son compte auprès de B______ postérieur à 2020 et aucun relevé de son compte auprès de C______. Les avoirs qui se trouvaient sur son compte auprès de B______ constituaient de la fortune qui n'était pas nécessaire pour couvrir ses besoins fondamentaux, A______ étant au bénéfice d'une rente AVS et de prestations complémentaires.

c. Dans son rapport, l'Office a constaté que le séquestre, respectivement la saisie, avaient porté sur des créances bancaires et non pas sur des rentes et des prestations complémentaires. Pour le surplus, A______ n'établissait pas que la saisie portait à atteinte à son minimum vital. Partant, la plainte devait être rejetée.

d. Dans sa réplique, A______ a fait valoir que le compte saisi auprès de B______ avait été alimenté exclusivement par des prestations insaisissables. Il avait par ailleurs perçu sur ce compte un rétroactif de la part du Service des prestations complémentaires de 24'943 fr. en avril 2014 qui n'était pas saisissable.

A______ a produit des relevés de son compte bancaire auprès de B______, IBAN CH4______, pour les années 2021, 2022 et 2023 et de son compte auprès de C______ du 1er juillet 2018 au 31 juillet 2023. Le compte auprès de B______ avait reçu un rétroactif du Service des prestations complémentaires de 24'943 fr. en avril 2014 et présentait par ailleurs un solde créditeur de 30'530 fr. au 11 octobre 2023.

e. Le 7 août 2024, les parties et l'Office ont été informés de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'Office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telle la décision portant sur la quotité saisissable des revenus du débiteur en cas de séquestre ou de saisie.

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'Office (ATF 138 III 628 consid. 4;
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). C'est en principe toujours le cas du débiteur poursuivi et du créancier poursuivant (Dieth/Wohl, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 11, 12 ad art. 17 LP).

1.1.2 Le débiteur est censé avoir renoncé à se prévaloir du moyen tiré de l'insaisissabilité d'un bien s'il ne s'est pas adressé à l'autorité de surveillance dans les dix jours suivant la communication du procès-verbal de saisie ou de séquestre. La jurisprudence a cependant tempéré cette exigence et admis, pour des raisons d'humanité et de décence, que la nullité d'une saisie peut être prononcée, malgré la tardiveté de la plainte, lorsque la mesure attaquée prive le débiteur et les membres de sa famille des objets indispensables au vivre et au coucher. L'exception ainsi faite à la règle a été étendue aux cas où la saisie porte une atteinte flagrante au minimum vital, à telle enseigne que son maintien risquerait de placer le débiteur dans une situation absolument intolérable (ATF 97 III 7 = JdT 1973 II 20 ss; cf. ég. ATF 114 III 78 = JdT 1990 II 162 ss).

1.2 En l'occurrence, la plainte respecte les exigences de forme prévues par la loi et émane d'une personne qui, si son argumentation devait être retenue, serait lésée dans ses intérêts juridiquement protégés. Elle est donc, à cet égard, recevable.

Toutefois, le moyen soulevé par le plaignant semble tardif. En effet, c'est contre le procès-verbal de séquestre, notifié le 1er novembre 2023, que le plaignant aurait dû agir s'il entendait invoquer la nature insaisissable des créances appréhendées et non pas contre le procès-verbal dressé à la suite de la conversion du séquestre en saisie définitive, qui porte exactement sur les mêmes actifs.

1.3 Nonobstant la tardiveté de la plainte, la Chambre de surveillance devra examiner si l'exécution du séquestre par l'Office a conduit à priver le débiteur et les membres de sa famille des objets indispensables au vivre et au coucher, voire a porté une atteinte flagrante à son minimum vital, une telle mesure étant nulle au sens de l'art. 22 LP, ce qui peut être constaté en tout temps et indépendamment de toute plainte (art. 22 al. 1 LP in fine).

2. 2.1.1 Selon l’art. 92 al. 1 ch. 9a LP, sont insaisissables les rentes au sens de l’art. 20 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, ainsi que les prestations au sens de l’art. 12 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité et les prestations des caisses de compensation pour allocations familiales.

D'après l'art. 93 al. 1 LP, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinées à couvrir une perte de gain, en particulier les rentes et indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92 LP, peuvent notamment être saisies, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille. Sont ainsi relativement saisissables les rentes servies par les institutions de prévoyance professionnelle une fois l’âge de la retraite atteint, le décès ou l’invalidité survenus (ATF 121 III 285 consid. 1b et 3; 120 III 71 consid. 2 et 3, JdT 1997 II 18; arrêts du Tribunal fédéral 7B_253/2003 du 23 décembre 2003 consid. 3.1; 7B_234/2003 du 17 novembre 2003 consid. 3).

Le paiement rétroactif des rentes et autres prestations insaisissables ne peut en principe pas être saisi (vonder Mühll, BSK SchKG, n. 38 ad art. 92 LP). En revanche, l'épargne que le débiteur a pu constituer à l'aide, le cas échéant, de telles prestations est saisissable, la fortune mobilière pouvant en règle générale être saisie en intégralité (vonder Mühll, ibid. se référant à un arrêt bâlois; cf. décision de l'Autorité de surveillance de Genève du 25 janvier 1995, DAS/50/1995). En effet, contrairement aux rentes et autres prestations sociales, l'épargne n'est pas destinée à couvrir l'entretien futur (cf. ATF 115 III 45 consid. 1b). Il en va de même pour les arriérés de rente que le débiteur ne consomme pas pendant un certain temps (vonder Mühll, ibid).

2.1.2 En l'espèce, il sera d'abord observé que l'Office n'a pas saisi des rentes AVS ou des prestations complémentaires mais des avoirs se trouvant sur des comptes bancaires du plaignant à une date déterminée. S'il est exact que le plaignant a reçu sur son compte auprès de B______, en 2014, un rétroactif important du Service des prestations complémentaires, de 24'943 fr., il sera relevé qu'environ dix ans plus tard, en octobre 2023, sur ce même compte bancaire, le solde des avoirs du plaignant était supérieur à cette somme, de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'il s'agit bien d'épargne, qui n'est pas destinée à couvrir l'entretien futur du plaignant.

Par ailleurs, le plaignant ne développe que le grief de l'insaisissabilité de sa rente AVS et de ses prestations complémentaires et ne fournit aucun élément concret concernant une atteinte à son minimum vital, même si l'on peut supposer qu'en tant que bénéficiaire de prestations complémentaires, ses seules ressources sont celles-ci. Il n'établit en particulier pas qu'il n'a pas pu s'acquitter de ses charges indispensables (loyer, nourriture, etc.) après le séquestre du compte sur lequel il perçoit ces prestations et dans les mois qui ont suivi. Or, ce sont les avoirs qui se trouvaient sur le compte au moment de l'exécution du séquestre le 12 octobre 2023 qui ont été saisis et non pas les sommes que le plaignant a continué à percevoir par la suite, lesquelles ont pu couvrir ses besoins futurs. Dans ces circonstances, on ne saurait soutenir l'existence d'une atteinte flagrante au minimum vital, entraînant la nullité de l'exécution du séquestre (ou de la saisie) par l'Office. Ces mesures n'ayant pas placé le plaignant dans une situation intolérable, la plainte s'avère mal fondée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte formée le 27 mai 2024 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 10 mai 2024 dans la série n° 3______.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Alisa RAMELET-TELQIU et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame
Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

Verena PEDRAZZINI RIZZI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.