Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/528/2024 du 07.11.2024 ( PLAINT ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/2804/2024-CS DCSO/528/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2024 |
Plainte 17 LP (A/2804/2024-CS) formée en date du 30 août 2024 par A______, représenté par Me Yves NIDEGGER, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 11 novembre 2024 à :
- A______
c/o Me NIDEGGER Yves
NIDEGGERLAW Sàrl
Rue Marignac 9
Case postale 285
1211 Genève 12.
- B______
c/o Me BARILLON Jacques et
Me Darya KOT
Rue du Rhône 29
1204 Genève.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Les époux A______ et C______ s'opposent dans une procédure de divorce très conflictuelle devant le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal).
b. Ils sont copropriétaires, à raison d'une moitié chacun, de la parcelle 1______ de la commune de D______ [GE], construite d'une villa qui a constitué le domicile de la famille pendant la vie commune.
c. Ce bien est grevé d'une cédule hypothécaire papier n° 2______/2003 au porteur de 900'000 fr. plus intérêt de 12 %.
B. a. Se prévalant de créances en entretien, fondées sur des mesures protectrices de l'union conjugale, A______ a obtenu quatre séquestres de la part de copropriété de son mari sur la parcelle 1______ (séquestres nos 3______, 4______, 5______ et 6______).
b. Elle a intenté plusieurs poursuites à l'encontre de celui-ci, notamment pour valider ces séquestres : poursuite n° 7______ pour un montant de 350'836 fr. 10; poursuite n° 8______ pour un montant de 491'289 fr. 80; poursuite n° 9______ pour un montant de 340'879 fr. 65 à titre d'arriérés de contributions d'entretien; poursuite n° 10_____, pour un montant de 1'810'859 fr. 25 à titre de sûretés fixées par le juge du divorce en sa faveur; poursuite n° 11_____ pour un montant de 226'504 fr. 30 à titre d'arriérés de contributions d'entretien et de provisio ad litem.
c. Les deux premières poursuites ont conduit à la saisie de la part de copropriété de C______ sur la parcelle 1______ dans le cadre d'une série n° 12_____ et les trois suivantes à la saisie du même bien dans le cadre d'une série n° 13_____.
C. a. Parallèlement, B______, fille des époux A______/C______, alléguant être la porteuse de la cédule hypothécaire papier n° 2______/2003 constituée sur la parcelle 1______ de la commune de D______ appartenant à ses parents, a dénoncé au paiement la créance incorporée dans le titre, le 6 juin 2019 pour le 30 décembre 2019, à l'encontre de sa mère uniquement.
b. En l'absence de paiement, elle a requis le 2 janvier 2020 la poursuite en réalisation de gage à l'encontre de sa mère, pour un montant de 5'517'354 fr., plus intérêt à 5 % l'an dès le 1er janvier 2020. Sous la rubrique "Titre et date de la créance ou cause de l'obligation", B______ a mentionné "Cédule hypothécaire au porteur n° 2______/2003 du 11 juin 2003 sur la parcelle n° 1______ située à D______; dénonciation de la cédule du 6 juin 2019".
c. Le commandement de payer, poursuite en réalisation de gage n° 14_____, notifié à A______ par l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) le 2 mars 2020, a été frappé d'opposition.
d. B______ a déposé le 12 août 2020 une requête de mainlevée de l'opposition auprès du Tribunal.
e. Elle a été rejetée par jugement JTPI/1111/2021 du 11 janvier 2021, notifié le
5 février 2021, au motif que B______ n'avait pas rendu vraisemblable être possesseur de la cédule hypothécaire. Elle n'avait en effet déposé qu'une photocopie de celle-ci alors qu'il ressortait de pièces produites à la procédure que la cédule avait été séquestrée en tant que bien appartenant à C______ et que B______ n'avait pas revendiqué la cédule dans le cadre du séquestre.
f. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de justice ACJC/758/2021 du
9 juin 2021 pour le même motif et également parce que A______ ne figurait pas sur la cédule en qualité de débitrice et que B______ ne produisait aucun document complémentaire par lequel A______ aurait reconnu la dette.
g. B______ n'a pas déposé d'action en reconnaissance de dette afin d'obtenir la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer, dans la durée de validité de ce dernier, de sorte qu'il s'est périmé.
D. a. A______ a demandé le 8 juin 2020 que l'Office ne communique pas à des tiers l'existence de la poursuite n° 14_____ en se fondant sur l'art. 8a al. 3 let. d LP.
b. L'Office a rendu le 25 août 2020 une décision refusant de ne pas porter à la connaissance de tiers la poursuite n° 14_____.
c. A______ a formé le 27 août 2020 une plainte contre cette décision auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance).
d. Cette dernière a rendu, le 17 décembre 2020, une décision DCSO/506/2020 rejetant la plainte au motif qu'une requête de mainlevée de l'opposition avait été déposée et était en cours d'instruction.
E. a. A______ a déposé le 24 juin 2021 auprès de l'Office une nouvelle demande de non-divulgation de la poursuite n° 14_____ fondée sur l'art. 8a al. 3 let. d LP en se prévalant du rejet de la requête de mainlevée de l'opposition.
b. Par courriers des 2 et 15 juillet 2021, l'Office a refusé de donner suite à la demande de non-divulgation.
c. A______ a formé une plainte contre ces décisions de l'Office le
16 juillet 2021. Elle y concluait non seulement à une mauvaise application de l'art. 8a al. 3 let. d LP, mais également au constat de la nullité de la poursuite qui constituait une démarche abusive de la prétendue créancière.
d. La Chambre de surveillance a rendu le 3 février 2022 une décision DCSO/51/2022 rejetant la plainte, considérant que les conditions pour la non-divulgation au sens de l'art. 8a al. 3 let. d LP n'étaient pas réunies et que la poursuite ne pouvait être qualifiée d'abusive aux conditions restrictives de la jurisprudence en cette matière, la plaignante n'ayant quasiment pas développé son grief à cet égard.
F. a. B______ a requis le 15 septembre 2021 une nouvelle poursuite en réalisation de gage contre A______, pour un montant de 6'920'969 fr., fondée sur la dénonciation de la cédule grevant la villa de D______.
b. A______ est intervenue le 21 septembre 2021 auprès de l'Office afin que ce dernier ne donne pas suite à la réquisition de continuer la poursuite.
c. L'Office lui a répondu le 1er octobre qu'il ne pouvait satisfaire cette demande et qu'il appartenait à l'intéressée de faire opposition au commandement de payer qui lui serait notifié, si elle estimait ne pas devoir le montant en poursuite, ou de déposer une plainte à son encontre. Il a donc ouvert la poursuite n° 15_____ et notifié un commandement de payer.
d. A______ a fait opposition à celui-ci.
G. a. Par acte expédié le 6 octobre 2021 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte contre la décision de l'Office de donner suite à la réquisition de poursuite de B______ et conclu au constat de la nullité de la poursuite qui était abusive. Elle alléguait que celle-ci était purement chicanière en articulant un montant vertigineux et fantaisiste. En outre, la Cour de justice avait constaté dans son arrêt du 9 juin 2021 sur mainlevée de l'opposition (cf. supra C.f) que la prétendue créancière n'était pas en mesure de produire le titre sur lequel elle fondait son droit ni de prouver l'existence d'une quelconque créance envers sa mère. Suite à cet arrêt, il lui aurait appartenu de déposer une demande en reconnaissance de dette afin d'obtenir la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer dans la poursuite n° 14_____ et non pas de requérir une nouvelle poursuite si elle s'était estimée en droit de réclamer quoi que ce soit à sa mère. La plaignante accusait sa fille de faire en réalité obstacle à ses démarches en vue d'obtenir le paiement des contributions d'entretien dues par C______ qui accusaient un arriéré impayé de 3'417'037 fr. 80.
La plaignante concluait également à ce que la Chambre de surveillance constate le caractère téméraire de la nouvelle réquisition de poursuite de B______ et la condamne aux frais et dépens.
b. Dans ses observations du 2 novembre 2021, l'Office a conclu au rejet de la plainte.
c. Dans ses observations du 9 novembre 2021, B______ a persisté à se prétendre possesseur de la cédule litigieuse et contesté se prévaloir d'une créance fantaisiste. En outre, le fait de requérir plusieurs fois la poursuite pour une même créance n'était pas en tant que tel abusif, sauf volonté de tourmenter délibérément le débiteur et de détruire sa réputation.
d. Par décision DCSO/109/2022 rendue le 17 mars 2022, la Chambre de surveillance a rejeté la plainte de A______ au motif que la plaignante n'avait pas établi à satisfaction que sa fille entreprenait des démarches contraires à la bonne foi à son encontre.
Cela étant, la Chambre s'interrogeait sur les motivations de la poursuivante qui avait renoncé à agir en reconnaissance dette et mainlevée définitive dans le cadre de la poursuite antérieure, alors que cela aurait constitué la suite logique de l'arrêt de la Cour de justice du 9 juin 2021 rejetant la mainlevée provisoire. La question d'une démarche abusive pourrait se poser sous un jour différent si la seconde poursuite devait à nouveau se périmer sans suite.
H. a. B______ a requis auprès du Tribunal la mainlevée provisoire de l'opposition formée par sa mère au commandement de payer n° 15_____.
b. Par jugement JTPI/2059/2023 du 10 février 2023, le Tribunal a rejeté sa requête pour des motifs similaires à ceux ayant conduit au rejet de sa requête de mainlevée provisoire dans la poursuite n° 14_____.
B______ n'a pas recouru contre ce jugement.
c. En revanche, elle a déposé le 15 juin 2023 auprès du Tribunal une requête en conciliation, concluant à la reconnaissance de la dette de sa mère et au prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer.
Elle a allégué que l'acquisition de la villa de D______ avait été exclusivement financée par des fonds propres versés par C______ à hauteur de 858'700 fr. Ce dernier avait néanmoins proposé à A______ d'être inscrite en qualité de copropriétaire. La cédule hypothécaire avait été constituée dans le but de "garantir les expectatives des trois enfants du couple sur [les] fonds propres investis] par C______] dans l'acquisition de la maison". Ce dernier avait ainsi cédé à B______ la cédule à titre exclusif en 2017, en pleine propriété, à titre de garantie. Elle avait ainsi la faculté de procéder seule au recouvrement, cas échéant par voie d'exécution forcée, de cette garantie, à charge pour elle d'indemniser ses frère et sœur.
d. Une audience de conciliation s'est tenue le 20 septembre 2023. L'autorisation de procéder a été délivrée à B______ à l'issue de l'audience.
Cette dernière a laissé échoir le délai de trois mois sans introduire de demande en constatation de la créance et du gage ainsi qu'en mainlevée définitive de l'opposition formée au commandement de payer.
e. Le Tribunal a émis, le 3 avril 2024, une attestation de péremption du droit d'introduire ladite demande.
f. Dans l'intervalle, le commandement de payer, poursuite n° 15_____, s'est périmé.
g. B______ a mis fin au mandat de l'avocate qui l'avait conseillée jusque-là.
I. a. De son côté, A______, dans le cadre des poursuites entreprises en vue de recouvrer ses créances d'entretien envers son mari, a requis, les 24 janvier et 3 février 2022, la vente du bien saisi dans les séries n° 12_____ et n° 13_____ (cf. supra B).
Elle a précisé, dans sa réquisition de vente, qu'elle entendait, dans le cadre des opérations de réalisation, se prévaloir de son droit de préemption de copropriétaire (art. 681 CC) et acquérir la part saisie de l'immeuble par compensation avec les créances qu'elle détenait à l'encontre du débiteur.
b. L'Office a rendu le 28 février 2022 une décision statuant sur les réquisitions de vente de A______.
Dans le cadre de cette décision, qui réglait diverses questions, l'Office a, notamment, annoncé qu'il n'entendait pas organiser, le moment venu, une vente distincte de la part de copropriété de C______, mais à une vente aux enchères de l'immeuble dans son entier car B______, créancière gagiste, avait requis une poursuite en réalisation de gage portant sur l'entier du bien immobilier. En effet, en application de l'art. 73f al. 2 ORFI, si, avant la vente d'une part de copropriété, une poursuite en réalisation de gage ayant pour objet l'immeuble dans son entier était introduite, la priorité devait être donnée à cette poursuite. Dans de telles circonstances, l'acquisition de la part de copropriété du débiteur par un créancier acquéreur, n'était ouverte qu'au créancier gagiste.
c. Par acte expédié le 11 mars 2022, A______ a formé une plainte auprès de la Chambre de surveillance contre l'Office en tant qu'il déclarait, dans sa décision du 28 février 2022, qu'il n'entendait pas organiser une vente distincte de la part de copropriété de C______. Elle a conclu à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder à la vente aux enchères de la part de C______ exclusivement et à ce qu'il soit dit qu'elle était autorisée à se porter acquéreuse par compensation de créance.
A l'appui de la plainte, elle a contesté l'opinion de l'Office selon laquelle seul un créancier gagiste pouvait acquérir le bien immobilier saisi par compensation, le seul critère étant le fait que le créancier soit le seul à participer à la saisie. En l'occurrence, elle était bien la seule créancière poursuivante. B______ n'avait pas obtenu la mainlevée de l'opposition dans la première poursuite en réalisation de gage intentée et le sort de la seconde poursuite serait vraisemblablement le même car la créance alléguée était imaginaire.
d. Dans ses observations du 15 août 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte. En l'état, la poursuite en réalisation de gage intentée par B______, qui n'en était alors qu'au stade de la mainlevée de l'opposition, primait les autres poursuites qui auraient conduit à la saisie et à la réalisation d'une part de copropriété portant sur ce même bien en application de l'art. 73f al. 2 ORFI. En outre, cette poursuite ne pouvait être qualifiée d'abusive à ce stade, la prétendue créancière persistant dans le processus d'exécution forcée en agissant en mainlevée. Ainsi, tant que l'étape de la réquisition de vente par la créancière gagiste n'était pas atteinte, tout le processus de réalisation dans les poursuites ordinaires intentées par A______ était immobilisé. L'Office persistait par conséquent dans sa décision du 28 février 2022, à savoir qu'il était prématuré de lui demander d'examiner si les conditions d'une acquisition par la plaignante de la part de copropriété de son mari sur la villa par compensation étaient réalisées, notamment le fait que la plaignante était la seule créancière poursuivante, ce qui ne pourrait être établi qu'à l'issue de la procédure en mainlevée pendante devant le Tribunal.
e. Dans leurs observations des 28 mars, 26 et 31 août 2022, C______ et B______ ont en substance soutenu que A______ n'était pas la seule créancière à requérir la réalisation de la villa et qu'elle ne remplissait par conséquent pas les conditions pour requérir l'acquisition par compensation de la part de copropriété de son mari. Ils contestaient par ailleurs que la poursuite en réalisation de gage intentée par B______ aurait été abusive et qu'il fallait en faire abstraction.
f. Par décision DCSO/523/2022 du 15 décembre 2022, la Chambre de surveillance a rejeté la plainte de A______ validant l'argumentation de l'Office.
J. a. Par acte expédié le 30 août 2024, A______ a formé une nouvelle plainte auprès de la Chambre de surveillance afin de faire constater que les poursuites en réalisation de gage n° 14_____ et n° 15_____ requises par B______ étaient nulles en raison de leur caractère abusif.
Elle concluait également à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder sans plus attendre à la réalisation aux enchères forcées de la part de copropriété de C______ sur la parcelle 1______ de la commune de D______ dans le cadre des saisies n° 12_____ et n° 13_____.
Elle soutenait qu'il était désormais acquis que les poursuites attaquées avaient été requises sans intention de les continuer, sur la base d'une créance inexistante, puisque B______ avait laissé se périmer les deux commandements de payer, sans jamais sérieusement requérir la mainlevée définitive des oppositions qui y avaient été formées.
Ces poursuites avaient été intentées dans le seul but d'invoquer le prétendu droit préférable d'un créancier gagiste afin d'empêcher l'avancement des poursuites de la plaignante en recouvrement des aliments qui lui étaient dus.
b. Dans ses observations du 27 septembre 2024, l'Office s'en est rapporté à justice sur le caractère abusif des poursuites entreprises, tout en évoquant la réserve contenue dans la décision du 17 mars 2022 de la Chambre de céans.
c. Dans ses observations du 2 octobre 2024, B______ a conclu au rejet de la plainte. Elle soulignait avoir déposé une action en reconnaissance de dette et mainlevée définitive.
1. Le grief invoqué par la plaignante, la nullité d'une poursuite abusive, peut être invoqué en tout temps. Il peut même être soulevé d'office et indépendamment de toute plainte par l'autorité (art. 22 al. 1 LP; ATF 136 III 572 consid. 4).
Il est partant recevable, même s'il ne vise pas une mesure attaquée par la voie de la plainte dans un délai de dix jours au sens de l'art. 17 LP.
2. 2.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481
consid. 2.3.1).
La nullité d'une poursuite pour abus de droit ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'Office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur. L'existence d'un abus ne peut donc être reconnue que sur la base d'éléments ou d'un ensemble d'indices démontrant de façon patente que l'institution du droit de l'exécution forcée est détournée de sa finalité (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; ATF 115 III 18 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019, 5A_317/2015 du
13 octobre 2015 consid. 2.1, 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3; DCSO/321/10 du 8 juillet 2010 consid. 3.b).
2.2.1 En l'espèce, B______ a requis et laissé se périmer deux poursuites n° 14_____ et n° 15_____ en réalisation de gage à l'encontre de la plaignante.
La Chambre de céans l'avait avertie, dans sa décision DCSO/109/2022 du 17 mars 2022, qu'en cas de renonciation à conduire sérieusement et jusqu'à leur aboutissement les poursuites à l'encontre de sa mère, elle s'interrogerait sur leur caractère abusif.
Il apparaît désormais que la poursuivante n'a jamais réellement et sérieusement eu la volonté de recourir à l'exécution forcée dans le but de recouvrer un montant de l'ordre de 7'000'000 fr. en introduisant une première poursuite le 2 janvier 2020, en la laissant se périmer après n'avoir pas obtenu la mainlevée provisoire de l'opposition formée par la plaignante, en requérant une nouvelle poursuite le 15 septembre 2021 et en la laissant à nouveau se périmer après avoir échoué à obtenir la mainlevée provisoire et renoncé à agir au fond fin 2023. Même s'il n'appartient généralement pas à l'autorité de surveillance d'examiner les mérites de la créance en poursuite, la Chambre de céans peine à comprendre ses fondements en l'espèce à la lecture de la requête en conciliation du 15 juin 2023 de B______. Cela vaut non seulement pour le principe de la créance, dont la cause n'est pas clairement exposée, mais également et surtout pour son montant, exorbitant et injustifiable, qui n'a plus rien à voir avec la prétendue créance de 858'700 fr. sous-tendant le gage. L'existence même d'une créance réellement due est ainsi douteuse. De surcroît, les poursuites en réalisation de gage entreprises par B______, de par la priorité que leur octroie la loi, ont principalement eu pour effet d'entraver pendant plusieurs années l'avancement des poursuites engagées par la plaignante contre son mari. Elles relèvent par conséquent essentiellement d'une démarche dilatoire, étrangère aux buts de la poursuite. Il existe par conséquent des indices suffisants pour retenir que les poursuites visées par la plainte n'avaient pas pour finalité de recouvrer de bonne foi des montants dus, mais de nuire à la plaignante.
L'indigence des observations de B______ devant la Chambre de céans en est la confirmation, lorsqu'elle se limite à soutenir, pour preuve du sérieux de ses poursuites et comme seule argumentation, qu'elle a agi en reconnaissance de dette et mainlevée définitive, sans préciser qu'elle a entre-temps abandonné cette démarche.
La plainte sera par conséquent admise et il sera constaté que les poursuites n° 14_____ et n° 15_____ sont nulles en raison de leur caractère abusif.
3. 3.1 La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).
Toutefois, une partie qui use de procédés téméraires ou de mauvaise foi peut être condamnée à une amende de 1'500 fr. au plus ainsi qu'au paiement des émoluments et des débours (art. 20a al. 2 ch. 5, deuxième phrase, LP).
3.2 Dans une décision DCSO/110/2022 rendue 17 mars 2022, dans le cadre d'une procédure opposant les époux A______/C______, leur fille et l'Office, portant sur un objet qu'il n'est pas nécessaire d'évoquer ici, la Chambre de surveillance a relevé, à l'instar de ce qu'elle avait déjà souligné dans le cadre de la décision DCSO/51/2022 à l'encontre de A______, que les époux A______/C______ et leur fille se livraient, dans le cadre du divorce des premiers, à une guerre judiciaire qui s'était matérialisée, dans le cadre de l'activité de la Chambre de surveillance, par le dépôt, en deux ans, de sept plaintes contre l'Office et d'une demande de nouvelle expertise, qui s'étaient révélées majoritairement irrecevables ou infondées. La Chambre avait par conséquent averti les parties qu'elles s'exposaient à ce que leurs procédés téméraires ou de mauvaise foi seraient à l'avenir sanctionnés en application de l'art. 20a al. 2 ch. 5 LP.
Il ressort du rôle de la Chambre de céans que, depuis lors, de nouvelles plaintes ont été déposées dans le cadre du litige entre les époux A______/C______, occupant de manière excessive et injustifiée l'activité de cette autorité, dont la présente procédure. La Chambre mettra par conséquent à exécution l'avertissement émis dans les décisions précitées et sanctionnera les interventions qualifiées ci-dessus d'abusives de B______ par la mise à sa charge d'un émolument de procédure de 1'000 fr. Une nouvelle intervention de sa part devant conduire à l'avenir à une décision similaire à la présente sera également assortie d'un émolument, ainsi que d'une amende.
La LP ne prévoit pas l'allocation de dépens, même en cas de procédés téméraires ou abusifs.
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La Chambre de surveillance :
A la forme :
Déclare recevable la plainte du 30 août 2024 de A______ contre les poursuites en réalisation de gage n° 14_____ et n° 15_____.
Au fond :
Constate leur nullité en raison de leur caractère abusif.
Condamne B______ à verser à l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, un émolument de procédure de 1'000 fr.
Siégeant :
Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.
Le président : La greffière :
Jean REYMOND Véronique AMAUDRY-PISCETTA
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.