Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/526/2024 du 07.11.2024 ( PLAINT ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/1158/2024-CS DCSO/526/24 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 7 NOVEMBRE 2024 |
Causes jointes A/1158/2024-CS et A/1961/2024-CS); plaintes 17 LP formées les 8 avril 2024, respectivement 10 juin 2024 par A______, représenté par Me Hrant HOVAGEMYAN, avocat.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 7 novembre 2024
à :
- A______
c/o Me HOVAGEMYAN Hrant
Demole Hovagemyan
Rue Charles-Bonnet 2
Case postale
1211 Genève 3.
- B______ NV
c/o Me YÜCE Sirin
Charles Russell Speechlys SA
Rue de la Confédération 5
1204 Genève.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. Sur requête de [la banque] B______ NV, le Tribunal de première instance a ordonné le 22 mars 2024 le séquestre, à hauteur de 5'529'754 fr. 75, intérêts en sus, du compte n° 1______ auprès de [la banque] C______ (SUISSE) ou de C______ et de 200 actions de la société E______ SA à Genève, (séquestre n° 2______). Le séquestre était fondé sur l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, soit l'existence d'un titre de mainlevée définitive, en l'espèce un jugement du Tribunal de D______ [Pays-Bas] du 10 juillet 2023.
b. Le même jour, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a avisé E______ SA de l'exécution de ce séquestre en l'invitant à ne plus se dessaisir desdites actions qu'en mains de l'Office, à lui faire part de toute éventuelle revendication et à accuser réception de cet avis.
E______ SA n'a pas réagi à cet avis ni au courrier de rappel que lui a adressé l'Office le 4 avril 2024.
c. Le 10 avril 2024, l'Office a établi le procès-verbal de séquestre, dont il ressort que l'Office n'a pas exécuté le séquestre des actions litigieuses, qui n'appartenaient pas au poursuivi au regard du registre des actionnaires.
d. Le 6 mai 2024, l'Office a levé le séquestre n° 2______, qui n'a pas été validé par B______ NV.
B. a. Entretemps, le 30 avril 2024, sur nouvelle requête de B______ NV se fondant sur une créance de 5'664'419 fr. 09, intérêts en sus, sur la base du jugement du Tribunal de D______ du 10 juillet 2023, le Tribunal de première instance a ordonné un nouveau séquestre du compte 1______ auprès de C______ (SUISSE) ou de C______ et des 200 actions de la société E______ SA (séquestre n° 3______).
b. Le même jour, l'Office a avisé les tiers concernés de l'exécution de ce séquestre.
c. L'Office a établi le procès-verbal de séquestre le 29 mai 2024, et l'a adressé aux parties le 30 mai 2024. Il en ressort que l'Office a procédé au séquestre des actions de la société E______ SA, qu'il a tenu compte de la revendication de F______ du 23 mai 2024 sur les actions séquestrées, a ouvert une procédure de revendication au sens de l'art. 108 LP et fixé en conséquence un délai au créancier et au débiteur pour agir en contestation de la prétention du tiers.
d. Le 10 juin 2024, B______ NV a engagé une poursuite n° 4______ en validation de ce séquestre.
C. a. Par acte expédié le 8 avril 2024, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre l'exécution du séquestre n° 2______ ordonné le 22 mars 2024, concluant à la constatation de la nullité de ce séquestre au motif que les actions de E______ SA ne lui appartenaient pas et que le séquestre requis consacrait un abus de droit.
b. Dans son rapport du 10 avril 2024, l'Office a considéré que la plainte n'avait plus d'objet au regard du non-lieu de séquestre sur les actions litigieuses.
c. Dans ses déterminations du 30 avril 2024, B______ NV a conclu au rejet de la plainte et à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder au séquestre desdites actions.
d. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/1158/2024.
D. a. Par acte expédié le 10 juin 2024, A______ a saisi la Chambre de surveillance d'une seconde plainte au sens de l'art. 17 LP contre l'exécution du séquestre n° 3______ ordonné le 30 avril 2024, concluant à la constatation de la nullité de ce séquestre aux motifs que les actions visées par la mesure ne lui appartenaient pas et que le séquestre consacrait un abus de droit.
b. Dans son rapport établi le 26 juin 2024, l'Office a conclu à l'irrecevabilité de la plainte, subsidiairement à son rejet. Les griefs tirés de la propriété des biens séquestrés et l'abus de droit en lien avec le séquestre successif de mêmes biens relevaient de la procédure d'opposition à séquestre, non de la plainte auprès de la Chambre de surveillance. L'Office avait ouvert la procédure de revendication au sens de l'art. 108 LP en l'absence de situation claire lui permettant de renoncer à l'exécution du séquestre. Le séquestre n'apparaissait pas abusif dès lors que celui ordonné le 22 mars 2024 avait expiré, faute d'avoir été validé. Le fait que l'Office ait renoncé à saisir les avoirs en compte auprès de C______ peu de temps avant l'exécution du séquestre n'était pas relevant.
c. Dans ses déterminations du 8 juillet 2024, B______ NV a conclu au rejet de la plainte, subsidiairement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la procédure en revendication C/5______/2024 puis au rejet de la plainte, et en tout état à ce que l'Office soit enjoint à procéder au séquestre des actions de la société E______ SA.
d. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de cause A/1961/2024.
1. Les causes A/1158/2024 et A/1961/2024 seront jointes sous le numéro de cause A/1158/2024, dès lors qu'elles concernent les mêmes parties et portent sur un état de fait similaire (art. 70 LPA, applicable à la procédure devant la Chambre de surveillance en vertu des articles 9 al. 4 LaLP et 20a al. 3 LP).
2. 2.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).
A qualité pour porter plainte celui qui est atteint dans ses intérêts juridiquement protégés par la mesure de l'Office qu'il critique; le plaignant doit poursuivre un but concret, qu'il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 120 II 5 consid. 2a). La plainte ne doit ainsi être déclarée recevable que si elle permet au plaignant, si elle est admise, de poursuivre un but pratique sur le plan de l'exécution forcée (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2000, n. 156 ad art. 17).
2.2 La plainte déposée le 8 avril 2024 par le débiteur séquestré contre l'exécution du séquestre n° 2______ ordonné le 22 mars 2024 a été formée dans les délai et forme prescrits contre une décision sujette à plainte.
Le plaignant n'a en revanche plus d'intérêt à obtenir la constatation de la nullité de l'exécution de ce séquestre, puisqu'il résulte du procès-verbal de séquestre établi par l'Office le 10 avril 2024 que la mesure n'avait pas porté sur les actions de la société E______ SA et qu'elle a été levée par l'Office le 6 mai 2024 en l'absence de validation par la créancière séquestrante.
La plainte formée contre l'exécution du séquestre ordonné le 22 mars 2024 sera en conséquence déclarée irrecevable.
2.3 Déposée dans les forme et délai prescrits, la plainte formée par le débiteur séquestré contre l'exécution du séquestre n° 3______ ordonné le 30 avril 2024 est recevable.
3. Le plaignant soutient que le séquestre n° 3______ est nul au motif que les actions de la société E______ SA ne lui appartiennent pas.
3.1.1 Le séquestre est ordonné par le juge (art. 272 al. 1 et 274 al. 1 LP).
L'office des poursuites exécute l'ordonnance de séquestre (art. 275 LP). Les compétences de l'office des poursuites et des autorités de surveillance sont limitées aux mesures proprement dites d'exécution du séquestre, ainsi qu'au contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre. Ce pouvoir d'examen entre en effet par définition dans les attributions d'un organe d'exécution, qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire ou imprécis, ni exécuter un séquestre entaché de nullité. Tel pourrait être le cas si l'ordonnance ne désigne pas les biens à séquestrer avec suffisamment de précision ou qu'elle ne contient pas toutes les informations requises par l'art. 274 LP. L'office ne peut pas non plus exécuter une ordonnance rendue par un juge manifestement incompétent et doit également respecter les dispositions en matière de saisie (art. 92 à 106 LP; ATF 143 III 573 consid. 4.1.2 et références citées).
Lorsqu'il est allégué qu'un tiers a sur le bien saisi un droit de propriété, de gage ou un autre droit qui s'oppose à la saisie ou qui doit être pris en considération dans la suite de la procédure d'exécution, l'Office doit mentionner la prétention du tiers dans le procès-verbal de saisie ou, s'il a déjà été communiqué, informer les parties (art. 106 al. 1 LP).
3.2 En l'espèce, l'Office a procédé à l'exécution du séquestre ordonné par le Tribunal de première instance le 30 avril 2024. Dans ce cadre, il a, à juste titre, tenu compte de ce que la propriété des actions de la société E______ SA avait été revendiquée par F______ en faisant mention de cette revendication dans le procès-verbal de séquestre et en ouvrant la procédure de revendication conformément à l'art. 108 LP.
Le grief que tire le plaignant de ce que les biens mis sous séquestre ne lui appartiennent pas n'est donc pas fondé.
4. Le plaignant se prévaut par ailleurs de la nullité du séquestre n° 3______ au motif que la créancière séquestrante aurait abusé de son droit en requérant un séquestre identique à celui qui avait été ordonné le 22 mars 2024.
4.1 Le séquestre est une mesure conservatoire urgente, qui a pour but d'éviter que le débiteur ne dispose de ses biens pour les soustraire à la poursuite pendante ou future de son créancier (ATF 116 III 111 consid. 3a; 107 III 33 consid. 2).
Dans ce contexte, rien ne s'oppose en principe à ce que plusieurs séquestres, même fondés sur le même cas de séquestre, soient ordonnés pour la même créance (ATF 99 III 22 consid. 2). Même un séquestre ordonné pour la même créance, fondé sur le même cas de séquestre et portant sur les mêmes actifs qu'un précédent séquestre – et donc faisant apparemment double emploi – a été jugé admissible s'il répond à un besoin de protection légitime du créancier, ce qui sera par exemple le cas si le premier séquestre est devenu caduc en raison du non-respect de l'un des délais prévus par l'art. 279 LP (arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2012 du 5 avril 2013 consid. 6.2). Dans cette même décision, le Tribunal fédéral a considéré que l'autorisation et l'exécution du second séquestre n'étaient pas soumises à la preuve stricte de la caducité du premier : un simple doute sur la validité du premier séquestre était au contraire suffisant pour justifier le second, le créancier séquestrant ayant en effet un intérêt "de la première importance" à ce que les biens du débiteur ne soient pas libérés, même pour une durée limitée, sans quoi il risquait d'être privé de la garantie que l'institution du séquestre visait à lui assurer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2012 précité, consid. 6.2). Il est donc possible que les mêmes biens fassent l'objet, pour la même créance, de deux séquestres en force.
La possibilité pour le créancier d'obtenir plusieurs séquestres pour la même créance est toutefois limitée par l'interdiction de l'abus de droit. Un second séquestre est ainsi abusif, notamment, s'il conduit à mettre sous mains de justice plus de biens qu'il n'en faut pour couvrir la créance invoquée (ATF 120 III 49 consid. 2a).
4.2 En l'espèce, la créancière séquestrante a requis et obtenu un premier séquestre des actions de la société E______ SA et du compte bancaire auprès de C______ (SUISSE) ou C______ le 22 mars 2024, en se prévalant d'une créance de 5'529'754 fr. 75, intérêts en sus, fondée sur un jugement du Tribunal de D______ du 10 juillet 2023. Elle a ensuite obtenu un second séquestre, ordonné le 30 avril 2024, visant les mêmes biens et fondé sur la créance basée sur le même jugement de D______ du 10 juillet 2023. Les démarches entreprises par la créancière séquestrante visent toutefois à obtenir le recouvrement de la créance qu'elle invoque sur la base des décisions judiciaires hollandaises, dès lors que le premier séquestre ordonné le 22 mars 2024 a été levé le 6 mai 2024, faute d'avoir été validé, et que la plaignante a validé le second séquestre en engageant la poursuite n° 4______. Ces circonstances ne permettent pas de retenir que la créancière séquestrante ait abusé de son droit en requérant une seconde mesure de blocage à l'encontre du plaignant.
Le grief tiré du caractère abusif du séquestre est également infondé.
5. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).
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La Chambre de surveillance :
Préalablement :
Ordonne la jonction des causes A/1158/2024 et A/1961/2024 sous le numéro de cause A/1158/2024.
A la forme :
Déclare irrecevable la plainte formée le 8 avril 2024 par A______ contre le procès-verbal de séquestre n° 2______ du 10 avril 2024.
Déclare recevable la plainte formée le 10 juin 2024 par A______ contre le procès-verbal de séquestre n° 3______ du 29 mai 2024.
Au fond :
Rejette la plainte formée le 10 juin 2024 par A______ contre le procès-verbal de séquestre n° 3______ du 29 mai 2024.
Siégeant :
Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.