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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2081/2023

DCSO/250/2024 du 06.06.2024 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : Minimum vital.
Normes : LP.93
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2081/2023-CS DCSO/250/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 JUIN 2024

 

Plainte 17 LP (A/2081/2023-CS) formée en date du 21 juin 2023 par A______.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______ [GE].

- ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

Service du contentieux

Rue du Stand 26

Case postale 3937

1211 Genève 3.

- B______ SA

c/o C______ SA [entreprise de recouvrement de créances]
______
______ [ZH].

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Dans le cadre des opérations de saisie dans la série n° 1______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a saisi le 6 janvier 2023 le salaire de A______ perçu auprès de l'Etat de Genève, à hauteur de toute somme supérieure à 2'224 fr. par mois (procès-verbal de saisie du 10 janvier 2023). Cette série a été intégralement soldée le 22 mai 2023 et le dossier clôturé.

b. Le salaire de A______ a été de nouveau saisi par l'Office dans le cadre de la série subséquente n° 2______, et ce à hauteur de toute somme supérieure à 2'253 fr. du 28 avril 2023 au 17 avril 2024 (cf. procès-verbal de saisie du 30 mai 2023 reçu par A______ le 1er juin 2023 selon le Track and Trace).

Selon le calcul de l'Office, les revenus réalisés par A______ et son époux, E______ se montaient respectivement à 6'010 fr. 25 et 7'731 fr. 35 par mois.

Selon le calcul du minimum vital annexé au procès-verbal de saisie du 30 mai 2023, les charges de la famille s'élevaient à 5'150 fr. et étaient composées du montant mensuel de base, en 1'700 fr., du loyer, en 2'530 fr., d'un forfait pour les repas pris à l'extérieur par la poursuivie (242 fr.), des frais de transport de la poursuivie (70 fr.), des primes d'assurance-maladie et des frais d'essence de E______ (150 fr. + 280 fr.) et des montants mensuels de base pour les deux enfants du couple (178 fr. pour les deux enfants allocations familiales déduites). La part à la charge de A______ se montait à 43.74%, soit un montant de 2'252 fr. 51, qui représentait la quotité insaisissable.

B. a. Par acte posté le 21 juin 2023, A______ (et son époux E______) a saisi la Chambre de surveillance d'une plainte au sens de l'art. 17 LP, tendant à la modification de la saisie de salaire et à l'établissement d'un nouveau procès-verbal de saisie. A______ a notamment joint à sa plainte copies du procès-verbal de saisie N° 1______ du 10 janvier 2023, de ses fiches de salaire de janvier à mai 2023, de l'extrait de son compte bancaire, du compte de résultat de l'activité de son époux, montrant un bénéfice d'exercice de 16'987 fr. 90 pour la période janvier à mai 2023, de la preuve de paiement d'un montant de 214 fr. à la garderie F______ pour le mois de mai 2023 et de la police d'assurance-maladie. Selon les fiches de salaire, A______ réalisait un revenu net de 6'300 fr. par mois.

b. Dans sa détermination du 17 août 2023, l'Office a exposé que les charges de la famille comprenaient une pension pour l'enfant G______ à charge de l'époux de la poursuivie (150 fr.). Il n'avait en revanche pas été possible de tenir compte des primes d'assurance-maladie, la preuve de leur paiement régulier n'ayant pas été apportée. Il en était de même des frais de garde des enfants. Concernant les charges professionnelles de l'époux, seuls les frais d'essence avaient été pris en considération.

L'Office considérait que les frais de location d'une place de parking étaient en revanche justifiés, soit 220 fr. par mois.

Compte tenu du fait que A______ avait cessé de travailler pour l'Etat de Genève à compter du 1er juillet 2023, il serait procédé à une révision de la quotité saisissable.

c. A l'audience du 10 janvier 2024, l'Office a produit un nouveau procès-verbal de saisie établi le 21 novembre 2023.

A______ a en substance indiqué qu'elle contestait les revenus imputés à son mari, lequel ne travaillait plus depuis l'été 2023.

d. Dans sa détermination du 31 janvier 2024, l'Office a indiqué que les revenus de l'époux de la plaignante dans la série n° 2______ avaient été établis sur la base d'une moyenne des sommes créditées sur le compte auprès de [la banque] H______ pour la période du 1er janvier au 31 mars 2023. Le compte de résultat fourni par l'intéressé en mai 2023 relatif à la période de janvier à mars 2023 affichait un bénéfice de 14'529 fr. 22, soit un produit d'exploitation de 20'679 fr. 22 et des charges de 6'150 fr., lesquelles n'étaient toutefois pas documentées. L'Office avait néanmoins tenu compte de frais de carburant en 280 fr. par mois. Il résultat des relevés bancaires pour la période de septembre à novembre 2023 que E______ n'avait quasiment plus d'activité depuis le mois de septembre 2023.

L'Office avait recalculé la participation de la poursuivie aux charges du ménage et saisi les indemnités de chômage perçues par celle-ci à hauteur de toute somme supérieure à 3'100 fr. par mois.

De nouvelles poursuites avaient formé une nouvelle série, n° 3______. Selon le procès-verbal de saisie établi le 21 novembre 2023, E______ réalisait un revenu de 3'258 fr. 20. A______ percevait des indemnités de chômage à hauteur de 5'351 fr. 70. Les charges de la famille s'élevaient à 4'988 fr. par mois, l'Office ayant supprimé le forfait pour les repas pris à l'extérieur de la poursuivie, qui ne travaillait plus. La participation de A______ aux charges du ménage s'élevait à 3'101 fr. par mois. La quotité saisissable s'élevait à toute somme supérieure à 3'100 fr. par mois du 18 avril 2024 au 2 octobre 2024.

Selon les décomptes de la caisse de chômage fournis par l'Office, A______ a perçu 4'533 fr. 25 nets (5'107 fr. 15 – 573 fr. 90) en octobre 2023 pour 17 indemnités journalières et 5'930 fr. 60 nets en novembre 2023 (6'609 fr. 30
– 678 fr. 70) pour 22 indemnités journalières, soit un montant net par jour de l'ordre de 260 fr. A la date du 8 décembre 2023, elle avait perçu 99 indemnités journalières, soit un montant de 25'740 fr. du 1er juillet au 8 décembre 2023, correspondant à un revenu mensuel net arrondi de 5'000 fr.

Selon le décompte de la série n° 2______ produit par l'Office, celle-ci a été soldée par six prélèvements sur les revenus de la poursuivie totalisant 20'184 fr. 33, entre avril 2023 et janvier 2024, dont 1'844 fr. 83 le 27 avril 2023, 4'052 fr. 20 le 30 mai 2023 et 7'475 fr. 30 le 29 juin 2023 (le salaire du mois de juin comprenant la moitié du treizième salaire pour les fonctionnaires d'Etat à Genève), soit 4'457 fr. 45 par mois. Entre juillet 2023 et janvier 2024, l'Office avait saisi au total 6'812 fr., soit 973 fr. par mois. Sur la durée d'une année de la saisie, l'Office a saisi en moyenne 1'700 fr. par mois.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles l'exécution de la saisie ou la communication du procès-verbal de saisie.

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). C'est en principe toujours le cas du débiteur poursuivi et du créancier poursuivant (Erard, in CR LP, 2005, Dallèves/Foëx/Jeandin [éd.], n° 25 et 26 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, Hunkeler [éd.], n° 11 et 12 ad art. 17 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

Lorsque la plainte est dirigée contre la saisie, le délai de dix jours prévu par l'art. 17 al. 2 LP commence à courir avec la communication du procès-verbal de saisie (ATF 107 III 7 consid. 2).

L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP). Sont nulles les mesures contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas partie à la procédure de poursuite (art. 22 al. 1 LP). Tel est le cas, selon la jurisprudence, d'une saisie (ou d'un séquestre) violant de façon manifeste le minimum vital du débiteur (ATF 114 III 78; arrêt du Tribunal fédéral 5A_680/2015 du 6 novembre 2015 consid. 3; Dieth/Wohl, op. cit., N 2b ad art. 22 LP).

1.2 Dans le cas d'espèce, la plainte a été formée plus de dix jours après la communication à la plaignante des deux procès-verbaux de saisie litigieux, séries n° 1______ et n° 2______, le second procès-verbal ayant été notifié le 1er juin 2023 alors que la plainte a été déposée le 21 juin 2023. De plus, la première des deux séries était soldée au moment du dépôt de la plainte, de sorte que la plaignante n'avait plus d'intérêt actuel à porter plainte dans la série n° 1______.

La plainte est donc irrecevable en tant qu'elle vise le procès-verbal de saisie du 10 janvier 2023, série n° 1______. En tant que la plaignante soutient que, dans le procès-verbal de saisie du 30 mai 2023, son minimum vital n'aurait pas été calculé de manière conforme à la loi, respectivement que la quotité saisissable aurait été fixée à un niveau trop élevé, la plainte est aussi irrecevable, faute d'avoir été formée en temps utile (sous réserve de ce qui est exposé ci-dessous sous 2).

En tant qu'elle vise le procès-verbal de saisie du 21 novembre 2023, dans la série n° 3______, notifié au cours de la procédure de plainte, la plainte est recevable.

2. Il y a lieu d'examiner, conformément à l'art. 22 al. 1 deuxième phrase LP, si, nonobstant la tardiveté de la plainte, la saisie exécutée à compter du 28 avril 2023 dans la série n° 2______ serait atteinte de nullité du fait que son exécution violerait de façon manifeste le minimum vital de la débitrice.

Selon l'Office, les charges de la famille de la plaignante s'élèvent à 5'150 fr. par mois (jusqu'au 30 juin 2023 puis à 4'988 fr. à compter du 1er juillet 2023 le forfait pour les repas à l'extérieur de 242 fr. ayant été supprimé vu que la plaignante a cessé de travailler). La plaignante n'explique pas en quoi les constatations de l'Office à cet égard – qu'elle n'a pas contestées en temps utile – seraient erronées, et ne produit aucune pièce de nature à établir que ses dépenses incompressibles et effectivement assumées seraient plus élevées. En particulier, elle n'établit pas s'être effectivement et régulièrement acquittée des primes d'assurance maladie obligatoire pour elle-même et les membres de sa famille dans les mois ayant immédiatement précédé ou suivi la décision de l'Office du 30 mai 2023. Quant aux montants de base OP retenus pour les enfants, la plaignante a omis de tenir compte des allocations familiales, qui viennent en déduction. Enfin, la plaignante n'a pas apporté la preuve du paiement effectif et régulier des frais de garde des enfants, un seul paiement au mois de mai 2023 n'étant suffisant. Il convient donc de s'en tenir aux montants admis par l'Office.

S'agissant des revenus de l'époux de la plaignante, l'Office a tenu compte des montants crédits sur le compte bancaire de l'intéressé entre janvier et mars 2023 et a procédé à une moyenne. A l'appui de la plainte, la plaignante relève que les relevés bancaires montrent les montants bruts, les frais professionnels n'ayant pas été déduits. A cet égard, il résulte du compte de résultat produit par l'époux de la poursuivie pour la période de janvier à mars 2023 que le bénéfice net s'est élevé à 14'529 fr. 22 pour trois mois, soit 4'843 fr. nets par mois, étant précisé que l'Office a constaté, sans être contredit, que les revenus de l'époux de la plaignante ont baissé à compter du mois de septembre 2023.

Or, en retenant comme revenus du couple, des revenus en 6'300 fr. par mois pour la plaignante jusqu'au 30 juin 2023 et le revenu moyen réalisé par l'époux jusqu'en août 2023, en 4'843 fr. nets par mois, on aboutit au calcul suivant :

Revenus des époux : 11'143 fr.

Minimum vital du couple: 5'150 fr.

Le minimum vital de la poursuivie se détermine selon le calcul suivant : 5'150 fr. x 6'300 fr. / 11'143 fr. = 2'911 fr. 69.

La quotité saisissable résulte de la soustraction du minimum vital ainsi établi du revenu de la plaignante, soit 6'300 fr. - 2'911 fr. 69 = 3'388 fr. 31, et ce d'avril à juin 2023.

Pour les mois de juillet et août 2023, le calcul peut être arrêté comme suit :

Revenus des époux : 9'843 fr. (5'000 fr. d'indemnités de chômage de la plaignante et 4'843 fr. de revenus de l'époux).

Minimum vital du couple: 4'988 fr.

Le minimum vital de la poursuivie se détermine selon le calcul suivant : 4'988 fr. x 5'000 fr. / 9'843 fr. = 2'533 fr.

La quotité saisissable mensuelle résulte de la soustraction du minimum vital ainsi établi du revenu de la plaignante, soit 5'000 fr. – 2'533 fr. = 2'467 fr., et ce pour la période du 1er juillet au 31 août 2023.

Pour les cinq mois d'avril à août 2023, l'Office pouvait ainsi saisir au total 15'098 fr., à savoir 3'388 fr. 31 x 3 et 2'467 fr. x 2. Si on y ajoute la moitié du treizième salaire touché par la plaignante en juin 2023, soit environ 3'000 fr., l'Office pouvait saisir environ 18'000 fr. au cours de la série allant d'avril 2023 à avril 2024. En saisissant 20'184 fr. 33 au total pour solder la série n° 2______, l'Office n'a pas porté une atteinte flagrante au minimum vital de la poursuivie, de sorte que la saisie n'est pas nulle.

La plainte sera ainsi rejetée dans cette mesure.

3. A compter du 1er septembre 2023, l'Office admet que l'époux de la plaignante ne réalise quasiment plus de revenus. Le procès-verbal de saisie du 21 novembre 2023, en tant qu'il retient des revenus de l'époux de la plaignante à hauteur de 3'258 fr. 20 doit ainsi être annulé, l'Office étant invité à recalculer le minimum vital de la plaignante. Dans sa décision, l'Office déterminera notamment, s'il ne l'a pas déjà fait, les revenus moyens de la plaignante issus des indemnités journalières de chômage et réexaminera le cas échéant les charges.

La plainte est ainsi partiellement admise en tant qu'elle vise le procès-verbal de saisie du 21 novembre 2023 dans la série n° 3______.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


Déclare irrecevable la plainte formée le 21 juin 2023 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 10 janvier 2023 dans la série n° 1______.

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte formée le 21 juin 2023 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 30 mai 2023 dans la série n° 2______.

Admet partiellement la plainte formée par A______ contre le procès-verbal de saisie du 23 novembre 2023 dans la série n° 3______.

Invite l'Office cantonal des poursuites à modifier, s'il ne l'a pas déjà fait, le procès-verbal de saisie dans la série n° 3______ conformément au considérant 3 de la présente décision.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.