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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/491/2024

DCSO/248/2024 du 06.06.2024 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Notification. Commandement de payer. Procès-verbal de notification. Valeur présente.
Normes : LP.74; LP.64
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/491/2024-CS DCSO/248/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 JUIN 2024

 

Plainte 17 LP (A/491/2024-CS) formée en date du 12 février 2024 par A______.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______ [GE].

- B______ SA

______

______ [ZH].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 27 novembre 2023, B______ SA a requis la poursuite de A______ en paiement de 2'524 fr. 35 au titre d'une créance cédée par C______ [opérateur téléphonique], 1'521 fr. 65 d'intérêts, 199 fr. 70 et 385 fr. de frais. Sur la réquisition de poursuite, B______ SA [entreprise de gestion et recouvrement de créances] a indiqué que A______ était domiciliée "c/o D______, rue 1______ 6, [code postal] E______ [GE]".

b. Le même jour, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a établi un commandement de payer, poursuite n° 2______. Selon les indications figurant au dos du document, le commandement de payer a été distribué "au destinataire Madame A______, c/o D______, rue 1______ 6, [code postal] E______" le 5 janvier 2024, après plusieurs tentatives de notification. Aucune opposition n'a été enregistrée.

c. Le 30 janvier 2024, B______ SA a requis la continuation de la poursuite. Un avis de saisie a été adressé le 6 février 2024 à A______, rue 3______ 24, [code postal] E______ pour une audition le 19 mars 2024.

B. a. Par acte posté le 12 février 2024, complété le 22 février 2024 par la transmission de l'exemplaire pour le créancier du commandement de payer, A______ a formé plainte contre l'avis de saisie, faisant valoir qu'elle n'avait appris l'existence du commandement de payer qu'au moment de la réception de l'avis de saisie. Elle n'avait ainsi pas pu former opposition. L'adresse "rue 1______ 5, [code postal] E______" était incorrecte.

b. L'Office a rappelé sa pratique consistant à notifier le commandement de payer à l'adresse fournie par le créancier, à tout le moins dans un premier temps. Selon l'Office cantonal de la population, la poursuivie n'était plus domiciliée à la rue 1______ 6 depuis 2017. L'audition de l'agent postal pouvait permettre de comprendre comment la notification à cette adresse avait pu avoir lieu.

c. B______ SA ne s'est pas déterminée.

d.a Lors de l'audience du 31 mai 2024, F______, employée de PostLogistics, entendue comme témoin, a exposé le processus de notification des commandements de payer et indiqué qu'elle effectuait environ 20 notifications par jour en moyenne, souvent à E______. Elle a affirmé qu'elle ne se souvenait pas de la tournée du 5 janvier 2024 et a reconnu son écriture et sa signature au dos de l'exemplaire pour le créancier du commandement de payer, poursuite n° 2______, qui lui a été soumis. Elle a ajouté que la personne qui avait ouvert la porte de l'appartement situé 6 rue 1______ à E______ lui avait indiqué que la poursuivie habitait à la rue 3______ 24, qui se trouvait juste à côté. F______ s'était rendue à cette adresse et avait remis le commandement de payer à la personne qui avait ouvert la porte. Selon le Track&Trace, il s'agissait de 15h17. Elle a reconnu le visage de A______ qui se trouvait dans la salle d'audience, pour lui avoir déjà notifié des actes de poursuite.

d.b A______ a déclaré qu'elle avait logé pendant quelques mois à la rue 1______ 6 chez D______, avant de s'installer, en 2017, à la rue 3______ 24 à E______. Elle était depuis lors domiciliée à cette dernière adresse, avec son mari et ses deux enfants. Elle ignorait les circonstances ayant entouré la notification du commandement de payer, dont elle avait eu connaissance à réception de l'avis de saisie. Elle a déclaré qu'elle travaillait le 5 janvier 2024 et qu'elle n'était pas à la maison à l'heure de la notification. Elle a contesté avoir reçu le commandement de payer. Elle avait été aidée par le service de désendettement de l'Hospice général en raison de nombreuses dettes passées.

d.c Compte tenu de l'imprécision du procès-verbal de notification au dos du commandement de payer, l'Office n'était pas opposé à ce que l'opposition de la poursuivie soit enregistrée et l'avis de saisie annulé.

e. Selon la base de données de l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), A______ est domiciliée depuis le 1er juin 2017 à la rue 3______ 24 à E______. Elle a été domiciliée chez D______, rue 1______ 6 à E______ du 30 août 2016 au 1er juin 2017.

f. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts
(ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Selon l'art. 72 LP, le commandement de payer doit être communiqué au débiteur poursuivi selon les règles de la notification prévues par les art. 64 à 66 LP. Cette notification consiste en la remise physique par l'agent notificateur en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 LP), de l'acte à notifier, et ce sous forme ouverte (et non sous pli fermé), de manière à ce que le récipiendaire puisse immédiatement en prendre connaissance et, dans le cas du commandement de payer, former opposition (art. 74 al. 1 LP; Malacrida/Roesler, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 2 ad art. 72 LP; Wüthrich/Schoch, in BAK SchKG I, 2ème édition, N 10 et 11 ad art. 72 LP). Une notification par dépôt de l'acte dans la boîte aux lettres du destinataire est ainsi exclue (ATF 120 III 117 consid. 2b et références citées). La notification donne lieu à l'établissement par l'agent notificateur d'un procès-verbal par lequel ce dernier doit attester, sur chaque exemplaire de l'acte, la date à laquelle il a été remis, l'endroit de cette remise et la personne qui l'a reçu (art. 72 al. 2 LP). Ce procès-verbal constitue un titre authentique au sens de l'art. 9 al. 1 CC, avec pour conséquence que les faits qu'il constate et dont l'inexactitude n'est pas prouvée sont réputés établis (art. 9 al. 1 CC; ATF 120 III 117 consid. 2). Le procès-verbal de notification permet en principe à l'Office d'apporter la preuve, qui lui incombe (ATF 120 III 117 consid. 2), de la notification régulière du commandement de payer.

Les règles régissant la notification des actes de poursuite visent à s'assurer qu'un acte produisant des effets juridiques - comme le commandement de payer qui, s'il n'est pas frappé d'opposition, devient un titre d'exécution - est effectivement porté à la connaissance de son destinataire ou d'une personne qui se trouve avec lui dans une relation suffisamment étroite pour que l'on puisse présumer qu'il le lui remettra (Jeanneret/Lembo, in CR LP, N 3 et 22 ad art. 64 LP).

2.1.2 La notification irrégulière d’un commandement de payer n’est frappée de nullité que si l’acte n’est pas parvenu en mains du poursuivi, nullité qui doit, cas échéant, être constatée d’office et en tout temps par l’autorité de surveillance. En revanche, si, malgré le vice de la notification, le poursuivi a quand même eu connaissance du commandement de payer, il produit ses effets dès ce moment-là. Dès lors, le délai pour porter plainte contre la notification, ou pour former opposition, commence à courir du moment où le poursuivi a eu effectivement connaissance de l’acte. Toutefois, en cas de plainte LP, le commandement de payer ne sera annulé et une nouvelle notification ordonnée que si le débiteur peut se prévaloir d’un intérêt digne de protection; or, en principe, le débiteur qui a eu connaissance du commandement de payer et qui a ou aurait pu faire opposition dans le délai n’a pas un intérêt digne de protection à son annulation (Neuenschwander, Opposition au commandement de payer tardive ou non enregistrée à l’office des poursuites: Demande de restitution du délai ou plainte LP ?, BlSchK 2017 p. 177, p. 181).

2.2. En l'espèce, la poursuivie est domiciliée rue 3______ 24 à E______ depuis le 1er juin 2017 et réside à cette adresse avec sa famille. C'est donc à cette adresse que le commandement de payer devait être notifié. Le procès-verbal de notification, qui se trouve au dos du commandement de payer, indique que le commandement de payer a été notifié au précédent domicile de la plaignante, rue 1______ 6 à E______. L'agent postal qui a procédé à la notification a affirmé en audience que le procès-verbal de notification était inexact, le commandement de payer ayant été remis à la personne qui se trouvait à la rue 3______ 24 à E______, ce que la plaignante conteste. Quant à l'identité de cette personne, l'agent postal a indiqué qu'il reconnaissant le visage de la plaignante pour lui avoir déjà notifié des actes de poursuite. Il n'a pas été en mesure d'affirmer avec certitude qu'il lui avait remis le commandement de payer le 5 janvier 2024. En présence d'informations contradictoires sur l'endroit de la remise du commandement de payer, il convient en l'espèce d'accorder davantage de force probante au procès-verbal de notification, qui a été établi le jour de la notification par l'agent postal. Quand bien même il n'y a pas lieu de douter de la sincérité de l'agent postal, ses déclarations en audience sont moins probantes, en raison du temps écoulé (plus de quatre mois) et du fait qu'il procède chaque jour à de nombreuses notifications, ce qui peut générer un risque de confusion. Il s'ensuit que la notification du commandement de payer intervenue le 5 janvier 2024 à la mauvaise adresse est viciée.

La plaignante indique n'avoir pris connaissance du commandement de payer litigieux qu'à réception de l'avis de saisie du 6 février 2024 et aucun élément du dossier ne permet d'infirmer cette allégation. Aussi, l'opposition formée le 12 février 2024 dans le cadre de la plainte l'a été en temps utile.

L'Office sera par conséquent invité à enregistrer l'opposition au commandement de payer, poursuite n° 2______.

L'avis de saisie, adressé à la plaignante en l'absence d'un commandement de payer entré en force est quant à lui atteint de nullité, ce qui sera constaté.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 12 février 2024 par A______ contre l'avis de saisie du 6 février 2024 dans la poursuite n° 2______.

Au fond :

L'admet.

Ordonne à l'Office cantonal des poursuites d'enregistrer l'opposition valablement formée par A______ au commandement de payer, poursuite n° 2______, et de la consigner sur l'exemplaire du commandement de payer destiné à la créancière poursuivante.

Constate la nullité de l'avis de saisie du 6 février 2024.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.