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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/933/2024

DCSO/267/2024 du 07.06.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/933/2024-CS DCSO/267/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 6 JUIN 2024

 

Plainte 17 LP (A/933/2024-CS) formée en date du 18 mars 2024 par A______, représenté par Me Antoine Boesch, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 10 juin 2024
à :

-       A______

c/o Me BOESCH Antoine

Poncet Turrettini

Rue de Hesse 8

Case postale

1211 Genève 4.

- B______

c/o Me MOSER Laurent

Kellerhals Carrard Genève SNC

Rue François-Bellot 6

1206 Genève.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. L'immeuble immatriculé au Registre foncier sous feuillet n° 1______ de la commune de C______ [GE] (ci-après : l'Immeuble), sis chemin 2______ no. ______ à C______, appartient en propriété commune à la communauté héréditaire composée de D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______ et B______ (ci-après : les Héritiers).

b. Le 26 septembre 2022, A______ a déposé une requête en conciliation par devant la juridiction des prud'hommes, tendant au paiement d'un montant de 203'730 fr. hors intérêts, dirigée à l'encontre de l'hoirie de feue N______, y compris D______, E______, F______, G______, H______, I______, J______, K______, L______, M______ et B______, et de O______, défendeurs pris conjointement et solidairement.

c. Se fondant sur la créance réclamée dans la procédure prud'homale, A______ a, le 6 février 2024, saisi le Tribunal de première instance d'une requête de séquestre dirigée à l'encontre des Héritiers, concluant au séquestre de l'Immeuble à son profit.

Sa requête était accompagnée de onze formules d'ordonnance de séquestre préremplies, chacune établie au nom d'un des Héritiers.

d. Le 8 février 2024, le Tribunal a fait droit à la requête et rendu onze ordonnances de séquestre (séquestres n° 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______, 9______, 10_____, 11_____, 12_____ et 13_____), chaque ordonnance étant prononcée à l'encontre d'un des Héritiers cités.

Il a ainsi, entre autres, prononcé l'ordonnance de séquestre n° 13_____ à l'encontre de B______, ordonnant le séquestre de l'immeuble n° 1______ de la commune de C______, sis chemin 2______ no. ______, [code postal] C______, propriété commune (communauté héréditaire) des onze Héritiers.

e. Ce séquestre n° 13_____ a, à l'instar des dix autres séquestres prononcés à l'encontre des autres héritiers, été exécuté le même jour par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) par l'envoi au Registre foncier d'une réquisition d'annotation d'une interdiction d'aliéner.

f. L'Office a procédé à des investigations complémentaires auprès du créancier séquestrant.

Ce dernier lui a indiqué, par réponses des 20 et 27 février 2024, que feue N______ était propriétaire de l'Immeuble au moment de son décès, qu'elle était alors domiciliée en Arabie Saoudite et de nationalité saoudienne, qu'elle avait neuf enfants, dont l'un d'eux était décédé peu de temps après sa mère, ayant ainsi été succédé par ses deux propres enfants et son épouse. Tous les débiteurs séquestrés formant la communauté héréditaire étaient domiciliés à l'étranger.

g. Par décision du 8 mars 2024, l'Office a décidé de révoquer l'exécution du séquestre et de prononcer en conséquence la radiation de l'annotation d'une interdiction d'aliéner requise le 8 février 2024. Il a considéré qu'il n'était pas compétent à raison du lieu pour exécuter le séquestre, au motif que le débiteur séquestré n'était pas domicilié à Genève, que la défunte n'était pas domiciliée en Suisse au moment de son décès et qu'elle n'était pas de nationalité suisse.

Il a rendu dix décisions identiques dans le cadre des dix autres séquestres ordonnés.

B. a. Par acte déposé à la Chambre de surveillance le 18 mars 2024, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre cette décision, concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'Office de procéder à l'exécution de ce séquestre, sous suite de frais et dépens.

b. Sa requête tendant à ce que l'effet suspensif soit accordé à sa plainte a été admise par la Chambre de surveillance le 19 mars 2024.

c. Dans son rapport du 5 avril 2024, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

Il a relevé que le séquestre d'un immeuble en propriété commune s'opérait en application de l'Ordonnance du Tribunal fédéral concernant la saisie et la réalisation de parts de communautés, puisque les onze ordonnances de séquestre rendues à l'encontre de chacun des héritiers séparément ne portaient que sur leur part respective de liquidation de la succession. Aucun des fors prévus par l'art. 2 n'était réalisé, puisque le débiteur séquestré n'était pas domicilié en Suisse, et la défunte n'avait pas la nationalité suisse ni eu son dernier domicile en Suisse. Le plaignant ne pouvait se prévaloir de l'inapplicabilité de l'OPC alors qu'il avait requis le séquestre à l'encontre de chacun des onze héritiers séparément de façon conjointe et solidaire plutôt que d'initier un seul séquestre à l'encontre de l'hoirie elle-même. Le plaignant n'avait enfin pas établi que l'hoirie de N______ était composée exclusivement des onze héritiers copropriétaires de l'Immeuble.

d. Dans ses observations du 10 avril 2024, B______ a conclu au rejet de la plainte. Il contestait être solidairement responsable, ensemble avec les dix autres personnes prises à partie par le plaignant, d'une dette à son encontre. La procédure ne permettait pas de déterminer l'ensemble des héritiers de N______ ni qu'ils seraient les mêmes personnes que celles qui étaient propriétaires de l'Immeuble. Le plaignant n'avait à aucun moment demandé une jonction des causes.

e. Le greffe de la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du 11 avril 2024 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 L'ordonnance de séquestre est rendue par le juge, qui doit notamment vérifier, au stade de la vraisemblance, que les conditions posées à l'art. 271 LP sont réalisées, que la créance existe, qu'on est en présence d'un cas de séquestre et qu'il existe des biens appartenant au débiteur (art. 271 et 272 LP).

De son côté, l'office des poursuites exécute l'ordonnance de séquestre (art. 275 LP). Ses compétences sont limitées aux mesures proprement dites d'exécution du séquestre, ainsi qu'au contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre. A cet égard, l'office vérifiera que toutes les mentions prescrites par l'art. 274 al. 2 ch. 1 à 4 LP figurent dans l'ordonnance ou encore que la désignation des biens y soit suffisamment précise pour permettre une exécution sans risque de confusion ou d'équivoque. Il lui incombe également de s'assurer que les biens désignés par l'ordonnance de séquestre sont situés dans son ressort (ATF 112 III 115107 III 33 consid. 4; Reiser, in BSK SchKG, 2021, n. 24 ad art. 275 LP). Ce pouvoir d'examen entre par définition dans les attributions d'un organe d'exécution qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire, imprécis ou entaché d'un défaut qui le rend inopérant, ni exécuter un séquestre nul (ATF 142 III 291 consid. 2.1 et les références). L'office des poursuites doit ainsi refuser d'exécuter une ordonnance de séquestre lorsqu'elle désigne des biens qui ne sont pas de son ressort (Stoffel/Chabloz in CR LP (2005), n. 8 ad art. 275 LP). Il est en revanche tenu d'obtempérer à une ordonnance de séquestre régulière en la forme; il n'a pas la compétence d'en examiner le bien-fondé, notamment de vérifier les conditions justifiant l'octroi de la mesure (Reiser, op. cit., n. 11 ad art. 275 LP et arrêts cités).

2.1.2 La réalisation forcée des immeubles est réglée par l'Ordonnance du Tribunal fédéral sur la réalisation forcée des immeubles (ci-après : ORFI; art. 1 al. 1 ORFI). Cette ordonnance ne s'applique toutefois pas à la réalisation des droits de propriété du débiteur sur les immeubles possédés en propriété commune, comme par exemple les immeubles compris dans une succession indivise; à cet égard, l'ordonnance concernant la saisie et la réalisation de parts de communautés est applicable (art. 1 al. 2 ORFI).

La saisie, respectivement le séquestre (art. 275 LP; ATF 118 III 62 consid. 2.c, JdT 1992 II 78), des droits du débiteur dans une succession non partagée, dans une indivision, dans une société en nom collectif, dans une société en commandite ou dans une communauté analogue, ne peut porter que sur le produit lui revenant dans la liquidation de la communauté, lors même que celle-ci ne s'étend qu'à une chose unique (art. 1 de l'Ordonnance du Tribunal fédéral concernant la saisie et la réalisation de parts de communautés (RS 281.41, ci-après : OPC).

L'Office des poursuites compétent pour saisir une part de communauté ou les revenus en provenant, est ainsi l'office du domicile du débiteur, lors même que les biens de la communauté (meubles ou immeubles) sont situés en tout ou en partie dans un autre arrondissement (art. 2 al. 1 OPC). L'office du dernier domicile du défunt est compétent pour saisir une part de communauté dans une succession non partagée ou les revenus en provenant si le débiteur a son domicile à l'étranger. Si le défunt n'a pas eu son dernier domicile en Suisse et que les autorités judiciaires ou administratives suisses sont compétentes pour régler la succession d'un ressortissant suisse en vertu de l'art. 87 LDIP, l'office de chaque arrondissement dans lequel sont situés des biens est compétent (art. 2 al. 2 OPC).

2.1.3 Lorsque le débiteur titulaire d'une part de communauté est domicilié à l'étranger, aucun séquestre n'est possible en Suisse, même si des biens appartenant à la communauté s'y trouvent (ATF 124 III 505 consid. 3b; 118 III 78 consid. 2c = JdT 1992 II 78; arrêts du Tribunal fédéral 5A_435/2014 du 21 octobre 2014 consid. 3.2 et 3.3; 5A_628/2012 du 29 janvier 2013; décision de la Chambre de surveillance DCSO/155/2017 du 16.03.2017 consid. 1.1.2; Ochsner, La poursuite contre le débiteur à l'étranger, in JdT 2014 II 3, p. 31).

2.2 En l'espèce, le Tribunal a, en date du 8 février 2024, ordonné onze séquestres, chacun prononcé à l'encontre d'un des héritiers figurant comme membre de la communauté héréditaire propriétaire de l'Immeuble. L'Office a, le même jour, exécuté ces onze séquestres en requérant l'annotation d'une interdiction d'aliéner au Registre foncier.

Après avoir obtenu du plaignant des renseignements complémentaires concernant l'identité de la défunte, son dernier domicile et sa nationalité, l'Office a décliné sa compétence en application de l'art. 2 OPC, au motif que le débiteur n'était pas domicilié en Suisse, que la défunte n'était pas de nationalité suisse et qu'elle n'avait pas son dernier domicile en Suisse. Ce faisant, il a correctement appliqué les dispositions de l'OPC régissant sa compétence pour saisir, respectivement exécuter le séquestre d'une part de communauté non liquidée.

Le plaignant reproche à l'Office d'avoir décliné sa compétence en se fondant sur cette disposition, qu''il estime inapplicable dans le cas d'espèce au motif que les onze séquestres ordonnés visent en réalité l'intégralité de l'immeuble visé. Il est vrai que les onze parts de communauté ayant fait l'objet des onze séquestres prononcés par le Tribunal correspondent, toutes prises ensemble, à l'intégralité de l'Immeuble appartenant à la communauté héréditaire; il n'en demeure pas moins que chacun des onze séquestres a été prononcé à l'encontre d'un seul héritier et ne porte que sur les droits de celui-ci dans la liquidation de la communauté. L'on ne saurait, dans ces circonstances, suivre le plaignant lorsqu'il reproche à l'Office de n'avoir pas appréhendé les onze séquestres comme une seule mesure visant l'intégralité de l'immeuble visé : ce faisant, le plaignant réclame en réalité à l'Office de transformer les onze séquestres, portant sur les différentes parts de communauté et prononcés contre chacun des héritiers, en une seule mesure de blocage de l'Immeuble dirigée contre la communauté héréditaire. Un telle mesure n'a toutefois pas ordonnée par le Tribunal, de sorte que le plaignant ne saurait en exiger l'exécution.

Le plaignant ne saurait par ailleurs être suivi lorsqu'il soutient que l'Office devrait faire abstraction de l'art. 2 OPC et admettre sa compétence pour exécuter le séquestre, faute de quoi il viderait de tout son sens l'art. 271 al 1. ch. 4 LP permettant le séquestre de biens en Suisse appartenant à un débiteur domicilié à l'étranger, puisque le Tribunal fédéral a, dans ses arrêts cités sous 2.1.3 ci-dessus, confirmé que le séquestre d'une part de communauté d'un débiteur domicilié à l'étranger n'était pas possible en Suisse, même si des biens appartenant à la communauté s'y trouvent.

Les griefs soulevés par le plaignant sont en conséquence infondés. Il se justifie, partant, de rejeter sa plainte, ainsi que ses conclusions tendant à l'exécution du séquestre.

3.  La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 18 mars 2024 par A______ contre la décision rendue le 8 mars 2024 par l'Office des poursuites dans le cadre de l'exécution du séquestre n° 13_____.

Au fond :

La rejette.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs ; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente : La greffière :

 

Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.