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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4156/2022

DCSO/268/2023 du 08.06.2023 ( PLAINT ) , SANS OBJET

Descripteurs : Faillite; inventaire; portée; gardien d'actif; suspension de la faillite et clôture faute d'actif; sort des biens inventoriés; reste du gardien d'actif
Normes : lp.221.al1; lp.225; lp.242.al1+2; lp.230.al1+2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4156/2022-CS DCSO/268/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 8 JUIN 2023

 

Plainte 17 LP (A/4156/2022-CS) formée en date du 5 décembre 2022 par [la commune] A______, élisant domicile en l'étude de Me François Bellanger, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me BELLANGER François

Poncet Turrettini

Rue de Hesse 8

Case postale

1211 Genève 4.

- B______ SA, EN LIQUIDATION

c/o Me PETROZ Pascal

Perréard de Boccard SA

Rue du Mont-Blanc 3

Case postale

1211 Genève 1.

- Office cantonal des faillites.

 

 


EN FAIT

A. a. B______ SA (ci-après également la gérante) était une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève ayant pour but l'exploitation d'établissements publics, notamment dans le domaine de la restauration et du divertissement.

C______ en a été l'administratrice unique avec signature individuelle depuis 2019.

b. La [commune] A______ (ci-après également la A______ ou la bailleresse) est propriétaire de l'immeuble n° 1______ de la commune de D______ [GE], sise chemin 2______ no. ______, sur laquelle sont implantés les Centre sportif et Club de tennis de D______, au sein desquels se trouve le restaurant "E______".

c. Par "contrat de bail à loyer et contrat de gérance libre" (ci-après le contrat de gérance) conclu le 1er décembre 2012, la A______ a remis à B______ SA la gérance du restaurant "E______", portant sur une salle avec terrasse au rez-de-chaussée, une salle à l'étage, une cuisine, un office et des dépôts en sous-sol.

Un inventaire du matériel garnissant les locaux était joint au contrat, dont il était précisé qu'il restait propriété exclusive de la bailleresse. Il comprenait notamment des appareils de cuisines tels que four, micro-ondes, armoires de congélation, friteuses, machines à laver vaisselle et linge, mixeurs.

La bailleresse allègue avoir, à ses frais, entièrement réaménagé la cuisine, ses installations et son mobilier en 2013 et avoir acquis du matériel entre 2012 et 2022 qui s'est ajouté à celui mentionné dans l'inventaire joint au contrat de gérance d'origine.

d. B______ SA a été déclarée en état de faillite par le Tribunal de première instance (ci-après le Tribunal) le 23 juin 2022, décision confirmée par la Cour de justice le 9 septembre 2022, provoquant l'ouverture de la faillite à cette dernière date.

La Cour de justice a ordonné l'établissement d'un inventaire lors de l'octroi de la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement de faillite et la suspension des effets juridiques de l'ouverture de la faillite.

e. Par courrier du 23 septembre 2022, l'Office cantonal des faillites (ci-après l'Office) a désigné la A______ en qualité de gardienne des actifs de la faillie garnissant les locaux de "E______" et énumérés sous numéros M1 à M7 dans un extrait de projet d'inventaire qui était annexé au courrier. L'Office informait la A______ qu'elle pouvait prendre possession des clés des locaux que la gérante lui avait remises. Il précisait que la A______ devait être en tout temps en mesure de lui remettre les actifs inventoriés. Finalement, elle invitait "comme convenu", à faire parvenir à l'Office "une offre de rachat pour l'ensemble du mobilier".

L'extrait de projet d'inventaire de la faillite de B______ SA annexé au courrier énumérait le matériel garnissant les locaux remis en gérance réparti en sept catégories : M1 : mobilier de la terrasse; M2 : mobilier de la salle à manger du rez-de-chaussée; M3 : mobilier, matériel et linge de cuisine; M4 : mobilier, matériel de bar; M5 : mobilier de la salle à manger à l'étage – revendiqué par la F______ SA car remis en leasing; M6 : mobilier et matériel du bureau; M7 : stock de vin dans la cave.

f. Les clés de "E______" ont été remises à la A______ par l'Office le 27 septembre 2022.

g. Par courrier adressé le 5 octobre 2022 à l'Office, la A______ a fait valoir son droit de rétention sur le mobilier garnissant les locaux appartenant à la gérante, pour un arriéré de loyers et fermages impayés de 5'000 fr. correspondant à un mois au moment de la faillite et pour les loyers et fermages des six mois à venir. Elle se plaignait également de l'état des frigos pleins de marchandises avariées en raison de la coupure de la fourniture d'électricité.

h. L'Office a répondu à ce courrier le 11 octobre 2022 que le loyer du mois de septembre 2022 avait été réglé par B______ SA. En outre, elle n'avait constaté aucun dégât ni aucune coupure d'électricité lors de sa dernière visite le 20 septembre 2022. Dès le 23 septembre 2022, la A______ était responsable de l'état des locaux en sa qualité de gardienne d'actifs.

Elle réitérait par ailleurs son invitation à la A______ de formuler une offre de reprise du mobilier de la faillie.

i. La A______ a répondu le 17 octobre 2022 qu'elle n'était pas intéressée par la reprise du lot de vin de la faillie entreposé à la cave. Pour le surplus, elle n'entendait pas articuler une offre de reprise car elle était propriétaire de la majeure partie du mobilier et du matériel mentionné dans le projet d'inventaire. Elle demandait d'ailleurs à l'Office de ne pas inventorier le mobilier dont elle était propriétaire comme appartenant à B______ SA.

Finalement, elle a persisté dans ses allégations concernant le non-paiement du loyer de septembre 2022 et l'état des frigos.

j. L'Office a établi et signé l'inventaire de la faillite le 20 octobre 2022, reprenant les rubriques M1 à M7 précitées. Il précisait que l'intégralité des biens mentionnés sous n° M1 à M7 étaient déclarés insaisissables vu le droit de rétention du bailleur supérieur à la valeur des actifs.

L'inventaire a été soumis le même jour à l'administratrice de la faillie qui l'a contresigné sans formuler de remarques, affirmant qu'il était complet et exact.

k. La procédure de faillite a été suspendue faute d'actif par jugement du Tribunal du 31 octobre 2022.

l. Aucun créancier n'ayant fait l'avance des frais de liquidation, l'Office a requis du juge le 23 novembre 2022 qu'il constate la clôture de la faillite, ce qu'il a fait par jugement du 28 novembre 2022.

m. L'Office a envoyé le 22 novembre 2022 un courrier recommandé au conseil de la A______ dont la teneur était la suivante : "Par jugement du 9 septembre 2022, le tribunal de première instance a prononcé la faillite mentionnée sous rubrique. Cela dit, les biens selon inventaire annexé à la présente ayant été déclarés insaisissables, le failli prendra contact avec [vous] pour en prendre possession" et un autre courrier recommandé directement à la A______ dont la teneur était la suivante : "L'Office vous prie de trouver en pièce jointe copie du courrier adressé à votre avocat. Madame C______ prendra contact avec vous ces prochains jours en vue de récupérer les actifs inventoriés et déclarés insaisissables, se trouvant encore dans les locaux du Restaurant E______".

Il joignait à son courrier l'inventaire de la faillite établi le 20 octobre 2022.

Ces courriers ont été reçus par la A______ et par son conseil le 24 novembre 2022.

n. B______ SA a été radiée d'office du Registre du commerce le ______ 2022 en application de l'art. 159a al. 1 let. b ORC.

B. a. Par acte expédié le 5 décembre 2022 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), la A______ a formé une plainte contre le courrier du 22 novembre 2022 et l'inventaire du 20 octobre 2022 dont elle concluait à la constatation du caractère erroné et à l'annulation.

Elle a en substance reproché à l'Office d'avoir énuméré, dans l'inventaire de son droit de rétention [sic, recte de la faillite de B______ SA], des biens lui appartenant que le courrier du 22 novembre 2022 lui imposait de restituer à la faillie.

b. La plaignante ayant requis à titre préalable que l'effet suspensif soit octroyé à sa plainte, la Chambre de surveillance a assorti la plainte de l'effet suspensif par ordonnance 13 décembre 2022, dans la mesure où la "décision" de l'Office du 22 novembre 2022 emportait restitution à B______ SA des biens mentionnés sous rubriques M1 à M4 de l'inventaire.

c. Dans ses observations du 23 décembre 2022, l'Office a conclu principalement à l'irrecevabilité de la plainte et subsidiairement à son rejet.

c.a En tant qu'elle visait l'inventaire, l'Office invoquait essentiellement que la plainte ne présentait aucun intérêt juridique ou factuel pour la plaignante de sorte qu'elle devait être déclarée irrecevable. Il se fondait sur la nature de l'inventaire qui n'était qu'une mesure purement interne à l'administration de la faillite et n'avait aucune vocation à constater ou trancher des droits de fonds. L'inventaire ne déployait par ailleurs plus aucun effet postérieurement à la clôture de la faillite. Enfin, la plaignante était en possession des clés des locaux et disposait déjà d'un accès exclusif aux biens dont elle revendiquait la propriété.

L'Office estimait en outre ne plus disposer de la compétence pour modifier l'inventaire, n'étant plus saisi de la liquidation de la faillite.

Il contestait également la qualité pour agir de la plaignante pour porter plainte contre l'inventaire car elle était créancière de la faillie.

Finalement, il considérait que la plainte avait été déposée le 5 décembre 2022 tardivement, la plaignante ayant eu connaissance de l'inventaire le 23 septembre 2022.

Sur le fond, l'Office affirmait avoir à raison énuméré dans l'inventaire tous les biens en possession de la plaignante, même s'il leur propriété était contestée, de sorte qu'aucun reproche ne pouvait lui être adressé concernant la confection de cet acte.

c.b Quant au courrier du 22 novembre 2022, l'Office a argumenté en ces termes : "Les arguments de la plaignante n'ont aucune portée dans la mesure où elle a la possession exclusive des biens dont elle se prétend propriétaire. Il est vrai qu'elle a été désignée gardien d'actifs de la société en faillite, et il lui reviendra de restituer, en vertu des principes qui viennent d'être rappelés [ndr : l'Office citait le consid. 6.1.1 de l'arrêt 5A_914/2021 du 3 mars 2022 du Tribunal fédéral – cf. infra consid. 2.1.5], les biens appartenant à la société dont la procédure d'exécution forcée s'est clôturée par défaut d'actifs. On ne voit donc pas la compétence que l'autorité de céans pourrait avoir par rapport à un litige sur la propriété de certains biens opposant, après la clôture de la faillite, un propriétaire à son ancien locataire fermier".

d. Dans des observations du 13 janvier 2023, B______ SA EN LIQUIDATION a conclu au rejet de la plainte.

Elle contestait l'existence d'un inventaire rédigé à la signature du bail énumérant le mobilier et les objets remis par le bailleur. Elle persistait à soutenir qu'une partie du mobilier garnissant les locaux lui appartenait.

e. La Chambre de surveillance a avisé les parties le 17 janvier 2022 que la cause était gardée à juger.

f. La A______ a informé la Chambre de surveillance, par courriers des 17 et 20 mars 2023, que B______ SA avait concrètement revendiqué les biens inventoriés par l'Office et qu'elle s'y était opposée. Elle avait en revanche accepté de restituer à F______ SA les biens que cette dernière revendiquait sur la base d'un contrat de leasing.

Cette information a été communiquée aux parties le 21 mars 2023.

EN DROIT

1. A titre préalable, il convient de préciser que l'inventaire attaqué n'est pas un inventaire des biens soumis au droit de rétention du bailleur au sens de l'art. 283 al. 3 LP – comme semble le soutenir la plaignante – mais un inventaire de la faillite au sens des art. 221 ss LP, dont la portée et les griefs de contestation ne sont pas similaires.

2. 2.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 al. 1 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3).

Par mesure de l'Office au sens de l'art. 17 LP, il faut entendre tout acte d'autorité accompli par l'Office ou par un organe de la poursuite en exécution d'une mission officielle dans une affaire concrète. L'acte de poursuite doit être de nature à créer, modifier ou supprimer une situation du droit de l'exécution forcée dans l'affaire en question. En d'autres termes, il doit s'agir d'un acte matériel qui a pour but la continuation ou l'achèvement de la procédure d'exécution forcée et qui produit des effets externes. Ne constituent en conséquence pas des mesures sujettes à plainte la simple confirmation d'une décision déjà prise, une communication de l'Office sur ses intentions ou un avis (ATF 142 III 643 consid. 3; ATF 129 III 400 consid. 1.1; 128 III 156 consid. 1c; ATF 116 III 91 consid. 1; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 1999, n° 12 et 13 ad art. 17-21 LP, n° 16 ad art. 8 LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 10 ad art. 17 LP).

2.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

2.1.3 La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP – condition de recevabilité devant être examinée d'office (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 140 ad art. 17 LP) – est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite. Les créanciers et les débiteurs ont, de manière générale, le droit de se plaindre de ce que les actes de l'administration de la faillite n'ont pas été accomplis conformément à la loi. En revanche, les tiers à la procédure d'exécution forcée n'ont en principe pas la qualité pour former une plainte, à moins qu'un acte de poursuite ne leur soit directement préjudiciable. Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 139 III 384 consid. 2.1; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3, JdT 2004 II 96; 120 III 42 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_483/2012 du 23 août 2012 consid. 5.3.1).

2.1.4 En portant plainte contre la prise d'inventaire, le failli entend généralement obtenir la libre disposition sur les biens qu'il estime de stricte nécessité. Les créanciers ont quant à eux qualité pour porter plainte contre une décision de l'Office refusant ou omettant d'inventorier un bien; ils ne peuvent, en principe, faire retrancher, par la voie de la plainte, un droit matrimonial inventorié. Pour le surplus, la prise d'inventaire ne déployant pas d'effets juridiques à l'égard des tiers, ceux-ci n'ont pas qualité pour porter plainte contre la prise en compte ou non de biens dans l'inventaire. Ils disposent de l'action en revendication s'ils s'estiment propriétaires ou de l'action en contestation de l'état de collocation, par exemple lorsqu'ils font valoir un droit de gage (ATF 114 III 22 = JdT 1990 II 43; 104 III 24 consid. 1 = JdT 1980 II 30; 54 III 18 consid. 1; Vouilloz, op. cit., n° 14, 21 et 22 ad art. 221 LP).

2.1.5 Dès que l'Office a reçu communication de l'ouverture de la faillite, il procède à l'inventaire des biens du failli (art. 221 al. 1 LP).

Tous les éléments du patrimoine du failli sis en Suisse sont portés à l'inventaire. Il s'agit, d'une part, des biens en possession du failli (appartenant ou non à la masse) et, d'autre part, des valeurs patrimoniales qui ne sont pas en sa possession, mais dont ce dernier déclare être propriétaire, ainsi que des valeurs appartenant vraisemblablement au failli. Sont aussi portés à l'inventaire les objets mobiliers qui ne sont pas en possession du failli, mais dont il déclare être propriétaire, ainsi que ceux appartenant probablement au failli. Les droits de gage (nantissement, droit de rétention, hypothèque mobilière) et les pactes de réserve de propriété, grevant les valeurs mobilières du failli, sont aussi portés à l'inventaire. Sont de même portés à l'inventaire les objets indiqués comme étant la propriété de tiers ou réclamés par des tiers (art. 225 LP). L'inventaire mentionne ces revendications dans un chapitre spécial (art. 34 al. 1 OAOF). L'inventaire dans la faillite ne détermine pas l'appartenance d'un élément du patrimoine à la masse en faillite, ni n'entraîne le dessaisissement du failli, mais donne une vision d'ensemble sur le patrimoine du failli et tend à assurer sa conservation (Vouilloz, Commentaire romand, Poursuite pour dettes et faillite, 2005, n° 3, 4 et 10 ad art. 221 LP). Il s'agit d'une mesure interne de l'administration de la faillite, qui n'a aucun effet sur la situation juridique des tiers. Elle n'a d'autre but et d'autre conséquence que d'énumérer et d'établir les biens et les droits que la masse considère comme appartenant au failli, y compris les droits litigieux ou contestés (ATF 114 III 21 consid. 5b = JdT 1990 II 43; 90 III 18 consid. 1; arrêts du Tribunal fédéral 5A_53/2013 du 17 mai 2013 consid. 4.2 et 5A_517/2012 du 24 août 2012 consid. 4.1.2).

Dans la mesure où la faillite fait l'objet d'une liquidation, l'administration rend une décision sur la restitution des objets qui sont revendiqués par un tiers (art. 242 al. 1 LP). Elle impartit à celui dont elle conteste le droit un délai de 20 jours pour intenter son action au for de la faillite; passé ce délai, la revendication du tiers est périmée (art. 242 al. 2 LP). Les litiges relatifs à l'existence ou au montant d'un droit supposé tombé dans le patrimoine du failli ne relèvent donc pas de la compétence de l'Office – ni de celle de l'autorité de surveillance saisie d'une plainte – mais de celle du juge civil (décision de la Chambre de surveillance DCSO/127/2018 du 1er mars 2018 consid. 1.3.2).

2.1.6 Lorsqu'il est probable que la masse ne suffira pas à couvrir les frais de liquidation sommaire de la faillite, le juge qui a ordonné la faillite prononce la suspension de celle-ci (art. 230 al. 1 LP). Si, dans les dix jours suivant la publication de la suspension, les créanciers ne requièrent pas la liquidation et ne fournissent pas les sûretés exigées pour les frais qui ne seront pas couverts par la masse, la faillite est clôturée ipso facto (art. 230 al. 2 LP). Comme la faillite est close sans qu'il y ait eu liquidation, la société ne peut pas être radiée immédiatement. Le préposé au registre du commerce procède d'office à la radiation de la société si, dans les deux ans suivant la publication de l'inscription de la suspension faute d'actif, aucune opposition motivée n'a été présentée ou lorsque la procédure de faillite est close par décision du tribunal (art. 159a al. 5 let. a et b ORC). Dès la clôture de la faillite suspendue pour défaut d'actif, les créanciers n'ont plus droit à disposer du patrimoine encore existant du failli et les pouvoirs d'administration et de réalisation de l'Office s'éteignent, alors que les limitations du pouvoir de disposer du débiteur cessent. L'Office est toutefois autorisé à répartir entre ceux qui ont requis la faillite les actifs disponibles, en faisant appel aux principes applicables par analogie en cas de découverte de nouveaux biens après la suspension des opérations. Quant aux autres actifs inventoriés, ils retombent dans le pouvoir de disposition de l'ex-faillie, représentée par ses organes, ipso facto, dès l'échéance du délai (non utilisé) de l'art. 230 al. 2 LP, sous réserve des valeurs grevées d'un droit de gage (cf. art. 230a al. 2 LP). Tant que la personne morale reste inscrite, ses droits patrimoniaux inventoriés ne sont plus affectés au désintéressement des intervenants qui auraient été colloqués si la procédure de faillite avait suivi son cours (arrêt du Tribunal fédéral 5A_914/2021 du 3 mars 2022 consid. 6.1.1).

2.2 En l'occurrence, la plainte respecte les exigences de forme et de délai prévues par la loi. Elle est donc, à cet égard et a priori, recevable.

L'Office soutient certes que la plaignante ayant eu informellement connaissance d'une partie de l'inventaire le 23 septembre 2022, le délai de plainte contre cet acte aurait couru dès ce moment pour elle. Le document communiqué par l'Office le 23 septembre 2022 ne peut être considéré comme une mesure au sens de l'art. 17 LP, ouvrant le délai de plainte de dix jours, dès lors qu'il ne s'agit pas d'un inventaire achevé et notifié en tant que tel, mais uniquement d'un projet partiel qu'il faut assimiler à la simple communication d'une liste utile à déterminer rapidement la portée du gardiennage d'actifs, dès l'ouverture de la faillite. Ce n'est que le 20 octobre 2022 qu'un inventaire en bonne et due forme a été émis, signé par l'Office et par la faillie. La plainte est par conséquent également recevable à cet égard.

2.3 La plaignante attaque en premier lieu l'inventaire établi par l'Office qui n'aurait pas été établi conformément à la loi en mentionnant des biens lui appartenant.

L'Office conclut essentiellement à l'irrecevabilité de la plainte qui émanerait d'une personne n'ayant pas la qualité pour agir et qui ne présenterait aucun intérêt digne de protection pour la plaignante.

En l'occurrence, ce n'est pas en tant que créancière – ce qu'elle est également, mais ne s'en prévaut pas dans ses griefs –, mais en tant que tiers prétendu propriétaire des biens inventoriés dans la faillite qu'elle se plaint. Elle n'a par conséquent pas qualité pour attaquer l'inventaire en tant que "tiers" prétendu propriétaire des biens y figurant (cf. supra 2.1.4).

Par ailleurs, l'inventaire litigieux n'a pas la nature ni les effets que lui attribue la plaignante. Il n'établit pas les droits respectifs de B______ SA et de la plaignante sur les biens qui y sont énumérés, puisque l'Office est tenu de mentionner dans l'inventaire tous les biens en possession de la faillie. Le fait qu'ils soient revendiqués par un tiers aurait été mentionné à l'inventaire, en application de l'art. 225 LP, et le processus prévu par l'art. 242 LP aurait été enclenché par l'Office, si la liquidation s'était poursuivie. Cet inventaire a, de surcroît, cessé de déployer ses effets avec la suspension puis la clôture de la faillite. Contrairement à ce que prétend la plaignante, B______ SA ne peut donc s'en prévaloir pour asseoir ses prétendus droits de propriété et se voir remettre les objets qui y sont mentionnés. Dans cette mesure, la plainte n'a pas d'intérêt pour son auteur et doit être déclarée irrecevable pour ce motif également.

En tout état, la plainte aurait été rejetée sur le fond en tant qu'elle vise l'inventaire, l'Office ayant correctement établi ce dernier en y inscrivant tous les actifs en possession de la faillie, y compris ceux appartenant à des tiers, en application de l'art. 225 LP.

2.4 En second lieu, la plaignante attaque la "décision" de l'Office du 22 novembre 2022 qui l'enjoint à restituer les biens figurant dans l'inventaire à B______ SA.

L'Office soutient pour sa part, dans ses observations, que la plaignante n'aurait aucun intérêt à attaquer le courrier du 22 novembre 2022 car elle a repris la maîtrise des locaux et de leur contenu et que la mesure de gardiennage d'actifs a été levée. L'Office admet toutefois également que la plaignante devrait restituer les biens inventoriés, en vertu des principes prévalant en cas de clôture de la faillite sans liquidation faute d'actif. Finalement, l'Office affirme que si un litige existe sur la propriété de ces biens, il doit être réglé selon les normes de droit civil, ce que ni l'Office, ni l'autorité de surveillance n'ont la compétence de faire.

Cette position de l'Office interpelle. Soit le courrier du 22 novembre 2022 signifie que la plaignante reprend la maîtrise des biens situés dans les locaux de "E______" et elle est libre d'en disposer, ce qui rend en effet la plainte sans objet. Soit il signifie que la plaignante est tenue, en tant que gardienne d'actif libérée de sa charge, de restituer les objets inventoriés à la faillie, auquel cas le litige conserve tout son objet contrairement à ce que soutient l'Office.

Par ailleurs, l'Office prétend que la plaignante devrait restituer les objets inventoriés selon les principes posés par la jurisprudence susmentionnée (supra consid. 2.1.6) en sa qualité d'ancienne gardienne d'actif, au motif que lui-même ne serait plus en charge de l'administration de la faillite depuis sa clôture. Cette opinion est insoutenable. Il appartenait à l'Office et non à la plaignante – qui n'était que l'auxiliaire de l'Office en sa qualité de gardienne d'actif – de procéder à la restitution des biens inventoriés libérés par la suspension de la faillite et il aurait dû le faire de manière plus explicite que par le courrier du 22 novembre 2022, avant de requérir la clôture la faillite.

Cela étant, il est correct que ni l'Office, ni la Chambre de céans n'ont la compétence de trancher un litige entre la plaignante et B______ SA sur la propriété des biens inventoriés, le juge civil étant seul habilité à le faire.

En définitive, la Chambre de céans retient des explications de l'Office que le courrier litigieux du 22 novembre 2022 constate la libération de la plaignante de sa charge de gardienne d'actifs – ce qu'il ne dit pas, mais n'est contesté par personne. Le litige entre la plaignante et B______ SA sur la propriété de ces actifs ne pouvant être tranché que par le juge civil, le courrier litigieux ne règle pas cette question et n'impose donc aucune restitution à B______ SA, la plaignante pouvant conserver la maîtrise de facto de ces actifs jusqu'à l'issue du litige sur leur propriété – contrairement à ce que la teneur du courrier du 22 novembre 2022 pourrait laisser penser.

Dans la mesure où le courrier du 22 novembre 2022 de l'Office n'impose aucune obligation à la plaignante et ne confère aucun droit à B______ SA, il n'a pas la nature de mesure au sens de l'art. 17 LP et la plainte est par conséquent sans objet.

2.5 La question se pose finalement de l'intérêt d'une plainte qui tend à régler un litige entre la plaignante et une entité qui a cessé d'exister. Elle peut rester ouverte dans la mesure où la plainte est irrecevable ou sans objet pour les motifs qui précèdent.

2.6 En conclusion, la plainte sera déclarée sans objet dans la mesure de sa recevabilité.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Déclare la plainte sans objet dans la mesure de sa recevabilité.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Monsieur Luca MINOTTI et
Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.