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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4085/2017

DCSO/127/2018 du 01.03.2018 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : Inventaire; cession des droits de la masse; intérêt pour agir
Normes : LP.221; LP.260; CC.2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4085/2017-CS DCSO/127/18

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 1ER MARS 2018

Plainte 17 LP (A/4085/2017-CS) formée en date du 9 octobre 2017 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Cyril AELLEN, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 2 mars 2018
à :

- A______
c/o Me Cyril AELLEN, avocat
ARC Avocats
Rue du Rhône 61
Case postale 3558
1211 Genève 3.

- Faillite de B______ SA, en liquidation
c/o Office des faillites, faillite n° 1______.

 

 


EN FAIT

A.           a. B______ SA, en liquidation, est une société inscrite au Registre du commerce de Genève, dont le but est l'achat de fonds de commerce et la gestion de restaurants.

C______ est administrateur président de la société, avec signature individuelle, et D______ est directeur, avec signature collective à deux. E______ dispose quant à elle d'une procuration individuelle.

b. F______ SA (ci-après : F______) est une société inscrite au Registre du commerce de Genève, dont le but est l'achat, la vente, la possession, l'exploitation et la construction d'immeubles.

A______ est un des administrateurs de la société, avec signature collective à deux.

c. Par contrat de bail du 6 août 1996, complété par cinq avenants, F______, bailleresse et propriétaire de l'immeuble, a remis en location à D______ et B______ SA, locataires, des locaux commerciaux destinés à l'exploitation d'un restaurant, d'une part, et d'un bar, d'autre part.

d. Par avis officiel du 17 décembre 2012, F______ a résilié ce contrat de bail pour le 31 décembre 2015, au motif qu'elle souhaitait entreprendre des travaux d'importance, incompatibles avec la présence des locataires, consistant à réunir les locaux loués en une seule surface commerciale.

Ce congé a été annulé par jugement du Tribunal des baux et loyers du 26 août 2015, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 31 octobre 2016.

Par arrêt du 4 mai 2017, statuant sur le recours formé par F______, le Tribunal fédéral a retenu que le congé ordinaire du 17 décembre 2012 avait été notifié valablement. Par conséquent, il a admis le recours, annulé l'arrêt du
31 octobre 2016 et renvoyé la cause à la Cour pour qu'elle statue sur la prolongation du bail.

e. Par avis officiel du 17 octobre 2016, F______ a résilié le bail pour le 30 novembre 2016, au motif de la demeure des locataires (art. 257d CO).

Par jugement du 26 janvier 2017, le Tribunal des baux et loyers, statuant sur la requête en protection de cas clair formée par F______, a condamné B______ SA et D______ à évacuer les locaux loués et autorisé la bailleresse à requérir l'évacuation des locataires par la force publique dès l'entrée en force du jugement.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de justice du 2 août 2017.

Dans le cadre de cette procédure, B______ SA a soutenu qu'elle détenait une créance de plus de 900'000 fr. à l'encontre de F______, en réparation du dommage que celle-ci lui avait causé en empêchant les locataires de remettre les locaux à un dénommé G______, sans aucun motif valable, alors même que ce dernier s'était proposé de racheter le fonds de commerce pour 900'000 fr. En plus de cette somme, B______ SA subissait un dommage supplémentaire, non chiffré à ce stade, se composant, d'une part, des frais et honoraires d'avocats qu'elle avait dû supporter en raison des procédures injustifiées intentées à son encontre par la bailleresse, et, d'autre part, de la perte d'exploitation liée à l'impossibilité d'utiliser pleinement sa terrasse pendant l'été 2016 en raison des nuisances dues aux travaux de la toiture.

f. Le Tribunal de première instance a prononcé la faillite de B______ SA par jugement du 1er décembre 2016.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de justice du 10 mars 2017 et le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par B______ SA, en liquidation, par arrêt du 5 juillet 2017.

Dans son arrêt du 10 mars 2017, le Cour a notamment relevé que B______ SA et D______ avaient régulièrement payé leur loyer avec retard dès 2010, en dépit des sommations de F______. Celle-ci avait requis la faillite de la société, sans poursuite préalable, à trois reprises, les 6 février 2014, 14 mars 2014 et 27 octobre 2016. Dans le cadre de la procédure en contestation du congé notifié le 17 décembre 2012, G______ avait été entendu comme témoin par le Tribunal des baux et loyers : il avait précisé s'être intéressé au projet immobilier de F______ (réunion des locaux loués) en tant qu'investisseur potentiel; il avait pris contact avec D______, auquel il avait convenu de verser 900'000 fr., sous réserve que le bail conclu par ce dernier continue jusqu'en 2020-2021, qu'un arrangement puisse intervenir avec la bailleresse sur son projet de réunion et moyennant un loyer qui tiendrait compte de la reprise; il savait que B______ SA rencontrait des difficultés financières et il était uniquement intéressé par l'emplacement de l'immeuble, à l'exclusion de toute reprise de clientèle.

g. Sur requête de F______, l'Office des faillites (ci-après : l'Office) a porté à l'inventaire de B______ SA, en liquidation, une créance à l'encontre des administrateurs de la société, soit C______, D______ et E______.

h. Par courrier recommandé du 4 septembre 2017, rédigé sur papier-entête de son étude d'avocats, C______ s'est adressé en ces termes à l'Office :

"Je fais suite à votre correspondance du 10 août 2017 par laquelle vous m'informez avoir inventorié contre moi-même une prétention en paiement correspondant au découvert prévisible de la faillite de la société B______ SA, et ce à la demande du propriétaire bailleur, soit la [F______].

Vous voudrez bien prendre note que je conteste fermement être responsable du dommage causé à la société, à ses actionnaires, et/ou à ses créanciers en relation avec mon mandat d'administrateur.

C'est au contraire la [F______] qui est responsable de la situation financière dans laquelle s'est trouvée la société B______ SA, dans la mesure où celle-ci a résilié les baux et a entrepris moult démarches pour empêcher la société B______ SA de remettre son fonds de commerce pour lequel elle avait pourtant des acquéreurs, fonds de commerce qu'elle avait payé il y a une vingtaine d'années à hauteur du montant de 680'000 fr.

En conséquence, je vous invite à bien vouloir inventorier une prétention en paiement contre la [F______] et son administrateur, A______, à hauteur du montant de 1'300'000 fr., au titre du dommage en application des articles 62 CO et 97 CO".

i. Par pli recommandé du 19 septembre 2017, l'Office a informé A______ qu'une prétention de 1'300'000 fr. avait été inventoriée contre F______, en sa qualité de propriétaire des locaux loués par B______ SA, "au titre de la réparation du dommage en application des articles 62 et 97 CO", conformément aux indications figurant dans le courrier de C______ du 4 septembre 2017.

Une prétention était également inventoriée contre A______, en sa qualité d'administrateur de la société propriétaire des locaux, pour le même montant et le même titre de créance.

Selon le relevé "Track & Trace" de la Poste, ce pli recommandé a été distribué au guichet postal le 28 septembre 2017.

j. La prétention contre F______ a été portée à l'inventaire sous la rubrique C4 et celle contre A______ sous la rubrique C5.

B.            a. Par acte déposé le 9 octobre 2017 au greffe de la Chambre de surveillance, A______ forme une plainte au sens de l'art. 17 LP contre la décision de l'Office d'inventorier une prétention en paiement à son encontre dans le cadre de la faillite de B______ SA. Il conclut à l'annulation de cette décision et demande qu'il soit fait interdiction à l'Office d'inventorier une quelconque prétention à son encontre.

Il fait valoir que la créance invoquée à son égard est manifestement inexistante et infondée, ce que l'Office aurait dû constater d'office, et qu'il "subit directement un dommage en raison de l'atteinte réputationnelle causée par cette inscription". A titre subsidiaire, il soutient que la requête de C______ relève d'un abus de droit manifeste (art. 2 CC), auquel l'Office ne saurait prêter son concours.

b. Dans ses observations du 27 octobre 2017, l'Office s'en rapporte à justice sur la recevabilité de la plainte. Sur le fond, il conclut à son rejet, au motif qu'il ne lui appartient pas d'examiner le fondement des créances portées à l'inventaire et qu'il se doit également d'inventorier les prétentions litigieuses. En outre, l'argumentation développée par C______ dans son courrier du
4 septembre 2017 rendait vraisemblable l'existence d'une potentielle créance envers la bailleresse et/ou son administrateur, puisque B______ SA n'avait pas été en mesure de remettre son fonds de commerce, du fait de la résiliation du bail, alors que ce fonds de commerce lui avait coûté 680'000 fr. il y a une vingtaine d'années.

c. Par avis du 31 octobre 2017, les parties ont été informées que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. 1.1 La plainte, écrite, motivée et comportant des conclusions (art. 9 al. 1 et 2 LaLP, 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), est dirigée contre un acte de l'Office – la décision de porter une prétention à l'inventaire – ne pouvant être contesté par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP) et a été déposée auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al.1 et 3 LaLP; 17 al. 1 LP) dans le délai utile de dix jours (art. 17 al. 2 LP) après que le plaignant en ait eu connaissance.

Reste à examiner si le plaignant a la qualité pour porter plainte, condition de recevabilité que la Chambre de surveillance doit examiner d'office (Cometta/Möckli, BaK SchKG I, 2ème éd., 2010, n. 39 ad art. 17 LP; Erard, CR LP, 2005, n. 22 ad art. 17 LP).

1.2 A qualité pour former une plainte au sens de l'art. 17 LP toute personne touchée dans ses intérêts juridiquement protégés ou à tout le moins dans ses intérêts de fait par une mesure ou une omission de l'Office, et qui dispose d'un intérêt digne de protection à ce que cette mesure ou omission soit annulée ou modifiée (ATF 129 III 595 cons. 3; 120 III 42 cons. 3; Cometta/Möckli, op. cit., n. 40 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, KuKo SchKG, 2ème éd., 2014, n. 9 ad art. 17 LP). Tel sera en principe toujours le cas du débiteur faisant l'objet de la procédure d'exécution forcée ainsi que du ou des créanciers dont les prétentions sont invoquées dans cette procédure (Erard, op. cit., n. 25 et 26 ad art. 17 LP; Cometta/Möckli, op. cit., n. 41 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, op. cit., n. 11 et 12 ad art. 17 LP). En ce qui concerne les autres personnes, l'existence d'un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la mesure contestée dépend de l'existence d'un préjudice porté de manière immédiate et directe à leur situation personnelle (Gilliéron, Commentaire LP, n. 154 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, op. cit., n. 15 ad art. 17 LP).

Un tel intérêt digne de protection a ainsi été reconnu au tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi ou séquestré (ATF 113 III 139 cons. 3), à l'enchérisseur contestant la validité d'une adjudication (ATF 118 III 52) ou encore à l'époux contestant la saisie de salaire de son épouse, avec laquelle il fait ménage commun (ATF 116 III 75 cons. 1a). Il a en revanche été dénié au tiers revendiquant contestant l'estimation des objets saisis par l'Office (ATF 112 III 75 cons. 1), à l'actionnaire d'une société anonyme tombée en faillite (ATF 88 III 28) et au tiers débiteur d'une prétention inventoriée contre sa cession en application des art. 260 ou 131 al. 1 LP (arrêt du Tribunal fédéral 7B.153/2003 du 17 juillet 2003 cons. 3.1), à moins qu'il ne soit en même temps créancier dans la faillite (ATF 119 III 81).

1.3.1 L'art. 221 LP prescrit à l'Office, dès qu'il a reçu communication de l'ouverture de la faillite, de procéder à l'inventaire des biens du failli. L'Office se fondera, notamment, sur les livres comptables et les papiers d'affaires qu'il a pris sous sa garde (art. 223 al. 2 LP), l'interrogatoire du failli (art. 37 let. a OAOF), les envois postaux adressés au failli ou expédiés par lui (art. 38 OAOF), ainsi que les allégations des créanciers, sans égard à l'opinion qu'il peut avoir sur l'appartenance du droit patrimonial à la masse active (GILLIERON, op. cit., n. 11 ss ad art. 221 LP et n. 9 ad art. 242 LP).

L'inventaire a pour but de donner une vision d'ensemble sur le patrimoine du failli et d'en assurer la conservation (Vouilloz, CR LP, op. cit., n. 3 ad art. 221 LP). L'Office doit porter à l'inventaire l'ensemble des éléments de ce patrimoine, quelle que soit leur nature et leur lieu de situation, et que leur appartenance au failli soit contestée ou non. Il en va notamment ainsi des créances du failli, que celles-ci soient ou non contestées, exigibles ou liquides (Lustenberger, BaK SchKG II, 2010, n. 21 ad art. 221 LP). Les litiges relatifs à l'existence ou au montant d'un droit supposé tombé dans le patrimoine du failli ne relèvent pas de la compétence de l'Office – ni de celle de l'autorité de surveillance – mais de celle du juge civil (Lustenberger, op. cit., n. 21a ad art. 221 LP).

L'établissement de l'inventaire est une mesure interne de l'administration de la faillite, qui n'a aucun effet sur la situation juridique des tiers (ATF 114 III 21 cons. 5b; 90 III 18 cons. 1). En particulier, le fait de porter à l'inventaire un actif ne faisant pas déjà partie de la masse n'a pour effet ni de le soumettre à la mainmise de l'administration de la faillite ni de trancher la question de son appartenance à la masse (LUSTENBERGER, op. cit., n. 14 ad art. 221 LP; VOUILLOZ, op. cit., n. 14 et 15 ad art. 221 LP). Il en découle que les tiers n'ont en principe pas qualité pour porter plainte contre l'inscription d'un actif à l'inventaire (arrêt du Tribunal fédéral 5A_352/2008 du 13 novembre 2008, cons. 2.3.3; DCSCO/255/2015 du 20 août 2015, consid. 1.3 et 1.4).

1.3.2 Une fois inventoriée, il revient à la masse de décider de faire valoir la prétention ou au contraire d'y renoncer. En cas de renonciation, les créanciers qui le demanderont obtiendront qu'il leur soit fait cession de la prétention de façon à pouvoir poursuivre la réalisation du droit litigieux en lieu et place de la masse
(art. 260 al. 1 LP; ATF 104 III 23 consid. 2, JdT 1980 II 30).

Peuvent faire l'objet d'une cession au sens de l'art. 260 LP, tous les droits appartenant au failli à l'ouverture de la faillite ou qui lui échoient plus tard mais avant la clôture de la faillite ou encore dont la masse est elle-même titulaire, à la condition que ces droits soient litigieux ou douteux et susceptibles d'aboutir à un accroissement du patrimoine de la masse ainsi qu'à une réalisation (TSCHUMY, Quelques réflexions à propos de la cession des droits de la masse au sens de l'art. 260 LP, JdT 1999 II 34 ss, 36).

La seule hypothèse reconnue par la jurisprudence permettant à l'Office de refuser d'inventorier un droit est l'incessibilité manifeste, absolument patente, dudit droit (ATF 81 III 122-123, JdT 1956 II 25; ATF 58 III 113, JdT 1933 II 11; ROMY, CR LP, op. cit., n. 4 ad art. 197 LP).

1.4.1 Dans le cas d'espèce, il ressort du dossier que la société faillie a accumulé du retard dans le paiement de son loyer, ce qui a entraîné la résiliation du bail et, par extension, le prononcé de la faillite. Il est donc vraisemblable que F______, bailleresse et propriétaire des locaux loués, ait la qualité de créancière dans la faillite de B______ SA. En revanche, il ne résulte pas du dossier que tel serait également le cas du plaignant. L'existence d'un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée doit donc être examinée au regard de sa qualité de tiers débiteur d'une prétention portée à l'inventaire.

A cet égard, il résulte des principes rappelés ci-dessus que le fait d'inventorier une créance à l'égard du plaignant n'a aucune conséquence sur sa situation juridique. Il n'en découle en particulier ni création d'une obligation auparavant inexistante, ni reconnaissance du bien-fondé de la prétention inventoriée, ni constatation de son montant, ces points relevant de la compétence exclusive du juge civil.

Le plaignant fait valoir que la mesure attaquée lui cause un dommage sous la forme d'une atteinte à sa réputation. Il invoque toutefois ce préjudice de manière abstraite, en l'absence de toute allégation concrète sur la réputation dont il jouirait effectivement et la manière dont celle-ci serait défavorablement influencée par l'inscription litigieuse. Au surplus, même à supposer que le fait d'inventorier une créance à son encontre puisse causer un dommage réputationnel au plaignant, cela ne signifie pas encore qu'il dispose d'un intérêt digne de protection à contester la décision de l'Office. L'ordre juridique admet en effet que des prétentions dont l'existence est contestée et non établie judiciairement fassent l'objet de démarches entraînant une certaine publicité, telles que l'introduction d'une requête de conciliation, le dépôt d'une demande en justice ou la notification d'un commandement de payer. Or, sous réserve de l'abus de droit, l'atteinte que ces démarches pourraient causer à la réputation du prétendu débiteur ne lui confère pas un intérêt digne de protection à obtenir leur annulation.

1.4.2 Il reste donc à examiner si l'inscription querellée consacre un abus de droit prohibé par l'art. 2 CC, respectivement si la prétention inventoriée à l'encontre du plaignant peut faire l'objet d'une cession ou si elle est, au contraire, manifestement incessible.

En l'occurrence, il ressort des procédures ayant opposé B______ SA à
F______ que, suite au congé notifié le 17 décembre 2012, la première a fait valoir des prétentions financières à l'encontre de la seconde, à qui elle reproche de l'avoir empêchée de remettre son fonds de commerce pour le prix de 900'000 fr. et de lui avoir causé un dommage additionnel de 400'000 fr., correspondant aux honoraires d'avocat qu'elle a dû assumer suite aux procédures intentées à son encontre par la bailleresse, ainsi qu'à la perte sur chiffres d'affaire qu'elle a subie en raison des nuisances induites par les travaux effectués en toiture.

Il suit de là que les prétentions émises par B______ SA – et reprises par l'administrateur de la faillie dans son courrier du 4 septembre 2017 – se fondent exclusivement sur les rapports de bail ayant lié la faillie et F______ et la supposée violation par cette dernière de ses obligations contractuelles.

Par ailleurs, il ressort clairement du dossier que le plaignant n'est pas partie au contrat de bail concerné et qu'il n'est pas en mesure d'engager seul F______, faute de disposer de la signature individuelle. Le troisième paragraphe du courrier susmentionné, qui résume les doléances formulées par B______ SA, se réfère d'ailleurs uniquement à F______ et ne mentionne aucunement le plaignant.

La Chambre de céans relève que la prétention inventoriée contre la bailleresse paraît peu étayée, à la lumière notamment du témoignage de G______, lequel a déclaré que son intérêt portait uniquement sur l'emplacement des locaux loués, à l'exclusion de la clientèle des locataires (ce qui laisse à penser que la "reprise" évoquée pourrait être une opération de pas-de-porte), et que le rachat du fonds de commerce était soumis à diverses conditions, impliquant notamment la modification de la chose louée (réunion des locaux du bar et du restaurant). De surcroît, le congé notifié le 17 décembre 2012 a été validé par le Tribunal fédéral, tandis que l'évacuation des locataires a été prononcée suite au congé notifié en octobre 2016 pour défaut de paiement du loyer.

Or, si c'est à bon droit que l'Office a inventorié la prétention (contestée) émise à l'encontre de F______, dont il est avéré qu'elle était la co-contractante de B______ SA, force est de constater que la situation diffère notablement en ce qui concerne le plaignant. En effet, on ne voit tout simplement pas quel pourrait être le fondement de la prétention invoquée à l'encontre de l'intéressé, qui n'a jamais été partie au bail concerné (ce qui exclut la responsabilité contractuelle de l'art. 97 CO) et dont il n'a jamais été allégué qu'il aurait perçu un avantage pécuniaire – à titre strictement personnel – de la part de la faillie (ce qui exclut l'application de l'art. 62 CO). A cela s'ajoute que l'administrateur de la faillie a demandé à ce que le plaignant soit personnellement inscrit à l'inventaire, solidairement avec F______, immédiatement après avoir appris que lui-même y figurait à la requête expresse de la bailleresse. Il apparaît donc que cette démarche a été effectuée dans une logique de représailles et sans poursuivre le moindre but en rapport avec la procédure d'exécution forcée.

Ces deux éléments permettent à la Chambre de surveillance de considérer, dans la mesure de son pouvoir de cognition, que la prétention inventoriée contre le plaignant ne constitue pas – de manière claire et évidente – un actif de la masse en faillite de B______ SA susceptible d'être cédé.

1.4.3 Au vu des circonstances particulières du cas d'espèce, la Chambre de céans reconnaîtra au plaignant un intérêt digne de protection à obtenir l'annulation de la mesure querellée.

La plainte sera donc admise et l'Office invité à supprimer de l'inventaire la prétention inscrite à l'encontre du plaignant, sous la rubrique C5.

En revanche, il ne sera pas entré en matière sur la plainte en tant qu'elle vise, de manière toute générale, à faire interdiction à l'Office "d'inventorier une quelconque créance à l'encontre du plaignant". En effet, la voie de la plainte n'est pas destinée à faire trancher des questions en dehors d'un cas concret.

2. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 9 octobre 2017 par A______ contre la décision du 19 septembre 2017 rendue par l'Office des faillites dans le cadre de la faillite de B______ SA, en liquidation.

Au fond :

L'admet.

Invite l'Office des faillites à supprimer de l'inventaire la prétention inscrite à l'encontre de A______, sous la rubrique C5.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Marilyn NAHMANI et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 


Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.