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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3798/2022

DCSO/59/2023 du 16.02.2023 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : oelp.18; lp.68
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3798/2022-CS DCSO/59/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 16 FEVRIER 2023

 

Plainte 17 LP (A/3798/2022-CS) formée en date du 11 novembre 2022 par CONFEDERATION SUISSE, ADMINISTRATION FEDERALE DES FINANCES, en personne.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- CONFEDERATION SUISSE, ADMINISTRATION FEDERALE DES FINANCES

Office central d'encaissement

Attn: A______

Monbijoustrasse 118

3003 Bern.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Le 28 octobre 2022, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a établi et adressé à la Confédération suisse, soit pour elle à l'ADMINISTRATION FEDERALE DES FINANCES (AFF), trois factures de frais relatives à des frais de poursuite engagés dans diverses poursuites engagées à la demande de cette dernière.

L'AFF a reçu ces trois factures le 2 novembre 2022.

b. La première facture, n° 1______, concerne divers frais, pour un total de 117 fr. 85, relatifs à des opérations exécutées par l'Office dans la poursuite n° 2______ engagée en 2019 par l'AFF contre B______. Cette poursuite s'est arrêtée au stade du commandement de payer, notifié le 18 novembre 2019.

c. La deuxième facture, n° 3______, porte sur un montant de 13 fr. 30 représentant l'émolument et les débours relatifs à une décision de l'Office du 16 juin 2020 de rejeter une réquisition de continuer la poursuite formée par l'AFF dans le cadre de la poursuite n° 4______ qu'elle avait engagée à l'encontre de C______. Cette poursuite n'a pas été continuée par la suite.

d. La troisième facture, n° 5______, porte sur un montant de 13 fr. 30 représentant l'émolument et les débours occasionnés par la rédaction et l'envoi à l'AFF, le 19 décembre 2019, d'un courrier l'informant que, dans la poursuite n° 6______ qu'elle avait engagée contre D______, cette dernière avait retiré son opposition au commandement de payer. La continuation de cette poursuite n'a jamais été requise par la suite.

B. a. Par acte adressé le 11 novembre 2022 à la Chambre de surveillance, l'AFF a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre les factures n° 1______, 3______ et 5______, concluant à leur annulation, subsidiairement à ce qu'il soit constaté que l'Office était tenu de facturer ces frais dans un délai "légal".

A l'appui de sa plainte, l'AFF a fait valoir de manière générale que l'envoi par l'Office d'une facture de frais plusieurs années après que ces frais avaient été engagés n'était pas admissible et lui causait un préjudice dans les cas où le débiteur s'acquittait directement en ses mains, sans qu'elle ait eu connaissance des frais à sa charge.

S'agissant plus spécifiquement des trois factures contestées, l'AFF a fait valoir que les frais mentionnés dans la facture n° 1______ lui avaient déjà été facturés le 31 août 2019 et que l'Office en avait tenu compte en établissant, en novembre 2019, un acte de défaut de biens contre le débiteur.

Les frais concernés par la facture n° 5______ (recte: n° 3______) lui avaient déjà été facturés le 17 juin 2020.

Enfin, les frais mentionnés par la facture n° 5______ étaient facturés à tort dès lors que l'art. 18 OELP prévoyait la gratuité des opérations relatives à l'opposition.

b. Dans ses observations du 29 novembre 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Selon lui, aucune disposition légale ne lui impartissait de délai pour facturer au créancier, qui en avait la charge selon l'art. 68 al. 1 LP, les frais de poursuite. Dans le cas d'espèce, ces frais n'étaient pas prescrits.

Les frais mentionnés dans la facture n° 1______ n'avaient pas été facturés à double, les frais concernés par la facture du 31 août 2019 produites par la plaignante concernant une autre poursuite contre le même débiteur. Il en allait de même pour la facture n° 5______. Enfin, l'art. 18 LP ne s'appliquait pas aux opérations liées à un retrait de l'opposition.

c. Par réplique spontanée du 8 décembre 2022, l'AFF a persisté dans ses conclusions. En relation avec la facture n° 1______, elle a fait valoir que la poursuite concernée constituait en réalité un doublon de la poursuite dont les frais lui avaient été facturés le 31 août 2019, ce qui était imputable à l'Office.

d. En l'absence de duplique spontanée de la part de l'Office, la cause a été gardée à juger le 4 janvier 2023.

 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1 Selon l'art. 68 LP, les frais de poursuite sont à la charge du débiteur mais le créancier poursuivant doit en faire l'avance. L'Office peut - mais n'en a pas l'obligation - différer toute obligation dont les frais n'ont pas été avancés. Le créancier peut prélever les frais sur les premiers versements du débiteur.

Il résulte de cette disposition que, par rapport à l'Office, c'est le créancier poursuivant qui est responsable du paiement, au titre d'avance, des frais de poursuite, et non le débiteur (ATF 39 I 508; cf. notamment DCSO/264/2021 du 24 juin 2021 et DCSO/597/2017 du 9 novembre 2017). Selon le résultat de la poursuite, cette avance pourra s'avérer provisoire (lorsque les frais peuvent être prélevés sur les paiements du débiteur ou le produit de la réalisation) ou définitive (lorsque la poursuite ne va pas à son terme ou que le produit de réalisation ne permet pas de couvrir les frais de poursuite).

L'avance des frais de poursuite est due par le créancier même si, dans un premier temps, l'Office renonce à différer l'opération requise jusqu'au versement de l'avance des frais par le créancier poursuivant. Dans une telle hypothèse, et à moins que les frais ne puissent être remboursés par prélèvement sur les paiements effectués par le débiteur ou le produit de la réalisation, l'Office devra en réclamer le paiement au créancier poursuivant, au besoin par une poursuite (ATF 62 III 14). Ni la loi ni la jurisprudence ne fixent de délai pour ce faire.

2.2 En l'occurrence, les factures contestées concernent trois poursuites qui ne sont pas allées à leur terme, et dans lesquelles les frais de poursuite, dont l'Office n'avait pas sollicité l'avance, n'ont pu être remboursés par des versements effectuée en mains de l'Office par le débiteur. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, l'Office devait donc en réclamer le paiement au créancier poursuivant, qui en répond en application de l'art. 68 al. 1 LP.

Contrairement à ce que soutient la plaignante, l'écoulement d'un temps relativement long entre la fin de la poursuite par péremption ou délivrance d'un acte de défaut de biens et la réclamation des frais de poursuite au créancier poursuivant ne libère pas ce dernier – sous réserve d'une éventuelle prescription de la créance de l'Office – de son obligation découlant de l'art. 68 al. 1 LP. Les inconvénients pratiques relevés par la plaignante n'y changent rien, étant souligné qu'ils ne devraient pas conduire à priver le créancier poursuivant du droit de se faire rembourser les frais de poursuite par le débiteur. En effet, lorsque la poursuite se termine par la délivrance d'un acte de défaut de biens, le montant de ce dernier intègre les frais de poursuite d'ores et déjà avancés (ou devant encore être payés à l'Office) par le créancier, qui en obtiendra donc le remboursement en cas de rachat de l'acte de défaut de biens ou dans le cadre d'une poursuite ultérieure. Dans l'hypothèse où créancier poursuivant et débiteur trouvent un accord en exécution duquel celui-ci paie directement en mains du créancier tout ou partie de la créance, c'est à ce dernier de tenir compte d'éventuels frais de poursuite dont l'avance n'aurait pas encore été requise.

Le moyen tiré de l'écoulement du temps entre les opérations facturées (ou la péremption des poursuites concernées) et la réclamation à la plaignante des frais de poursuite est donc mal fondé.

3. La plaignante a soutenu dans sa plainte que les frais de poursuite faisant l'objet de la facture n° 1______ lui avaient déjà été réclamés par facture du 31 août 2019. Comme l'a relevé l'Office dans ses observations, cependant, la facture du 31 août 2019 concerne une poursuite différente contre le même débiteur, et donc d'autres frais.

Dans sa réplique spontanée, la plaignante a toutefois allégué qu'elle n'avait en réalité requis qu'une seule poursuite contre le débiteur concerné, avec pour conséquence que l'Office ne pouvait lui facturer des frais pour deux poursuites.

Dans la mesure où l'Office n'a pas jugé opportun de se déterminer sur cette allégation dans le cadre d'une réplique spontanée, la Chambre de céans a – par souci de célérité et à titre exceptionnel, compte tenu de l'enjeu économique modeste du litige – directement consulté la base de données sur laquelle sont enregistrés les actes de poursuite. Il en ressort que les poursuites n° 2______ (dont les frais font l'objet de la facture contestée n° 1______) et 7______ (dont les frais ont fait l'objet de la facture du 31 août 2019 produite par la plaignante) ont été engagées par l'Office sur la base d'une unique réquisition de poursuite de la plaignante, datée du 21 mai 2019, laquelle a cependant été enregistrée et traitée deux fois par l'Office. Le premier enregistrement, qui a débouché sur la poursuite n° 7______ (et a donc donné lieu à la facture du 31 août 2019), comporte une copie de la réquisition datée du 21 mai 2019, munie d'un tampon attestant de sa réception par l'Office le 24 mai 2019, ainsi que la copie de l'enveloppe l'ayant contenue, qui porte la date du 23 mai 2019. Le second enregistrement, qui a débouché sur la poursuite n° 2______ (et a donc donné lieu à la facture n° 1______ contestée dans la présente procédure), comporte une copie de la réquisition datée du 21 mai 2019, munie d'un tampon attestant de sa réception par l'Office le 12 juillet 2019, mais pas d'une copie de l'enveloppe qui aurait contenu cette réquisition.

Au vu d'une part de l'absence d'explications de l'Office et d'autre part du fait que seul le premier enregistrement comporte une copie de l'enveloppe utilisée par la plaignante pour acheminer sa réquisition, la Chambre de céans retiendra qu'elle n'a pas déposé deux fois la même réquisition mais que c'est l'Office qui, pour une raison indéterminée, l'a traitée à deux reprises à deux mois d'intervalle, conduisant ainsi deux poursuites identiques alors que la plaignante n'en avait requis qu'une.

Il en résulte que l'Office ne saurait facturer à la créancière les frais de poursuite liés à la poursuite n° 2______, ceux-ci étant inutiles et ayant été encourus à tort par sa faute. La plainte sera donc admise sur ce point et la facture n° 1______ annulée.

4. La plaignante a indiqué dans sa plainte que les frais visés par la facture n° 5______ (recte : n° 3______) lui avaient déjà été facturés le 17 juin 2020. Elle a produit à cet égard la copie d'une facture n° 8______ du 17 juin 2020 pour un montant de 13 fr. 30 correspondant à l'émolument et aux débours entraînés par une décision de l'Office du 16 juin 2020 de rejeter la réquisition de continuer la poursuite formée par la plaignante dans la poursuite n° 4______ dirigée contre C______.

Dans ses observations, l'Office, vraisemblablement par confusion entre les factures n° 3______ et 5______, a fait valoir que la seconde ne concernait pas la même poursuite que celle visée par la facture du 17 juin 2020, ce qui est exact mais dénué de pertinence puisque cet aspect de la plainte porte sur la facture n° 3______.

Or la comparaison entre cette facture et celle du 17 juin 2020 (date, numéro de poursuite, identité du débiteur, description de l'activité, montant des frais) démontre qu'il s'agit bien des mêmes frais, facturés à double.

La plainte sera donc également admise en relation avec la facture n° 3______, qui sera annulée.

5. 5.1 L'art. 18 OELP prévoit la gratuité des opérations "relatives à l'opposition" au commandement de payer. Selon la doctrine (Gilliéron, Commentaire, N 12 ad art. 74 LP; Bessenich/Fink, in BSK SchKG I, 3ème édition, 2021, N 29 ad art. 74 LP), ce caractère gratuit est le corollaire indispensable et équitable de la facilité avec laquelle le poursuivant peut, en droit suisse, engager une procédure d'exécution forcée : le poursuivi doit donc pouvoir former opposition sans s'exposer à des frais supplémentaires.

L'art. 18 OELP vise la consignation de la déclaration d'opposition et de son éventuelle motivation sur l'exemplaire du commandement de payer destiné au créancier ainsi que sa consignation sur l'exemplaire destiné au débiteur (Boesch, in Commentaire LP/OELP, 2009, Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse [éd.], N 1 ad art. 18 OELP).

L'art. 18 OELP figurant dans la partie de cette ordonnance consacrée aux émoluments, il ne s'applique pas aux débours au sens de l'art. 13 OELP.

5.2 Dans le cas d'espèce, la plainte est d'emblée mal fondée en tant qu'elle porte sur le montant de 5 fr. 30 facturé au titre de débours, l'art. 18 OELP ne s'appliquant pas à ce type de frais de poursuite.

Elle est également mal fondée en tant qu'elle porte sur le principe de la perception d'un émolument pour la rédaction et l'envoi au créancier poursuivant d'un avis l'informant du retrait de l'opposition par le poursuivi. La ratio legis de l'art. 18 OELP consiste en effet à faciliter et simplifier la possibilité pour le débiteur de former opposition : son utilité disparaît donc avec la formulation et la consignation de l'opposition, par laquelle le débiteur fait obstacle à la poursuite de l'exécution forcée sans qu'il soit procédé à un examen, à tout le moins sommaire, du titre invoqué par le créancier. Aucun motif similaire ne commande en revanche de ne pas facturer les frais provoqués par le retrait a posteriori de l'opposition, un tel acte n'étant pas destiné à protéger les intérêts du débiteur.

La plainte sera donc rejetée en tant qu'elle porte sur la facture n° 5______.

6. 6.1 Il y a retard non justifié, au sens de l'art. 17 al. 3 LP, lorsqu'un organe de l'exécution forcée n'accomplit pas un acte qui lui incombe – d'office ou à la suite d'une requête régulière – dans le délai prévu par la loi ou dans un délai raisonnable compte tenu de l'ensemble des circonstances (Cometta/Möckli, in BAK SchKG I, 2ème édition, 2010, n° 31-32 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, n° 32 ad art. 17 LP; Erard, in CR LP, 2005, n° 55 ad art. 17 LP).

6.2 Dans le cas d'espèce, la facture n° 1______ a été expédiée vingt-trois mois après la péremption de la poursuite n° 2______, la facture n° 3______ trente-six mois après la péremption de la poursuite n° 4______ et la facture n° 5______ vingt-huit mois après la péremption de la poursuite n° 6______. De tels délais – susceptibles d'entraîner des inconvénients pour les créanciers, notamment ceux astreints à la tenue d'une comptabilité en la forme commerciale, impliquant des exercices annuels – ne sont pas conformes à l'obligation de diligence à laquelle est astreint l'Office. Un retard non justifié au sens de l'art. 17 al. 3 LP sera donc constaté.

7. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 11 novembre 2022 par la Confédération suisse, soit pour elle à l'ADMINISTRATION FEDERALE DES FINANCES, contre les factures n° 1______, 3______ et 5______ émises le 28 octobre 2022 par l'Office cantonal des poursuites.

Au fond :

L'admet partiellement.

Annule les factures n° 1______ et 3______.

Constate que l'Office cantonal des poursuites a tardé de manière non justifiée dans l'émission et l'envoi au créancier poursuivant des factures n° 1______, 3______ et 5______.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Luca MINOTTI et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.